En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7965

SEULE L'ONU PEUT DONNER UNE LEGITIMITE A LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME, QUI NE DOIT PAS POLARISER LE NORD CONTRE LE SUD ET ANEANTIR L'ESPOIR DE FAIRE RECULER LA PAUVRETE

24/09/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7965


SEULE L'ONU PEUT DONNER UNE LEGITIMITE A LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME, QUI NE DOIT PAS POLARISER LE NORD CONTRE LE SUD ET ANEANTIR L'ESPOIR DE FAIRE RECULER LA PAUVRETE


On trouvera ci-après le texte intégral du discours prononcé ce matin par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de la présentation de son rapport sur l'activité de l'Organisation des Nations Unies à l'Assemblée générale réunie en séance plénière:


Il y a deux semaines, comme vous vous en souvenez tous, nous nous réjouissions à la perspective de cette journée qui marquerait le début de notre débat général.


Nombre d’entre vous devaient être représentés ici par votre chef d’État ou votre chef de gouvernement ou par votre ministre des affaires étrangères.


J’avais moi-même espéré vous présenter ce que je considère comme les priorités principales des travaux de l’Organisation pour les cinq prochaines années.


Mais hélas, Monsieur le Président, c’était il y a deux semaines.


Il y a 13 jours, un jour que nul d’entre nous ne pourra sans doute jamais oublier, notre pays hôte et la ville bien-aimée qui nous accueille étaient frappés par une attaque si délibérée, et pourtant si cruelle, si malveillante et si destructrice que nous nous efforçons encore aujourd’hui d’en saisir l’énormité.


En vérité, c’était un coup porté non pas contre une ville ou un pays particulier mais contre chacun d’entre nous.


Ce n’était pas seulement une attaque contre nos concitoyens innocents – plus de 60 États Membres sont touchés, y compris, je le déplore, mon propre pays – mais une attaque contre nos valeurs communes.


Elle a porté un coup à tous les idéaux défendus par cette Organisation : la paix, la liberté, la tolérance, les droits de l’homme, l’idée même d’une famille humaine unie.


Cette attaque a porté un rude coup à tous les efforts que nous déployons pour créer une société véritablement internationale, fondée sur les principes du droit.


Nous devons riposter en réaffirmant, de toute notre force, notre humanité commune et les valeurs que nous partageons. Nous ne permettrons pas qu’on les détruise.


Le lendemain même de l’attaque, le Conseil de sécurité a, à juste titre, considéré qu’il s’agissait d’une menace contre la paix et la sécurité internationales.


Nous devons donc y répondre d’une manière qui renforce la paix et la sécurité internationales – en consolidant les liens qui unissent les nations, et non pas en les soumettant à de nouvelles tensions.


Cette Organisation est l’instance qui se prête le mieux à la constitution d’une telle coalition universelle. Elle seule peut donner une légitimité mondiale à la lutte à long terme contre le terrorisme.


Ce même jour – le 12 septembre –, votre Assemblée a demandé que des mesures soient prises d’urgence pour renforcer la coopération internationale en vue de prévenir et d’éliminer les actes de terrorisme.


Je me félicite de cette résolution, ainsi que de la décision prise par l’Assemblée d’examiner la question du terrorisme plus en détail la semaine prochaine. Ce sera, entre autres, l’occasion de souligner la nécessité urgente de ratifier et, surtout, d’appliquer les conventions existantes concernant le terrorisme international, et d’envisager de mettre au point d’un commun accord de nouveaux instruments afin de combattre ces crimes odieux.


Il ne fait aucun doute que nous devons opposer au terrorisme une action énergique et élaborer une stratégie globale à long terme, afin de vaincre ce fléau. Mais nous devons aussi accorder plus d’importance à notre tâche humanitaire et porter secours aux victimes des conflits et de la famine – en particulier, à l’heure actuelle, aux personnes déplacées en Afghanistan.

Monsieur le Président,


L’attaque du 11 septembre était également une attaque contre la liberté de voyager, d’échanger des biens et services – tout ce que représente un centre commercial international – et d’échanger des idées.


Certains commentateurs se sont empressés de déclarer que de tels actes confirmaient la thèse funeste d’un inévitable conflit des civilisations, suivant laquelle nous allons être confrontés à un siècle de conflits entre des peuples de religion et de culture différentes.


Nous devons affirmer le contraire. Rappelons-nous que votre Assemblée a proclamé cette année l’Année du dialogue entre les civilisations.


Nous devons réaffirmer la liberté des peuples de toutes religions et cultures de se rencontrer, de se fréquenter et d’échanger des idées et des connaissances, dans le respect mutuel et la tolérance, pour leur avantage réciproque et dans l’intérêt de l’humanité tout entière.


Enfin, Monsieur le Président, l’attaque du 11 septembre était une attaque contre la primauté du droit – c’est-à-dire contre le principe même qui permet aux nations et aux individus de vivre ensemble dans la paix, en suivant des règles convenues et en réglant leurs différends par le biais de procédures établies d’un commun accord.


