IL FAUT UNE CROISSANCE CREATRICE D’EMPLOIS DECENTS ET UN DIALOGUE SOCIAL POUR REDUIRE LA PAUVRETE
Communiqué de presse PMA/129 |
Troisième Conférence des Nations Unies
sur les pays les moins avancés
IL FAUT UNE CROISSANCE CREATRICE D’EMPLOIS DECENTS ET UN DIALOGUE SOCIAL POUR REDUIRE LA PAUVRETE
Bruxelles, 18 mai -- Un programme de création d’emplois, une proposition de soutien à la microassurance santé, un programme pour l’élimination des pires formes de travail figurent parmi les propositions d’action avancées par le Bureau international du Travail, cet après-midi à la Troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés –PMA III- dans le cadre d’un débat interactif sur le thème de la mise en valeur des ressources humaines et de l’emploi. Axées sur le rôle des ressources humaines et de l’emploi stable dans la stimulation de la croissance et la réduction de la pauvreté dans les PMA, les discussions ont notamment porté sur l’amélioration de la compétitivité et le renforcement des capacités des pauvres, le rôle de la création d’emplois dans la réduction de la pauvreté, et la nécessité d’offrir aux femmes et aux hommes un emploi aux fins du développement décent des PMA.
Prenant la parole sur ces questions, M. François Trémeaud, Directeur exécutif du Bureau international du travail (BIT) a déclaré qu’en matière d’emplois, les PMA étaient handicapés par leur démographie galopante, et le mauvais état sanitaire de leurs populations. La population active de ces pays, non seulement subit la charge de la dépendance économique de leur famille, mais est également la première victime des pandémies, dont celle du VIH/sida. Ainsi, a dit M. Trémeaud, le taux de prévalence de la pandémie est parfois tellement élevé, que certains des PMA d’Afrique les plus affectés perdent chaque année plus d’instituteurs qu’ils n’en forment. L’autre handicap qui frappe les PMA, a-t-il estimé, est que cette population active est principalement engagée dans des activités à faible productivité et à faibles revenus, ce qui ne permet de sortir les familles de la pauvreté. Les ressources humaines restant le principal atout des PMA pour sortir de la pauvreté, il faut éliminer les obstacles qui se posent aux pauvres en les aidant à faire un usage productif de leur travail. Plaidant pour la création d’un cadre politique, économique et juridique privilégiant l’emploi, les droits des travailleurs, la protection sociale et le dialogue,
M. Trémeaud a dit que la mise en oeuvre de ce cadre suppose la bonne gouvernance, l’allègement de la dette et l’accès aux marchés facilité des produits des pays pauvres.
Parmi les orateurs principaux de la session, M. Zéphirin Diabré, Administrateur associé du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a déclaré que le PNUD soutenait des programmes et des réflexions favorisant la création d’emplois stables et décents. L’économie, a dit M. Diabré, doit être conçue pour l’être humain et mise au service de son bien être et non pas le contraire. Partageant les soucis exprimés par une majorité de participants sur les résultats de certaines politiques macroéconomiques, il s’est inquiété des tendances actuelles de l’économie dans les pays en développement, où les réformes structurelles se sont d’abord attachées à promouvoir la croissance et la rentabilité au dépen des services sociaux indispensables aux populations. Il faudrait éviter de créer la croissance sans emplois décents, a dit M. Diabré, car ses fruits ne sortent pas les familles de la pauvreté.
« C’est dans la ressource humaine qu’il faut trouver la clef de la lutte contre la pauvreté des PMA », a souligné de son côté M. Charles Josselin, Ministre délégué à la coopération pour le développement de la France. Les donateurs doivent prendre les engagements qu’il faut en vue d’assurer aux pays pauvres les financements dont ils ont besoin pour valoriser ces ressources.
