En cours au Siège de l'ONU

FEM/1124

LA RESERVE LIEE A LA CHARIA EMISE PAR LES MALDIVES SUR LA CONVENTION DES FEMMES INQUIETE LES EXPERTS

24/01/2001
Communiqué de presse
FEM/1124


Comité sur l'élimination de

toutes les formes de discrimination

à l'égard des femmes

498e et 499e séances - matin et après-midi


LA RESERVE LIEE A LA CHARIA EMISE PAR LES MALDIVES SUR LA CONVENTION DES FEMMES INQUIETE LES EXPERTS


Le Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) a procédé aujourd'hui à l'examen du rapport initial des Maldives.  Les Maldives, qui comptent 269 000 habitants - dont 48,8% de femmes - répartis sur près de 200 îles, ont ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 1993.  Le Gouvernement des Maldives a émis des réserves, sur certaines dispositions de la Convention qu'il juge contraires aux principes de la charia islamique sur laquelle reposent les lois et traditions du pays.


La Vice-Ministre des questions féminines et des affaires sociales des Maldives, présentant ce matin le rapport, a précisé que le droit de la famille et le droit successoral sont régis exclusivement par la charia.  Elle a indiqué toutefois que toutes les lois ont fait l'objet, en 1997, d'une révision générale pour en éliminer toutes les manifestations de discrimination.  L'accès à la Présidence de la République reste cependant réservée aux hommes.  Le nouveau Code de la famille qui rentrera en vigueur en juillet 2001 codifie les lois de la charia.  Il supprime la répudiation unilatérale par l'homme qui devra désormais, comme la femme, engager une procédure de divorce et instaure le contrat prénuptial visant à limiter les possibilités de l'homme de prendre plusieurs épouses.  A partir de 2001, la promotion de la femme sera assurée aux Maldives par un nouvel organe, le Conseil sur l'égalité des sexes, qui remplacera le Conseil national des femmes.


Les experts ont salué les efforts consentis par les Maldives en faveur de l'égalité entre les sexes, notamment en ce qui concerne l'alphabétisation des femmes qui est supérieure à 99%.  "La charia est appliquée de façon moderne et éclairée", a estimé l'une d'entre elles, et cela est notable au niveau des dispositions du Code de la famille et des libertés dont disposent les femmes, notamment celle de se déplacer et de voyager sans demander la permission au mari.  Les experts ont regretté que les Maldives aient émis des réserves lors de la ratification de la Convention.  Elles ont déploré la modification apportée en 1999 qui conditionne l'application de l'ensemble de la Convention à la charia, ce qui est contraire à l'article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Cet article stipule en effet qu'il n'est pas possible d'émettre des réserves après la ratification d'un traité.


Les experts ont regretté que les stéréotypes soient encore très prégnants et limitent le plein exercice des libertés de la femme.  Elles ont particulièrement déploré que peu de femmes aient accès à l'enseignement de troisième cycle - qui doit être suivi à l'étranger - et au marché du travail.  Même si les lois sur l'accès au marché de l'emploi ne sont pas discriminatoires, les experts ont insisté sur le fait que la discrimination de fait existe, cantonnant les femmes dans leurs foyers et dans les activités traditionnelles agricoles.  Soulignant que l'élimination des stéréotypes qui empêchent l'égalité des sexes est un processus très long qui peut être accéléré par la mise en place de mesures temporaires de discrimination positive, de nombreuses expertes ont vigoureusement plaidé en faveur de l'application de telles mesures.


La délégation des Maldives répondra aux questions que leur ont posées les experts le 30 janvier 2001.  Le CEDAW poursuivra ses travaux demain, jeudi

25 janvier à 10 heures 30 et examinera le rapport initial de l'Ouzbékistan.


RAPPORT INITIAL DES MALDIVES


Rapport (CEDAW/C/MDV/1)


La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été ratifiée par les Maldives en juillet 1993.  Le Gouvernement maldivien a alors formulé certaines réserves fondées sur la charia.

