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FEM/1155

CEDAW :SINGAPOUR JUSTIFIE LE MAINTIEN DES RESERVES À LA CONVENTION PAR LA NECESSITE DE PRESERVER L'EQUILIBRE DE SA SOCIETE MULTICULTURELLE ET MULTIRACIALE

09/07/2001
Communiqué de presse
FEM/1155


Comité pour l’élimination de

la discrimination à l’égard des femmes

25e session

514e séance – matin


CEDAW :SINGAPOUR JUSTIFIE LE MAINTIEN DES RESERVES À LA CONVENTION PAR LA NECESSITE

DE PRESERVER L'EQUILIBRE DE SA SOCIETE MULTICULTURELLE ET MULTIRACIALE


La Secrétaire parlementaire du Ministère du développement communautaire et des sports de Singapour, Mme Yu-Foo Shoon, a expliqué, ce matin, aux 23 experts du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, en présentant le rapport initial et le deuxième rapport périodique de Singapour, que son pays estime qu'il est pour l'instant nécessaire et important de maintenir les réserves qu'il a émises concernant la Convention sur l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes. 


Le caractère multiculturel et multiracial de la société singapourienne et, en particulier, le droit des citoyens musulmans d'observer leurs lois religieuses et personnelles, l'égalité de tous fondée sur la méritocratie, la tradition asiatique de l'homme chef de famille, le non-renouvellement de la population singapourienne depuis 1975 et la préservation du droit souverain sur sa politique interne expliquent que le Gouvernement ait émis des réserves concernant cinq articles de la Convention, à savoir les articles 2, 9, 11, 16 et 29 paragraphe 2, et souhaite les maintenir.  Celles-ci portent principalement sur la protection des droits des minorités, la politique d'immigration et de nationalité et sur les restrictions à l'emploi des femmes et ont pour objet de maintenir l'équilibre délicat de la société singapourienne.  Comme l'a expliqué Mme Yu-Foo, l'égalité entre les sexes découle naturellement de la consécration dans la Constitution du principe de l'égalité de tous.  Aucun mécanisme ou programme d'intégration des questions sexospécifiques n'est établi.  Le droit civil s'applique à l'ensemble de la population, à l'exception de la population musulmane pour qui s'applique le droit islamique ou charia.  Les droits des femmes non musulmanes sont protégés par la Charte des droits de la femme, promulguée en 1961 et amendée au cours des années pour l'adapter à l'évolution de la situation des femmes. 


S'agissant des progrès enregistrés en ce qui concerne la condition de la femme, la Secrétaire parlementaire a indiqué que Singapour a enregistré d'importants progrès en matière de développement économique et social qui ont bénéficié aux femmes.  En termes d'indice de développement humain, Singapour a été classé en 2000 à la 24ème place sur 174 pays.  On compte 89%des femmes âgées de 15 ans et plus qui sont alphabétisées contre 96% des hommes et elles représentent 42,4% de la population active et quelque 60% des hauts fonctionnaires de l'Etat.  


(à suivre – 1a)


Les femmes représentent désormais 50% des effectifs dans les universités contre 28% en 1965.  La fréquentation dans les écoles primaires et secondaires est pratiquement universelle.  Sur le marché du travail, a ajouté la Secrétaire parlementaire, les femmes représentent 56% de la force de travail contre 20%

en 1965. 


Cependant, comme l'ont fait remarquer plusieurs experts préoccupés par l'absence de mécanisme d'intégration de l'égalité entre les sexes, les femmes à Singapour souffrent encore d’importantes inégalités et de nombreux progrès restent à faire pour assurer l'égalité entre les sexes et l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.  Pour les experts, la participation des femmes à la vie politique, leur représentation à des postes à responsabilité, la double discrimination des femmes musulmanes du fait que leurs droits sont aussi régis par la charia, les droits des femmes en ce qui concerne la nationalité des enfants, et leur accès au marché du travail, sont des domaines qui requièrent une attention particulière et des actions positives de la part du Gouvernement de Singapour.  Les experts ont expliqué qu'ils ne comprenaient pas pourquoi Singapour continue de refuser de prendre des mesures de discrimination positive à l'égard des femmes alors que celles-ci se sont montrées efficaces pour éliminer les inégalités entre les hommes et les femmes, culturelles ou héritées du passé.  Plusieurs experts ont fait observer que, si l'égalité entre les sexes est garantie par la Constitution, la non-discrimination ne l'est pas et aucun mécanisme d'intégration de la parité entre les sexes ne permet d'assurer l'application des dispositions de la Convention.  Plusieurs experts ont, en outre, cru déceler une contradiction entre le rôle traditionnel de l'homme comme chef de famille, héritage de la tradition asiatique, et l'insistance sur le rôle de la famille et de la femme au sein de la famille dans les politiques du Gouvernement.  Sur la question des réserves, plusieurs experts ont fait observer que les raisons culturelles et économiques invoquées ne justifient pas la discrimination qui touche les femmes dans la société singapourienne. 


