A L’ISSUE DU SOMMET DES JEUNES DE DURBAN, LA HAUT COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME EXHORTE LES PARTICIPANTS A S’ENGAGER A PROMOUVOIR L’EGALITE, LA JUSTICE ET LA DIGNITE
Communiqué de presse HR/4558 |
RD/920
SOC/4583
A L’ISSUE DU SOMMET DES JEUNES DE DURBAN, LA HAUT COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME EXHORTE LES PARTICIPANTS A S’ENGAGER A PROMOUVOIR L’EGALITE, LA JUSTICE ET LA DIGNITE
On trouvera ci-après le texte du discours liminaire prononcé à Durban au Sommet des jeunes, par la Secrétaire générale de la Conférence mondiale contre le racisme et Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mary Robinson.
C’est pour moi un grand plaisir que de prendre la parole devant vous, ici à Durban, à la cérémonie de clôture du Sommet des jeunes. Je félicite ceux qui ont fait de ce sommet une réalité – j’ai nommé le secrétariat du Forum organisé par les organisations non gouvernementales (ONG) à l’occasion de la Conférence mondiale, le Comité international des jeunes et le Groupe sud-africain d’action des jeunes. Sans leur détermination et leur travail acharné, nous ne serions pas ensemble ici ce soir.
J’attends avec intérêt de prendre connaissance du compte rendu de vos débats. Je promets de le lire attentivement et d’en tenir compte pour finir de préparer la Conférence mondiale. L’une des manières d’y donner suite est de l’utiliser lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants, qui se tiendra le mois prochain à New York. Je rencontrerai la Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Carol Bellamy, ici, dimanche prochain, précisément pour examiner comment il sera possible, à la session extraordinaire, de tenir compte des questions que vous avez soulevées.
J’espère que vous avez tiré profit de votre présence à Durban. Le grand avantage d’une manifestation comme celle-ci est qu’elle offre la possibilité à des jeunes du monde entier de se rassembler, de comparer leurs travaux et de coordonner leurs stratégies. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’en ai fermement appuyé la tenue. Mais je voulais surtout que la voix des jeunes soit entendue à Durban. Je peux dire, d’après les rapports que j’ai reçus concernant vos débats, que vous avez bel et bien abordé toutes les questions que la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée doit examiner.
Cette conférence sera différente. Elle s’occupera des formes de racisme bien connues et profondément ancrées mais aussi des nouvelles formes de racisme, telles que le racisme dans les médias et sur l’Internet.
De nouvelles catégories de victimes étant par ailleurs apparues, elle s’intéressera non seulement aux victimes « traditionnelles » du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance – telles que les minorités ethniques, nationales et religieuses – mais aussi aux réfugiés, aux demandeurs d’asile, aux migrants, aux Rom, aux Sinti, aux communautés nomades, aux populations autochtones, aux descendants africains de tous les continents et aux personnes faisant l’objet d’un trafic.
Elle braquera également les projecteurs sur ceux qui souffrent de multiples formes de discrimination. Les enfants, les personnes âgées, les femmes, ceux qui vivent dans la misère sont souvent victimes de discrimination à double, voire à triple titre parce qu’ils appartiennent à un groupe racial, social, ethnique et/ou religieux particulier.
Le racisme n’est pas un problème indépendant. La race ou l’origine peut conditionner l’accès à une éducation de qualité, à un emploi, à une maison et à un quartier; elle peut aussi être déterminante en matière de droits fonciers, de représentation politique, de participation à la vie publique, d’intégration dans la fonction publique, de soins de santé et même d’espérance de vie.
Tous les pays connaissent des problèmes de racisme et de xénophobie. Le moment est venu désormais pour les gouvernements de l’admettre et de montrer qu’ils comprennent la profondeur de ces problèmes et qu’ils sont déterminés à agir collectivement pour faire passer la lutte contre le racisme et la xénophobie à la vitesse supérieure.
La Conférence a pour objectif, d’une part, de publier une déclaration résolue des gouvernements qui reconnaisse les dégâts causés par des actes de racisme commis dans le passé et témoigne de la prise générale de conscience des formes modernes de racisme et de xénophobie et, d’autre part, d’adopter un programme d’action ferme et pratique. Tous les gouvernements devraient, lorsqu’ils quitteront Durban, être déterminés à élaborer un plan d’action national de lutte contre le racisme – dont il faudrait ensuite évaluer l’efficacité à l’issue d’un laps de temps déterminé.