La République des Maldives est en effet un pays musulman dont le droit national découle de la charia.  Le droit de la famille et le droit successoral sont régis exclusivement par la charia.  Les autres domaines juridiques -droit pénal, droit des obligations, droit des sociétés, etc- sont régis par les lois adoptées par le Parlement et se fondent sur la charia.


Il est noté que la participation des femmes à la population économiquement active est tombée de 62% en 1979 à 21% en 1995, et indique qu'aucune étude n'analyse la façon dont cette contraction a touché les femmes.  Ainsi, on ne dispose d'aucune donnée statistique quant à la mesure dans laquelle les femmes maîtrisent les liquidités tirées de leurs activités de production.


Au niveau institutionnel, depuis sa restructuration en 1996, le Ministère compètent est appelé Ministère des questions féminines et des affaires sociales.  Le Conseil national des femmes est chargé de fournir au Ministère des orientations de politique et des conseils.  Le Conseil compte en tout 19 membres, dont 12 femmes et 7 hommes.  Dans le cinquième Plan national de développement (1997-1999), l'accent a été porté sur la nécessité d'élargir le rôle de la femme dans la société et d'assurer sa pleine participation au processus de développement.  Le Ministère des questions féminines et des affaires sociales met actuellement la dernière main à un plan national d'action pour la mise en oeuvre du Programme d'action de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995).  En outre, le Gouvernement s'efforce de codifier la charia sous forme d'un nouveau code de la famille.  Le projet de loi, qui a déjà été rédigé, prévoit un certain nombre de changements favorables aux femmes.  Le nouveau Code de la famille devrait être adopté dans un proche avenir.


Le Gouvernement maldivien a émis une réserve sur l'article 1 de la Convention, précisant que les Maldives sont attachées à l'égalité des sexes sur tous les fronts, sous réserve des dispositions de la charia.  Ainsi, la Constitution maldivienne de 1977 stipule que le chef de l'Etat maldivien doit être de sexe masculin.  En ce qui concerne la discrimination, une évaluation des préjugés contre les femmes subsistant dans la législation maldivienne a été achevée en 1997.  Des mesures législatives ont récemment été adoptées en faveur du plein exercice des droits de la femme, notamment l'octroi de la nationalité maldivienne aux enfants nés d'une mère maldivienne et d'un père de nationalité étrangère.  Cette avancée est entrée en vigueur le 1er janvier 1998 avec l'adoption de la nouvelle Constitution.


Le rapport précise qu'aucune mesure n'est prise au titre de l'article 4 de la Convention (qui prévoit des mesures temporaires d’action positive).  Il fait état de programmes mis en oeuvre par le Gouvernement et qui ont considérablement sensibilisé l'opinion au problème de la violence familiale.  Les femmes peuvent se plaindre auprès du Service de la sûreté nationale, pour qui la violence familiale constitue une infraction pénale.  Le rapport note cependant qu'on constate chez les femmes une certaine réticence à se plaindre de violences familiales, de sévices et de viols.


Le rapport reconnaît que la participation des femmes aux processus politiques et décisionnels a encore besoin d'être améliorée.  Le Parlement maldivien (Majlis) compte 3 femmes sur 50 membres, dont une seule a été élue.


En ce qui concerne l'éducation, le rapport indique que les taux d'alphabétisme des adultes sont très élevés par rapport à ceux des autres pays de la région et atteignent 98,65% pour l'ensemble de la population et 99,18% pour les femmes.  Les taux de scolarisation des garçons et des filles sont similaires jusqu'à la dixième année.  En revanche, on note un déséquilibre à partir de la onzième année; ainsi, en 1997, en onzième et douzième années, 36% des élèves étaient du sexe féminin et 64% du sexe masculin.  Au niveau du troisième cycle, il n'existe pas d'université aux Maldives et ceux qui souhaitent poursuivre des études du troisième cycle doivent partir à l'étranger.  En 1997, l'Etat a accordé des bourses à 205 étudiants, dont 65 femmes, pour étudier à l'étranger.  Les taux d'abandon scolaire sont difficiles à vérifier faute de données suffisantes, et le Centre de développement de l'enseignement révise actuellement tous les matériaux relevant des programmes scolaires en vue d'y incorporer une plus grande sensibilité aux stéréotypes et rôles sexistes.