Les 23 experts du Comité sont : Mmes Charlotte Abaka (Ghana), Ayse Feride Acar (Turquie), Sjamsiah Achmad (Indonésie), Emna Aouij (Tunisie), Ivanka Corti (Italie), Feng Cui (Chine), Naela Gabr (Egypte), Françoise Gaspard (France), Maria Yolanda Ferrer Gomez (Cuba), Aida Gonzalez Martinez (Mexique), Savitri Goonesekere (Sri Lanka), Rosalyn Hazelle (Saint-Kitts-et-Nevis), Fatima Kwaku (Nigéria), Rosario Manalo (Philippines), Asha Rose Metengeti-Migiro (Tanzanie), Mavivi Myakayaka-Manzini (Afrique du Sud), Frances Livingstone Raday (Israël), Zelmira Ragazzoli (Argentine), Hanna Beate Schöpp-Schilling (Allemagne), Heisoo Chin (République de Corée), Maria Regina Tavares da Silva (Portugal), Chikako Taya (Japon) et M. Göran Melander (Suède).


Le Comité poursuivra l'examen du rapport initial et du deuxième rapport périodique de Singapour, cet après-midi à partir de 15 heures.



EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ELIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES


*     Présentation et examen du rapport initial et du deuxième rapport périodique de Singapour (CEDAW/C/SING/1 et 2)


Etat partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes depuis le 5 octobre 1995, Singapour a présenté son rapport initial en novembre 1999 et présente cette année son deuxième rapport couvrant la période allant de 1997 à 2000.  Le rapport donne un aperçu des progrès enregistrés dans le cadre de l’application de 11 des 12 principaux domaines critiques adoptés à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en septembre 1995.  Le rapport indique des progrès importants dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi.


En raison du caractère multiracial et multiculturel de la société et de la situation sociale à Singapour, le Gouvernement a émis des réserves sur les articles 2, 9, 11, 16 et 29 (par.2) de la Convention.  S’agissant des réserves émises sur les articles 2 et 16 relatifs à l’amendement et à l’abolition des lois, coutumes, pratiques et règlements existants qui constituent une discrimination à l’égard des femmes, Singapour explique que sa Constitution stipule le respect de la liberté des minorités d’observer leurs lois religieuses et personnelles et que ces dispositions sont nécessaires pour maintenir l’équilibre d’une société multiraciale.  Pour ce qui est du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention relatif aux droits égaux des femmes et des hommes en ce qui concerne la nationalité des enfants, les réserves émises s’expliquent par la politique d’immigration de Singapour, conforme à la tradition asiatique où l’homme est le chef de famille.  Ainsi, en vertu de la Constitution, la nationalité singapourienne est accordée à un enfant né hors de Singapour si son père est singapourien de naissance ou enregistré comme tel; alors qu’un enfant né hors de Singapour d’une mère singapourienne et d’un père étranger doit demander la nationalité singapourienne par enregistrement, ce qui peut lui être refusé.  S’agissant du paragraphe 1 de l’article 11 relatif aux mesures visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de l’emploi et à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes, le rapport explique qu’en raison de l’importance modeste de la population de Singapour et du faible indice de fécondité (non-renouvellement de la population depuis 1975), le Gouvernement a pour politique d’interdire certains emplois dangereux aux femmes pour assurer leur bien-être et celui de leurs enfants à naître.  Le paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention enjoint aux Etats parties de prendre les mesures appropriées pour prévenir la discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne le licenciement pour cause de mariage ou de maternité et pour assurer la protection des mères et leur garantir les prestations sociales auxquelles elles ont droit.  La loi sur l’emploi de Singapour – qui énonce les principales conditions d’emploi, y compris les prestations sociales accordées aux mères -, exclut de son champ d’application les postes de direction, de cadre et de confiance, les gens de la mer et le personnel de maison.  Cette loi, explique le rapport, n’est pas fondée sur le sexe et n’est donc pas discriminatoire à l’encontre des femmes qui travaillent.  Pour les femmes engagées dans la vie active et qui ne sont pas visées par cette loi, il n’y a pas lieu de promulguer des lois spéciales sur l’emploi du fait du principe de l’égalité consacré dans la Constitution de Singapour qui est universellement


