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SG/SM/7702

CONSOLIDER LA PAIX, EST UN TRAVAIL QUI CONSISTE A CONSTRUIRE DES PILIERS SUR LESQUELS S’APPUIERA LA PAIX, UNE COUCHE DE PIERRES A LA FOIS, PETIT A PETIT…

05/02/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7702


CONSOLIDER LA PAIX, EST UN TRAVAIL QUI CONSISTE A CONSTRUIRE DES PILIERS SUR LESQUELS S’APPUIERA LA PAIX, UNE COUCHE DE PIERRES A LA FOIS, PETIT A PETIT…


On trouvera ci-après le texte intégral de la déclaration sur les activités de consolidation de la paix faite par le Secrétaire général devant le Conseil de sécurité le 5 février 2001:


C'est un grand plaisir pour moi de me joindre à vous aujourd’hui à l’occasion de ce débat public sur la consolidation de la paix. Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, d’avoir pris cette initiative qui concerne un aspect essentiel de la paix et de la sécurité internationales. Je ne doute pas qu’elle apporte quelque chose à l’action que nous menons pour parvenir à une conception commune de la consolidation de la paix, qui nous permette à tous d’aller de l’avant.


La consolidation de la paix, au sens le plus large, vise à aider un pays à remettre en place les éléments de base nécessaires à la reprise d’une vie normale après une période de conflit.


La consolidation de la paix, c’est la reprise de l’activité économique, la remise à neuf des institutions, le rétablissement des services essentiels, la reconstruction des dispensaires et des écoles, la refonte de l’administration publique et le règlement des désaccords par le dialogue et non par la violence. Le plus grand défi est de faire évoluer la société vers une paix durable.


Des activités de consolidation de la paix bien menées ont un grand pouvoir préventif pour éviter les conflits violents. Mais ce pouvoir n’est pas de même nature que celui d’une armée : il est le résultat d’un grand nombre d’initiatives, de projets, d’activités et de sensibilités. Consolider la paix, ce n’est pas imposer de façon spectaculaire un plan grandiose. C’est un travail qui consiste à construire les piliers sur lesquels s’appuiera la paix, une couche de pierres à la fois, petit à petit.


Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants, l’éducation aux droits de l’homme, le rapatriement des réfugiés et la promotion des méthodes de règlement des conflits et de réconciliation ne constituent que le début de la liste des activités de consolidation de la paix. Nous favorisons aussi des échanges culturels destinés à tisser des liens entre les États en formant des réseaux d’activités et de possibilités, au lieu des filets où ils sont pris au piège de leurs antagonismes.


Et pour assurer la cohérence de cette action, nous nous efforçons aussi d’améliorer nos propres mécanismes internes, afin que les activités de consolidation de la paix n’aient pas seulement une portée exhaustive mais qu’elles soient aussi menées de façon intégrée.


Les entités du système des Nations Unies étant de plus en plus nombreuses à créer des unités et des fonds pour la consolidation de la paix, il va nous falloir faire un grand effort de coordination si nous voulons être synergiques et éviter les doubles emplois et la confusion.


Quand on pense à la consolidation de la paix, on pense généralement à des situations d’après conflit. L’objectif est alors de renforcer la paix, de mieux assurer une stabilité fragile et souvent obtenue à grand prix, et par-dessus tout d’empêcher qu’on retombe dans un conflit ouvert.


Mais je vois aussi dans la consolidation de la paix un outil de prévention, qui peut servir à s’attaquer aux causes profondes, sous-jacentes des conflits et qui peut aussi être utilisé avant qu’une guerre n’éclate vraiment. Telle société qui est au bord de la désintégration en a autant besoin que telle autre qui a déjà été frappée par la catastrophe. Une intervention à ce stade pourrait sauver bien des vies, et éviter tant de malheur. La logique politique, économique et humaine d'une telle approche est indéniablement fondée, mais le problème, c’est que nous ne pratiquons pas la prévention aussi souvent que nous le pourrions ou que nous le devrions.


Qu’elles soient lancées avant, pendant ou après l’éclatement d’un conflit, les activités de consolidation de la paix ne peuvent être considérées que comme une entreprise de longue haleine. En même temps, on est saisi d’un sentiment très net d’urgence, d’un besoin d’accomplir des progrès tangibles en peu de temps et sur plusieurs fronts.


La consolidation de la paix doit être avant tout l’œuvre de la société qui est menacée d’un conflit ou qui a été emportée par un conflit. L’action menée à l’échelon international pour favoriser la paix ou le développement doit venir appuyer l’action menée par le pays, et non s’y substituer.


