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SG/SM/7724

M. KOFI ANNAN RAPPELLE AUX PARTIES AU CONFLIT EN RDC QUE LA PARTICIPATION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE A LA MISSION DE L’ONU DEPEND DU NIVEAU DE LEUR ENGAGEMENT POUR LA PAIX

21/02/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7724


                                                            AFR/304

                                                            SC/7016


M. KOFI ANNAN RAPPELLE AUX PARTIES AU CONFLIT EN RDC QUE LA PARTICIPATION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE A LA MISSION DE L’ONU DEPEND DU NIVEAU DE LEUR ENGAGEMENT POUR LA PAIX


On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de la réunion du Conseil de sécurité avec le Comité politique de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka sur la République démocratique du Congo, tenue à New York, le 21 février 2001 :


Au mois de juin dernier, dans cette même salle, les membres du Comité politique de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka ont rencontré les membres du Conseil de sécurité afin de discuter des moyens de faire progresser le processus de paix en République démocratique du Congo.  Beaucoup de choses ont changé depuis le mois de juin et, ces dernières semaines, certaines choses ont changé pour le mieux. D’abord, animées d’une détermination renouvelée de parvenir à un règlement pacifique, les parties ont repris des contacts au plus haut niveau. Ensuite, la voie est désormais ouverte pour que les Congolais puissent participer au Gouvernement de leur pays et avoir réellement voix au chapitre. Et enfin, les hostilités ont cessé de facto dans pratiquement tout le pays.


Cependant, comme les membres du Conseil et toutes les parties le savent bien, il faudra, pour surmonter les obstacles considérables qui subsistent, avoir la volonté de faire la paix et d’honorer les engagements pris.


Actuellement, le territoire de la République démocratique du Congo est scindé le long d’une ligne sur laquelle s’affrontent les forces de cinq armées étrangères et qui s’étend du lac Mweru, à la frontière zambienne, jusqu’aux rives de l’Oubangi, à la frontière avec la République du Congo. Depuis cinq semaines, le calme règne à nouveau le long de cette ligne. Conformément au plan qui a été élaboré par la Commission militaire mixte et approuvé par le Comité politique, les belligérants pourront bientôt commencer à se retirer des positions qu’ils occupent, en deçà de la ligne de front. Ce serait là un premier pas vers le retrait de toutes les forces étrangères présentes sur le territoire de la République démocratique du Congo.


Depuis la signature de l’Accord de Lusaka en juillet et août 1999, nous n’avons eu d’autre but. Malgré les obstacles, des malentendus et des retards qui ont empêché jusqu’ici la réalisation de cet objectif, on peut dire que les progrès récents sont à porter au crédit de toutes les parties.


Toutes les parties ont la responsabilité de faire en sorte que le processus de paix aboutisse à sa conclusion juste et logique, qui ne s’est que trop fait attendre.


Le plan de désengagement des forces a été signé à Harare le 6 décembre. J’ai présenté depuis au Conseil de sécurité un plan des opérations, selon lequel l’Organisation des Nations Unies déploierait du personnel militaire pour surveiller et vérifier les mesures que prendront les parties pour appliquer le plan de désengagement. Le Conseil est maintenant disposé à approuver ce plan, tandis que la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) et le Secrétariat ont déjà commencé à prendre les dispositions voulues

pour le mettre à exécution.


Dès que vous aurez achevé vos débats, il faudra fixer la date à laquelle commencera l’exercice de désengagement et de redéploiement. Les troupes pourront alors commencer à se replier, sous la supervision et le contrôle des observateurs militaires des Nations Unies. Il convient de choisir cette date avec soin : elle ne doit pas être trop tardive, car l’on risquerait de perdre l’élan actuel, mais elle ne doit pas non plus être trop rapprochée car il faut s’assurer que tous les préparatifs nécessaires ont été menés à bien afin de garantir l’efficacité et la transparence de l’opération.


Ces mouvements militaires s’inscriront dans un environnement politique qui, pour tendu et instable qu’il soit, montre des signes clairs d’amélioration. Je me félicite de la décision du gouvernement du Président Kabila d’autoriser le Facilitateur neutre, Sir Ketumile Masire, à collaborer avec les divers partis congolais dans la conduite du dialogue national. Sans un large accord entre tous les Congolais, fondé sur un dialogue débouchant sur des élections libres et régulières, aucun règlement militaire ne pourra rendre durablement la paix et la stabilité à la République démocratique du Congo.