appliqué dans le domaine de l’emploi.  Enfin, Singapour a émis une réserve au paragraphe 2 de l’article 29 concernant l’arbitrage de tout différend concernant l’interprétation de la Convention pour préserver son droit souverain sur sa politique intérieure. 


Il n’y a pas d’institution spéciale ou de mécanisme national chargé spécifiquement de surveiller le respect des droits fondamentaux, en particulier ceux des femmes.  Cependant, le Ministère du développement communautaire (MDC) est le principal responsable au niveau national de la promotion de la condition de la femme.  Tous les ministères sont conjointement responsables, avec le MDC, de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de Singapour.  Les ministères continuent de revoir, développer, renforcer et animer des programmes et des services qui profiteront aux femmes et leur permettront de tirer profit de la formation et de l’acquisition continue du savoir, de concilier la carrière et la famille et de faire face aux difficultés liées au vieillissement.  L’accent a été mis sur l’information du public.  Le Conseil singapourien des associations féminines (SCWO), organisme coiffant les associations féminines reconnues par le Gouvernement, assure la conduite et la direction de toutes les associations féminines et coopère avec le gouvernement pour promouvoir la participation des femmes dans tous les domaines. 


Le principe de l’égalité des femmes est énoncé par l’article 12 de la Constitution de Singapour, selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à la protection égale de la loi. 


En 1995, parmi les résidents de plus de 15 ans professant une religion ou des croyances, 31,9% étaient des bouddhistes, 21,9% des taoïstes, 15% des musulmans, 12,9% des chrétiens et 3,3 % des hindous.  En raison du caractère multiethnique et multiculturel de Singapour, deux lois différentes régissent le mariage et le divorce: le droit civil, à savoir la Charte des droits de la femme, et la loi islamique ou Charia.  La Charte des droits de la femme, promulguée en 1961, constitue une base juridique pour l’égalité entre les époux.  Elle protège les droits des femmes dans les questions relatives au mariage et au divorce, telles que le régime matrimonial, l’entretien et la garde des enfants.  La Charte assure la protection des membres de la famille contre la violence dans la famille et protège les femmes et les filles contre les délits sexuels. 


Parmi les mesures récentes en faveur de la famille, on compte l’octroi dans la fonction publique d’un congé de mariage payé de trois jours pour le premier mariage, un congé payé non comptabilisé de trois jours pour les hommes mariés à la naissance de chacun des trois premiers enfants, l’autorisation du télétravail et des horaires souples. 


Etant donné le contexte social de Singapour où les femmes ne sont pas considérées comme un groupe désavantagé ou marginalisé par la société, des mesures spécifiques à leur égard ne sont pas nécessaires.  Le rapport indique que du fait de l’égalité des chances, fondée sur le mérite, les femmes occupent naturellement divers postes importants de responsabilité, par exemple, ceux de juge, dirigeante syndicaliste, dirigeante d’organisations de jeunesse, d’ambassadeur, de député, d’entrepreneur, de commissaire de police divisionnaire, de secrétaire générale de ministère.  Le rapport indique qu’étant donné la participation accrue des femmes au marché du travail, leur meilleure éducation et leurs aspirations grandissantes, le rôle traditionnel des femmes à Singapour a commencé à changer.  


Présentant le rapport initial et le deuxième rapport périodique de Singapour, Mme YU-FOO SHOON, Secrétaire parlementaire auprès du Ministère du développement communautaire et des sports, a indiqué que depuis l'indépendance, il y a 36 ans, de nombreux progrès ont été enregistrés en ce qui concerne la condition de la femme.  Illustrant ces progrès, la Secrétaire parlementaire a indiqué qu'en 2000, pour la première fois, la population singapourienne compte plus de femmes que d’hommes, notamment parmi les nouveaux diplômés, 89% des femmes âgées de 15 ans et plus sont alphabétisées contre 96% des hommes et elles représentent actuellement 42,4% de la population active et quelque 60% des hauts fonctionnaires de l'Etat.  Ces progrès, a-t-elle expliqué, sont le résultat de l'application des principes de l'égalité de tous sur la base du mérite, du développement axé sur les ressources humaines et de la construction d'un capital social.  La bonne gouvernance et le développement économique rapide ont permis de progresser sur les plans économiques et sociaux et d'améliorer, en particulier, la condition des femmes.  En termes d'indice de développement humain, Singapour a été classé en 2000, 24ème sur 174 pays. 