En matière d'accès à l'emploi, il n'existe aucune discrimination et un système prévoyant l'égalité de traitement pour un travail d'égale valeur est en place.  Cependant, les femmes sont quasiment absentes des secteurs considérés comme réservés aux hommes, notamment les affaires, l'ingénierie et les branches techniques. 


Les femmes ont en principe un accès égal aux soins.  Mais comme la mobilité des femmes est limitée en raison de facteurs sociaux et culturels et de leurs responsabilités en matière de tâches ménagères et de soins des enfants, il est possible que, dans la pratique, elles aient moins accès aux hôpitaux et à des soins de qualité. On observe  également une baisse très marquée de l'état de santé de la femme dès qu'elle est en âge de procréer.  La sensibilisation accrue des femmes en matière de santé génésique, surtout en ce qui concerne la planification de la famille, a suscité une réduction des taux de mortalité et de morbidité maternelle et infantile.  La mortalité maternelle est passée de 454 à 148 pour 100 000 entre 1980 et 1996, et la mortalité infantile est passée de 121 à 30 pour 1 000 entre 1977 et 1996.


Les femmes sont formellement traitées de façon égale devant la loi en ce qui concerne la conclusion de contrats et l'administration des biens, sauf pour ce qui est du droit successoral, qui suit les préceptes de la charia.  Les femmes sont traitées de façon égale devant les tribunaux, sauf dans certains domaines précis où la valeur probante de leur témoignage est limitée par la charia.  En ce qui concerne l'égalité dans le mariage et la famille, aux termes de la charia, l'homme est le chef de ménage et il jouit d'une plus grande latitude pour divorcer et il a le droit de former des unions polygames.  De jure, la charia laisse à la femme une certaine marge en l'autorisant à inclure dans le contrat de mariage des clauses limitant les droits de l'époux en matière de divorce et de polygamie.  La cohabitation entre un homme et une femme et la pratique de rapports sexuels ne sont autorisées que dans le mariage, tant en droit que dans la pratique sociale. 


La polygamie est pratiquée, mais elle n'est pas courante.  L'homme peut épouser jusqu'à quatre femmes.  Les Maldives connaissent également un taux de divorce de 59%, l'un des plus élevés au monde.  Les hommes ont le droit de répudier leur épouse par déclaration verbale, et les femmes ont le droit de divorcer sous certaines conditions et à la discrétion du tribunal.  Une étude récente montre que le divorce est souvent demandé par la femme.  En cas de divorce, tous les biens déclarés en communauté sont divisés également.  La loi fait obligation à l’époux de pourvoir aux besoins de l’épouse et de lui verser des aliments après le divorce pendant la période dite de l’idda, qui correspond à trois cycles menstruels successifs si la femme n’est pas enceinte, et jusqu’à l’accouchement dans le cas contraire.  Les obligations et la pension alimentaire exigible du père suite au divorce sont fondées sur la charia.


Présentation par l'Etat partie


Mme ANEESA AHMED, Vice-Ministre des questions féminines et des affaires sociales des Maldives, a présenté le rapport de son pays, insistant sur les changements survenus depuis 1998, date de rédaction du rapport.  Elle a indiqué que les stéréotypes relatifs aux femmes sont toujours bien vivaces aux Maldives et qu'ils sont renforcés par les représentations de la femme figurant dans les manuels scolaires et dans les moyens de communication.  En ce qui concerne la représentation politique des femmes, Mme Ahmed a précisé qu'en 2000, cinq femmes siégeaient au Parlement des Maldives, le Majlis.  Deux ont été élues et 3 nommées. 