Nous devons donc riposter en réaffirmant les principes du droit au niveau international aussi bien que national.


Aucun effort ne devrait être épargné pour traduire en justice les auteurs de ces attaques, suivant une procédure claire et transparente que chacun puisse comprendre et accepter.


Nous devons défendre nos propres principes et normes, afin d’établir une distinction évidente, que le monde entier puisse reconnaître, entre les individus qui recourent au terrorisme et ceux qui luttent contre ce fléau.


Réagir comme il se doit à cette odieuse attaque représente une tâche qui est effectivement capitale, mais qui ne doit pas nous faire oublier les autres tâches que nous avons à accomplir.


Ces événements tragiques n’enlèvent rien à la pertinence de la mission générale de l’Organisation des Nations Unies.


      Bien au contraire – et surtout s’ils parviennent à faire basculer l’économie mondiale dans la récession –, ces événements confèrent encore plus d’urgence à
notre mission.

N’apportons pas aux incertitudes économiques une réponse qui ne peut que les aggraver, en essayant de protéger les marchés nationaux contre la liberté des échanges.


Employons-nous plutôt, alors que nous préparons la réunion de l’Organisation mondiale du commerce à Doha, à renforcernotre système commercial international et à faire en sorte que ses bienfaits soient accessibles à tous, en particulier aux pays en développement.


La coopération internationale est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, pour la gestion de l’économie mondiale et pour veiller à ce que les pays en développement n’aient pas une fois de plus à supporter la part la plus lourde des coûts de l’ajustement.


Il ne faut pas que ces événements nous fassent rétrograder par rapport aux engagements que nos chefs d’État et de gouvernement ont pris, il y a un an, dans leur Déclaration du Millénaire – par exemple, la promesse de réduire de moitié, d’ici à 2015, la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour; d’assurer l’enseignement primaire universel pour les filles, comme pour les garçons; d’arrêter et de commencer à inverser la propagation du VIH/sida; et de préserver la planète pour les générations futures en adoptant une nouvelle éthique de la conservation et de la gestion avisée.


Ces tâches restent  urgentes – et elles le sont peut-être même plus que jamais –; et l’action de l’Organisation pour les faire progresser – qui est décrite dans le détail dans le rapport qui vous est présenté – demeure aussi importante que jamais.


Ces enjeux à moyen terme du développement peuvent et doivent être traités pendant la présente session de votre Assemblée. La lutte contre le terrorisme nous préoccupe à juste titre mais elle ne doit pas nous amener à les négliger.


Les maux économiques et sociaux dont notre monde est affligé ne sont que trop réels – tout comme la nécessité de faire en sorte que la mondialisation profite à tous les peuples, en ancrant la nouvelle économie mondiale dans une sociétémondiale qui repose sur des valeurs globales communes de solidarité, de justice sociale et de respect des droits de l’homme.


Mais rien de tout cela ne peut être réalisé par la violence.


Bien au contraire, l’espoir de faire reculer la pauvreté dans le monde ne fera que diminuer, si ce monde est polarisé en camps mutuellement hostiles, riches contre pauvres, ou Nord contre Sud.


La seule voie qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération et du partenariat, où toutes les forces sociales – les États, le secteur privé, les institutions de savoir et de recherche, et la société civile sous toutes ses formes – conjuguent leurs efforts en vue d’atteindre des objectifs concrets et réalisables.


Et c’est au centre de tous ces partenariats que cette Organisation doit se trouver – elle que vos chefs d’État et de gouvernement se sont engagés, il y a un an, à renforcer et à rendre plus efficace, parce qu’ils y ont vu « le lieu de rassemblement indispensable de l’humanité tout entière ».


L’Organisation des Nations Unies doit écouter tous ces différents partenaires. Elle doit les guider. Elle doit les aiguillonner parfois.


L’ONU doit fournir un cadre de valeurs communes et de compréhension, dans lequel leurs efforts libres et volontaires peuvent dialoguer et se renforcer les uns les autres, au lieu de se faire mutuellement obstacle.


Et – pour citer de nouveau la Déclaration du Millénaire – c’est par l’entremise de l’Organisation des Nations Unies que les peuples du monde doivent s’efforcer de concrétiser leurs « aspirations universelles à la paix, à la coopération et au développement ».


Excellences, telle est la voie qu’ont tracée pour nous nos chefs d’État et de gouvernement il y a un an. Ne nous laissons pas ébranler, même par l’indicible horreur dont nous avons été les témoins il y a 13 jours, dans notre détermination à poursuivre dans cette voie.


Rejetons la voie de la violence, qui est le produit du nihilisme et du désespoir.


Prouvons par nos actes qu’il n’est nul besoin de désespérer; que les problèmes politiques et économiques de notre temps peuventêtre résolus de manière pacifique; et qu’aucune vie humaine ne devrait être sacrifiée, parce que tout être humain a des raisons d’espérer.


Voilà, à mon avis, Monsieur le Président, le vrai programme de cette Assemblée, et la vraie mission de cette Organisation.


Je vous remercie.


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