LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE TERMINE LES TRAVAUX DE SA VINGT-SEPTIÈME SESSION
Communiqué de presse DH/G/1411 |
Communiqué final
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE TERMINE LES TRAVAUX DE SA VINGT-SEPTIÈME SESSION
Le Comité a adopté des conclusions et recommandations concernant
les rapports de l'Ukraine, du Bénin, de l'Indonésie, de la Zambie et d'Israël
Genève, 23 novembre -- Le Comité contre la torture a terminé, aujourd'hui, les travaux de sa vingt-septième session, qui s'est ouverte le 13 novembre dernier, et au cours de laquelle il a adopté des conclusions et recommandations sur les rapports de cinq pays : Ukraine, Bénin, Indonésie, Zambie et Israël.
S'agissant de l'Ukraine, le Comité se félicite des efforts de réforme de la législation, notamment l'adoption du nouveau code pénal dont un article qualifie la torture en tant que crime spécifique. Il exprime toutefois sa préoccupation face aux informations selon lesquelles la torture est toujours pratiquée dans ce pays et recommande l'adoption de mesures pour assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire et l'inadmissibilité des preuves obtenues sous la torture.
Le Comité salue la volonté du Bénin de réparer les conséquences des violations massives des droits de l'homme qui ont été perpétrées lors de la période dite «révolutionnaire». Toutefois, l'apparente méfiance des citoyens à l'égard du fonctionnement de la police et de la justice, ainsi que la récurrence du phénomène de la vindicte populaire qui en découle, inquiète le Comité, qui recommande l'adoption de mesures pour éliminer cette pratique.
En ce qui concerne l'Indonésie, le Comité accueille avec satisfaction le projet de loi relatif à la protection des victimes et des témoins ainsi que la mise en place d'une Commission pour la vérité et la réconciliation. Il exprime toutefois des préoccupations face aux nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements perpétrés par les membres des forces de police, l'armée et les groupes paramilitaires. Les allégations de torture dans les zones de conflits armés inquiètent également le Comité, ainsi que celles faisant état d'un usage abusif de la force lors des interrogatoires
S'agissant de la Zambie, le Comité s'est félicité de la promulgation de la nouvelle loi sur la police, qui réglemente et protège les droits des personnes en garde à vue, et de la mise en place d'un plan de réforme de l'administration de la justice juvénile. Le Comité exprime toutefois sa préoccupation face aux incessantes allégations de pratique de la torture et à l'apparente impunité dont jouissent les tortionnaires. A cet égard, il recommande à la Zambie de prendre toutes les mesures nécessaires afin de lutter contre l'impunité, de s'assurer que les actes de torture soient pénalement poursuivis et que les plaignants aient accès à une assistance juridique.
En ce qui concerne Israël, le Comité s'est félicité de la décision rendue en 1999 par la Cour suprême de ce pays - affaire Commission publique contre la torture en Israël c. l'État d'Israël - statuant que l'Agence de Sécurité israélienne (AIS) n'était pas autorisée à user de certaines méthodes d'investigation faisant appel à l'exercice de pressions physiques modérées, considérant que ces méthodes étaient contraires à la loi israélienne puisqu'elles violaient le droit à la dignité. Toutefois, le Comité recommande à Israël de prendre des mesures concrètes afin de prévenir la torture et mettre en place des mécanismes de plaintes, d'investigations et de poursuites.
Au cours de cette session, le Comité a également tenu des séances à huis clos au cours desquelles il a examiné des communications présentées par des particuliers qui se plaignent de violations de violations de leurs droits tels qu'ils figurent dans la Convention. Il a également examiné des situations dans le cadre de la procédure d'enquête prévue par la Convention en vertu de laquelle le Comité peut, s'il juge que cela se justifie, charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à une enquête confidentielle et de lui faire un rapport d'urgence.
Au cours de sa prochaine session, qui se tiendra du 29 avril au 17 mai 2002 à Genève, le Comité examinera les rapports des pays suivants : Arabie saoudite, Danemark, Suède, Venezuela, Norvège, Luxemboug, Ouzékistan et Fédération de Russie.
Aperçu des conclusions et recommandations adoptées par le Comité concernant les cinq pays dont les rapports ont été examinés au cours de la session
Le Comité contre la torture a examiné, au cours de cette session, les rapports de l'Ukraine, du Bénin, de l'Indonésie, de la Zambie et d'Israël, et a adopté des conclusions et recommandations sur chacun de ces rapports.
