LA REFORME DE LA PROTECTION SOCIALE PRISE ENTRE LES CONTRAINTES DE FINANCEMENT ET LA NECESSITE DE LUTTER CONTRE LES INEGALITES
Communiqué de presse SOC/4558 |
Commission du développement social
2ème séance - après-midi
LA REFORME DE LA PROTECTION SOCIALE PRISE ENTRE LES CONTRAINTES
DE FINANCEMENT ET LA NECESSITE DE LUTTER CONTRE LES INEGALITES
La question de la réforme des systèmes de protection sociale a été largement évoquée, cet après-midi, dans le cadre de la table ronde d’experts qu’organisait la Commission du développement social sur le thème de l’amélioration de la protection sociale, thème prioritaire de sa session de fond. Quelques experts ont fait part des processus de réforme en cours dans leur pays, sous la pression de facteurs tels que la mondialisation ou l’évolution des besoins des citoyens. Cependant, cette réforme, ont-ils expliqué, est particulièrement difficile à mettre en oeuvre, les questions les plus délicates étant le financement, la nécessaire légitimation de la réforme ou la nécessité d’harmoniser les systèmes au niveau international dans le cadre de la construction européenne.
Définissant ce qu’il appelle un Etat-providence actif, le Ministre belge des affaires sociales a fait observer que l’Etat-providence traditionnel, dont la fonction était de couvrir les risques classiques tels que le chômage, la maladie, les invalidités et la vieillesse, devait laisser place à un Etat doté de nouveaux moyens d’intervention. Cet Etat-providence actif doit répondre aux nouveaux risques sociaux comme l’absence de qualifications, le chômage de longue durée et la monoparentalité, ainsi qu’au besoin de réconcilier les exigences du travail, de la vie de famille et de la formation. Il doit également prendre en compte les aspirations des citoyens à la mobilité et la flexibilité tout au long de la vie familiale et professionnelle. L’émergence de cet Etat-providence actif ne peut se faire en Belgique qu’en concertation avec les partenaires de l’Union européenne. A cet égard, le Ministre a évoqué les avancées récentes du Sommet de Nice en décembre 2000, en vue de bâtir le modèle social européen.
L’Afrique du Sud, procédant actuellement à la réforme de son système de protection sociale, doit répondre à certaines exigences relatives à la viabilité des options, la légitimité et au coût du processus de réforme.
La question du financement de la protection sociale a également été évoquée, notamment parce que la mondialisation érode la base fiscale des Etats et donc la capacité de financer les services sociaux. Ainsi, en Afrique du Sud, la réforme de la protection sociale doit être envisagée sans augmenter les budgets consacrés à ce secteur, mais plutôt grâce à une utilisation plus efficace des budgets existants. Le rôle du secteur privé dans le financement de la protection sociale est revenu à plusieurs reprises dans le débat. Le Ministre belge des affaires sociales a déclaré que si l’on doit se méfier de l’intrusion du secteur privé dans certains secteurs tels que celui de la santé, sa participation à la gestion des
retraites doit être en revanche accueillie favorablement. En Belgique, il est prévu de démocratiser l'accès des fonds de pension à tous les travailleurs. Cependant, ce sont là des questions qui ne concernent que les travailleurs du secteur formel, ont fait observer plusieurs représentants, soulignant que dans la plupart des pays en développement la majorité des travailleurs se trouve encore dans le secteur informel.
Les experts suivants ont pris la parole, dans le cadre de la table ronde:
M. Dalmer Hoskins, Secrétaire général de l’Association internationale pour la protection sociale (Suisse); M. Ernesto Murro Oberlin, Membre du Conseil d’administration de la Banque nationale de la sécurité sociale de l’Uruguay;
M. Franck Vandenbroucke, Ministre des affaires sociales et des retraites de la Belgique; et Mme Viviene Taylor, Présidente du Comité d’enquête sur un système de sécurité sociale global et Conseillère spéciale auprès du Ministre du développement social de l’Afrique du Sud. Les délégations suivantes ont posé des questions aux experts: Suède (au nom de l’Union européenne), Chili, Inde, Cuba et Mexique. M. Alejandro Bonilla-Garcia, représentant de l’Organisation internationale du travail (OIT), a répondu à certaines observations.
La Commission du développement social reprendra ses travaux, demain matin à 10 heures. Elle procèdera à un échange de vue général sur ce même thème.
