En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7890

LE SECRETAIRE GENERAL ESTIME QU’A L’HEURE OU REGNE L’INCERTITUDE DANS L’ECONOMIE MONDIALE, L’ONU SE DOIT DE DEFENDRE LES INTERETS DES PLUS VULNERABLES DE SES MEMBRES

16/07/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7890


                                                            ECOSOC/5968


LE SECRETAIRE GENERAL ESTIME QU’A L’HEURE OU REGNE L’INCERTITUDE DANS L’ECONOMIE MONDIALE, L’ONU SE DOIT DE DEFENDRE LES INTERETS DES PLUS VULNERABLES DE SES MEMBRES


On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée, le 16 juillet à Genève, par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, à l’occasion du débat de haut niveau de la session de fond de 2001 du Conseil économique et social :


«Cette réunion se tient à un moment où l’incertitude règne dans l’économie mondiale. En pareil moment, plus qu’en aucun autre, l’Organisation des Nations Unies se doit de défendre les intérêts des plus vulnérables de ses membres. Il est donc tout à fait opportun que vous consacriez ce débat de haut niveau au rôle du système des Nations Unies dans le développement de l’Afrique – tout comme il a été très opportun d’organiser, il y a deux mois, la Conférence sur les pays les moins avancés. La plupart de ces pays, vous le savez, se trouvent en Afrique.


Lors de cette conférence, tous les participants ont convenu que les pays les moins avancés avaient droit à un traitement spécial et différencié, tant en ce qui concerne l’allégement de la dette que pour ce qui est de l’ouverture des marchés des pays plus fortunés à leurs produits. Cet accord a constitué un progrès majeur.


C’est aussi au moment opportun que nous avons organisé le mois dernier la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au VIH/sida. Le monde a maintenant clairement conscience que l’épidémie de VIH/sida est un fléau mondial, qui n’épargne aucune région et qui constitue, bien plus qu’une urgence médicale, une urgence sociale et économique.  Le VIH/sida est devenu la plus grande menace pour les perspectives de développement de très nombreux pays.


La session extraordinaire a montré qu'existe un remarquable consensus sur ce point, ainsi que sur la nécessité de combattre l’épidémie en donnant des moyens à ceux qui y sont le plus exposés – en particulier les femmes – afin qu’ils puissent exercer pleinement leurs droits et contribuer au maximum à ce combat.


Enfin, c’est à point nommé que l’Organisation mondiale du commerce tiendra cet automne une réunion au niveau ministériel au Qatar. Le danger le plus grand en des moments tels que celui que nous connaissons est que les gens écoutent les sirènes du protectionnisme. Rien n’aurait de conséquences plus désastreuses pour le monde en général, ou pour les pays en développement en particulier. Pourtant, nombre des pays en développement eux-mêmes sont aujourd’hui sur le point de perdre confiance dans le système commercial mondial, car ils ont le sentiment que les avantages qui leur avaient été promis à l’issue des négociations du cycle d’Uruguay ne se concrétisent pas.


Il est donc important de redonner de l’élan au mouvement d’ouverture des marchés, en lançant une nouvelle série de négociations, qui devront cette fois être véritablement axées sur le développement, c’est-à-dire donner l’entière priorité aux préoccupations et aux intérêts des pays en développement.


Dans le même temps, nous, Africains, ne devons pas nous bercer d’illusions. Même si les échanges commerciaux et les marchés représentent le plus solide espoir de l’Afrique, et d’autres régions, à plus long terme, la triste vérité est qu’à l’heure actuelle très peu de pays africains sont réellement en mesure de saisir les opportunités qui leur sont offertes, quelles qu’elles soient. La plupart des pays africains bénéficient depuis longtemps d’un accès privilégié aux marchés européens pour l’essentiel de leurs produits, mais restent malgré tout en marge de l’économie mondiale.


