DR/D/921

LA CONFERENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME OUVRE SES TRAVAUX A DURBAN

31/08/2001
Communiqué de presse
DR/D/921


                                                            DR/D/821

                                                            31 août 2001


LA CONFERENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME OUVRE SES TRAVAUX A DURBAN


Pour le Président Mbeki, la victoire de son pays contre l’apartheid

devrait inspirer la Conférence afin que soit restaurée la dignité humaine


Durban, le 31 août -- La Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée a été ouverte ce matin au Centre de conférence international de Durban, par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, en présence d’une quinzaine de chefs d’Etat, au premier rang desquels le Président de l’Afrique du Sud,

M. Thabo Mbeki.  Le Président de l’Assemblée générale, M. Harri Holkeri (Finlande), ainsi que la Haut-Commissaire aux droits de l’homme et Secrétaire générale de la Conférence, Mme Mary Robinson, se sont adressés à la Conférence à laquelle participent plus d’une centaine de délégations et d’Etats Membres.


Dans son allocution d’ouverture, M. Kofi Annan a souligné que cette Conférence fut extrêmement difficile à préparer parce que les questions qui doivent y être abordées ne sont pas de celles qui recueillent facilement un consensus.  S’il est compréhensible que beaucoup de Juifs soient profondément indignés quand Israël est accusé de racisme, nul ne peut toutefois demander aux Palestiniens d’accepter que les injustices dont ils sont victimes soient ignorées pour la cause.  De grandes parties de la déclaration et du programme d’action font l’objet d’un accord, y compris celles qui portent sur des questions aussi délicates que les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés et les personnes d’origine africaine, a indiqué M. Annan.  Si nous quittons Durban sans être parvenus à un accord, nous encouragerons les éléments les plus vils de nos sociétés, a-t-il averti.  La Conférence de Duban marquera un jalon si un texte de fond y est adopté et un consensus est atteint sur les mécanismes et modalités de suivi, a souligné, pour sa part, la Secrétaire générale et Haut Commissaire aux droits de l’homme, Mme Mary Robinson.  Aussi, a-t-elle appelé les gouvernements à assurer que leurs responsabilités en matière de lutte contre le racisme et la discrimination soient pleinement comprises et traduites par des mesures concrètes par le biais de programmes et plans d’action nationaux, les organisations intergouvernementales à agir de sorte que les objectifs de la Conférence soient reflétés dans leurs activités et à contrôler vigoureusement les engagements pris ici à Durban, et les organisations non gouvernementales à poursuivre leur rôle crucial dans la lutte contre le racisme et les autres formes de discrimination.


Intervenant à son tour, le chef de l’Etat sud-africain, M. Thabo Mbeki, a déclaré que la Conférence mondiale historique de Durban doit être l’occasion d’envoyer un message d’espoir aux peuples du monde entier et de réaffirmer que tout être a droit au respect de sa dignité humaine et que nul ne peut être rejeté ou maltraité en raison de sa race, sa couleur, sa nationalité ou son origine.  Faisant observer que la discrimination raciale était étroitement liée aux conditions de pauvreté, M. Mbeki a insisté sur le fait que «la pauvreté n’est pas une condition naturelle mais qu’elle représente une atteinte à la dignité humaine et qu’elle est elle-même le produit de la nature humaine».  Il a ajouté qu’il était important de lutter contre la pauvreté afin de combattre la discrimination et qu’il est clair que le monde dispose aujourd’hui des moyens humains et matériels pour venir à bout de la pauvreté et soulager les souffrances des populations qui vivent dans la misère simplement parce qu’ils ne sont pas blancs.  «Leurs cultures et leurs traditions sont considérées comme sauvages et primitives, ils ne sont pas blancs et sont engouffrés dans la pauvreté» a déclaré le Président sud-africain avant d’ajouter «si je parle ainsi, c’est parce que je suis issu d’un peuple qui a vécu l’esclavage, le colonialisme et le racisme».  M. Mbeki a ensuite déclaré : «En vous accueillant ici en Afrique du Sud, nous accueillons les combattants qui nous ont aidé à mettre fin au crime contre l’humanité que constituait l’apartheid».