Concernant la répartition d’emplois par secteur, le document proposé par le Bureau international du travail (BIT) relève que l’agriculture compte pour une part très élevée de la production économique des PMA et peut, dans certains cas extrêmes, représenter plus de 90% des emplois de ces pays. La forte migration économique, à la fois au sein et à l’extérieur des PMA, et le travail des enfants, avec son corollaire, le cercle vicieux de la pauvreté, sont caractéristiques des PMA, ont reconnu les participants au débat, allant ainsi dans le sens du rapport du BIT, et regrettant que si la pauvreté encourage le travail des enfants, l’inverse est également vrai, l’enfant qui travaille abandonnant toute chance de développer son potentiel et se condamnant ainsi à une vie d’adulte pauvre. Parmi les catégories d’emploi connaissant la plus forte incidence de pauvreté dans les PMA, ont été cités dans le document, par ordre décroissant, la classe inférieure des petits agriculteurs, en termes d’accès à la terre, et les travailleurs ruraux sans terre. Puis viennent les travailleurs du secteur urbain informel, les enfants travailleurs et les personnes employées dans des activités rurales non agricoles à faible productivité.*
Le débat interactif sur la question des ressources et de l’emploi décent était coprésidé par MM. Charles Josselin, Ministre délégué à la coopération et au développement de la France, et Girma Birru, Ministre du développement et de la coopération économiques de l’Ethiopie.
MISE EN VALEUR DES RESSOURCES HUMAINES ET EMPLOI
Un emploi décent aux fins de la lutte contre la pauvreté et du développement dans les PMA
Déclarations liminaires
M. CHARLES JOSSELIN, Ministre délégué à la coopération pour le développement de la France, coprésident de ce débat, a déclaré en ouvrant la session interactive sur la mise en valeur des ressources humaines et l’emploi décent aux fins de la lutte contre la pauvreté, qu’il n’est de richesses que les hommes. Les ressources humaines restent le premier facteur de création de la croissance et de la richesse, a dit M. Josselin. C’est dans la ressource humaine qu’il faut trouver la clef de la lutte contre la pauvreté des PMA. L’éducation et les soins de base ne peuvent pas attendre pour un jeune enfant qui, s’il ne les reçoit au moment où il en a le plus besoin, ne pourra jamais devenir un être humain pleinement productif. Nous devons réagir avec vigueur à ce qui se passe dans les PMA en respectant leurs véritables besoins et leurs identités. La valorisation de l’être humain est un lourd investissement à long terme. Le progrès des uns et des autres devraient profiter à l’ensemble de la société.
Nous savons que dans les PMA, les gouvernements doivent souvent parer au plus urgent et au plus indispensable, a poursuivi M. Josselin. Nous savons aussi combien construire des systèmes de santé et scolaires coûte cher, et que ce volet de la dépense publique ne devrait jamais être touché. Mais les politiques des institutions internationales ont malheureusement pris pour cibles ces secteurs, obligeant les gouvernements à y faire de drastiques coupes budgétaires. La solidarité internationale, à travers l’APD, pourra seule pallier les manques dont souffrent en ce moment les PMA dans ces domaines. La priorité donnée à la lutte contre la pauvreté et l’ouverture des marchés du Nord offrent une opportunité de consacrer les moyens dont ils ont besoin, aux secteurs sociaux. Le rôle de l’Etat y est important, et il doit inscrire son action dans le long terme, le développement des ressources humaines devant en effet s’inscrire dans la durée. L’Etat doit garantir cette continuité et prendre en compte les besoins de tous les groupes sociaux. Les donateurs pour leur part doivent prendre les engagements qu’il faut, en vu d’assurer aux pays pauvres les financements dont ils ont besoin pour valoriser leurs ressources humaines. La création d’emplois décents doit se faire sur une perspective durable. Nous nous félicitons que les institutions de Bretton Woods soient aujourd’hui sensibles aux besoins sociaux des pays en développement. Mais la promotion du développement humain et la protection sociale ne doivent pas se limiter à des stratégies de lutte contre la pauvreté. L’action internationale ne saurait en effet se réduire en une forme de charité.