La Vice-Ministre a déclaré que le taux d'activité des femmes a fortement décliné du fait de la mise en oeuvre de plans d'ajustement structurel.  Elle a précisé que le congé de maternité est passé de 45 à 60 jours, et que les femmes qui allaitent peuvent s'absenter de leur poste de travail une heure par jour.  Les taux de mortalité maternelle et infantile, en baisse, sont en 1999 respectivement de 172 pour 100 000 et de 20 pour 1 000.  Elle a par ailleurs indiqué que le Ministère utilise la radio pour sensibiliser les populations des atolls à l'usage des préservatifs.


La division traditionnelle du travail continue d'être en vigueur.  Les femmes s'occupent des enfants, de la maison et des activités agricoles pendant que les hommes vont pêcher.  Ce schéma se perpétue aujourd'hui, a précisé Mme Ahmed, même si les hommes vont de moins en moins souvent pêcher mais quittent l'île à la recherche d'un emploi.  Le femmes en milieu rural sont engagées dans un certain nombre d'activités productives, incluant l'agriculture et la petite industrie de la pêche.  Cependant, il apparaît que la participation des femmes aux activités de transformation des produits de la pêche a décliné au fur et à mesure que ce secteur s'industrialisait.  L'absence de moyens de transport entre les atolls empêche les femmes de commercialiser leur production.  En ce qui concerne le développement rural, Mme Ahmed a mentionné que le Comité des femmes des iles, organe électif, joue un rôle actif dans le développement des îles et dans la diffusion de l'information sur la santé.  Elle a également mentionné que cette année, pour la première fois, deux femmes ont été nommées assistantes aux Chefs d'atolls, le deuxième poste dans l'appareil administratif des atolls, et une femme a été nommée Chef d'atoll.


La Vice-Ministre a indiqué qu'un nouveau Code de la famille allait entrer en vigueur en juillet 2001.  Ce Code permet aux femmes de refuser, lors du mariage, le régime de la polygamie et de prévoir les modalités dans lesquelles le divorce peut être envisagé.


Mme Ahmed a en conclusion fait état des engagements du Gouvernement en faveur de l'égalité des sexes, soulignant que tant que les hommes et les femmes ne seront pas égaux, le monde sera comme un oiseau auquel il manquerait une aile.


Commentaires et questions des experts


Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a estimé que le fait que les Maldives aient présenté leur rapport à temps et que le gouvernement se soit efforcé d’appliquer la Convention constituait autant d’éléments positifs.  Elle a toutefois exprimé sa préoccupation à l’égard des réserves mises par ce pays sur le paragraphe a) de l’article 7 ainsi que sur l’article 16.  Elle a rappelé que le gouvernement avait fait savoir au Secrétaire général en juillet 99 qu’il modifiait ses réserves.  Mme Gonzalez a fait valoir que cette démarche était également préoccupante dans la mesure où ces modifications constituent en fait une nouvelle réserve qui couvre l’ensemble de la Convention et va plus loin que les réserves précédentes.  Elle a demandé si le gouvernement des Maldives envisageait de revenir sur ces modifications qui contreviennent au droit des traités et en particulier à l’article 19 de la Convention de Vienne.  Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigéria, s’est dite consciente des difficultés qui se posent dans l’application de la Convention dans un pays régi par la charia.  Elle a souhaité pouvoir disposer d’informations, si possible par écrit, sur la politique nationale sur les femmes en cours de formulation depuis 95, sur le Plan d’action  visant à mettre en oeuvre les dispositions de Beijing ainsi que sur le texte du nouveau Code de la famille.


M. GÖRAN MELANDER, expert de la Suède, a déclaré avoir les mêmes questions sur les réserves qui devraient clairement être retirées.  Il a également demandé si la Convention avait été traduite dans la langue locale.  Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a fait valoir que les Maldives ont une population peu nombreuse et dispersée ce qui ne facilite ni la collecte des statistiques ni la diffusion des services publics et explique les difficultés rencontrées.  Elle a demandé si la restriction mise à la candidature des femmes à la Présidence de la république étant désormais considérée comme une discrimination, cela voulait dire qu’une révision de la Constitution est envisagée.


Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, s’est dite d’accord avec ce qui avait été exprimé sur les réserves.  Elle a noté une évolution lente mais constante de l’appareil d’état pour la promotion de la femme dont on ne peut que se féliciter.  En ce qui concerne le Conseil national pour les femmes, elle a souhaité savoir qui se trouvait à sa tête, qui en nommait les membres, qui le composait et à quel titre il représentait les Maldives dans les réunions internationales.  Elle a souhaité avoir le même type de précisions sur les comités insulaires et savoir notamment de qui ils dépendent.


Mme NAELA GABR, experte de l’Egypte, a fait valoir que les Maldives sont un archipel qui a ses spécificités et que l’application de la charia par le gouvernement de ce pays méritait d’être saluée car il s’agit d’une application moderne et éclairée.  Cela se manifeste notamment dans la révision du Code de la famille, les modifications sur le divorce, la gestion des biens, la liberté de déplacement, a-t-elle indiqué.  Elle a souhaité que les Maldives poursuivent dans cette voie et a estimé que les restrictions mises à l’élection d’une femme à la Présidence de la République devraient pouvoir être examinées puisque certains pays musulmans n’ont pas de législation restrictive à cet égard.


Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l'Indonésie, a déclaré que les Comités

des femmes des îles constituent certainement des vecteurs puissants pour

renforcer la participation des femmes au processus de développement.  Elle a demandé ce qu'il en est de la présence des femmes dans les Conseils nationaux ruraux.  Mme FRANCES LIVINGSTONE RADAY, experte d'Israël, s'exprimant sur l'article 2, a regretté que des réserves aient été émises, notamment en ce qui concerne l'accès des femmes à la Présidence de la République.  Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a salué les efforts en matière d'éducation, et a demandé si le gouvernement envisageait d'introduire les droits de l'homme dans la constitution.  Elle s'est montrée favorable à une telle conception holistique des droits de l'homme mentionnant explicitement la liberté de conscience ainsi que les droits civils et politiques.  Elle a également demandé de plus amples informations sur les cours et le système juridique aux Maldives.


Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, experte de l'Afrique du Sud, a demandé des informations sur les mesures et les programmes mis en oeuvre par le gouvernement afin de promouvoir l'égalité des sexes, ainsi qu'une description claire des dimensions sexospécifiques de ces programmes.  Elle s'est interrogée sur le montant du budget du Ministère des questions féminines.  Elle a demandé quels

sont les acteurs des programmes de développement, si des ONG oeuvrent en faveur

de la promotion des femmes et si elles ont participé à la rédaction du rapport. Mme KWAKU a demandé quel est le bilan du cinquième Plan national de développement et dans quelle mesure il a effectivement pris en compte les sexospécificités.


ROSALYN HAZELLE, experte de Saint-Kitts-et-Nevis, a demandé des informations sur le Ministère des questions féminines: quel est son budget, quelle est sa structure, quels sont ses liens avec les ONG, quel est le bilan du cinquième Plan de développement?  Elle a également demandé quel type de conseils et de recommandations politiques le Conseil national des femmes fournit au Ministère.  Elle a aussi demandé des informations sur le Plan d'action du Commonwealth et notamment sur les domaines de priorités de ce Plan.  Où en est le plan national de mise en oeuvre du Programme d'action de Beijing?  Elle a enfin demandé si les Maldives avaient demandé de l'aide au secrétariat du Commonwealth, notamment en ce qui concerne l'intégration de la dimension sexospécifique dans les programmes de développement, soulignant que cette aide avait été très précieuse à son propre pays, Saint-Kitts-et-Nevis.


Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a regretté que le rapport contienne des incohérences et souligné que le pays regorge d'un potentiel d'amélioration immense, notamment en raison du niveau élevé d'alphabétisation des femmes.  L'experte a évoqué les stéréotypes qui affectent la participation des femmes à la vie sociale et politique et estimé qu'il est temps, conformément à l'article 4 de la Convention, de prendre des mesures temporaires spéciales en faveur de l'égalité entre les sexes, notamment afin d'accroître la représentation politique des femmes au Gouvernement et au Parlement.  Ces mesures peuvent hâter un processus qui sinon sera très long, a averti Mme Shin.


Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING, experte de l'Allemagne, a repris les préoccupations exprimées au sujet des réserves.  Elle a regretté que la définition du concept de discriminations n'ait pas fait l'objet d'une discussion aux Maldives.  Elle a précisé que la discrimination peut être non intentionnelle et qu'il est des cas où une politique neutre a des effets discriminatoires sur les femmes.  Elle a demandé si l'appareil d'Etat avait entamé une discussion sur cette question et s'il envisageait de l'initier, voire d'y faire participer des avocats.  Elle a voulu savoir si une formation aux droits de l'homme était prévue pour les représentants politiques, par exemple dans les Comités des Iles.  Enfin, elle a suggéré que les manuels soient révisés pour y inclure des informations sur la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.  En ce qui concerne l'article 4, l'experte s'est demandée pourquoi le Gouvernement n'avait pas encore mis en oeuvre des mesures temporaires spéciales.  Est-ce parce que la discussion sur la discrimination n'a pas pris place?  L'établissement de quotas peut être salutaire pour les femmes, a-t-elle indiqué.  Par exemple, la mobilité limitée des jeunes filles pour leur éducation supérieure est une discrimination de fait, a ajouté l'experte, et les quotas peuvent être un moyen efficace d'encourager et d'inciter les jeunes filles à s'engager dans des voies d'enseignement non traditionnelles.


Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, se référant à l’article 5, a souligné la force des stéréotypes dans la société maldivienne.  Ce maintien de l’image traditionnelle de la femme dans les médias et dans les manuels est très négative et préjudiciable à la mise en oeuvre de la Convention, a-t-elle fait valoir.  La mise en avant du rôle de mère et d’épouse de la femme est certainement responsable du taux important d’abandon scolaire chez les filles.  L’existence d’écoles distinctes pour les filles contribuent peut-être aussi à enraciner les préjugés.  D'autre part, les taux élevés d’anémie peuvent aussi s’expliquer par le fait que dans des situations de pauvreté, on accorde dans ce type de société, la priorité à l’alimentation des hommes et des garçons.  L'experte a souhaité avoir des précisions sur la nature des programmes visant à sensibiliser la population à la violence domestique.  Est-ce qu’ils présentent cette violence comme un délit?  Est-ce qu’une aide est apportée aux victimes d’actes violents? a-t-elle interrogé.


Mme ACHMAD a attiré l’attention sur le paragraphe 71 du rapport qui dit que les femmes peuvent signaler les cas de violence au Service de la sûreté nationale.  Elle a souhaité avoir des renseignements sur la structure et le fonctionnement de ce service et a demandé si, compte tenu des difficultés bien connues des femmes à signaler la violence, il existait un programme pour les aider à effectuer ce type

de démarche et si des ONG intervenaient dans ce domaine.  Mme TAVARES DA SILVA a fait valoir l’importance de l’article 5 compte tenu du qu’il est beaucoup plus


facile de changer les lois que les mentalités.  Elle a souligné que la formation et la sensibilisation du personnel enseignant étaient essentielles à cet égard.  Il est dit que les femmes ont le droit de signaler les cas de violence, a-t-elle fait observer, mais en ont-elles réellement la possibilité et y a-t-il eu des cas signalés?