A Singapour, a poursuivi la Secrétaire parlementaire, il n'y a pas de lois spécifiques pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe.  En vertu de la Constitution, "toutes les personnes sont égales devant la loi et ont le droit à la protection égale de la loi".  Toute personne qui pense que ces droits reconnus par des lois ont été violés peut agir devant un tribunal.  Les femmes et les hommes sont traités de manière égale par les tribunaux.  Les droits des femmes sont protégés par la Charte des droits des femmes qui a été amendée au cours des années pour répondre à l'évolution sociale et à la situation des femmes.  En 1996, la Charte a été modifiée pour couvrir les domaines de la protection des membres de la famille contre la violence, des régimes matrimoniaux et des divorces.  Pour les familles et les mariages musulmans, la loi islamique ou Charia s'applique.  Le code pénal jour un rôle important dans la protection des femmes, notamment en matière de violence, de viols et de châtiments corporels.  La censure joue également un rôle important en la matière.  La pornographie est interdite.  Des dispositions législatives sont appliquées pour prévenir la diffusion de stéréotypes ou toute discrimination dans la publicité.  Le Comité consultatif de la programmation contrôle également les médias. 


En matière de santé, la Secrétaire parlementaire a indiqué que des progrès importants ont été enregistrés, en particulier à l’égard des femmes singapouriennes.  L'espérance de vie des femmes a atteint 80 ans en 1999, la mortalité infantile a baissé de 8 pour 1 000 à 3,3 pour 1 000 de 1980 à 1999.  La mortalité maternelle s'élève à 0,1 pour 1 000, ce qui en fait un des taux les plus bas du monde.  Un Comité national de la santé des femmes a été créé en 1997 et des mesures ont été prises pour améliorer l'accès à certains services comme la mammographie.  Compte tenu du vieillissement de la population, des programmes sont élaborés pour promouvoir les services aux personnes âgées et, en particulier, aux femmes.  Pour ce qui est de l'éducation, le taux d'alphabétisation a largement augmenté ces 35 dernières années.  Les femmes représentent désormais 50% des effectifs dans les universités contre 28% en 1965.  Elles représentent 46% des effectifs dans les instituts polytechniques.  La fréquentation dans les écoles primaires et secondaires est pratiquement universelle.  Sur le marché du travail, a indiqué la Secrétaire parlementaire, les femmes représentent 56% de la force de travail contre 20% en 1965.  Les salaires des femmes correspondent à environ 78% de ce que gagnent les hommes contre 74% en 1980.  Le taux des femmes occupant des postes de direction est de 35%.  Dans le domaine des technologies de l'information, les femmes sont les égales des hommes et plusieurs femmes sont à la tête de grandes entreprises internationales dans ce secteur d’activités.  Singapour est plus préoccupé par la question du travail des personnes âgées que par la discrimination fondée sur le sexe.  Les personnes âgées n'ont pas reçu un niveau d'éducation suffisant et sont remplacées par des jeunes, hommes ou femmes.  Des programmes de formation sont destinés à améliorer leur situation.  Cela étant, on compte 51% de femmes ayant bénéficié des programmes de formation du Fonds de développement des compétences, et 61% pour le Programme de reclassement.  Le Gouvernement a alloué 2,7 milliards de dollars à un fonds consacré à l'éducation durant toute l’existence qui bénéficie aux hommes et aux femmes de manière égale.  Singapour ratifiera prochainement la Convention de l'Organisation internationale du travail relative à l'égalité des rémunérations des hommes et des femmes.  Ce principe a toujours été appliqué à Singapour, cela étant, des études montrent que les différences de salaires s'expliquent par le fait que les femmes actives âgées sont moins éduquées et que la majorité des femmes placent la famille avant leur carrière.  Pour ce qui est de la participation des femmes à la vie politique, la Secrétaire parlementaire a indiqué que seules 4 députés élus et 2 autres nommés sont des femmes au Parlement.  On compte une seule femme secrétaire parlementaire et 25% de femmes  secrétaires parlementaires adjoints.  Dans la justice, 42% des juges dans les tribunaux secondaires et 11% des juges de la Haute Cour sont des femmes.  Pour aider les femmes à concilier le travail et les engagements familiaux, le Gouvernement prévoit des abattements fiscaux en faveur des femmes actives, des subventions pour les systèmes de garderie d'enfants, de même que l'augmentation de 25% du parc de crèches et garderies. 