Après son élection par acclamation à la présidence de la Conférence, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, Ministre des affaires étrangères de l’Afrique du Sud, a fait une déclaration liminaire dans laquelle elle a rappelé que les générations futures souhaiteraient que nous leur léguions un monde non raciste, pacifique et prospère; ce serait payer tribu à ceux qui ont combattu pour réaliser cet objectif.  Notre Conférence doit être le coup de clairon qui appelle le monde à mettre fin aux démons du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.  Dans le même temps, nous devons lancer un programme d’action durable qui puisse être appliqué par tous les pays à tous les niveaux.  Le processus qui a mené à cette Conférence a parfois semblé sombre et sans espoir mais nous avons persévéré et enregistré des progrès substantiels.  


Le Président de l’Assemblée générale, M. Harri Holkeri, a quant à lui, rappelé que les Nations Unies avaient joué un rôle clé au cours des trois dernières décennies en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie et notamment contribué à mettre fin à l’apartheid.  Il a regretté qu’aujourd’hui, malgré les progrès technologiques, les médias de masse et les voyages qui rapprochent les peuples, nous assistions à une résurgence de l’intolérance, de la xénophobie, du racisme, de la discrimination raciale et des conflits ethniques à travers le monde.  «C’est pour contrer ce phénomène que, en février 1998, l’Assemblée générale a décidé de convoquer cette Conférence mondiale contre le racisme afin d’adopter des mesures efficaces aux niveaux national, régional et international pour combattre toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance», a-t-il ajouté. 


La Conférence a ensuite adopté son règlement intérieur et procédé à l’élection de ses 21 Vice-Présidents et de son Rapporteur.  Ont été élus aux postes de vice-président les pays suivants : Kenya, Nigéria, Sénégal et Tunisie pour le Groupe des Etats africains; Chine, Inde, Iraq et Pakistan pour le Groupe des Etats d’Asie; Arménie, Azerbaïdjan, Bulgarie, Croatie et Slovaquie pour le Groupe des Etats de l’Europe de l’Est; Barbade, Chili, Cuba et Mexique pour le Groupe d’Amérique latine et des Caraïbes.  Quatre des pays suivants assumeront les fonctions de vice-président pour le Groupe de l’Europe de l’Ouest et autres Etats : Belgique, Canada, Italie, Norvège et Suède.  Lorsque sera déterminée la présidence de la Grande Commission, l’un de ces pays se retirera de la liste des Vices-Présidents.  Le Brésil a été désigné au poste de Rapporteur de la

Conférence.  La République tchèque, le Pérou et le Sri Lanka assumeront la vice-présidence de la Grande Commission.  Le Comité de rédaction, quant à lui, sera présidé par la République islamique d’Iran.  L’Australie en sera le Vice-Président et le Rapporteur.  La présidence du Groupe de travail sur le projet de programme d’action sera assurée par la Zambie et celle du Groupe de travail sur le projet de déclaration sera attribuée à une date ultérieure.  


La Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence mondiale contre le racisme sera composée des pays suivants : Bahamas, Chine, Equateur, Gabon, Irlande, Maurice, Fédération de Russie, Thaïlande et Etats-Unis. 


La Conférence mondiale a adopté son ordre du jour (A/CONF.189/1) en y adjoignant une note de bas de page relative au point intitulé «Thèmes de la Conférence» afin de préciser que le terme «indemnisation» figure dans le libellé desdits thèmes sans préjudice des résultats de la Conférence.


La Conférence s’est ouverte par un spectacle de danses présenté par le Ballet Theatre Afrikan.


En début de séance, la Conférence a observé une minute de silence à la mémoire de Govan Mbeki, leader historique du Congrès national africain (ANC) et père de l’actuel Président de l’Afrique du Sud.


La Conférence mondiale tiendra cet après-midi en plénière, à 15 heures, une table ronde des chefs d’Etat et de gouvernement, qui sera présidée par M. Thabo Mbeki, Président de l’Afrique du Sud et ouverte par M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies.  Participeront à cette table ronde les Présidents des pays suivants : Algérie, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, République du Congo, Cuba, République démocratique du Congo, Lettonie, Nigéria, Rwanda, Sénégal, Togo, Ouganda, et Zambie.  Prendront également part à cette table ronde le Premier Ministre du Mozambique et le Président du Comité exécutif de l’Autorité palestinienne.


CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE


Ouverture de la Conférence


M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies : Nous sommes réunis ici pour partager nos expériences, parler de l’avenir et évaluer la situation.  Une des choses dont nous pouvons nous réjouir, c’est que le racisme soit désormais universellement condamné.  Toutefois, bien trop nombreux sont ceux qui continuent d’être persécutés parce qu’ils appartiennent à un groupe particulier, qu’il soit national, ethnique, religieux ou fondé sur le sexe ou sur l’origine.  Souvent le racisme se cache derrière des prétextes fallacieux.  Quelqu’un se voit refuser un emploi sous prétexte qu’il n’a pas poussé assez loin ses études ; quelqu’un d’autre ne peut trouver de logement parce que le taux de criminalité est élevé dans le groupe auquel il appartient.  Les faits invoqués, même lorsqu’ils sont réels, sont souvent le résultat de la discrimination.  L’injustice enferme les gens dans la pauvreté, la pauvreté devient prétexte à l’injustice et le cercle vicieux se perpétue.


Nombreux sont ceux qui sont maltraités ou privés de protection parce qu’ils ne sont pas citoyens du pays dans lequel ils se trouvent mais sont venus d’ailleurs sans qu’on les ait invités.  Pourtant, beaucoup d’entre eux sont venus pour se charger de travaux que personne d’autre ne veut faire ou parce que, persécutés dans leur pays, ils n’ont d’autre choix que de fuir.  Ces travailleurs immigrés, ces réfugiés ont particulièrement besoin de protection et cette protection leur est due.  Ailleurs, les populations autochtones et les minorités nationales sont opprimées parce que leur culture et leurs moyens d’expression sont perçus comme des menaces à l’unité nationale.  Parfois, les problèmes rencontrés résultent en partie d’injustices terribles commises dans le passé : l’exploitation et l’extermination de peuples autochtones par des puissances coloniales ou l’utilisation de millions d’êtres humains traités comme des marchandises par d’autres êtres humains.  Plus le temps passe, plus il devient difficile de déterminer qui furent les responsables.  Mais les effets demeurent et la douleur comme la colère sont encore là.  Par l’intermédiaire de leurs descendants, les morts réclament que justice soit faite.  Rechercher dans des crimes passés l’origine des inégalités d’aujourd’hui n’est pas nécessairement le moyen le plus constructif de remédier à celles-ci, sur le plan matériel.  Mais l’homme ne vit pas que de pain et les liens que chaque individu entretient avec le passé font partie de son identité.  Il existe incontestablement un lien de continuité entre les sociétés et les Etats d’aujourd’hui et ceux qui, à l’époque, ont commis des crimes.  Chacun de nous doit s’interroger sur sa place dans cette chaîne historique complexe.  Il est relativement facile de penser aux torts que notre propre société a subis mais il est plus dérangeant de se demander dans quelle mesure notre confort repose sur les souffrances d’autrui, passées ou présentes.


L’année dernière, dans la Déclaration du Millénaire, les dirigeants de tous les Etats Membres ont décidé de prendre des mesures pour assurer le respect et la protection des droits fondamentaux des migrants, des travailleurs migrants et de leur famille, pour mettre fin aux actes de racisme et de xénophobie dont le nombre ne cesse de croître dans de nombreuses sociétés et pour promouvoir une plus grande harmonie et une plus grande tolérance dans toutes les sociétés.  Nous ne devons pas quitter ces lieux sans nous être mis d’accord sur des mesures concrètes que tous les Etats devraient adopter pour concrétiser leur décision


Cette Conférence fut extrêmement difficile à préparer parce que les questions qui doivent y être abordées ne sont pas de celles qui recueillent facilement un consensus.  L’accusation de racisme est une accusation qui blesse l’amour-propre de celui contre laquelle elle est lancée et qui suscite la peur car si un groupe est accusé de racisme, il risque de faire l’objet de représailles voire d’être persécuté à son tour.  On le voit très bien aujourd’hui au Moyen-Orient.  Le peuple juif a été en butte à l’antisémitisme dans biens des régions du monde.  Il est donc compréhensible que beaucoup de juifs soient profondément indignés quand Israël est accusé de racisme, surtout lorsque, dans le même temps, des civils innocents sont la cible d’attentats aveugles tout à fait inacceptables.  Toutefois, nul ne peut demander aux Palestiniens d’accepter que les injustices dont eux sont victimes – déplacements, occupation, blocus et maintenant exécutions extrajudiciaires, de quelque façon qu’on les décrive – soient ignorées pour la cause.  Plutôt que de jeter la pierre à un pays ou à une région en particulier, décidons que lorsque nous quitterons Durban, chaque pays sera engagé à élaborer et à mettre en œuvre son propre programme national de lutte contre le racisme, conformément aux principes généraux que nous aurons arrêtés d’un commun accord.  De grandes parties de la déclaration et du programme d’action font l’objet d’un accord, y compris celles qui portent sur des questions aussi délicates que les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés et les personnes d’origine africaine.  Si nous quittons Durban sans être parvenus à un accord, nous encouragerons les éléments les plus vils de nos sociétés.  Mais si nous avons en main, en partant, un appel à l’action soutenu par tous, c’est un signal d’espoir que nous enverrons à tous les hommes et femmes de courage qui combattent le racisme dans le monde entier.