SUIVI DU SOMMET MONDIAL POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Thème prioritaire: amélioration de la protection sociale et réduction de la vulnérabilité dans le contexte de la mondialisation
Table ronde d’experts
Mme VIVIENE TAYLOR, Conseillère spéciale auprès du Ministère pour le développement social de l’Afrique du Sud et Présidente du Comité d’enquête pour un système de sécurité sociale global, a expliqué que la question soumise à examen a une résonance particulière dans son pays qui procède actuellement à la réforme de son système de protection sociale. L’une des questions les plus importantes en Afrique du Sud est de savoir comment passer à un système intégré et complet. Dans le cadre de son mandat, le Comité d'enquête doit examiner l’interface entre le secteur privé et le secteur public, les indemnités de chômage et le type de couverture prévu dans des situations de plus en plus précaires ou encore les modes de financement du système de sécurité sociale. La viabilité et la durabilité de nos options est l’une des questions principales qui se posent. Dans un premier temps, a expliqué l’experte, nous avons dû définir les concepts clés à la base de notre processus de réforme comme ceux portant sur l’assurance sociale, la sécurité sociale et la protection sociale qui ont une signification spécifique dans notre pays. Nous devons également examiner les questions structurelles transectorielles portant sur des aspects juridiques comme l’application de la Convention universelle des droits de l’homme, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention sur les droits de l’enfant. Nous devons également examiner l’aspect constitutionnel de notre système actuel. La constitution sud-africaine fait obligation à l’Etat d'assurer une protection sociale aux citoyens. Il faut maintenant harmoniser certains aspects de ce système de protection sociale avec les dispositions de la constitution. D’un point de vue financier, le Comité doit lancer l’examen des processus budgétaires et de l’incidence des taxes permettant de financer un système viable.
Le cadre conceptuel qui nourrit notre approche prend en compte la nature et les valeurs ainsi que les circonstances qui caractérisent l’Afrique du Sud, a expliqué l’experte, soulignant par ailleurs la nécessité de tenir compte des spécificités nationales lors de la formulation et de l’application des systèmes de protection sociale. Les impératifs constitutionnels sur lesquels nous travaillons ne peuvent plus être ignorés. Le principe visant à réduire les inégalités ainsi que le concept de la gestion du risque et de la vulnérabilité sont des éléments clés de ce processus. Un autre principe fondamental porte sur la gouvernance et donc du rôle des secteurs privé et public. La légitimité de ce processus de réforme et son coût sont également des éléments importants de notre réflexion. Après le colonialisme, les inégalités demeurent importantes, a fait observer l’experte, précisant que les inégalités entre les communautés blanches et noires se sont accrues au cours de la période 1975-1996. De façon globale, le chômage touche 37% de la population, soit 52% des femmes africaines et 42% des hommes noirs. La pandémie du VIH/sida est également un phénomène à prendre en considération dans nos politiques, compte tenu de son ampleur. En Afrique du Sud, 20% de la population seront séropositives en 2010. Les inégalités, l’accroissement de la pauvreté et du chômage, la pandémie du VIH/sida constituent les préoccupations majeures du Gouvernement sud-africain et justifient l’élargissement d’un concept de sécurité sociale à protection sociale.
Il faut donc envisager des politiques qui mettent en valeur les capacités humaines. Si une approche cohérente en matière de protection n’est pas mise en oeuvre, une stagnation à long terme s’installera et la pauvreté perdurera tout au long du cycle de vie d’un individu. Les stratégies doivent permettre à certains groupes sociaux d’échapper à la pauvreté chronique. Pour cela, le système de protection sociale doit être composé de mesures interdépendantes. Un élément clé dans toute réforme est l’évaluation des politiques et des programmes. Nous avons lancé à cet effet toute sorte d’audiences publiques, de consultation, des études de faisabilité et des exercices de simulation économique, a ajouté l’experte.
L’enseignement que nous tirons de ce processus de réforme est que toute réforme doit aller de pair avec les capacités administratives et la nécessité d’intégrer les objectifs socioéconomiques. Ce processus de réforme n’est pas uniquement de nature technique mais également politique. Il est donc nécessaire de créer des alliances dans différents domaines et de parvenir à concilier les intérêts divergents qui se manifestent. Il faut avant tout garder présent à l’esprit que l’inaction engendre des conséquences.