En ce qui concerne l'Ukraine, le Comité se félicite des efforts déployés par ce pays en vue de réformer sa législation, et accueille avec satisfaction l'adoption du nouveau code pénal, dont un article qualifie la torture en tant que crime spécifique, ainsi que la mise en place de la nouvelle Cour constitutionnelle, l'adoption d'une nouvelle législation en matière d'immigration et de dispositions relatives à la protection des droits de l'homme. Il se félicite de mesures positives qui ont été prises, notamment l'abolition de la peine de mort, la nomination d'un Commissaire national aux droits de l'homme et la déclaration selon laquelle l'Ukraine reconnaît la compétence du Comité aux termes des articles 21 et 22 de la Convention contre la torture (présentation de plaintes). Toutefois, il exprime sa préoccupation face aux informations selon lesquelles la torture est toujours pratiquée en Ukraine et à la constatation du Commissaire national aux droits de l'homme que plus de 30% des prisonniers sont victimes de la torture.
Le Comité recommande à l'Ukraine de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire et l'inadmissibilité des preuves obtenues sous la torture. Un mécanisme indépendant d'enquête doit être mis en place afin de donner suite à toutes les allégations de torture qui parviennent à l'Ukraine, y compris les allégations reçues de la part d'organisations non gouvernementales nationales et internationales. Par ailleurs, les conditions de détention doivent être améliorées. Le Comité recommande en outre qu'un système
de contrôle indépendant des établissements pénitentiaires, dont les résultats d'enquête doivent pouvoir entraîner des poursuites, soit mis en place. La période de garde à vue, qui est actuellement de 72 heures, doit être écourtée et des mesures doivent être prises afin de prévenir et de punir le trafic des femmes et toute autre forme de violence à l'égard des femmes. Le Comité recommande enfin que des moyens plus efficaces soient mis en œuvre pour mettre fin au bizutage et aux mauvais traitements au sein de l'armée.
S'agissant du Bénin, le Comité salue l'adoption de normes législatives et réglementaires en faveur d'une meilleure protection des droits de l'homme, ainsi que la volonté du pays de réparer les conséquences des violations massives des droits de l'homme qui ont été perpétrées lors de la période dite «révolutionnaire». Il recommande néanmoins de réglementer le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et adéquate à la charge de l'État, et suggère de mettre en place des programmes de réadaptation médicale et psychologique pour ces victimes.
Le Comité est préoccupé par l'absence de sanctions spécifiques à l'encontre des auteurs d'actes de torture, et recommande au Bénin de prendre les mesures nécessaires afin d'y remédier. L'apparente méfiance des citoyens à l'égard du fonctionnement de la police et de la justice, ainsi que la récurrence du phénomène de la vindicte populaire qui en découle, préoccupe également le Comité, qui recommande au Bénin de prendre les mesures nécessaires afin d'éliminer cette pratique. Il se dit par ailleurs préoccupé par la surpopulation carcérale et les conditions de détentions déplorables dans les établissements pénitentiaires. Il estime, par ailleurs, que l'existence dans la législation béninoise de dispositions exonérant l'auteur d'actes criminels de toute responsabilité lorsque ces actes ont été ordonnés par la loi ou par l'autorité légitime est en contradiction avec la Convention contre la torture. Enfin, le Comité.est préoccupé de ce que la loi d'amnistie, adoptée avant la ratification de la Convention contre la torture, risque d'aboutir à une situation d'impunité.
Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport initial de l'Indonésie, le Comité se félicite des efforts déployés par ce pays pour amender sa législation et réviser sa Constitution en vue d'assurer la protection des droits de l'homme, ainsi que la création, le mois prochain, des tribunaux des droits de l'homme, qui auront compétence pour connaître des violations graves des droits de l'homme, et notamment de la torture. Il accueille avec satisfaction le projet de loi relatif à la protection des victimes et des témoins, ainsi que la reconnaissance de la nécessité de créer un registre centralisé des détenus pour l'ensemble du territoire. Il accueille avec satisfaction la possibilité d'une visite prochaine du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats, mais ajoute que le Rapporteur spécial sur la torture devrait également être invité à visiter l'Indonésie, notamment les régions qui connaissent des conflits.