M. THABO MBEKI, Président de l’Afrique du Sud : Je tiens à vous remercier pour vos messages de condoléances et je tiens à vous souhaiter la bienvenue à cette Conférence mondiale historique de Durban qui doit être l’occasion d’envoyer un message d’espoir aux peuples du monde entier et de réaffirmer que tout être a droit au respect de sa dignité humaine et que nul ne peut être rejeté ou maltraité en raison de sa race, sa couleur, sa nationalité ou son origine.  Nous nous sommes réunis à Durban parce que nous avons pris conscience du fait que la pauvreté n’est pas une condition naturelle mais qu’elle représente une atteinte à la dignité humaine et qu’elle est elle-même le produit de la nature humaine.  Nous considérons qu’il est important de lutter contre la pauvreté afin de combattre la discrimination et il est clair que le monde dispose aujourd’hui des moyens humains et matériels pour venir à bout de la pauvreté et soulager les souffrances des populations qui vivent dans la misère parce qu’elles ne sont pas blanches.  Leurs cultures et leurs traditions sont considérées comme sauvages et primitives, elles ne sont pas blanches et sont engouffrées dans la pauvreté.  Ces populations sont certes des humains, mais elles sont noires, tandis que les autres sont humains mais blancs.  Pour ceux-là qui souffrent des injustices de ce monde, les paroles des «blues singers» avaient raison en dénonçant un monde où «si tu es blanc, c’est bon, si tu es métisse, reste autour, si tu es noir, fais demi-tour!»


Je parle ainsi parce que je suis issu d’un peuple qui a vécu l’esclavage, le colonialisme et le racisme.  Voici un peuple qui sait ce qu’être victime de racisme et de discrimination raciale veut dire.  Les femmes quant à elles ont doublement souffert puisqu’elles étaient victimes d’oppression et de discrimination.  En vous accueillant ici en Afrique du Sud, nous accueillons les


combattants qui nous ont aidés à mettre fin au crime contre l’humanité que constituait l’apartheid et notre peuple est convaincu que vous avez livré ce combat pour servir la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance où que ce soit dans le monde. 


Ceux que les «blues singers» décrivaient comme métisses ou comme noirs attendent beaucoup de cette conférence car leurs souffrances sont immenses.  Frappés par la pauvreté, effrayés par des lendemains qui pourraient s’avérer encore pire, forcés d’admettre qu’il y a des gens supérieurs et d’autres, inférieurs, juste pour avoir quelque chose à manger, nombreux sont ceux qui fuient leur pays pour se réfugier dans d’autres en quête d’un avenir meilleur.  Personne ne choisit d’être esclave, colonisé ou victime de discrimination raciale et il est important que cette Conférence mondiale soit l’occasion d’affirmer que les ghettos de la pauvreté, métisses ou noirs, au Nord comme au Sud, ne doivent plus exister.  Elle doit aussi être l’occasion de définir clairement ce qui doit être entrepris pour changer le monde et faire en sorte que les peuples vivent dans le respect et la dignité. 


En tant que gouvernements, organisations internationales ou on gouvernementales, nous devons prendre l’engagement de servir ces peuples et forger un concept de solidarité humaine afin de réparer les dégâts du passé.  En effet, le Moyen-Orient aspire à une paix stable et durable qu’il mérite tant et les peuples de Palestine, d’Israël et du monde entier ont le droit de poursuivre leur développement dans la liberté, la sécurité et la stabilité.  Récemment encore, nous avons célébré la fin d’un siècle qui a été celui des souffrances de millions de personnes, depuis l’Holocauste dont ont été victimes les Juifs jusqu’au Génocide qui a frappé le Rwanda.  Ce siècle a produit des régimes criminels et des idéologies de supériorité raciale et dans le même temps, il nous a apporté la Déclaration des droits de l’homme et nous a donné les moyens de réaliser les objectifs qu’elle énonce.  Nous sommes réunis à Durban pour réaffirmer que nous pouvons faire davantage et nous espérons que le fait que ce pays ait été victorieux de l’apartheid inspirera les avancées de cette conférence vers un siècle où la dignité humaine est restaurée. 


