REMARQUES DU CONSEILLER SPECIAL DU SECRETAIRE GENERAL SUR LA COLOMBIE
Communiqué de presse DIVERS/101 |
REMARQUES DU CONSEILLER SPECIAL DU SECRETAIRE GENERAL SUR LA COLOMBIE
On trouvera ci-après le texte des remarques faites par M. Jan Egeland, Conseiller spécial du Secrétaire général, M. Kofi Annan, sur la Colombie, lors d’une conférence de presse donnée aujourd’hui à Bogota:
En ma qualité de Conseiller spécial du Secrétaire général sur la Colombie, j'ai consulté M. Kofi Annan, au cours des derniers jours, sur la situation dans le pays. En son nom, je prie aujourd'hui toutes les parties au conflit à mettre fin aux sévices contre la population civile, et à déployer de nouveaux efforts pour négocier en vue d'éviter une guerre généralisée.
Les décisions qui seront prises au cours des prochains mois pourraient déterminer si la Colombie peut s'engager sûrement sur la voie de la réconciliation et du développement, ou si elle va entrer dans une longue période débilitante de conflit, de déclin économique, de violations généralisées des droits de l'homme, et de souffrances affectant non seulement la Colombie, mais aussi toute la région andine. La dégradation de la situation à laquelle nous faisons face en ce moment en Colombie exige une nouvelle prise de conscience et une attention et une assistance internationales substantiellement accrues, coordonnées et à long terme.
Au cours des trois dernières années, le gouvernement du Président Andrés Pastrana a fait un effort résolu pour faire avancer deux processus de paix avec les guérillas des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et de l'Armée de libération nationale (ELN). Aussi, le Président mérite t-il le respect pour le prix politique que lui a coûté son engagement pour la paix. Comme dans la plupart des processus de paix, il y a eu des revers et des difficultés, mais il faut tirer des leçons, tout en cherchant à faire avancer les négociations.
Les moments de crise comme ceux que nous traversons suscitent souvent la frustration et des appels à des mesures militaires plutôt qu'au dialogue. Néanmoins, ceux qui critiquent la recherche de la paix devraient réfléchir avec beaucoup de précaution à l'alternative. Il n’est pas possible de se frayer un chemin vers la réconciliation par la force. La Colombie a un terrible héritage de violence, en partie parce qu'elle a, de façon répétée, échoué à faire face à ses profonds problèmes sociaux et politiques par des négociations. La seule façon de mettre fin à ce conflit amer, complexe et profondément enraciné passe par une solution négociée, quels que soient la difficulté et le temps que cela prendra. Les Nations Unies souhaitent souligner que malgré les affrontements, les canaux de communication ne devraient pas être clos. L'énorme investissement qui a été fait pour mettre en place des pourparlers de paix ne doit pas être perdu.
Depuis ma nomination comme Conseiller spécial du Secrétaire général pour la Colombie, j'ai établi des contacts réguliers avec toutes les parties au conflit impliquées dans les négociations, et avec les principaux acteurs de la société civile et de nombreux membres de la communauté internationale qui s'inquiètent pour la Colombie. Les contacts que j'ai eus m'ont persuadé que la recherche d'une solution négociée au conflit doit devenir une politique d'Etat en Colombie, et ce, quel qu'en soit le président. A la veille d'une année de campagnes politiques et d'élections, il est particulièrement important d'éviter des mesures qui pourraient compromettre des efforts de paix de longue date. Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan s'est engagé à poursuivre son appui de longue date aux efforts visant à assurer la réconciliation et la paix et j'y contribuerai autant que possible en tant que son Conseiller spécial.
Les efforts de paix se sont heurtés à la menace des groupes paramilitaires qui, dans une apparente impunité, massacrent des civils tout en menaçant ceux qui appuient les négociations et en menant des attaques qui visent spécialement à compromettre les initiatives de paix. Différentes bases paramilitaires sont bien connues et continuent pourtant à opérer. Il faut une condamnation sans équivoque, aux niveaux national et international, des groupes paramilitaires et de ceux qui les financent ou leur apportent un appui. Au cours de sa dernière session, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a lancé un appel urgent au Gouvernement pour qu'il prenne des mesures plus efficaces pour combattre et éliminer ces groupes paramilitaires.
Les guérillas sont également responsables de violations du droit humanitaire international. Les Nations Unies et, plus largement, la communauté internationale ont condamné, de manière ferme et universelle, l'industrie née des enlèvements et de l'extorsion de civils. Au mois d'avril, la Commission des droits de l'homme a appelé les guérillas à respecter le droit humanitaire et à se mettre d'accord sur un accord global concernant les droits de l'homme et le droit humanitaire pour ouvrir la voie à un cessez-le-feu complet.
Après une trop longue période de négligence, la communauté internationale a maintenant commencé à prêter une attention accrue à la Colombie et à son peuple et à leur manifester un engagement croissant à les aider. La communauté internationale doit accroître son assistance à ceux qui ont le plus besoin et non pas la geler ou la réduire.
En même temps, il est clair que la communauté internationale est de plus en plus préoccupée par la violence qui fait fuir des dizaines de milliers de Colombiens de leurs maisons et de leurs villages pour une vie d'exil interne et de peur en tant que personnes déplacées. Chaque jour, des personnes de plus en plus nombreuses sont obligées de fuir.
Le plus urgent en ce moment en Colombie est de renouveler les efforts visant le dialogue et la négociation.
En conséquence, j'appelle le Gouvernement à entreprendre des efforts de négociations dûment organisés, avec l'implication de la communauté internationale. Je demande aussi au Gouvernement de prendre des mesures plus avant pour arrêter les assassins d'activistes des droits de l'homme et de syndicalistes et de s'attaquer efficacement au problème que posent les paramilitaires.
J'appelle les FARC à libérer les centaines de civils qu'ils ont enlevés, dont trois travailleurs humanitaires allemands et Alan Jara. La communauté internationale tient le FARC responsable de leur bien-être et de leur retour dans la sécurité.
J'appelle le Gouvernement et l’ELN à renouveler de bonne foi les efforts visant la négociation.
J'exhorte l'ELN à renoncer aux enlèvements, à s’abstenir d’attaquer les civils. J'exhorte les groupes paramilitaires à s'arrêter de tuer des femmes, des enfants et des civils sans armes, et à s'arrêter de forcer des milliers de Colombiens innocents à abandonner leurs maisons.
Enfin, j'exhorte la communauté internationale à pleinement s'engager à aider ce pays et son peuple. La communauté internationale doit maintenir son engagement à long terme pour s'assurer qu'un conflit généralisé et un désastre humanitaire ne se produisent pas.
Je suis convaincu que malgré la crise actuelle du processus de dialogue, il est possible d'aller vers une paix réelle et durable en Colombie. Je pense fermement que nous devons résister à la tendance générale qui se développe dans l'opinion nationale et internationale, qui incite à voir la violence et les revers comme un signe que la Colombie est un "cas désespéré". Il faudra du temps, mais la paix et les droits de l'homme peuvent devenir et deviendront une réalité en Colombie si des efforts nationaux et internationaux sont coordonnés et soutenus sur une période durable.
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