Étant donné les signes encourageants qui se font jour depuis peu, j’exhorte tous les donateurs qui se sont engagés à appuyer les travaux du Facilitateur neutre à honorer leurs promesses sans tarder. J’engage, par ailleurs, les membres du Conseil de sécurité et l’ensemble de la communauté internationale à appuyer, sur les plans financier et autre, l’important travail mené par le Président Masire.


Toutefois, avant de réaliser les objectifs politiques à long terme, nous devons résoudre la crise humanitaire qui continue d’affecter de très nombreux Congo lais. À l’heure où je vous parle, dans de nombreuses régions de la République démocratique du Congo, les travailleurs humanitaires se trouvent empêchés d’atteindre les populations dans le besoin. Au moins 2 millions de personnes vivant en République démocratique du Congo ont été chassées de chez elles par les combats. Moins de la moitié reçoivent une aide humanitaire.


Il y a peut-être 16 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim. Plus de la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable et près des deux tiers ne peuvent obtenir les médicaments essentiels dont ils ont besoin. Enfin, la sécurité des pays voisins qui ne participent pas à la guerre se trouve menacée, notamment par l’afflux de réfugiés et par la présence d’hommes armés qui fuient les combats.


Je tiens à souligner une réalité tragique: les civils –  et en particulier les femmes et les enfants – ont été les principales victimes des combats. Des crimes horribles ont été commis contre des femmes, y compris le viol, utilisé comme arme de guerre. Des enfants ont été enrôlés dans des armées et envoyés au front. Il faut leur donner une chance de se construire un avenir meilleur.


Le monde attend des parties à ce conflit –  les parties qui ont signé l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka – qu’elles se montrent résolues à mettre fin aux combats et à jeter les bases de la paix et du redressement. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que la communauté internationale et les Nations Unies peuvent leur apporter une aide matérielle. On s’est plaint de la lenteur avec laquelle les Nations Unies interviennent ou des forces squelettiques qu’elles envisagent de déployer. Mais les gouvernements qui fournissent des contingents aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies ne sont pas convaincus qu’ils doivent risquer la vie de leurs soldats dans une situation où les plus responsables n’entendent pas s’engager réellement. Ces faits ne sont pas plaisants, mais ils sont une réalité.


C’est ce qui fait toute l’importance de ces réunions entre le Conseil de sécurité et le Comité politique. Nous devons à présent mettre à profit les progrès accomplis au cours des dernières semaines, à savoir les accords qui ont été signés et les plans minutieux qui ont été dressés. Laissons les parties au conflit montrer au monde qu’elles souhaitent et peuvent tenir leurs promesses, mettre fin à un conflit révoltant et désastreux et coopérer réellement avec la communauté internationale pour jeter les bases du redressement.


À cet égard, je me félicite de ce que le Président Kagame m’ait confirmé au téléphone le 19 février sa décision de retirer ses troupes de Pweto et d'ordonner à toutes ses troupes de se retirer sur 200 kilomètres selon le plan de désengagement et de redéploiement de Harare. J’ai chargé mon Représentant spécial, M. Morjane, et le commandant de la Force, le général Diallo, de se préparer à aider à ce retrait. J’espère que cette initiative rwandaise contribuera à donner le ton et à amener les autres parties à prendre des mesures analogues en vue du retrait de toutes les forces étrangères de la République démocratique du Congo.


Je note donc avec satisfaction la déclaration publiée hier par le Gouvernement ougandais selon laquelle il envisage de retirer deux bataillons de la République démocratique du Congo. Voilà un autre fait nouveau dont nous ne pouvons que nous réjouir.


Il faut aujourd’hui dire clairement aux parties ceci : laissez le désengagement des forces et le dialogue intercongolais commencer. Dressez des plans pour retirer toutes les forces étrangères du territoire de la République démocratique du Congo. Collaborez avec vos voisins et avec nous pour trouver des moyens novateurs et créatifs de régler les problèmes des groupes armés et de la sécurité des frontières. Voilà les résultats que l’on attend de cette réunion. Je vous souhaite de tout coeur de les atteindre.


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