C’est d’ailleurs pour cette raison même que l’Afrique est relativement peu touchée par le ralentissement actuel de l’économie. La consolation est toutefois minime, étant donné la faible croissance qu’affichait déjà l’économie africaine. À moins d’une amélioration spectaculaire au cours des quelques années à venir, l’Afrique ne peut espérer atteindre les objectifs en matière de lutte contre la pauvreté et de progrès social qui ont été fixés l’année dernière lors du Sommet du Millénaire.


L’Afrique a souffert d’une gestion défectueuse des décennies durant, pendant lesquelles ses ressources, au lieu d’être exploitées à l’avantage de sa population, sont devenues une source de détresse. Ces ressources sont non seulement gaspillées par des gouvernements incompétents mais encore détournées par des autorités corrompues. Elles sont à l’origine de guerres dévastatrices, entre les citoyens des pays auxquels elles appartiennent, mais aussi entre les armées d’États voisins, qui interviennent dans les conflits et profitent cyniquement de ces situations malheureuses.


Les Africains, y compris leurs dirigeants, doivent se poser des questions.  Celles-ci sont nombreuses et difficiles.  Je me félicite qu'ils soient maintenant en train d'y chercher des réponses.


C’est là une autre raison pour laquelle le thème de votre réunion de cette semaine est bien choisi. Si les Africains font un bilan impitoyable de leur situation, il est certainement indiqué que l’ONU établisse elle aussi un bilan semblable de son action en Afrique.


Au fil des décennies, le système des Nations Unies a participé à de si nombreuses initiatives de développement en faveur de l’Afrique que je suis moi-même incapable de me souvenir de la signification de tous les sigles !


Malheureusement, bien peu de ces initiatives, voire aucune, ont été utiles.


Une des raisons à cela est que, bien que les experts et les diplomates africains aient sans nul doute joué un rôle majeur dans leur élaboration, ces initiatives ont souvent été perçues, par les Africains et les Africaines qui devaient leur donner suite, comme étant l’œuvre de bureaucrates éloignés qui ne connaissaient rien de la situation en Afrique.


Nous devrons à l’avenir nous efforcer davantage d’écouter les gens sur le terrain. Nous devons être moins impatients de concevoir et de promouvoir des initiatives de l’ONU, et rechercher de façon plus constructive des moyens d’appuyer les initiatives africaines locales.


C’est précisément ce qui a été décidé à Nairobi en avril dernier, lorsque les chefs de toutes les instances du système des Nations Unies se sont engagés à n’appuyer que les seuls plans de développement menés par l’Afrique et émanant de l’Afrique, comme le Programme de redressement de l'Afrique pour le millénaire (MAP), proposé par les Présidents Obasanjo, Mbeki et Bouteflika, et le Plan Oméga pour l’Afrique, proposé par le Président Wade.


Bien entendu, cette philosophie est de longue date celle de la Commission économique pour l’Afrique – dont le siège, comme vous le savez, est sur le sol africain et dont le personnel est essentiellement composé d’Africains – sous la direction avisée de M. K. Y. Amoako, qui prendra la parole dans un instant.


Ces deux dernières années, le Forum africain du développement organisé par la CEA a joué un rôle inappréciable en aidant les dirigeants africains à concentrer leurs énergies, d’abord sur les efforts déployés pour élargir l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication en Afrique, ensuite pour combattre le VIH/sida.


La CEA aura maintenant à jouer un rôle essentiel la mise en œuvre de l'initiative africaine adoptée lors du Sommet de l'Organisation de l'unité africaine tenu à Lusaka la semaine dernière. Ce rôle sera avant tout technique, mais il en est ainsi : l’ONU sera au service d’une initiative africaine, et non l’inverse.  Il est en effet très encourageant de voir se dessiner un plan sérieux de redressement de l'Afrique, émanant de l'Afrique elle-même, au moment où les dirigeants africains affirment leur détermination à former une Union africaine.


Monsieur le Président, un tournant pourrait être marqué dans l’histoire de l’Afrique.