S'agissant des réserves que Singapour a émises concernant la Convention, la Secrétaire parlementaire a indiqué que le Gouvernement a examiné la possibilité de les retirer mais, pour l'instant, il estime qu'il est nécessaire de maintenir ces réserves, étant donné le caractère multiracial et multiculturel de la société et la situation sociale actuelle à Singapour.  Les préoccupations du Gouvernement pour l'avenir, a-t-elle précisé, sont l'amélioration de la participation des femmes à la vie politique et à la direction des affaires communautaires et publiques, de même que le meilleur partage des responsabilités entre les époux dans le fonctionnement du ménage, par l'amélioration de la flexibilité des rôles et la promotion du partage des responsabilités, et de la plus grande participation des femmes dans les domaines jusqu’à maintenant dominés par les hommes.  Le Gouvernement continuera à examiner les lois en vigueur afin de mieux protéger les femmes et les filles et de garantir leurs droits égaux en tant que citoyens. 


A la suite de cette présentation, Mme CHARLOTTE ABAKA, Présidente du Comité, a fait remarquer qu’en dépit d’un certain nombre de réalisations impressionnantes, notamment en matière d’éducation, le Comité est très préoccupé par le maintien des réserves sur plusieurs articles fondamentaux de la Convention, en particulier les articles 2, 9 et 11 portant sur les mesures visant à amender ou à abolir les lois, coutumes, pratiques et règlements existants discriminatoires à l’égard des femmes.  Ces réserves donnent l’impression que les progrès des femmes à Singapour interviennent dans le cadre d’un Etat-providence plus que d’un Etat pleinement respectueux des droits de l’homme, ce qui est inquiétant et donnera sans aucun doute lieu à de nombreuses questions de la part des experts.


Formulant des observations générales, Mme NAELA GABR s’est en premier lieu réjouie des progrès économiques enregistrés en peu de temps par Singapour.  Elle a rappelé, à cet égard, qu’aucun développement économique ne peut se faire de manière durable sans la pleine intégration et la pleine autonomisation des femmes.  C’est pourquoi, le maintien des réserves est regrettable.  Certes, la question du respect de l’équilibre entre les différentes cultures et religions présentes à Singapour est délicate, mais il n’existe dans la religion islamique aucun obstacle à la levée de la réserve sur l’article 2.  Il n’y a absolument rien dans cette religion qui empêche de respecter pleinement le droit des femmes, a insisté l’experte, ajoutant que venant elle-même d’un pays musulman, elle avait attentivement étudié la question.  Mme Gabr a aussi demandé à Singapour de lever le plus rapidement possible sa réserve sur l’article 11, surtout dans la mesure où le pays envisage de signer la Convention de l’OIT sur l’égalité des salaires.


Mme LIVONGSTONE RADAY a, quant à elle, cherché à savoir pourquoi l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe ne peut être explicitement mentionnée dans la Constitution.  Ce silence de la Constitution semble en outre constituer l’une des bases des réserves formulées par le pays, et, pour cette experte, il s’agit d’un problème sur lequel il faut absolument se pencher.  L’idée selon laquelle le respect de l’autonomie culturelle des groupes minoritaires peut justifier une réserve sur un ou plusieurs articles de la Convention doit être désormais combattue dans un pays aussi moderne que Singapour ou comme dans tout autre pays.  La manière dont la réserve à l’article 9 est justifiée, à savoir que culturellement l’homme est le chef de famille, n’a pas non plus de fondement réel.  Elle ne relève que d’un héritage patriarcal dépassé.  Les mêmes inquiétudes ont été exprimées par Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING qui a également demandé à l’Etat partie de fournir davantage de statistiques ventilées par sexe, afin de bien comprendre s’il y a ou non discrimination.  Telles que présentés dans le rapport, les chiffres ne permettent en effet que d’établir une comparaison avec la situation des femmes dans d’autres pays et non de comparer véritablement la situation entre les hommes et les femmes à Singapour.  Les autorités publiques prennent-elles des mesures pour déceler éventuellement la discrimination, y compris “cachée”?  Dans la mesure où la loi sur l’emploi ne s’applique pas à certaines catégories d’emploi, comme par exemple les emplois de maison, il importe de savoir si ces types d’emplois sont tout particulièrement occupés par des femmes ou non, et ainsi de déterminer s’il y a ou non discrimination.