M. FRANCK VANDENBROUCKE, Ministre des affaires sociales et des retraites de la Belgique, a estimé que la mondialisation n’était pas le facteur principal d’évolution de l’Etat-providence. Mettant l'accent sur la réforme nécessaire de l’Etat-providence, il a souligné que quatre tendances caractérisent l’évolution de la protection sociale en Europe: le vieillissement de la population, l’évolution de l’équilibre des sexes et la participation croissante des femmes à la population active, la persistance d’un chômage élevé et, enfin, la diminution de la taille moyenne des foyers et l’augmentation du nombre de foyers où personne ne travaille. Cette dernière évolution implique qu’il est de plus en plus difficile d’apporter le soutien au sein de la famille, et qu’il est, par conséquent, nécessaire de procéder par l’extérieur de la famille. L’expert a souligné que l’Etat-providence, dans sa forme traditionnelle, ne répond plus aux nouvelles exigences imposées par la vie de famille, la vie professionnelle et la formation. En effet, la situation a profondément évolué, a fait observer Mr. Vandenbroucke, précisant que si dans les années 70, on comptait deux personnes actives pour une personne dépendante, on n’en compte plus aujourd’hui qu’une. De l'avis du Ministre, il est nécessaire d’augmenter le taux de personnes qui travaillent, afin d’améliorer le taux de dépendance. C’est pourquoi la réforme de la sécurité sociale a été, en Belgique, axée sur l’emploi et la création d’emploi, l’objectif étant le plein emploi des hommes et des femmes. Il est important que la protection sociale couvre les risques classiques, à savoir le chômage, la maladie, les invalidités et la vieillesse, mais aussi les nouveaux risques sociaux tels que l’absence de qualifications, le chômage de longue durée et la monoparentalité. Mais elle doit également répondre à de nouveaux besoins sociaux, et en particulier au besoin de réconcilier les exigences du travail, de la vie de famille et de la formation, ainsi qu’au besoin d’être mobile et flexible tout au long de la vie familiale et professionnelle. Une protection intelligente doit donc répondre à ces risques et à ces besoins de façon active et préventive. Par ailleurs, l’Etat-providence ne doit pas seulement s’engager dans la “dépense sociale”, mais également dans l’investissement social. M. Vandenbroucke a par ailleurs mis en garde contre les situations où les taux marginaux d’imposition qui frappent les revenus les plus bas sont trop élevés et découragent les plus pauvres de travailler; de telles dispositions sont dangereuses car elles créent un désintérêt pour le travail et renforcent la pauvreté. Le Ministre s’est prononcé en faveur de subventions de salaires pour les emplois peu qualifiés.
En ce qui concerne les retraites, Mr. Vandenbroucke a noté que les débats manquent d'objectivité, insistant sur la durabilité financière des systèmes et excluant des questions toutes aussi importantes visant à garantir l'impact social positif des pensions; il a mis en garde contre les discussions stériles et idéologiques qui opposent le système public au système privé. Il a signalé que la Belgique a mis en place un filet de sécurité pour toutes les personnes âgées et créé un fonds pour financer cette couverture. Ce fonds est alimenté grâce à la réduction de la dette, a précisé le Ministre. La Belgique souhaite également démocratiser l’accès aux systèmes privés et aux fonds des pensions, qui devront être offerts à tous les travailleurs. Ces fonds des pensions devront s’intégrer dans les systèmes actuels de négociation entre les syndicats et le patronat; ils constituent en tant que tels un élément central du concept de modèle social européen.
La promotion de la participation au marché du travail ne saurait toutefois se substituer aux politiques de protection sociale, a ajouté l’expert. En effet, un taux de chômage moins élevé ne signifie pas automatiquement moins de pauvreté, comme le prouve l’exemple du Royaume-Uni, où un taux de chômage bas cohabite avec un indice de pauvreté élevé. Il a souhaité que la convergence de vues au niveau de l’Europe en ce qui concerne la réforme de la protection sociale centrée sur l’emploi soit mise à profit. Dans cette optique, il a déclaré que des objectifs communs au niveau de l’Europe ont déjà été concrétisés, laissant à chaque Etat le choix des moyens permettant d'atteindre les objectifs, tout en favorisant dans tous les cas le dialogue social. Mr. Vandenbroucke a évoqué l’agenda social adopté à Nice en décembre 2000, résolument engagé en faveur de la création d’emplois, de la recherche d’un nouvel équilibre entre sécurité et flexibilité, de la lutte entre la discrimination et l’exclusion, de la modernisation de la sécurité sociale, de l’égalité entre les hommes et les femmes et de l’intégration des aspects sociaux dans la politique étrangère.
Répondant à certaines questions posées ce matin, M. DALMER HOSKINS, Secrétaire général de l’Association internationale de sécurité sociale (Suisse), a relevé que les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ont été élaborées dans les années 50 et que, depuis, le monde a beaucoup changé. Le fait qu’un nombre massif de femmes et de travailleurs migrants s’est ajouté au marché du travail n’est pas reflété dans les conventions de l’OIT. Le moment est donc venu de réexaminer ces instruments. L'Association souhaite que cet examen permette de moderniser les activités de l’OIT et non pas d’affaiblir le niveau des normes sociales. De l'avis de M. Hoskins, les gouvernements qui ne sont pas en mesure de réglementer les activités du secteur privé, devraient alors s’inspirer des pays qui ont atteint un équilibre dans la gestion du secteur public et privé.