Mme NKOSAZANA DLAMINI-ZUMA, Ministre des affaires étrangères de l’Afrique du Sud, Présidente de la Conférence mondiale : Je voudrais tout d’abord rendre un hommage particulier au combattant contre l’apartheid qu’a été Govan Mbeki.  Inspiré par les efforts collectifs de l’humanité, l’esclavage, le commerce des esclaves, le colonialisme et l’apartheid ont cessé d’exister. Ils ont été tous mis à bas, parce que l’humanité a osé affirmer que nous étions tous nés égaux avec des droits et une dignité innés.  Ces nobles mots sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies et sont le flambeau qui guide l’humanité et lui apporte l’espoir.


En tant que représentante des femmes africaines, je connais la souffrance de l’esclavage, du colonialisme et de l’apartheid; les femmes africaines sont confrontées tous les jours à leur héritage.  Mon continent porte les cicatrices des conflits, de la pauvreté la plus abjecte, du racisme de la marginalisation, de l’exclusion sociale, du sous-développement, des disparités économiques, de l’humiliation et de l’indignité.  Toutefois, comme l’a dit le Secrétaire général, nous devons maintenant regarder l’avenir.  Les générations futures souhaiteraient que nous leur léguions un monde non racial, pacifique et prospère; ce serait payer tribu à ceux qui ont combattu pour cela. 


Notre Conférence doit être le coup de clairon qui appelle le monde à mettre fin aux démons du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.  Dans le même temps nous devons lancer un programme d’action durable qui puisse être appliqué par tous les pays à tous les niveaux.  Le processus qui a mené à cette conférence a parfois semblé sombre et sans espoir mais nous avons persévéré et enregistré des progrès substantiels.  J’accepte donc avec humilité la tâche qui m’est confiée par cette illustre assemblée mais ma réussite et la réussite de cette conférence dépendent de la coopération de tous.  Nous n’avons pas le choix, il faut qu’elle réussisse.  Mon espoir fervent est qu’à la fin de cette conférence, nous regardions la route parcourue avec fierté et que nous parvenions à un résultat concret avec le programme d’action et la déclaration que nous allons adopter.


Allocutions d’ouverture


M. HARRI HOLKERI, Président de l’Assemblée générale : Cette Conférence s’inscrit dans le prolongement de la Déclaration du Millénaire dans laquelle les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés non seulement à respecter les  droits de l’homme mais surtout à garantir l’égalité des droits sans distinction.  A ce titre, la Déclaration réaffirme l’obligation de respecter la diversité et la nécessité d’éliminer le racisme et la xénophobie.  Le racisme et la discrimination raciale font partie des menaces les plus sérieuses à la dignité humaine et à la liberté et aucune société ne peut tolérer le racisme sans compromettre la paix et la justice. 


L’Assemblée générale a, au cours des dernières années, joué un rôle clé dans la lutte contre la discrimination raciale, notamment en observant les trois Décennies de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale et en organisant les deux précédentes conférences mondiales contre le racisme.  Les Nations Unies ont également contribué à mettre fin à l’apartheid mais aujourd’hui, en dépit des progrès technologiques, les médias de masse et les autres formes de communication qui rapprochent les peuples, nous assistons à une résurgence de l’intolérance, de la xénophobie, du racisme, de la discrimination raciale et des conflits ethniques à travers le monde.  C’est pour faire face à ce phénomène que, en février 1998, l’Assemblée générale a décidé de convoquer la Conférence mondiale contre le racisme afin d’adopter des mesures efficaces aux échelons nationaux, régionaux et international pour combattre toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance.  J’ai suivi les travaux préparatoires avec grand intérêt et je me félicite des progrès substantiels enregistrés dans la rédaction du document final, mais je vous encourage à aller de l’avant afin que l’on parvienne à un document qui permette aux Etats Membres et aux Nations Unies d’agir efficacement.  Durban doit nous rappeler, symboliquement, que lorsque la volonté politique et la détermination sont là, les changements et les avancées sont possibles et cette Conférence est l’occasion unique de faire de ce siècle un siècle de compréhension entre les peuples, de respect de la diversité, un siècle de tolérance. 


