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SG/SM/7759

LA DECLARATION ET LE PROGRAMME D'ACTION DE LA CONFERENCE SUR LE RACISME DEVRONT FAIRE AUTORITE EN MATIERE DE DROITS DE L'HOMME, DECLARE M. KOFI ANNAN

30/03/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7759


                                                            HR/CN/985


LA DECLARATION ET LE PROGRAMME D'ACTION DE LA CONFERENCE SUR LE RACISME DEVRONT FAIRE AUTORITE EN MATIERE DE DROITS DE L'HOMME, DECLARE M. KOFI ANNAN


On trouvera ci-dessous le texte intégral du discours prononcé aujourd'hui par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, devant la Commission des droits de l'homme à Genève:


C’est un plaisir pour moi d'être ici aujourd’hui.  Je voudrais, pour commencer, rendre hommage au Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, dont je respecte la décision de ne pas solliciter un second mandat, tout en la regrettant profondément.


Mme Robinson a beaucoup accompli dans l’exercice de cette fonction. Elle a sensibilisé la communauté internationale aux droits économiques, sociaux et culturels trop souvent négligés, en particulier le droit au développement.  En dépit de ressources financières limitées, elle a renforcé la présence du Haut Commissariat à l’échelle mondiale. Avec fermeté, elle a plaidé pour que soient respectés tous les droits de tous les hommes, à commencer par les plus vulnérables.


Je puis vous assurer que dans les mois à venir, le Haut Commissaire et moi-même nous nous efforcerons de développer cet acquis et, en particulier, d’assurer le succès de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.


Déjà, des réunions préparatoires régionales ont eu lieu à Dakar, Santiago, Strasbourg et Téhéran. Des séminaires d’experts ont été organisés dans plusieurs parties du monde. Pour sa part, le Haut Commissaire a présenté des éléments pour un projet de déclaration et de programme d’action qui devraient constituer, avec les textes issus des réunions régionales, une base solide pour les discussions à venir. Nos partenaires non gouvernementaux travaillent eux aussi assidûment. Et l’opinion publique s’intéresse de plus en plus à cet événement, à mesure que les questions les plus controversées font la une des journaux.


Nous nous trouvons aujourd’hui à un tournant. Le moment est venu de réfléchir au message que nous souhaitons faire passer à l’occasion de cette conférence. Il est temps de régler les différends qui se sont fait jour. Surtout, nous devons dès à présent mettre tout en œuvre pour que cette conférence réédite pour Durban ce que le Sommet « Planète Terre » a accompli pour Rio de Janeiro, c’est-à-dire qu’elle en fasse le synonyme d’un idéal de progrès pour l’humanité tout entière.

Le racisme et l’intolérance sont des maux dont souffrent tous les pays sans exception, qui meurtrissent les sociétés et sapent nos efforts en faveur de la paix.


Certaines formes de discrimination ne sont que trop familières, à commencer par celles auxquelles les femmes sont en butte : viol en temps de guerre, exploitation au travail, maltraitance au sein de la famille.


Les immigrés sont attaqués et leurs coutumes tournées en ridicule.  Il arrive souvent que les manuels scolaires ne mentionnent pas l’apport, ni même l’existence, des populations autochtones. Bien souvent, les États ne tiennent pas compte des besoins des minorités lors de l’établissement de leur budget. Les médias sont parfois utilisés pour propager des stéréotypes aussi erronés que répugnants. Les hommes politiques – démocrates et dictateurs confondus – s’appuient sur des arguments à fondement raciste pour solliciter et conserver le pouvoir.


Ces 10 dernières années, nous avons vu naître de nouvelles formes d’intolérance, dirigées vers de nouvelles cibles et s'appuyant sur de nouveaux instruments pour se répandre. Ainsi les porteurs du VIH ou les malades du sida sont-ils frappés d’ostracisme.


Bien que de tout temps les hommes se soient déplacés, certains considèrent comme une menace l’intensification des mouvements transfrontières qui va de pair avec la mondialisation, ce qui conduit à remettre en question les politiques d’ouverture.


La haute technicité de l’Internet, outil extraordinaire d’éducation et d’enrichissement intellectuel, est mise à profit par certains pour véhiculer des messages de haine et des images dégradantes, contraires à la dignité humaine.


Ces comportements sont profondément inquiétants et font de plus obstacle au développement. Ils servent aussi de prétexte pour déclencher un conflit armé, qui va jeter sur les routes réfugiés et personnes déplacées. La dernière décennie nous en a à maintes reprises donné la preuve.


Ceux qui sont exclus ou marginalisés, ceux auxquels on refuse le droit légitime de prendre part à la vie de leur société et de s’y sentir chez eux, ceux qui voient réprimer leurs tentatives de protestation pacifique, ont souvent recours en désespoir de cause à des mesures extrêmes, cédant parfois à l’attrait de la violence.


L’Organisation des Nations Unies a entrepris de lutter avec fermeté contre ces pratiques. Depuis quelques années, toutes les opérations de maintien de la paix ou presque se consacrent aussi à la défense des droits de l’homme.  Nos organismes de développement mettent systématiquement l’accent sur la bonne gouvernance et sur la primauté du droit. Non sans raison, l’Assemblée générale a proclamé 2001 «Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations».