On l'a dit si souvent par le passé que cela peut sembler ridicule de le répéter.  Pourtant, je suis convaincu que les dirigeants africains considèrent enfin plus sérieusement la nécessité de mettre fin aux conflits qui ont tant ravagé le continent – entraînant des souffrances humaines indicibles, rendant impossible une activité économique normale et décourageant les investissements même dans les pays qui ne sont pas directement impliqués.


Mon sentiment général, après avoir participé aux trois sommets africains organisés cette année – à Yaoundé en janvier, à Abuja en avril et à Lusaka cette semaine – est que les Africains, en particulier les dirigeants africains, sont maintenant moins enclins à accuser les étrangers d’être la cause de tous leurs problèmes et plus déterminés à prendre en main leur propre avenir.


S’ils le font, ils méritent certainement l’appui de la communauté internationale. Et le rôle du système des Nations Unies sera crucial pour ce qui est de mobiliser et de fournir cet appui.


Nous devons nous faire les avocats de l’Afrique, non seulement pour élargir l’accès aux marchés mais encore pour que soient réduites les subventions versées par les pays riches à leurs agriculteurs, dont le montant atteint actuellement un milliard de dollars par jour. Ces subventions font baisser les cours mondiaux, ce qui se solde en Afrique par des revenus plus faibles et par la paupérisation.


Nous devons nous faire les avocats de l’Afrique pour que s’accroisse l’aide publique au développement, faute de quoi de nombreux pays africains n’auront pas les moyens de développer suffisamment leurs infrastructures matérielles ou sociales pour tirer parti des nouveaux débouchés commerciaux, et pourront encore moins faire face au danger nouveau et mortel que représente le VIH/sida.


Nous devons nous faire les avocats de l’Afrique pour que l’allégement de la dette soit plus important et plus rapide, pour mettre fin à une situation absurde et injuste, où le transfert net des ressources se fait des pays pauvres vers les pays riches.


Nous devons nous faire les avocats de l’Afrique pour que soient rapatriés sans délais les fonds illégalement acquis transférés dans des banques occidentales par des dirigeants et des fonctionnaires africains corrompus.


Nous devons nous faire les avocats de l’Afrique pour que s’accroisse la part de l’investissement privé. À l’heure actuelle, le pourcentage des investissements étrangers directs en faveur de l’Afrique est inférieur à celui que reçoit n’importe quelle autre région en développement, alors que 37% des fonds privés africains sont pour l’instant détenus hors du continent – contre 3% dans le cas de l’Asie et 17% dans le cas de l’Amérique latine.


Telle est la réalité, bien que l’Afrique ait les besoins les plus grands, et bien qu’elle offre à présent les profits les plus élevés à ceux qui y investissent.


Maintenant que les dirigeants africains sont davantage déterminés à mettre fin aux conflits sur leur continent, à mieux gérer leurs pays et à réformer leurs économies, les milieux d’affaires internationaux devraient s’intéresser de nouveau aux possibilités d’investissement que leur offre l’Afrique – et bien sûr, les Africains qui détiennent des capitaux privés devraient donner l’exemple.


C’est bien là le propos du Forum africain sur la promotion de l’investissement qui s’ouvre aujourd'hui, auquel je constate avec satisfaction que de nombreuses entreprises ont demandé à participer.


Enfin, mes amis, nous devons nous faire les avocats de l’Afrique pour dissuader les entreprises et les gouvernements étrangers de se faire les complices de la destruction de ce continent, par le biais de la vente illicite d’armes et de l’achat de ressources illégalement extraites. Je me félicite que le Conseil de sécurité ait pris l’initiative à cet égard – et comme vous le savez, une grande conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères se tient actuellement à New York.


Voilà donc, chers amis, ce que les Nations Unies peuvent faire pour aider l’Afrique, si les Africains sont réellement déterminés à faire l’effort nécessaire. Et je suis persuadé que nous pouvons faire encore bien plus.


Cette réunion a pour objectif de déterminer quelles autres initiatives peuvent être prises : nous devons tous à l’Afrique d’en faire une réunion productive.»


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