M. GIRMA BIRRU, Ministre du développement et de la coopération économique de l’Ethiopie, coprésident du débat, a déclaré que l’adoption d’un cadre plus large de coopération que par le passé et d’un plan d’action mettant l’accent sur des mesures non pas macro, mais microéconomiques, pouvait donner des chances à l’élimination de la pauvreté, qui est l’expression d’une absence permanente de bien-être. Le développement des ressources humaines est un moyen de lutte contre la pauvreté, car il constitue un moyen puissant de production. L’économie fondée sur le savoir dépend de la formation des travailleurs. La mondialisation est une période où la création de richesses dépend de ressources humaines performantes
opérant dans un cadre d’investissement porteur. Toute stratégie de lutte contre la pauvreté doit prendre en compte les caractéristiques des PMA en matière de ressources humaines. La croissance doit être fondée sur l’emploi et non à travers une allocation sectorielle des investissements. La recherche du développement et la nécessité de la création d’emplois décents doivent se faire dans un contexte harmonieux. L’atout principal des PMA, ce sont leurs populations. L’Organisation internationale du Travail a une action à mener en faveur des PMA et de la protection de leurs ressources humaines. Le lien emploi/développement des ressources humaines/croissance doit clairement être établi.
M. RUBENS RICUPERO, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et Secrétaire général de PMA III, a rappelé l’objectif du débat qui est d’aboutir à des propositions d’action concrètes avant d’attirer l’attention sur le programme « Revenu minimal lié à la fréquentation scolaire » mis en œuvre par la CNUCED et l’Organisation internationale du Travail (OIT), et lancé, à ce jour, en Amérique latine. Trop souvent, a-t-il expliqué, les familles pauvres se gardent d’inscrire leurs enfants, car elles ont besoin du peu d’argent que ces derniers peuvent gagner. Partant, le programme garantit un revenu minimal à ces familles à condition qu’ils envoient leurs enfants l’école. Il s’agit là d’un moyen pratique de combattre la pauvreté mais aussi d’investir dans le renforcement des capacités. Il s’agit aussi d’un moyen d’inverser la tendance au déclin de la part de l’APD qui va à l’éducation, a conclu M. Ricupero.
Intervenant à son tour, M. FRANCOIS TREMEAUD, Directeur exécutif du Bureau international du Travail (BIT), a estimé que dans les PMA la situation actuelle des ressources humaines et de l’emploi représente à la fois un handicap lourd et un atout du développement. Au titre des handicaps, il a expliqué que la démographie galopante qu caractérise ces pays et le mauvais état sanitaire a affaibli la population active de ces pays. En effet, non seulement la population active subit la charge de la dépendance économique de leur famille mais elle est également la première victime des pandémies. Ainsi sur les 35 millions de séropositifs du VIH/Sida, 23 millions se trouvent dans la population active et dans certains pays d’Afrique, il meurt chaque année plus d’instituteurs que l’on en forme.
Le deuxième handicap, a poursuivi M. Trémeaud, est que la population active est principalement engagée dans des activités à faible productivité et à faibles revenus. Dans le monde, sur 100 travailleurs, 16 ne parviennent pas à sortir leur famille de la pauvreté absolue. Cette coexistence entre un travail dur et la misère est une des caractéristiques principales de la population dans les PMA, a indiqué l’orateur. Le résultat de cette situation sur le plan économique fait que le PNB chute alors même que pour diminuer de moitié la pauvreté d’ici 2015, les experts ont convenu de la nécessité d’assurer un taux de croissance annuelle
de 7%. Sur 49 PMA, 11 ont connu un taux de 3% de décroissance annuelle de
leur PNB.
En même temps, a poursuivi M. Trémeaud, ces ressources humaines sont le principal atout de ces pays pour sortir de la pauvreté en citant comme premier élément positif leur volonté de s’en sortir. La difficulté est donc de faire
disparaître les obstacles qui se posent à ce que les pauvres fassent un usage productif de leur travail. Le deuxième facteur positif est qu’au sein du secteur informel, il existe une dynamique qui va de l’économie de la survie à un embryon de tissu économique viable. Là, il faut mettre ce secteur dans des conditions qui lui permettent de se développer. Partant, l’orateur a plaidé pour l’établissement d’un cadre politique, économique et juridique privilégiant l’emploi; pour le respect des droits des travailleurs; pour le développement de la protection sociale et pour le dialogue social.
