DSG/SM/143

«NOUS DEVONS FAIRE MIEUX POUR COMBLER LE FOSSÉ ENTRE RICHES ET PAUVRES», A DIT LA VICE-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DANS UNE ALLOCUTION PRONONCÉE À LA QUEENS UNIVERSITY DE KINGSTON (ONTARIO)

05/11/2001
Communiqué de presse
DSG/SM/143


«NOUS DEVONS FAIRE MIEUX POUR COMBLER LE FOSSÉ ENTRE RICHES ET PAUVRES», A DIT LA VICE-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DANS UNE ALLOCUTION PRONONCÉE À LA QUEENS UNIVERSITY DE KINGSTON (ONTARIO)


On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée ce jour par la Vice-Secrétaire générale, Louise Fréchette, lors de la cérémonie au cours de laquelle un diplôme lui a été décerné à titre honoraire par la Queens University de Kingston (Ontario) le 26 octobre 2001 :


Je vous remercie beaucoup de votre généreux accueil. Je suis profondément honorée qu’une université aussi réputée que celle de Queens me décerne ce diplôme honoris causa. Même si, en me joignant à l’Organisation des Nations Unies il y a bientôt quatre ans, je suis devenue en quelque sorte citoyenne du monde, j’éprouve toujours un plaisir particulier à me retrouver parmi mes compatriotes. Merci de m’accueillir si chaleureusement, merci de l’honneur que vous me faites et qui me touche profondément.


Nous voici réunis aujourd’hui à un moment de l’histoire qui, je crois, marque un tournant. Si la présente cérémonie s’était tenue avant le 11 septembre, je vous aurais sans aucun doute entretenus de la persistance des conflits après la guerre froide et de la manière dont l’ONU fait face à des guerres qui, pour être généralement internes et interethniques, n’en sont pas moins sanglantes.


J’aurais certainement mis l’accent sur le fossé grandissant qui sépare les pays riches des pays pauvres, la généralisation inacceptable de l’extrême pauvreté et les conséquences dramatiques de la crise du VIH/sida, et j’aurais tenté de vous persuader qu’avec de la volonté politique et des ressources financières plus conséquentes, on peut progresser et retrouver espoir.


J’aurais déploré le faible rang de priorité accordé à l’environnement et suggéré que tout retard dans la lutte contre les changements climatiques et le règlement des autres problèmes relatifs à l’environnement ne peut que nous contraindre à adopter des solutions plus coûteuses et plus draconiennes.


Enfin, j’aurais parlé de l’ONU elle-même, de son évolution positive sous la direction de Kofi Annan et des raisons qui font que, en dépit de toutes ses faiblesses, elle reste indispensable.


Toutes ces questions continuent d’exiger notre attention. Mais les événements du 11 septembre ne cessent de nous hanter, surtout si, comme moi, vous vivez à New York. Ils ont installé la peur dans nos esprits et ébranlé notre confiance dans l’avenir.


Je suis sûre que vous vous demandez : Pourquoi cela est-il arrivé? Comment le monde doit-il réagir? Que puis-je faire? Ce sont précisément ces questions que l’ONU se pose et auxquelles elle tente de répondre.


Le point de départ est et doit être le rejet absolu du terrorisme. Le Secrétaire général a souligné qu’il fallait qu’il n’y ait aucune ambiguïté à cet égard. Comme il l’a déclaré devant l’Assemblée générale – je cite – « l’assassinat de civils innocents est injustifiable, quel qu’en soit le mobile ».


La communauté internationale a réagi avec une rapidité et une unanimité sans précédent. À l’ONU, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont adopté d’importantes décisions qui engagent tous les pays à se mobiliser contre le terrorisme et, dans le monde, les villages les plus pauvres d’Afrique aussi bien que les collectivités les plus riches ont envoyé d’innombrables messages de sympathie à l’égard des victimes.


Nous devons veiller à ce que notre réaction collective à la menace que constitue le terrorisme contribue à renforcer les liens qui unissent collectivités et pays. Effacer le traumatisme infligé à la communauté internationale, c’est-à-dire rétablir la confiance entre les peuples et les cultures, ne sera pas tâche aisée mais nous devons nous y atteler.


