En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/8019

SELON M. KOFI ANNAN, CONSACRER TOUTES NOS ENERGIES A LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME SERAIT DONNER LA VICTOIRE AUX TERRORISTES

10/11/2001
Communiqué de presse
SG/SM/8019


                                                            GA/9956


SELON M. KOFI ANNAN, CONSACRER TOUTES NOS ENERGIES A LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

SERAIT DONNER LA VICTOIRE AUX TERRORISTES


On trouvera ci-après la déclaration faite aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan devant l’Assemblée générale:


Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont venus à  New York pour participer au débat général, et tout spécialement au Président de notre pays hôte.


Nous nous réunissons près de sept semaines plus tard que prévu, et nous savons tous pourquoi.


Aucun mot ne peut exprimer l'horreur et le chagrin que nous ressentons face à la tragédie du 11 septembre. Nous partageons le deuil et la peine des citoyens de notre pays hôte, de notre ville hôte.


Comme eux, nous sommes déterminés à vaincre les forces qui nous infligé une telle souffrance.


L'Organisation des Nations Unies est bel et bien l'indispensable maison commune de la grande famille humaine, comme l'ont déclaré les chefs d'État et de gouvernement l'année dernière. Et elle a rarement été plus utile qu'aujourd'hui.


Et lorsqu'une famille est attaquée, c'est dans la maison familiale que tous les membres se rassemblent pour décider de ce qu'il convient de faire.


Dès le lendemain de la tragédie, alors que vous preniez des mesures dans vos régions et pays respectifs, vos représentants à l'Organisation des Nations Unies se sont mis au travail, d'abord pour exprimer leur condamnation et montrer leur détermination, puis pour décider de la meilleure façon dont le monde peut se protéger.


L'Organisation ne ménage aucun effort pour porter secours aux Afghans dans la détresse, et pour les aider à se mettre d'accord sur un gouvernement largement représentatif.


La tentation serait grande de concentrer toutes nos énergies à la lutte contre le terrorisme et à des questions connexes.


Mais, agir ainsi, ce serait concéder une sorte de victoire aux terroristes.


N'oublions pas en effet que les problèmes qui nous préoccupaient avant le 11 septembre n'ont rien perdu de leur urgence.


Le nombre de gens qui vivent avec moins d'un dollar par jour n'a pas diminué.


Le nombre des victimes du sida, du paludisme, de la tuberculose et d'autres maladies curables n'a pas diminué.


Les facteurs qui sont à l'origine de la désertification, des atteintes à la biodiversité et du réchauffement de la planète n'ont pas diminué.


Et, dans bien des parties du monde en proie à la guerre, des victimes innocentes sont toujours assassinées, mutilées, chassées de  leur foyer.


En bref, mes chers amis, l'agenda pour la paix, le développement et les droits de l'homme que nous avons défini dans la Déclaration du millénaire n'est pas devenu moins pressant.


Il pourrait, bien au contraire, avoir acquis une nouvelle urgence.


Les dangers de divisions dans la famille humaine et la nécessité de se prémunir contre ces dangers ont rarement été mieux compris.


Deux scénarios sont possibles pour l'avenir : un affrontement meurtrier entre les prétendues "civilisations" provoqué par l'exagération des différences religieuses et culturelles, ou une communauté mondiale respectant la diversité et s'appuyant sur des valeurs universelles.


Nous devons bien sur choisir le deuxième, mais nous n'y parviendrons que si nous donnons espoir aux milliards de laissés-pour-compte, qui sont pris au piège de la misère, de la guerre et de la maladie.


C'est pourquoi la réunion de l'Organisation mondiale du commerce qui se tient actuellement est si importante. La nécessité de parvenir à un accord entre pays riches et pays pauvres sur les règles qui doivent régir le système commercial international n'a jamais été si aiguë.


Mais ce qui sera plus déterminant encore, c'est l'usage que les États Membres feront de l'Organisation dans les années qui viennent.


Permettez-moi de rappeler quelques principes fondamentaux, qui doivent nous guider dans notre travail.


D'abord, l'ONU doit toujours défendre la primauté du droit,  dans les affaires internationales comme dans les affaires intérieures.


Deuxièmement, nous devons faire bon usage de nos institutions internationales et en tirer le meilleur parti qui soit.


Troisièmement, l'ONU doit placer l'être humain au centre de tout ce qu'elle entreprend, pour aider tous les habitants de la planète à subvenir à leurs besoins et à réaliser pleinement leur potentiel.

Cela n'est possible que dans un monde fait d'États efficaces et comptables, qui utilisent leur souveraineté pour assurer la sécurité des populations et non pour porter atteinte aux droits de l'homme.


Quatrièmement, tous les acteurs qui participent au système international doivent travailler ensemble à la poursuite d'objectifs communs.


L'Organisation devrait surtout faire porter ses efforts sur les domaines où elle dispose d'un avantage comparatif. Elle doit veiller à ce que ceux qui ont plus de ressources ou de connaissances spécialisées les mettent au service de l'humanité. En d'autres termes, elle doit s'attacher les partenaires les plus nombreux  et les plus divers.


Enfin, ce que l'Organisation fait elle-même, elle doit le faire bien. Nous devons continuer à améliorer notre capacité d'offrir à tous nos membres les services qu'ils attendent de nous et nous employer à atteindre les objectifs prioritaires qu'ils se sont fixés.


