TOUTE STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT VISANT A MIEUX REPARTIR LES BENEFICES DE LA MONDIALISATION DOIT S’APPUYER SUR LA CREATION D’EMPLOI, DECLARE KOFI ANNAN AU FORUM MONDIAL SUR L’EMPLOI
Communiqué de presse SG/SM/8009 |
SG/SM/8009
1 novembre 2001
TOUTE STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT VISANT A MIEUX REPARTIR LES BENEFICES DE LA MONDIALISATION DOIT S’APPUYER SUR LA CREATION D’EMPLOI, DECLARE KOFI ANNAN AU FORUM MONDIAL SUR L’EMPLOI
On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée aujourd’hui, 1er novembre 2001 à Genève, par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, à l’occasion du Forum mondial sur l’emploi :
C'est pour moi un plaisir et un privilège de m'adresser à vous à l'occasion de ce Forum mondial sur l'Emploi.
Il y a à peine plus d'un an, les représentants des États Membres de l'Organisation des Nations Unies se sont réunis en Sommet du Millénaire en vue d'adopter un plan d'action pour le XXIe siècle, axé sur les objectifs suivants : libérer la planète de la peur et du besoin, préserver les ressources naturelles et réformer l'Organisation des Nations Unies. Ils se sont engagés à "délivrer les populations de la misère, ce phénomène abject et déshumanisant qui touche actuellement plus d'un milliard de personnes" et à "réduire de moitié, d'ici à 2015, la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour".
Il y a à peine plus d'un mois, des événements tragiques ont plongé notre monde complexe dans une incertitude encore plus grande, nous rappelant que la communauté internationale se devait plus que jamais de coopérer pour faire face à des menaces nouvelles. L'impact des événements du 11 septembre dernier n'a pas fini de se répercuter à travers le monde entier. Les relations internationales se trouvent transformées par un sentiment de vulnérabilité et la recherche de réponses et de solutions.
Les événements du 11 septembre ont des ramifications qui s'étendent bien au-delà des questions de paix et de sécurité; ainsi, les effets qu'ils auront sur la sécurité humaine seront marquants et multiples. On ne peut pas encore dire avec précision quelles seront les conséquences sur les plans économique et social, mais on sait déjà que ce seront les pays les plus pauvres qui paieront le prix le plus lourd. On sait déjà que des millions de personnes seront exposées à la pauvreté. Notre mission consistant à améliorer les conditions de vie de tous les peuples du monde est devenue plus importante et urgente que jamais.
On ne connaîtra peut-être jamais l'étendue exacte du préjudice subi par l'économie mondiale du fait des événements tragiques du 11 septembre; on ne saura peut-être jamais combien de millions de personnes auront perdu leur emploi, ni combien de familles se trouveront condamnées à la pauvreté.
Ce que nous savons, c'est que c'est sur les pays qui peuvent le moins se le permettre que les conséquences de ces événements -- chute des prix des produits de base et des cours du pétrole brut, baisse des investissements, manque à gagner du secteur touristique, hausse des coûts du commerce, tension politique et mouvements de réfugiés -- se feront le plus durement sentir. Selon les estimations de la Banque mondiale, il pourrait y avoir dès l'année prochaine 15 millions de pauvres de plus dans le monde. Vous-mêmes, à l'OIT, avez calculé que plus de 24 millions de personnes, pour la plupart dans le monde en développement, se retrouveront sans emploi.
Des efforts plus soutenus et plus intenses s'imposent, et d'urgence, si nous voulons avoir une chance d'atteindre les objectifs fixés dans la Déclaration du Millénaire.
La seule manière dont nous pourrons atteindre ces objectifs, c'est en faisant en sorte que la mondialisation profite à tout le monde. Et pour ce faire, dans une économie mondiale aussi interdépendante que la nôtre, il nous faut collaborer davantage et mieux. Il nous faut rétablir et raffermir la confiance dont dépend l'intégration économique mondiale.
Ce n'est que lorsque nos efforts seront axés sur la personne que les hommes et les femmes des villes et villages du monde entier pourront améliorer leurs conditions de vie. Ce n'est qu'alors que la mondialisation sera devenue un instrument d'inclusion, permettant à chacun de jouir de ses fruits.
Le travail accompli par l'OIT sur les dimensions sociales de la mondialisation peut jouer un rôle important à cet égard. Je sais qu'un groupe de travail de votre conseil d'administration doit se réunir le mois prochain pour examiner cette question et j'attends avec intérêt les résultats de cette réunion.