Mme SJAMSIAH ACHMAD a fait remarquer que la montée des familles monoparentales, dont on sait traditionnellement qu’elles sont le plus souvent dirigées par des femmes, est une raison  supplémentaire pour abandonner la réserve à l’article 9 et le principe qui fait de l’homme le chef de famille.  En fait, il semble que Singapour mette beaucoup trop l’accent sur la famille.  Or, il ne faut pas uniquement voir les femmes en tant que membre de la famille.  En outre, les pères n’ont pas uniquement un rôle à jouer concernant les enfants, et il serait bon de souligner également leurs devoirs en matière de tâches ménagères par exemple.  Dans le même ordre d’idées, Mme HEISOO SHIN s’est interrogée sur le caractère approprié de qualifier “comme une valeur asiatique” le fait que l’homme soit considéré comme le chef de la famille.  Une telle approche revient en fait à entretenir une discrimination voulue contre les femmes.  C’est pourquoi, il faudrait peut-être s’éloigner de cette approche traditionnelle de la famille.


Lorsque Singapour a ratifié la Convention, on pouvait raisonnablement penser qu’il comptait ainsi abandonner tous les concepts patriarcaux, or visiblement cela n’a pas été le cas, a, de son côté, regretté Mme ROSARIO MANOLO.  Or, c’est le contenu et les valeurs de la Convention qui devraient désormais avoir la préséance à Singapour et non ces valeurs passéistes.  Elle a demandé à la délégation de préciser ses intentions à l’égard des réserves qui, en l’état, place son pays en


contravention de la Convention.  Comment l’intégration d’une démarche sexospécifique est-elle concrètement envisagée?  Pour sa part, M. GORAN MELANDER s’est demandé si certaines des réserves pouvaient aussi conduire à une discrimination à l’égard des femmes migrantes.


Abordant l’article 2 de la Convention, Mme IVANKA CORTI a insisté sur le fait que la femme est, au même titre que l’homme, un membre de la famille.  Elle a jugé le principe de méritocratie intéressant et a demandé sur quelle loi ou quel élément est fondée la politique de méritocratie afin de la rendre durable. 

Mme CHIKAKO TAYA a, quant à elle, estimé que la garantie constitutionnelle dont se prévaut Singapour ne suffit pas à assurer la mise en oeuvre de politiques anti-discriminatoires.  Le Gouvernement a-t-il l’intention d’adopter une définition de la discrimination afin de mieux lutter contre elle? 


Mme SAVITRI GOONESEKERE a tout particulièrement salué les progrès économiques et sociaux de Singapour, qui ainsi constitue la preuve que l’adoption de politiques sociales peut réellement favoriser l’amélioration de la condition des femmes.  Toutefois, à l’évidence ces progrès ne suffisent pas, il reste encore beaucoup à faire à Singapour en faveur des femmes.  Comment peut-on garantir par exemple que le principe de la méritocratie permet réellement l’accès universel des femmes à tous les secteurs de la société ?  Une femme peut-elle se prévaloir de ce principe pour faire respecter ses droits et obtenir gain de cause?  L’experte a aussi fait remarquer que la Convention ne peut pas être évoquée devant un tribunal à Singapour car les textes internationaux n’ont pas la primauté  en droit interne.  Or, la législation nationale ne devrait donc pas servir de prétexte pour ne pas respecter les dispositions d’un instrument juridique international, qu’en ratifiant un Etat a obligation de respecter.


Mme FRANCOISE GASPARD a indiqué que, venant elle aussi d’un pays où le taux de la population musulmane est élevé, elle rencontre tous les jours des femmes musulmanes qui se félicitent que le code civil soit appliqué et non la charia. 