M. ERNESTO MURRO OBERLIN, Membre du Conseil d’administration de la Banque nationale de sécurité sociale de l’Uruguay, a fait part de la nécessité d’examiner la Convention 102 de l’OIT sur les normes minimales de sécurité sociale en relevant que bon nombre de pays ne la respecte pas après plus de 50 ans d’existence. Il a également évoqué la capacité administrative des pays et la nécessité de mettre en place de bons systèmes de gestion. Tout en reconnaissant que des erreurs ont été commises, M. Murro Oberlin a estimé qu'il ne faut pas pour autant éliminer les anciens systèmes sociaux qui ont eu le méritent de défendre les principes énoncés par les différents instruments juridiques internationaux.
M. ALEJANDRO BONILLA-GARCIA, représentant de l'Organisation internationale du travail (OIT), a expliqué que l’OIT n’avait pas lancé de processus de révision de la Convention 102 sur la protection sociale. Elle a en revanche engagé une discussion générale sur les limites et les options en matière de protection sociale ainsi que sur la pertinence des normes sociales. Ces éléments seront discutés en juin 2001, à Genève. Ce ne sont pas tant les normes qui doivent être révisées mais la volonté et la détermination des différents acteurs en jeu. Il existe plus de 180 normes de l’OIT dont la majorité a trait à la protection sociale. Une recommandation de la Commission touchant à l’une d’entre elles serait de portée limitée. Il serait préférable d'élaborer des stratégies générales.
Mme MANSNERUS (Suède), au nom de l’Union européenne et des pays associés, a relevé que 25% de la population survivent avec moins d’un dollar par jour. Quelles sont les mesures à prendre pour que les stratégies de développement bénéficient à la protection sociale. Elle a rappelé que l’Union européenne met actuellement l’accent sur la situation des femmes et des enfants.
M. EDUARDO TAPIA (Chili) a convenu que la situation dans son pays n’est pas parfaite mais il a regretté que son pays ait été pris pour cible au cours des discussions de la Commission.
M. ASITH KUMAR BHATTACHARJEE (Inde) a souhaité qu’un des experts explique clairement la différence qui existe entre sécurité sociale et protection sociale. Il a expliqué par ailleurs que dans un pays comme le sien, certains secteurs de l’économie ne sont pas structurés, d’où la marginalisation d’un grand nombre de personnes. Comment intégrer ces personnes dans un système de protection sociale? a-t-il demandé. Le représentant a également souhaité que les experts évoquent plus précisément les modes d’intervention possibles du secteur privé. Est-ce que le secteur privé n’intervient-il pas dans les domaines les plus rentables qui ne sont pas accessibles aux plus pauvres? Par la même, ne crée-t-on pas des inégalités supplémentaires en favorisant le secteur privé?
M. LUIS ALBERTO AMOROS NUNEZ (Cuba) a demandé ce que les experts pensent de l’influence des modèles économiques internationaux sur les systèmes de protection sociale. Les problèmes de la dette et des barrières tarifaires sont autant d’obstacles à la prestation de services sociaux par l’Etat, a –t-il relevé. Dans bon nombre de pays en développement, l’influence de la dynamique internationale actuelle affaiblit le secteur public dans le domaine de la protection sociale.
Répondant aux observations formulées par les délégations sur le financement de la protection sociale, Mme Taylor a déclaré que cette question est essentielle à toute réforme. A cet égard, en Afrique du Sud, nous cherchons à faire un usage plus efficace des ressources dont nous disposons, plutôt que d’augmenter les impôts et de rechercher des ressources extérieures, a expliqué l’experte. Les dépenses totales -privées et publiques- sont examinées de façon critique en vue d’améliorer l’efficacité de ces fonds. L’experte a déclaré que les aspects sexospécifiques des programmes sont pris en considération lors de l’établissement des budgets. Soulignant que les femmes et les enfants sont les premières victimes de la pauvreté, elle a déclaré qu'ils sont également les premiers bénéficiaires des programmes sociaux. Répondant au délégué de l’Inde, Mme Taylor a indiqué que le concept de protection sociale est plus vaste que celui de sécurité sociale et
inclut des questions de développement; la sécurité sociale englobe les programmes d’assurance et d’assistance. La protection sociale dans les pays où le secteur informel est important est une question des plus difficiles, a déclaré l’experte. Il n'existe pas de réponse unique et il c'est pourquoi, il est nécessaire d’examiner les caractéristiques propres à chaque pays. En Afrique du Sud, la grande pauvreté en zone rurale pose problème et l’intégration de cette population pauvre dans les systèmes de sécurité sociale est une priorité. En ce qui concerne la réglementation des secteurs public et privé, et notamment dans les cas où les deux secteurs n’offrent pas la même qualité de services, l’experte s’est déclarée préoccupée par l’augmentation des inégalités qu’un tel système risque de générer.