Le cadre suppose, a-t-il dit, des actions dans la bonne gouvernance, l’allègement de la dette ou encore l’accès aux marchés. En ce moment, le BIT travaille dans 17 pays africains pour conseiller sur la manière dont il faut combiner les différents intrants économiques pour favoriser la création d’emplois. Dans ce contexte, M. Trémeaud a regretté que le projet de programme d’action de PMA III ne témoigne pas du rôle de l’emploi comme un facteur essentiel de développement économique. Il a ainsi expliqué qu’au Cambodge, les travaux d’infrastructures utilisant de la main-d’œuvre locale, reliant les endroits les plus reculés et pauvres, et permettant l’apparition de métiers grâce à la formation et aux microcrédits, ont permis un réel développement. Il a souhaité que ce fait soit repris dans la formulation des politiques dans les PMA.
L’aspect économique ne suffit pas, a-t-il convenu en plaidant pour des emplois décents car, a-t-il expliqué, la qualité du travail a un lien avec l’amélioration des conditions économiques. En la matière, il a proposé trois grandes orientations, à savoir le respect des droits fondamentaux des travailleurs, la protection sociale et le dialogue social. Il a présenté la première orientation comme une condition du développement qui implique la disparition des pires formes du travail des enfants. Il s’agit d’un objectif social mais aussi d’une manière d’éviter à terme une perte économique considérable puisque par le respect de la liberté syndicale une valorisation du travail se fait et par la suppression du travail forcé, des retombées économiques positives se font ressentir.
La protection sociale n’est pas impossible dans les PMA, a estimé
M. Trémeaud en indiquant que dans le secteur informel, des formes de solidarité existent déjà. L’Organisation internationale du Travail (OIT) s’est d’ailleurs engagée dans l’assistance à apporter à ces « mutuelles de santé embryonnaires ». Abordant enfin la question du dialogue social, il a argué qu’il permet aux travailleurs d’exprimer leur besoin et de faire avancer les intérêts économiques et sociaux. Là encore, le secteur informel s’organise depuis longtemps pour défendre ses intérêts face à l’Etat, aux intermédiaires et aux clients. En mettant en œuvre ces trois grandes orientations, il importe de respecter les cultures et les systèmes traditionnels d’organisation de la société et du pouvoir, a souligné le représentant du BIT.
M. ZEPHIRIN DIABRE, Administrateur associé du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a déclaré que la question de la mise en valeur des ressources humaines et de l’emploi est l’une des plus importantes traitées par le PNUD. Un emploi productif et décent est une condition sine qua non de la lutte contre la pauvreté. Le développement économique doit être conçu pour les individus et par les individus, qui doivent en être les acteurs et les bénéficiaires. Le PNUD milite en faveur d’un développement humain durable. La croissance est le moyen du développement humain, mais pas son but ultime. L’emploi n’est pas seulement une question à aborder sous l’angle de la production, mais aussi une question de participation de l’individu à la vie sociale et de sa dignité. La croissance n’est pas seulement la création de revenus, mais aussi un moyen de transformation positive de la vie des individus. Le PNUD a préparé un document d’analyse de la situation des PMA. Etant donné la pauvreté de ces pays, l’approche par l’indice de développement humain permet d’inclure tous les paramètres qui caractérisent la vie des populations de ces pays. On remarquera aussi que 21 PMA n’ont pas ratifié les différentes conventions sur les droits des travailleurs, ce qui peut faire craindre que les conditions d’emplois n’y soient pas idéales. Il faudrait veiller à éviter la promotion de politiques de croissance sans génération d’emplois et celles de la création d’emplois sans croissance. Il faudrait d’autre part que l’on poursuive des processus de croissance au profit des plus pauvres, qui doivent bénéficier de systèmes de sécurité sociale et des outils indispensables à une vie saine, notamment des soins de santé, l’éducation, l’eau potable et l’énergie. Les besoins des PMA devraient aussi toujours être pris en compte dans l’élaboration des grandes politiques internationales. N’oublions jamais que la destinée humaine est une suite de choix, et que les choix que l’on fait et qui engagent la vie des autres doivent être justes et équitables.