Je voudrais maintenant évoquer quatre questions brûlantes, pour lesquelles nos performances seront déterminantes.


Premièrement, il faut éliminer la pauvreté extrême.


Dans la Déclaration du millénaire, les chefs d'État et de gouvernement se sont engagés à diminuer de moitié, d'ici à 2015, la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour, et celle des personnes qui souffrent de la faim et qui n'ont pas accès à l'eau potable.


Atteindre ces objectifs est une responsabilité que nous partageons. Les pays en développement doivent consentir un effort important, mais pour parvenir au point où ils peuvent tirer parti des perspectives offertes par les marchés, ils ont besoin d'une aide généreuse de la part des pays développés. Je ferai tout pour que cette question cruciale reçoive l'attention qu'elle mérite.


Deuxièmement, je compte renforcer encore mon engagement dans la lutte contre le VIH/sida, pandémie que les chefs d'État et de gouvernement se sont engagés à enrayer d'ici à 2015.


Pour avoir une chance d'honorer cet engagement, nous devons faire de cette lutte une priorité absolue dans les années qui viennent.


Troisièmement, je compte maintenir et renforcer notre action de prévention des conflits meurtriers.


Nous ne devons pas nous contenter d'attendre passivement que les crises éclatent, mais nous attaquer aux causes premières de la violence politique.


Nous devons nous doter de systèmes de gouvernement qui favorisent la liberté d'expression et la justice sociale tout en préservant les libertés civiles et les droits des minorités. Nous devons aussi corriger l'insoutenable inégalité des chances qui sévit entre personnes habitant dans diverses parties du monde, mais parfois aussi à l'intérieur d'un même pays.

Quatrièmement, nous devons prendre très au sérieux la promesse, faite dans la Déclaration du Millénaire, de ne pas léguer à  nos enfants et à nos petits-enfants une planète irrémédiablement gâchée par les activités humaines, dont les ressources ne suffiront plus à répondre à leurs besoins.


Nous devons mettre la question de la "durabilité" à sa juste place, c'est-à-dire au centre du processus d'élaboration des politiques.


Le fil rouge qui relie toutes ces questions, c'est le respect des droits fondamentaux. Et c'est en Afrique qu'elles revêtent la plus grande acuité.


Je suis résolu à intégrer encore davantage la dimension droits de l'homme dans tous les aspects de notre travail.


Et, m'inspirant toujours de la Déclaration du millénaire,  je compte veiller à ce que l'ONU apporte son plein appui aux priorités que les dirigeants africains ont eux-même fixées, dans le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.


Inévitablement, nous nous occuperons de toutes ces questions, tous les jours pendant les cinq années qui viennent. Mais il est deux manifestations sur lesquelles je voudrais plus particulièrement appeler votre attention : en mars, se tiendra la Conférence sur le financement du développement et, en septembre, le Sommet mondial sur le développement durable.


Bien préparées et organisées, ces réunions devraient marquer un tournant dans la lutte contre la pauvreté et en faveur d'un développement durable. Pour ma part, je ferai tout mon possible pour qu'elles soient couronnées de succès. Je vous engage à en faire autant de votre côté.


Je voudrais revenir un instant au dernier des principes fondamentaux que j'ai évoqués : ce que l'ONU fait elle-même, elle doit le faire bien.


Au cours de mon premier mandat, je me suis efforcé, avec vous, d'améliorer l'efficacité et la coordination au Secrétariat, et de donner plus de cohérence à la famille onusienne.


Nos efforts ont-ils porté leurs fruits ?  Oui.


Notre Organisation est plus efficace qu'elle ne l'était il y a cinq ans, et sa situation financière s'est enfin améliorée, grâce au fait que beaucoup d'États Membres ont payé intégralement leur contribution, tandis que quelques autres ont liquidé une bonne partie de leurs arriérés. À l'avenir, essayons de maintenir une assise financière saine.


Mais avons-nous réussi à donner aux peuples du monde les instruments efficaces dont ils ont besoin ? Non.


Nous devons nous asseoir et réfléchir ensemble à ce que nous faisons et nous demander si notre système est adapté aux tâches que nous nous proposons de mener à bien.


Ainsi, consacrons-nous vraiment nos ressources et nos énergies aux priorités que vous avez fixées?


Comment pouvons-nous mieux organiser la contribution de la société civile, y compris le secteur privé?


Comment la famille des Nations Unies peut-elle fonctionner plus efficacement et avec plus de cohérence dans les pays où elle est présente?


Et comment faire en sorte non seulement d'attirer le personnel le plus qualifié et le plus compétent, mais aussi de l'encourager, à tous les niveaux, à penser et à agir de façon créative ?


Je conclus mon intervention sur une note qui vous paraîtra peut-être prosaïque. Mais le monde nous jugera en fonction de notre capacité de nous acquitter de certaines tâches bien précises. Il ne nous jugera pas à l'éloquence des discours que nous prononcerons, ni au nombre de décisions que nous prendrons, mais à la qualité de ces décisions et des services que nous offrons.


Pour tous ceux que nous espérons sauver, que ce soit du terrorisme, de la guerre, de la misère, de la maladie ou de la détérioration de l'environnement, engageons-nous à donner le meilleur de nous-même. Et donnons-nous les moyens de le faire.


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