Toute stratégie de développement visant à mieux répartir les bénéfices de la mondialisation doit nécessairement s'appuyer sur la création d'emploi. Librement choisi, exercé dans la dignité et dans des conditions décentes, l'emploi productif est le fondement de la stabilité sociale.
Nous devons instaurer des partenariats. Aucune nation, aucune organisation ne peut prétendre relever ces défis à elle seule. Les gouvernements ne peuvent rien sans les entreprises, qui ne peuvent rien sans les travailleurs et la société civile en général. Nous devons instaurer des coalitions pour le changement, au sein desquelles unir nos efforts à la poursuite d'un objectif commun.
Plusieurs initiatives prometteuses dans ce sens sont en train de prendre forme. Une d'entre elles est examinée dans le cadre du présent Forum. L'Agenda mondial pour l'emploi prône une alliance entre les organismes des Nations Unies, les institutions spécialisées, les institutions de Bretton Woods, les décideurs nationaux, les employeurs et les syndicats. Il voit dans cette approche la seule façon d'atteindre un objectif de développement essentiel : l'emploi doit être au centre des politiques sociales et économiques pour offrir à chacun des perspectives et des conditions de travail satisfaisantes.
Dans le même ordre d'idée, Juan Somavia et moi avons lancé, avec Jim Wolfensohn de la Banque mondiale, un réseau de haut niveau pour l'emploi des jeunes, auquel participent les dirigeants les plus créatifs du secteur privé,
de la société civile et des milieux économiques. Je suis heureux de pouvoir annoncer que l'Assemblée générale est d'ores et déjà saisie des recommandations de ce réseau.
Comme il est dit dans la Déclaration du millénaire, nous devons formuler et appliquer des stratégies qui donnent aux jeunes partout dans le monde une chance réelle de trouver un travail décent et utile. Les faits et les chiffres devraient parler d'eux mêmes. Il y aurait actuellement dans le monde 66 millions de jeunes chômeurs, soit presque 10 millions de plus qu'en 1995. Ils représentent plus de 40% de l'effectif total des chômeurs. Outre qu'elle devra assurer un emploi à la génération actuelle, l'économie mondiale devra absorber un demi-milliard de jeunes qui entreront sur le marché de l'emploi au cours des dix prochaines années.
Pour un jeune, le fait de ne pas avoir d'emploi peut avoir des effets profonds et durables. Cela peut compromettre pour longtemps les perspectives d'emploi, créant un cercle de désespoir, de pauvreté et d'exclusion sociale, tout aussi destructeur pour la société que pour l'individu.
Nous devons briser ce cercle vicieux. Les jeunes sont notre avenir, ils sont notre atout le plus précieux. Faisons tout pour que l'Agenda mondial et le Réseau pour l'emploi des jeunes remplissent dûment leur office.
Les mêmes partenariats doivent servir à assurer des emplois plus stables, mieux payés et moins pénibles aux femmes qui constituent la majorité des chômeurs, des sous-employés et des sous-payés. Or, il a été prouvé, étude après étude, que les stratégies de développement doivent miser sur les femmes. Nous devons veiller à ce que l'Agenda mondial pour l'emploi ne les néglige pas.
Un autre exemple de l'approche visionnaire de l'OIT est sa participation au Pacte mondial, initiative de l'Organisation des Nations Unies qui rassemble des employeurs, des organismes des Nations Unies, les syndicats, les ONG et d'autres partenaires en vue de rendre les marchés mondiaux plus équitables et plus ouverts. Il se fonde notamment sur les normes établies dans la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail.
Plusieurs centaines d'entreprises, d'organisations syndicales et de la société civile de monde entier participent au Pacte mondial, en intégrant ses principes dans leur stratégie à long terme et leur pratique quotidienne.
Le Pacte prend de plus en plus d'ampleur et s'étend à toujours plus de pays. Il s'agit d'organiser la concertation et d'encourager l'analyse, afin de mieux comprendre les défis de la mondialisation. Un Forum du savoir a été organisé dans le cadre du Pacte afin de promouvoir l'échange d'information et le changement institutionnel. Divers projets sont menés pour encourager l'application des normes et principes de travail internationaux dans toutes les entreprises du monde.
Tous les exemples que je viens de citer montrent que, dans le monde d'aujourd'hui, on peut faire beaucoup en créant une coalition au service d'une cause commune; en fait, sans une telle coalition, on ne peut presque rien. Ce n'est qu'en travaillant ensemble que nous pourrons atteindre les objectifs fixés dans la Déclaration du millénaire. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons relever les nouveaux défis qui ont changé notre monde. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons venir en aide à ceux qui vivent dans la pauvreté et à ceux qui y seront vulnérables demain. Dans cette mission, je vous considère comme des partenaires.
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