La consolidation de la paix est une entreprise extrêmement difficile. Trop souvent, à l’issue de conflits prolongés, les pays doivent repartir pratiquement à zéro, dans un climat d’amertume et de deuil. Il faut de la persévérance et de la perspicacité, mais aussi du courage, pour réconcilier des sociétés qui demeurent divisées par la suspicion et la méfiance.


Permettez-moi de dire un mot de la nature fondamentalement politique de la consolidation de la paix, une caractéristique qui la distingue des activités de développement normalement déployées en situation de non-crise. Lorsqu’un pays s’enfonce dans le conflit ou sort de la guerre, ses besoins sont de nature différente de ceux d’une société stable.


Les activités humanitaires et autres activités de développement normales doivent être envisagées selon un ordre différent, leur but premier devant être d’empêcher le conflit ou la reprise des combats.


Pour certains, il s’agit de considérer les activités de développement et les activités d’aide humanitaire sous l’angle de la prévention des conflits. Pour d’autres, il s’agit de mettre en place des programmes d’ajustement « axés sur la paix », suffisamment souples pour tenir compte des besoins spécifiques des pays qui sortent d’un conflit ou qui sont sur le point de sombrer dans la guerre.


Consolider la paix, cela peut aller parfois jusqu’à accorder un traitement préférentiel à tel ou tel groupe au sein d’une société afin d’atténuer des inégalités qui ont fini par amener le pays au bord de l’explosion, un choix qui peut conduire à allouer les ressources selon des principes qui ne sont pas toujours les plus logiques d’un point de vue purement économique.


Au cours de la décennie qui vient de s’écouler, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont tous deux reconnu l’importance de la consolidation de la paix et la nécessité d’œuvrer en collaboration avec tout un ensemble de partenaires, y compris les organisations non gouvernementales et le secteur privé.


Le Conseil a reconnu avec raison que les activités de consolidation de la paix constituaient un élément essentiel des missions de maintien de la paix et qu’elles devaient comporter la mise en œuvre de moyens de prévention tels que l’alerte rapide, la diplomatie, le déploiement préventif et le désarmement.


Dans des pays aussi divers que la Bosnie-Herzégovine, le Cambodge, El Salvador, le Guatemala, le Libéria ou le Mozambique, les activités de consolidation de la paix ont permis d’empêcher la rupture des accords de paix et d’en faciliter l’application. Dans des pays comme Haïti, la Guinée-Bissau ou la République centrafricaine, elles ont contribué à maintenir une fragile stabilité.


Pour faire face à une demande croissante, l’Organisation des Nations Unies a ouvert, à titre d’essai, des bureaux d’appui à la consolidation de la paix en Guinée-Bissau, au Libéria, en République centrafricaine et au Tadjikistan.


Bien qu’ils existent depuis relativement peu de temps et malgré leurs ressources limitées, ces bureaux avancés ont aidé les gouvernements à détruire les armes, à se doter d’institutions et à mobiliser l’aide internationale pour répondre aux besoins de leur pays. Comme vous le savez, nous étudions actuellement la possibilité d’établir en Somalie une présence qui aurait pour but la consolidation de la paix.


Le Conseil a un rôle primordial à jouer. Mobiliser durablement des ressources et susciter une volonté politique solide de la part de la communauté internationale sont parmi les principales difficultés de la consolidation de la paix. De bonnes idées ont été formulées dans des domaines importants comme l’application des accords de paix ou la conception des opérations de maintien de la paix, et le Conseil pourrait en tenir compte lors de ses mandats futurs.


Nul doute que la réunion que nous aurons demain et mercredi avec les organisations régionales portera ses fruits. Je me réjouis de savoir que les Présidents de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social y participeront tous trois et je ne doute pas que le Conseil voudra apporter son plein appui aux conclusions de la réunion.

Monsieur le Président,

Excellences,


La consolidation de la paix pose des problèmes complexes et multiples. Je ferai de mon mieux sur le plan pratique pour apporter des améliorations aux projets de consolidation de la paix dans lesquels nous nous engagerons et pour tirer parti au maximum des compétences du système des Nations Unies et de nos nombreux partenaires.


Mais je demanderai aussi aux membres du Conseil de faire davantage sur le plan politique pour accorder un degré de priorité plus élevé à la consolidation de la paix et pour faire mieux connaître ces activités, en faisant figurer cette question au premier rang de leurs préoccupations.


La consolidation de la paix ne doit pas être considérée comme une activité d’appoint que l’on réserve pour plus tard et à laquelle on a recours lorsque les conditions, les ressources ou la situation politique le permettent. Il s’agit d’un outil essentiel, qui a fait ses preuves. Prenons ensemble l’engagement de développer cet outil, de l’améliorer, puis de l’utiliser le moment venu.


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