Les tribunaux pénaux internationaux s’efforcent de mettre un terme à l’impunité et de promouvoir la justice et la responsabilité. D’ici peu, nous espérons que la Cour pénale internationale entrera en activité.


Ces mesures constituent un premier pas important dans la bonne direction. Il n'en reste pas moins que l’apartheid est aboli depuis moins de 10 ans et que la servitude et le travail forcé existent encore.


L’Holocauste aurait dû apporter la preuve définitive que l’alliance d’un pouvoir totalitaire et de la doctrine haineuse de la supériorité raciale était un cauchemar. Pourtant, au cours de la dernière décennie, nous avons une fois encore assisté à un génocide, ainsi qu’à la poussée de partis d’extrême-droite défendant des programmes ouvertement ou secrètement racistes.


Bien que nous ayons adopté un ensemble impressionnant de lois et créé des institutions et des groupes de surveillance indépendants visant à faire respecter les droits de l'homme, ceux auxquels on dénie la jouissance de ces droits ignorent le plus souvent jusqu’à leur existence, et les divers mécanismes censés les protéger ne peuvent pas même les atteindre.


C’est pourquoi nous devons redoubler d’efforts. C’est à cette lourde tâche que devront s’atteler les participants à la Conférence.


Quoi qu’en disent quelques esprits chagrins, je suis persuadé que les conférences mondiales ne sont ni une perte de temps ni une perte d’argent. Les conférences organisées par l’ONU dans les années 90 ont abouti à des propositions constructives, qui ont permis d’aller de l’avant dans des domaines aussi importants que l’environnement, la promotion de la femme et, surtout, les droits de l’homme.


La Conférence de Durban peut elle aussi avoir une profonde influence sur la vie de toutes les victimes du racisme, en leur venant en aide et en leur donnant des raisons d’espérer. Elle pourra s’appuyer sur les acquis de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Permettez-moi de souligner ici combien il est vital que les Etats coopèrent avec le Comité créé par la Convention.


Nous l’avons constaté lors des réunions régionales, l’ordre du jour de la Conférence est aussi l’occasion pour les participants de faire entendre leurs griefs, de partager leur expérience, mais aussi de témoigner. Cette tribune est donc particulièrement bienvenue puisqu’elle permet d’aborder des questions qui n’occupent que rarement le devant de la scène.


En vérité, les conférences mondiales nous permettent de parler pour ceux dont on n’entend jamais la voix, parce qu’eux-mêmes ou leur famille sont menacés, parce qu’ils sont emprisonnés ou, pire encore, parce qu’ils ont été tués ou ont «disparu». Nous témoignons aussi au nom des enfants.  Dans les salles de conférence, nous nous faisons les interprètes de toutes ces voix réduites au silence.


À dire vrai, si cette conférence ne devait servir qu’à sensibiliser le grand public et à faire naître une conscience collective, ce serait une raison suffisante pour qu’elle ait lieu.


Mais bien sûr, notre objectif principal est d’infléchir l’action des pouvoirs publics et de laisser une empreinte durable sur le mode de fonctionnement des gouvernements, qui sont les principaux violateurs des droits de l’homme alors qu’il leur appartient au premier chef de les défendre.


Pour cela, nous devons porter toute notre attention sur la déclaration et le programme d’action de la Conférence.  Certains documents publiés à l’issue des conférences sont cités en toutes lettres dans les constitutions et dans les lois nationales. Ces documents stimulent la création de nouvelles institutions pour la promotion des droits de l’homme et l'adoption de nouvelles mesures de protection juridique au bénéfice des défenseurs de ces droits.


Ils incitent à revoir les programmes scolaires pour que la tolérance et le respect de la diversité soient enseignés très tôt à nos enfants. Ce sont d’éloquentes déclarations de solidarité internationale, autour de valeurs communes. Dans le meilleurs des cas, ce sont de puissants instruments de changement pacifique, mais fondamental.


C’est pourquoi je vous demande à tous de faire en sorte que nous disposions d'une déclaration et d'un programme d’action solides, qui fassent autorité.


Nous devons porter sur nous-mêmes un regard sans complaisance, et examiner les failles des sociétés que nous avons construites.


Nous avons besoin d’un document tourné vers l’avenir qui fasse fond sur les acquis du passé mais ne s’arrête pas là.


Nous avons besoin d’un document dans lequel tous les peuples sans exception puissent se reconnaître.


Nous avons besoin d’un document qui pousse tous les peuples à agir – et pas seulement leurs gouvernements.


Sans la participation de la société civile, nous ne serions pas ici aujourd’hui. Sans elle, nous ne progresserons jamais.  Le secteur privé a lui aussi un rôle capital à jouer. C’est pourquoi un des grands principes que j’ai demandés aux entreprises d’adopter et d’appliquer dans le Pacte mondial n’est autre que l’élimination de la discrimination lors de l’embauche et sur le lieu de travail.


Il faudra des années, pour ne pas dire des générations, pour que la tolérance devienne universelle.


Vivre en harmonie les uns avec les autres a été de tout temps le grand rêve de l’humanité. Dans chaque région du monde, cet idéal a parfois trouvé à se réaliser de façon durable. Inspirons-nous de tels exemples.


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