Y-a-t-il des efforts déployés par le Gouvernement ainsi que par les ONG pour réduire les effets discriminatoires de la loi islamique qui est aussi appliquée à Singapour?  Pour sa part, M. MALENDER a jugé la pratique de la bastonnade, infligée aux hommes, discriminatoire et il a plaidé en faveur de l’abolition de cette forme de châtiment.  Cette peine corporelle n’a rien d’une valeur asiatique et est en fait le relent d’un passé colonial, a-t-il précisé.


Toujours sur l’article 2, Mme ACHMAD a expliqué qu’en matière de lutte contre les inégalités entre les sexes, la méritocratie n’est pas toujours le principe le plus adéquat.  Il n’est en fait réellement efficace que si les personnes, hommes et femmes, mis en concurrence partent sur des conditions d’égalité.  Elle a ajouté que les mesures prises par le Gouvernement ne doivent pas toujours et systématiquement concerner les femmes.  Elles doivent aussi cibler les hommes et s’attacher à modifier leurs comportements, non seulement en matière de responsabilités parentales mais aussi ménagères ou domestiques.  Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ a regretté que l’intégration des questions sexospécifiques ne semble pas retenir l’attention du Gouvernement.  Il n’est pas non plus fait mention dans le rapport d’un plan d’action donnant suite aux décisions prises à Beijing, lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes.  Concrètement, qu’est-il fait pour prendre des mesures dans les grands domaines prioritaires arrêtés à Beijing ?  L’experte a aussi souhaité savoir comment le Ministère du développement communautaire contrôle et évalue l’efficacité des mesures prises.


S’agissant de l’article 3, Mme FENG CUI a demandé dans quelle mesure exactement le Ministère du développement communautaire s’occupe spécifiquement des femmes.  Quelles sont les relations entre le Comité interministériel pour les questions féminines et les autres ministères ?  Le Comité exerce-t-il un contrôle sur l’application de la Convention et auprès de qui fait-il rapport?  Quels sont les recours qu’une femme victime de discrimination peut exercer?  L'experte a aussi demandé des informations supplémentaires concernant les organisations non gouvernementales actives à Singapour. 


Passant à l’article 4 relatif aux mesures spéciales temporaires, Mme SCHOPP-SCHILLING a exprimé sa perplexité devant le refus du Gouvernement de Singapour d’adopter des mesures spécifiques en faveur des femmes.  L’expérience montre pourtant que des politiques de “discrimination positive”, par le biais de quotas par exemple, encouragent grandement la participation des femmes dans la vie politique et publique.  En outre, les politiques de quota ne sont pas le seul choix possible, il existe toute une autre palette de mesures à disposition, comme par exemple des objectifs cibles ou chiffrées ou simplement des programmes de soutien et de formation.  L’experte a donc demandé aux autorités de Singapour de mener des recherches pour voir dans quels domaines il convient d’accélérer non plus l’égalité de droit, mais l’égalité de fait des femmes.  Mme RADAY a elle aussi demandé des statistiques permettant de se rendre compte de la position hiérarchique des femmes dans la fonction publique ainsi que dans l’enseignement. 


Toujours sur l’article 4, Mme MAVIVI MYAKAYALA-MANZINI a expliqué que les mesures spéciales en faveur des femmes ne sont pas discriminatoires parce qu’elles sont temporaires et permettent de remédier à des discriminations historiques.  En outre, de telles mesures pourraient fort bien compléter le principe de méritocratie privilégié à Singapour.  A compétences égales, la femme pourrait par exemple se voir, pendant une durée limitée, accorder la préférence dans le domaine de l’emploi.  C’est ainsi que l’on peut véritablement amorcer le processus d’élimination des discriminations héritées du passé.


Abordant l’article 5 sur l’élimination des stéréotypes, Mme CORTI a souligné l’importance de la manière dont les femmes sont présentées et représentées dans les médias.  A Singapour, il semble que le problème a été réglé par l’adoption d’une loi sur la censure et l’experte a souhaité connaître la réaction des représentants des médias à l’égard de cette loi qui, dans une certaine mesure, limite leur liberté d’expression et la liberté de la presse.  Il semble en revanche, qu’en dépit de cette loi, le Ministère de l’information et de la culture ne soit pas en mesure d’intervenir contre les publicités véhiculant des stéréotypes défavorables aux femmes.  Mme Corti a donc demandé de préciser l’application de cette loi et le rôle que peut jouer le Ministère.


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