Les générations qui nous ont précédés ont su tirer les enseignements de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont inscrit les relations internationales dans un cadre centré sur l’ONU dont les valeurs fondatrices doivent continuer à nous inspirer aujourd’hui.


Au Sommet du Millénaire, l’an dernier, les dirigeants des pays du monde entier ont affirmé leur attachement à la liberté, à l’égalité, à la solidarité, à la tolérance, au respect de la nature et à la notion de responsabilité partagée.


Ces valeurs et principes occupent une place centrale dans l’histoire de notre pays, le Canada. À de nombreux égards, ils sont constitutifs de son identité et de la manière dont nous, Canadiens, nous relions les uns aux autres et au reste du monde. Le Canada, comme les autres pays, devra prendre des mesures face au terrorisme. Son gouvernement devra renforcer les règles de sécurité et nous imposer des contraintes.


Je suis fermement convaincue que les pays peuvent et doivent s’adapter à la nouvelle situation internationale sans sacrifier les valeurs qui sont à la source même de leur force et de leur vitalité. Et je n’ai aucun doute que les sociétés ouvertes, tolérantes et démocratiques trouveront un juste équilibre entre la nécessité de mieux protéger leurs membres et le respect des libertés civiles et des droits de l’homme.


Mais nos obligations ne s’arrêtent pas à nos frontières. Comme les événements du 11 septembre nous l’ont rappelé, tous les habitants de la planète sont étroitement liés les uns aux autres. La vague de solidarité humaine à laquelle les attaques terroristes ont donné naissance doit s’étendre à d’autres domaines que le terrorisme


Ce serait faire insulte aux pauvres de tous les pays que de suggérer que c’est la pauvreté qui engendre ce fléau. Les pauvres ne veulent généralement qu’une seule chose : vivre dans des conditions décentes et en paix. Les esprits

malades qui ont planifié et exécuté les attaques contre le World Trade Center et le Pentagone n’ont en aucune façon le droit d’invoquer les pauvres pour justifier leurs actes.


Mais il ne fait aucun doute dans mon esprit que, si nous rejetons les phénomènes liés au terrorisme – violence, intolérance, fanatisme –, si nous voulons protéger les valeurs qui nous sont chères – liberté, tolérance, justice, égalité –, alors nous devons faire mieux, beaucoup mieux, pour combler le fossé entre les riches et les pauvres.


Il est franchement scandaleux qu’au moment même où la prospérité atteint une ampleur sans précédent, l’aide accordée aux pays qui en ont besoin ait reculé comme jamais auparavant. En pourcentage du PNB, l’aide publique au développement (APD) est actuellement au niveau le plus bas qu’elle ait jamais connu, notamment au Canada où elle ne représente qu’un maigre 0,5 %, alors qu’en Norvège, au Danemark, en Suède et aux Pays-Bas, elle dépasse les 0,7 % fixés par la communauté internationale. De plus, obstacles tarifaires et subventions continuent d’entraver le commerce dans des secteurs d’une importance capitale pour les pays en développement – en particulier l’agriculture –, et le fardeau de la dette, bien qu’il ait été réduit ces dernières années, reste très lourd dans un trop grand nombre de ces pays, qui devront en outre, au cours des années à venir, continuer à consacrer d’importantes ressources à la lutte contre la pandémie de sida.


Je n’essaie pas, en disant cela, de faire passer les grands thèmes de travail habituels de l’ONU avant le terrorisme. Je suggère simplement que nous aurons de meilleures chances de gagner la bataille contre ce fléau si chacun dans le monde, en particulier les jeunes, peut espérer vivre mieux que ses parents. Cela ne pourra se faire que si ceux qui ont beaucoup se préoccupent de ceux qui ont moins.


Je compte sur vous, qui êtes diplômés d’une merveilleuse université, située dans un pays des plus privilégiés, pour agir en ce sens. Car c’est à votre génération qu’il appartiendra de faire en sorte que le village planétaire qu’est devenu le monde prospère dans la paix et l’harmonie. Et vous n’avez pas besoin de travailler à l’ONU pour cela. Il faut simplement que vous vous assuriez que les décisions que vous prenez dans le domaine professionnel et en tant que citoyens tiennent compte de la nouvelle réalité mondiale.


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