Mme MAMOUNATA CISSE, Sous-Secrétaire générale de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), a déclaré que le développement des PMA ne sera une réalité que quand l’économie sera mise au service du bien-être humain et non le contraire. Les politiques mises en oeuvre depuis un certain nombre d’années n’ont créé que misère et distorsions sociales dans les pays qui ont notamment appliqué des plans d’ajustement structurel. Il est aussi surprenant que des organismes internationaux mènent des actions qui vont complètement à l’encontre de celles menés par d’autres institutions internationales. Il ainsi est inacceptable de voir la Banque mondiale, le FMI et l’OMC forcer les pays à appliquer des politiques totalement contraires à celles que préconisent les agences onusiennes. Nous sommes contre les politiques qui nient la défense des droits des travailleurs. Les emplois offerts par les transnationales dans les zones franches industrielles, censées créer des emplois dans les pays pauvres, sont en réalité de simples postes d’exploitation éhontée de l’être humain, a dit la représentante. Nous demandons que les règles que s’efforce de promouvoir le Bureau international du travail (BIT) soient respectées par les législations de travail et d’investissements que créent les règles imposées par les institutions de Bretton Woods et l’OMC. La CISL est prête à coopérer avec le BIT pour la mise en œuvre de son plan d’action en faveur d’emplois décents.
M. YOUSSOUFA WADE, Président du Conseil national des employeurs du Sénégal, a dit que son organisation soutenait la création d’emplois stables, durables et décents. L’éducation et la formation sont des facteurs déterminant pour la lutte contre la pauvreté, mais les efforts des PMA en la matière sont souvent minés par l’exode des cerveaux vers les pays du Nord. La responsabilité des employeurs est à la fois, dans nos pays, citoyenne et sociale, et nous pensons que les travailleurs doivent être traités de manière digne et équitable. Mais le contexte international très compétitif, qui réduit la marge bénéficiaire de nos entreprises, rend difficile la préservation d’emplois suffisants. Le marché de l’emploi est caractérisé dans les PMA par la poussée démographique et l’exode rural, qui créent une demande insoutenable, et par l’existence d’un important secteur informel dont la capacité de création d’emplois est difficile à estimer.
Depuis la fin des années 1970, les Etats ont pris des mesures d’incitation fiscale
en vue de favoriser la création d’emplois, mais les changements du contexte international ont souvent réduit la portée de ces efforts. L’ouverture de chantiers à forte intensité de main d’œuvre pourrait permettre de résorber une partie de la demande d’emplois dans les PMA. Les Africains qui s’exilent et arrivent à s’insérer de manière productive dans leur pays d’accueil contribuent de façon notable à la création d’activités dans leurs pays d’origine grâce aux transferts financiers qu’ils font régulièrement. Ils sont un apport précieux à la création d’emplois dans les PMA.
M. S. RADWAN, Directeur au BIT a présenté les « Propositions d’action du BIT » qui ont déjà été mis en œuvre dans certains pays; le rapport contenant des informations sur les résultats. Au nombre de huit, ces propositions sont divisées en quatre grandes catégories. La première catégorie « développement des ressources humaines et emploi » comprend des propositions concernant la création d’emplois. La deuxième catégorie concerne, elle, la protection sociale et contient des propositions de micro-assurance santé, de réassurance pour les régimes communautaires et du revenu minimum lié à la fréquentation scolaire (MISA). Le dialogue social forme la troisième catégorie et la mise en œuvre des programmes visant à intégrer le dialogue social et la promotion de l’emploi dans les stratégies nationales pour la réduction de la pauvreté. Enfin, concernant les groupes vulnérables – quatrième catégorie – les propositions portent sur la lutte contre le sida sur le lieu du travail et le programme à délai déterminé pour l’élimination des pires formes du travail des enfants.