Mme KWAKU a demandé quelles étaient les sanctions religieuses et sociales de la prostitution.  Passant à l'application de l'article 7 de la Convention, qui porte sur la discrimination dans la vie publique, l'experte a fait observer que les femmes hésitaient toujours beaucoup à se présenter à des fonctions électives et qu’une d’entre elles s’étant vu offert un tel poste aux Maldives, l’avait rejeté.  Elle a souhaité avoir des explications sur la raison de ce refus et sur les actions gouvernementales éventuelles visant à encourager la participation des femmes à la vie politique.  Mme ACHMAD a fait valoir qu’il fallait se soucier des structures et qu’il fallait peut-être mettre en place des mesures spéciales et notamment des quotas, sans toutefois négliger les critères de qualification professionnelle.


Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a demandé si les plans nationaux d’action prévoyaient des mesures visant à encourager la formation supérieure des femmes.  Mme SHIN a souhaité savoir si le gouvernement avait l’intention de mettre en place un système de quotas dans l’attribution des bourses, en particulier dans les domaines qui attirent le moins les femmes. 

Elle a demandé quelle était la proportion d’enseignants femmes et leur proportion dans la hiérarchie enseignante et a indiqué que c’était un domaine où on pouvait également envisager la mise en place de quotas.  Elle a également conseillé d’examiner la question de l’orientation professionnelle dispensée par les enseignants car, a-t-elle fait observer, si ceux-ci ne sont pas sensibles aux questions de sexospécificités, ils auront tendance à orienter les jeunes filles vers des emplois qui leur sont traditionnellement réservés.


Mme GASPARD, s'exprimant sur l'article 10, a dit que la contrainte essentielle pesant sur l'éducation des filles résidait dans leur manque de mobilité.  Si l'on n'encourage pas les filles à quitter leurs familles pour aller étudier, cette discrimination se poursuivra, a averti l'experte. Elle a par ailleurs demandé des informations sur le système des écoles mixtes et non mixtes.  Mme GOONESEKERE, revenant sur l'article 9, qui traite de l'acquisition de la nationalité, a demandé si les femmes pouvaient faire figurer le nom de leurs enfants sur leur propre passeport.  Mme KWAKU, intervenant au sujet de l'article 10, a noté la chute de la fréquentation des femmes dans l'enseignement de troisième cycle.  Elle a suggéré que l'on interdise le mariage des filles avant

18 ou 21 ans, espérant que cela encourage les filles à poursuivre leurs études. 

Mme ACHMAD, a réitéré la pertinence de l'article 4.1, qui préconise des mesures positives spéciales temporaires, pour encourager les femmes à poursuivre des études supérieures.


Mme SCHÖPP-SCHILLING, intervenant sur l'article 11, traitant du droit au travail, a noté la baisse de l'emploi des femmes dans le secteur de la pêche.  Elle a posé le questions suivantes: quelles sont les sources de revenus pour ces femmes maintenant?  Quelles conséquences cela a-t-il eu sur la pauvreté?  Que prévoit le Gouvernement pour former les femmes aux emplois dans le secteur du tourisme?  L'experte a déploré le manque d'informations sur ces sujet dans le rapport et a recommandé qu'une étude soit faite rapidement sur la place des femmes sur le marché du travail.


Mme TAVARES DE SILVA s'est étonnée de ce que le paragraphe 104 du rapport ne prenne pas en compte les aspects indirects de la discrimination et ignore la ségrégation structurelle qui sévit sur le marché du travail.  En effet, les femmes jouissent d'un accès tout à fait inégal au travail et dans les faits, la discrimination existe, a précisé l'experte.  Elle s'est prononcée en faveur de mesures spéciales afin que les femmes n'aient pas seulement les mêmes droits mais aussi les mêmes chances.  Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, s'exprimant sur l'accès à la santé, a déclaré qu'il existe manifestement une discrimination dans les faits.  Elle a déploré les disparités existant entre les hommes et les femmes en matière d'état nutritionnel et d'état de santé, surtout dans les années où les femmes sont en âge de procréer.  Elle a demandé quel est le fondement de cette mauvaise alimentation pendant l'âge de la procréation.  Elle a regretté que la planification familiale soit toujours une question exclusivement féminine et a demandé plus d'informations sur la disponibilité des contraceptifs.  Elle s'est interrogée sur les causes de la mortalité maternelle et a demandé des informations sur la santé mentale, mettant cet élément en relation avec le taux exceptionnellement élevé des divorces.  Elle a enfin demandé des informations sur l'infection au VIH/sida et sur la toxicomanie aux Maldives.


Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, s'est interrogée sur les causes des taux de mortalité maternelle et infantile élevés et sur les mesures gouvernementales prises en réponse à ce problème.  Elle a demandé plus d'informations sur les campagnes publiques sanitaires et a demandé dans quelle mesure les hommes participent aux programmes de planification familiale et utilisent des préservatifs.


Mme TAVARES DA SILVA s’est félicitée des informations montrant une amélioration de l’espérance de vie des femmes, désormais plus élevée que celle des hommes, ce qui n’était pas le cas auparavant.  Elle s’est référée au paragraphe 119 du rapport selon lequel les contraceptifs sont mis à disposition des couples mariés et a demandé si les femmes seules pouvaient y avoir accès.


Mme GONZALEZ MARTINEZ a souhaité que la charia qui fondait la disposition donnant aux hommes la position de chef de famille, soit appliquée également dans ses aspects favorables aux femmes.  Elle a également souhaité avoir des informations sur les causes du taux élevé de divorces et les raisons pour lesquelles c’étaient les femmes qui demandaient majoritairement le divorce. 


Mme GOONESEKERE, s'exprimant sur l'article 16, qui confirme que l'égalité devant la loi s'applique au droit de la famille et du mariage, a demandé sur quoi portaient les changements du Code de la famille et ce qu'il fallait entendre par circonstances exceptionnelles qui permettent aux jeunes filles de se marier avant l'âge de 18 ans.  Elle a demandé des informations détaillées sur les accords prénuptiaux et sur l'information dont disposent les femmes sur cette clause.  En ce qui concerne le divorce, l'experte a voulu savoir si la législation prévoyait des procédures de conciliation et s'il existait un soutien aux femmes après le divorce.  Elle s'est interrogée sur le statut des biens fonciers dans les droits de succession.   Mme LIVINGSTONE RADAY s'est interrogée sur le statut réel de la polygamie, soulignant que si les contrats prénuptiaux peuvent limiter la possibilité pour l'homme de contracter un second mariage, c'est que la polygamie est plus répandue que le rapport ne veut bien le dire.  Elle a demandé quelle est


la part des divorces prononcés à l'initiative de la femme et quelles mesures sont envisagées pour renforcer les obligations contractuelles prénuptiales qui empêchent l'homme de contracter un second mariage.  Relevant des contradictions dans le rapport sur la gestion et le contrôle des biens en cas de divorce, elle a demandé ce qu'il en était vraiment.  L'experte s'est enfin étonnée de ce qu'une situation de sous-emploi puisse prévaloir dans un petit pays comme les Maldives.


Mme GOONESEKERE a demandé quels problèmes spécifiques rencontraient la population migrante.


Mme ZELMIORA REGAZZOLI, experte de l'Argentine, a mis en avant le fait que les questions posées reflétaient la volonté du Comité d’aider les Maldives à améliorer le sort des femmes maldiviennes.  Elle a fait remarquer que le bon niveau d'éducation des femmes n'était pas reflété dans leur situation en matière d'emploi.  Il semble en effet que l'on ait recours à de la main d’oeuvre étrangère qualifiée.  Elle a demandé ce qu’il advenait des femmes divorcées, si le développement du tourisme avait eu des répercussions négatives sur les conditions de vie, d’où venaient les migrants.  Elle a indiqué qu’elle partageait le point de vue des experts qui ont exprimé leurs préoccupations à l’égard des modifications apportées par les Maldives aux réserves qu’il avait déjà émises et a souhaité savoir si le Gouvernement des Maldives était prêt à lever ces réserves et cette modification.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.