Mme MARY ROBINSON, Haut Commissaire aux droits de l’homme et Secrétaire générale de la Conférence mondiale contre le racisme : Nous avons parcouru un long chemin difficile pour arriver à la Conférence de Durban.  Ce chemin nous a permis à avoir une vision claire des victimes du  racisme et la discrimination, des remèdes appropriées et des meilleures mesures préventives.  Cette Conférence ne va jamais se dérouler sans écueil.  Lorsqu’on demande aux gens si le racisme existe, on a tendance à répondre que leur pays ne connaît pas ce problème.  Il est plus facile de pointer le doigt pour blâmer que de prêter une attention accrue aux préjudices que l’on cause.  Les questions à l’ordre du jour concernent tous les pays à tous les niveaux.  Ces questions figurent parmi les plus délicates que les Nations Unies et la communauté internationale doivent examiner.  Il est essentiel de s’en souvenir au cours de la semaine à venir.  Nous ne devons pas non plus  perdre de vue que nous ne sommes pas en mesure de régler tous les problèmes du monde à Durban.  Toutefois, je n’ai jamais cessé d’insister sur le fait que nous appartenons tous à une même famille humaine.  Les familles ne sont jamais en accord sur tous les plans, mais elles reconnaissent toutefois certaines valeurs et c’est ce qui fait leur force.  Ce que je demande à vous tous est de vous entendre sur les objectifs fondamentaux de cette Conférence, et non pas d’essayer de résoudre tous les problèmes qui existent dans le monde.  Au cours de ces dix-huit mois de travaux préparatoires, j’ai constaté clairement qu’il nous faut adopter de nouvelles stratégies pour lutter contre le racisme et l’intolérance que connaît notre monde moderne.  A ceux qui disent que nous n’avons pas besoin d’une conférence mondiale sur cette question, je les prie de regarder autour d’eux car tant de misère, d’inégalités et de conflits sont causés par le racisme et la discrimination.  D’un point de vue des droits de l’homme, cette Conférence est d’une importance cruciale.  L’égalité et la non-discrimination sont essentielles à la réalisation des droits de l’homme.  Le succès à Durban dépendra de notre capacité de trouver des solutions efficaces et de venir au secours des victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée. 


J’ai également appris combien les formes contemporaines de racisme sont étroitement liées au passé.  Cette Conférence pourrait marquer un tournant historique dans la lutte contre le racisme si nous nous entendons sur un langage qui reconnaisse les injustices historiques et exprime un profond remords pour les crimes du passé.  Si nous pouvons le faire, cela permettra de connecter des millions de personnes dans le monde et d’affirmer leur dignité humaine.  Nous devons porter notre attention sur les résultats et le suivi des stratégies.  La Conférence de Durban ne constituera une pierre angulaire que si un texte de fond est adopté et que le suivi de sa mise en  œuvre en est garanti.  C’est pourquoi, la tâche qui nous incombe avant de repartir est de s’entendre sur le suivi de la Conférence, sur les autorités chargées de l’assurer et sur les moyens d’en mesurer les progrès réalisés.  J’appelle donc chaque représentant de gouvernement à veiller à ce que les responsabilités des Etats dans la lutte contre le racisme et la discrimination soient pleinement comprises et appliquées par le biais de programmes ou plans d’action nationaux.  Les organisations intergouvernementales peuvent, quant à elles, jouer un rôle actif pour assurer que les objectifs de cette Conférence sont reflétés dans leurs propres activités, et qu’elles contrôlent vigoureusement les engagements qui seront pris ici à Durban.  Le processus préparatoire a montré clairement que les Nations Unies ne doivent pas seulement poursuivre leur lutte historique contre la discrimination mais elles doivent également renforcer cette lutte.  Je ne peux que souligner le rôle que la société civile pourra jouer dans le processus de suivi, en particulier des organisations non gouvernementales qui sont conscientes de l’importance vitale de la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.  Au cours de la semaine à venir, j’appelle tous les participants et, en particulier les délégations, à faire preuve d’une générosité d’esprit, de souplesse et de volonté pour faire face aux vues exprimées par les autres.  Les progrès ne peuvent être accomplis que sur cette base et la nécessité urgente de développer de nouvelles stratégies pour lutter contre le racisme et la discrimination l’exige.  J’appelle en outre à faire preuve de vision.  On peut s’inspirer du concept africain d’Ubuntu – terme ancien pour définir l’humanisme, la solidarité et la coexistence harmonieuse.  Ce concept habilite chaque personne d’être respectée, d’exercer ses droits et de vivre en harmonie avec les autres.  Cette notion est également consacrée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Que cet esprit préside aux négociations des jours à venir au moment où nous luttons pour un monde où les principes d’égalité et de non-discrimination sont honorés, pas simplement par des mots, mais par des actions.


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