Débat
L’emploi est le creuset de la cohésion sociale, a souligné le représentant d’Haïti, en se déclarant convaincu du rôle de l’emploi comme instrument d’intégration sociale et de démocratie fonctionnelle. A son tour, la représentante de l’Organisation internationale des migrations (OIM) a évoqué la fuite des cerveaux en expliquant que l’Afrique a déjà perdu 23 millions universitaires et continue de perdre 50 000 cadres par an, soit 2/3 de son personnel qualifié. Pour pallier cette situation, l’OIM a mis au point trois stratégies concernant la constitution de capacités dans les pays d’origine et les pays de destination; l’assistance au rapatriement ou la différenciation des compétences où l’on confie la formation dans les PMA aux migrants de retour; et la cogestion de la migration par des accords entre pays d’origine et pays de destination.
Le représentant des organisations syndicales du Népal a dit que le revenu journalier était de 1 à 2 dollars par jour dans son pays, ce qui représente une somme appréciable dans ce pays où peu de personnes ont un travail salarié. Le renforcement des ressources humaines sans investissements économiques conséquents aurait peu de chances de modifier les données actuelles, a-t-il dit. La représentante du Gouvernement de la Guinée a dit que le développement des ressources humaines a besoin de ressources financières conséquentes. Les PMA manquant d’épargne, ils n’ont pas les moyens d’investir dans ce secteur. La Guinée demande donc une aide de la communauté internationale dans ce domaine.
Le représentant du programme « Training for trade » de la CNUCED a répondu en disant que ce programme est un programme de renforcement de capacités en matière de négociations commerciales internationales. Pour les PMA ce programme peut être d’une grande utilité. Sa formation peut être dispensée sur place aux étudiants et stagiaires qui se mettront ensuite au service de leurs pays. Prenant la parole après lui, le représentant du Rwanda a dit que les PMA devraient aborder la question des ressources humaines sous l’angle de la résolution adoptée par le BIT sur la question à Genève. Les actions inscrites dans ce texte seraient conduites de manière à bénéficier aux pays par des effets de synergie, en mettant en symbiose la formation des ressources humaines, les actions de prévention contre les maladies, dont le VIH/sida, et la création d’emplois décents.
Le représentant du Soudan a estimé que près de 60% de personnes travaillent aujourd’hui dans le secteur de l’économie informelle dans les PMA. L’impôt islamique « zakat » a permis, dans des pays comme le Soudan de soulager la pauvreté de certaines poches de la population la plus déshéritée. Pour la représentante syndicale de la Guinée, la première mesure de rééducation est la création d’emplois décents et durables qui puissent rendre leur dignité aux travailleurs et leur donner les moyens d’assurer la survie de leurs familles. Nous sommes contre la privatisation des entreprises publiques, a-t-elle poursuivi, et nous proposons que leurs actions soient plutôt rétrocédées aux travailleurs.
Nous demandons aussi une annulation pure et simple de la dette, l’accès des pauvres à la terre, et l’accentuation de la lutte contre la corruption. Les femmes doivent être impliquées dans les prises de décisions et les enfants éduqués et non envoyés dans les champs ou les usines, a-t-elle dit.
Le représentant de l’Organisation des pays lusophones a dit que l’organisation soutenait la promotion d’emplois stables et la formation et le renforcement des ressources humaines. Le manque d’emplois est la principale cause des instabilités qui créent des conflits sociaux et parfois des affrontements armés entre groupes, a-t-il estimé. Le représentant a ensuite plaidé pour un soutien des institutions internationales à la formation de ressources humaines en langue portugaise.
Poursuivant le débat, le représentant du Cambodge a fait part de la politique de son pays tendant à intégrer le travail informel dans le circuit formel. Il a donc appuyé les efforts de l’OIT en la matière et s’est dit prêt à coopérer avec elle. Pour sa part, le représentant du Malawi a appuyé les propositions de l’OIT concernant la protection sociale et le dialogue social. Il faut faciliter le transfert de nos expériences vers les PMA, a dit le représentant de la Norvège en souhaitant que l’on mette en avant les syndicats et les ONG, dans ce domaine. Nous devons aider le secteur privé à respecter les droits de l’homme.