On ne peut venir à bout du racisme si l’on ne bénéficie pas de l’appui sans réserve des jeunes. C’est ce qu’a bien montré l’Afrique du Sud elle-même. Il aurait été impossible de démanteler l’apartheid sans le courage de la jeunesse sud-africaine, qui a contribué à changer le cours de l’histoire de son pays.
Vous connaissez tous l’histoire de Steve Biko, qui a sacrifié sa vie à la cause de l’égalité et de la non-discrimination et qui est devenu un symbole de la résistance à un régime oppressif et une source d’inspiration pour des millions de personnes.
Il est un autre jeune qu’il faudrait rappeler à notre souvenir aujourd’hui. Il s’agit d’Hector Peterson, mort à l’âge de 15 ans le premier jour du soulèvement de Soweto. Il manifestait avec des camarades de son collège contre l’éducation bantoue obligatoire lorsque la police a ouvert le feu et l’a abattu. Je me suis rendue au mémorial qui lui est dédié lorsque je suis venue en visite en Afrique du Sud en ma qualité de Présidente de l’Irlande et une autre fois, en mars dernier. À chacune de ces occasions, j’ai été émue à la pensée du sacrifice qu’a fait un être aussi jeune et de l’exemple qu’il a donné à tous.
Nous pouvons aussi trouver une source d’inspiration dans de nombreux autres pays. À titre d’exemple, la semaine prochaine, nous entendrons le témoignage d’une personne dont l’expérience devrait tous nous encourager à intensifier la lutte contre le racisme et la discrimination. Il s’agit de Mariama Oumarou, jeune nigérienne de 17 ans qui a été réduite à l’esclavage dès l’âge de 15 ans mais a réussi à s’échapper. Elle racontera son histoire à Durban dans le cadre des auditions de victimes.
Le point commun à ces jeunes gens est qu’ils sont pour nous une source d’inspiration. Ils nous montrent ce que sont le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, comment ils peuvent détruire des vies et comment les jeunes peuvent prendre fermement position contre eux.
Pendant les préparatifs de la Conférence de Durban, j’ai pu observer avec quel enthousiasme les jeunes appuient les objectifs de la Conférence. J’ai pu aussi observer comment ils réussissent à se faire entendre. J’étais en effet à la conférence régionale préparatoire de la Conférence pour les Amériques à Santiago du Chili, en mars dernier, lorsqu’au beau milieu des discours officiels, une jeune argentine, Viviana Figueroa, a pris le microphone des mains du Président du Chili pour dire ce que pensaient les peuples autochtones qui n’avaient pas été associés à la rédaction des documents finals. En voici pour preuve la photo qui a été prise d’elle à ce moment-là!
Je voudrais aussi saluer la délégation de jeunes du Guyana ici présente, qui a convaincu avec courage des commerçants, des entrepreneurs, des directeurs d’école et de club sportif et la police de faire de leurs locaux des « zones de non-exclusion raciale ». Il faudrait prendre d’autres initiatives de ce genre après la Conférence mondiale pour que les documents finals qu’elle adoptera deviennent une réalité pour tous. Dans le numéro de juin du bulletin de la Conférence mondiale, qui est consacré aux jeunes et aux enfants, nous avons décrit toute une série d’initiatives intéressantes que je recommande à votre attention. Vous pouvez en prendre connaissance, ainsi que de beaucoup d’autres informations, à l’adresse Web du Haut Commissariat aux droits de l’homme, qui est la suivante: <www.unhchr.ch>.
Les jeunes peuvent apporter une importante contribution à l’examen des questions dont est saisie la Conférence mondiale parce qu’ils sont particulièrement exposés aux conflits et à la discrimination. Des millions d’entre eux sont victimes de discrimination, non seulement parce qu’ils sont jeunes, mais aussi pour d’autres raisons – parce qu’ils appartiennent à des minorités ou à des populations autochtones ou parce qu’ils sont réfugiés, par exemple. Ils y sont en butte à cause de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur langue ou de leurs traditions culturelles. Demandez donc à des jeunes sud-africains de couleur quel traitement on leur réserve souvent, à eux et à leur famille, lorsqu’ils viennent s’inscrire dans des écoles.
La discrimination qui frappe les jeunes et les enfants peut être occulte et subtile. Ils la supportent souvent en silence, ce qui peut avoir un profond impact sur leur amour-propre et leur confiance en soi. Elle peut en effet les amener à refouler des sentiments négatifs qui, au fil des générations, peuvent se transformer en ressentiment et en attitude de refus.