M. Vandenbroucke a indiqué que la définition de protection sociale est donnée dans le rapport du Secrétaire général, de façon claire et satisfaisante. Il a précisé que la sécurité sociale n’est qu’un instrument de la protection sociale. En ce qui concerne le rôle du secteur privé, il a reconnu que le besoin de réglementation peut parfois être en contradiction avec la recherche de profit. Ainsi, le secteur de la santé ne peut être confié aux forces du marché; cependant, il en va autrement en ce qui concerne les retraites, a-t-il ajouté. Si les citoyens souhaitent une meilleure couverture que ce que leur offre le système de retraites “décent” offert par l’Etat belge, alors le secteur privé peut jouer un rôle. Le Ministre a fait observer qu’il existe une corrélation forte entre la pauvreté et le niveau de dépenses sociales dans un Etat, et que l’engagement en faveur de la lutte contre la pauvreté implique donc de maintenir le niveau de dépenses sociales à un niveau raisonnable. De plus, au niveau de l’Europe, il importe de mettre au point un système de suivi des politiques de lutte contre la pauvreté. Répondant à la délégation de Cuba, le Ministre a reconnu que les flux de capitaux ont parfois des influences négatives sur le secteur social. Cependant, le véritable problème réside dans l'absence de réglementation et l’ouverture inappropriée des marchés de capitaux. C’est donc au type de réglementation nécessaire dans un système capitaliste ouvert qu’il est nécessaire de réfléchir, a-t-il ajouté, avant de faire remarquer que des petits pays très ouverts au commerce comme les Pays-Bas ou la Suède disposent d’excellents systèmes de sécurité sociale. La qualité des services de sécurité sociale tient davantage aux institutions nationales qu’au système international, a conclu le Ministre.
Mme GARCIA LOPEZ (Mexique) a mis en avant les formes multiples que pouvait prendre la protection sociale selon les pays et les cultures, ce qui exige une analyse approfondie et constructive de cette problématique. La mondialisation et les catastrophes naturelles sont des thèmes nouveaux qu’il nous faudra désormais aborder dans le cadre de notre réflexion sur la protection sociale. Au Mexique, la protection sociale et née de la révolution mexicaine mais notre réflexion a évolué, a fait observer Mme Lopez, précisant qu'aujourd’hui, le Mexique met en place une politique de développement humain qui intègre la protection sociale. De l'avis de sa délégation, le débat ne devrait pas se situer au niveau de la coresponsabilité des différents acteurs qui entrent en jeu. La société change et l'examen de cette question doit également évoluer.
En réponse à la question posée par le représentant de l’Inde sur la manière d’intégrer le secteur non structuré de la société, M. Murro Oberlin a expliqué qu’il existe dans le monde 32 pays qui mettent en place des systèmes de sécurité sociale non contributifs. Ces expériences variées pourraient servir d’exemple. En Uruguay, par exemple, la protection sociale dans le secteur agricole passe par un financement combiné, à savoir un impôt sur la productivité de la terre combiné à un apport par contribution qui varie selon l’étendue des terres et la quantité de main d’oeuvre utilisée. Répondant à la représentante de la Suède, il a fait remarquer que les femmes étaient les grandes perdantes des systèmes contributifs dans la mesure où elles doivent verser beaucoup plus pour percevoir les mêmes avantages que les hommes, et ceci, en raison notamment d’une espérance de vie plus élevée. Pour ce qui est de l’influence de la dynamique internationale évoquée par le représentant de Cuba, il a relevé que la réduction de la protection des individus intervenait avec l’apparition de nouvelles exigences permettant d’avoir droit aux prestations sociales.
M. Hoskins a souligné la nécessité de mesurer les résultats obtenus même si cela est une tâche difficile. Cela signifie que les travailleurs, organismes de prestations sociales et syndicats sont prêts à participer à cet exercice. Tant que nous ne serons pas en mesure de quantifier notre travail et nos résultats, nous nous exposerons aux réductions des budgets sociaux.
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