A ce propos, la représentante de la Conférence mondiale du travail a fait part de son inquiétude, au nom du Forum des ONG, devant la place limitée que le projet de programme d’action accorde au rôle de l’emploi dans le développement. Les Conventions de l’OIT doivent servir d’ossature aux efforts visant à l’intégration des PMA dans le marché mondial. Il est indispensable que les Etats s’engagent dans les infrastructures sociales et dans la création d’emplois décents qui permettent aux travailleurs de vivre et pas seulement de survivre, a dit la
représentante qui a été appuyée par la représentante de Social Alert et un Syndicaliste d’Haïti. Dans le même ordre d’idées, le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé que 300 000 travailleurs meurent chaque année victimes d’accidents sur leurs lieux de travail et qu’un million de personnes meurent de maladies liées au travail. Il a également plaidé pour la lutte contre la discrimination des travailleurs atteints du VIH/sida.
Le représentant de Force ouvrière, France a demandé la participation active des syndicats dans l’élaboration des programmes d’action nationaux qui, selon lui, doivent être conformes aux besoins des travailleurs concernés, authentiques, respectueux des cultures nationales, portés par une véritable volonté politique notamment de lutter contre la corruption et accompagnés d’un outil de contrôle. La pauvreté ne pourra être éradiquée que si les privatisations et les liquidations sauvages sont arrêtées, a dit, pour sa part, un Syndicaliste du Burkina Faso. Que faire des conditionnalités que posent la Banque mondiale et le FMI à nos pays, s’est interrogé à son tour un Syndicaliste du Bénin qui a voulu une réorientation de ces politiques qu’il a souhaitées plus conformes aux exigences de la création d’emplois décents. Freiner l’embauche dans la fonction publique et encourager les licenciements telles sont les politiques préconisées par les institutions de Bretton Woods, a souligné le représentant de Djibouti qui a souhaité que les choses changent pour sortir du cycle de la pauvreté.
Le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a appuyé le programme « Revenu minimal (MISA) » de l’OIT en soulignant par ailleurs que son Organisation a mis au point des programmes visant non seulement l’acquisition de connaissances pour les employés mais aussi la formation des employeurs. L’UNESCO a également encouragé le principe de l’éducation pour tous et de l’éducation par tous, par exemple, par les ONG ou les communautés locales. Revenant sur le programme « Revenu minimal », le représentant du Brésil a indiqué qu’il vise 26 000 familles. A ce jour, la politique de subsides aux familles a permis « d’épargner la pauvreté à 10 000 familles » et de faire baisser le taux d’échecs scolaires. A long terme, le « Revenu minimal » est un programme concret qui peut véritablement réduire l’exclusion et la pauvreté.
Concluant le débat, le Ministre français délégué à la coopération pour le développement a relevé que les 27 intervenants ont été d’accord sur l’importance de la formation à la négociation commerciale mais aussi à la négociation sociale. S’agissant de la formation, il a appelé à une stratégie de long terme pour ne pas précipiter les choses. En matière d’emplois, a-t-il dit, il faut une vision globale, à savoir tenir compte des emplois formel, informel, public, privé, rural et urbain. En cela, les propositions de l’OIT semblent aller dans la bonne direction, a dit M. Josselin en soulignant aussi l’importance qu’il accorde à la question de l’élimination du travail des enfants. Les expériences conduites au Brésil et au Mexique doivent en inspirer d’autres, a-t-il conclu en mettant l’accent sur le lien intrinsèque entre les droits humains et le développement. « A nous de faire vivre cette relation forte ».
* « Lutte contre la pauvreté et travail décent : Un agenda pour le développement dans les Pays les moins Avancés » et « Propositions d’action du BIT (« Deliverables »), documents établis par le BIT, Genève, mai 2001
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