Les jeunes peuvent être la proie d’agresseurs qui les encouragent à devenir des agresseurs eux-mêmes. S’ils grandissent dans un milieu raciste, ils peuvent eux-mêmes devenir racistes. S’ils vivent dans une atmosphère de violence, on peut s’en servir pour faire monter la tension ethnique et raciale et même pour faire la guerre. On peut aussi s’en servir pour déchaîner une violence et une haine destructrices à l’encontre de minorités religieuses ou ethniques. Des jeunes ont tué et été tués, violé et été violés, torturé et été torturés – souvent pour des raisons ethniques ou raciales.
L’inverse est également vrai : si des enfants et des jeunes peuvent s’inspirer de personnes dont le comportement est exempt de haine et de discrimination raciale, ils peuvent se faire les champions de la tolérance et de la diversité.
C’est vous qui décidez dans quel monde vous voulez vivre : un monde divisé en fonction de la race, du sexe et de l’origine nationale ou ethnique ou un monde dans lequel tous se considèrent comme les membres d’une seule et même famille.
Vous pouvez faire pression sur les gouvernements et les autorités locales pour qu’ils luttent concrètement contre le racisme.
Vous pouvez prendre des initiatives pratiques au niveau local partout où vous voyez le racisme à l’oeuvre.
Vous pouvez encourager l’instauration d’un dialogue ouvert et franc sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Le présent Sommet montre que les jeunes prennent la question du racisme au sérieux. Les débats consignés dans votre rapport portent sur de nombreuses questions et permettront de faire en sorte que l’honnêteté et la détermination de la jeunesse soient reconnues à Durban et bien au-delà.
Vous pouvez prendre fait et cause pour la différence. J’ai été heureuse de constater à ce propos dans vos réunions que vous vouliez davantage que la tolérance, c’est-à-dire le respect et la célébration de la différence.
Le racisme et l’intolérance se nourrissent de l’ignorance et de la peur. Vous pouvez, avec ouverture d’esprit, proposer de nouvelles idées et tracer des perspectives audacieuses. Votre énergie, votre dynamisme et votre volonté de changement nous permettent d’espérer que vous réussirez là où les générations précédentes ont échoué.
Nous pouvons tous contribuer à faire progresser la lutte contre le racisme, l’intolérance et le fanatisme. Je ne voudrais pas que la Conférence ne serve qu’à aligner des mots et des promesses. Je voudrais au contraire qu’elle nous permette vraiment de faire évoluer les comportements et d’améliorer les stratégies de lutte contre le racisme. Elle devrait servir de catalyseur au lancement d’initiatives locales, nationales, régionales et internationales concrètes qui associent pleinement les jeunes à des activités antiracistes. Je sais que des groupes de jeunes se sont constitués partout dans le monde et que des conférences de jeunes
préparatoires à la Conférence mondiale se sont tenues, aux niveaux national, sous-régional et régional, sur tous les continents. J’ai rencontré beaucoup de ceux qui ont participé aux préparatifs de la Conférence. Je les encourage à poursuivre leurs travaux, à suivre les progrès accomplis dans la lutte contre l’intolérance et à se servir résolument des grandes manifestations internationales pour promouvoir la diversité ethnique.
Aujourd’hui, je demande instamment à vous tous ici présents « de déployer vos ailes » et de constituer un réseau mondial d’organisations et de dirigeants de jeunes résolus à lutter contre le racisme. Profitez de votre séjour ici à Durban pour échanger vos données d’expérience et tisser des liens. La plupart d’entre vous font partie d’organisations de jeunes ou d’ONG. Vous avez un rôle déterminant à jouer pour ce qui est d’insuffler le respect de la différence chez vos camarades.
Le 21 mars dernier, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, j’ai invité des jeunes à « s’engager » à promouvoir l’égalité, la justice et la dignité tout au long de leur vie. Je tiens à répéter en votre présence le serment qu’ils ont fait : « En tant que jeune membre de la communauté mondiale, je m’engage à lutter aux côtés de l’Organisation des Nations Unies contre toute manifestation de racisme, de discrimination et d’intolérance. Toute ma vie, j’essaierai de promouvoir l’égalité, la justice et la dignité pour tous chez moi, dans ma communauté et partout dans le monde. »
* *** *