Le Comité exprime toutefois des préoccupations face aux nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements perpétrés par les membres des forces de police, et notamment les unités de police mobile (Brimob), l'armée (TNI) et les groupes paramilitaires liés aux autorités. Les allégations de torture dans les zones de conflits armés (Aceh, Papouasie et Molluques) inquiètent également le Comité, ainsi que celles faisant état d'un usage abusif de la force lors des interrogatoires. Il exprime, en outre, sa préoccupation face aux allégations selon lesquelles les groupes paramilitaires, soupçonnés de pratiquer la torture,
seraient soutenus par une partie du personnel militaire. Le Comité est vivement préoccupé par le climat d'impunité favorisé par le faible nombre de membres du personnel militaire, de police et autres hauts fonctionnaires suspectés d'avoir planifié, commandé et/ou perpétré des actes de torture et de mauvais traitements, qui ont été traduits en justice. Il recommande, en outre, d'établir un mécanisme de plaintes fiable et indépendant chargé de mener immédiatement des enquêtes et impartiales à la suite d'allégations de torture et de mauvais traitements commis par la police et autres autorités. L'Indonésie doit également s'assurer que le tribunal ad hoc des droits de l'homme pour le Timor oriental aura la capacité d'examiner toutes les violations des droits de l'homme qui auraient été perpétrées entre le 1erjanvier et le 25 octobre 1999.
Dans ses conclusions et recommandations concernant le rapport initial de la Zambie, le Comité note avec satisfaction la volonté exprimée par l'État partie d'introduire dans sa législation un crime spécifique de torture, conformément à l'article 4 de la Convention, et de prendre les mesures législatives nécessaires afin d'incorporer la Convention dans le droit national. L'engagement de la Zambie de ne pas prendre en considération les aveux et les preuves obtenus sous la torture, de faire une déclaration au titre des articles 21 et 22 de la Convention et de retirer à la police ses prérogatives en matière de poursuite pénale afin de les confier au Directeur des poursuites publiques (DPP) a également été salué par le Comité. Ce dernier s'est en outre félicité de la promulgation de la nouvelle loi sur la police, qui réglemente et protège les droits des personnes en garde à vue, ainsi que de la mise en place d'un plan de réforme de l'administration de la justice juvénile. Le Comité s'est également réjoui de l'interdiction des châtiments corporels et la création d'une Commission nationale des droits de l'homme.
Toutefois, le Comité exprime sa préoccupation face aux incessantes allégations de pratique de la torture et à l'apparente impunité dont jouissent les tortionnaires. Il se dit aussi inquiet des délais dans lesquels sont menées les enquêtes portant sur les allégations de torture ainsi que des délais dans lesquels les suspects sont traduits devant les tribunaux. A cet égard, il recommande à la Zambie de prendre toutes les mesures nécessaires afin de lutter contre l'impunité, de s'assurer que les actes de torture soient pénalement poursuivis et que les plaignants aient accès à une assistance juridique. Par ailleurs, le Comité recommande au pays de prendre les mesures nécessaires à l'incorporation, dans son système juridique, de toutes les dispositions de la Convention. Les conditions de détention déplorables, en particulier le manque de personnel médical et de médicaments, qui affectent autant la santé des détenus que celle des gardiens, ainsi que la surpopulation carcérale préoccupent en outre le Comité. A cet égard, celui-ci exhorte la Zambie à prendre plusieurs initiatives afin de réduire la surpopulation carcérale, d'avoir recours à des peines non privatives de liberté et d'améliorer de façon générale les conditions de détention. Le Comité recommande également à la Zambie de renforcer ses programmes de formation concernant l'interdiction de la torture et destinés au personnel de sécurité; de réviser ses méthodes d'interrogatoires et de mettre en place des centres de réhabilitation pour les victimes de torture.
En ce qui concerne les conclusions et recommandations finales relatives au troisième rapport périodique d'Israël, le Comité se félicite de la décision rendue en 1999 par la Cour suprême qui a statué, dans l'affaire Commission publique contre la torture en Israël c. l'État d'Israël, que l'Agence de Sécurité israélienne (AIS) n'était pas autorisée à user de certaines méthodes d'investigation faisant appel à l'exercice de pressions physiques modérées, considérant que ces méthodes étaient contraires à la loi israélienne puisqu'elles violaient le droit à la dignité. Le Comité salue par ailleurs la décision rendue en avril 2000 par la Cour suprême qui a statué que les prisonniers libanais en détention en Israël ne constituaient pas une menace pour la sécurité nationale et devaient donc être libérés. Il se réjouit également de la création d'une commission judiciaire d'enquête sur les événements d'octobre 2000 qui ont entraîné la mort de 14 personnes.
Le Comité indique qu'il est pleinement conscient des difficultés rencontrées par Israël, en particulier dans les Territoires occupés. Toutefois, tout en reconnaissant le droit pour Israël de protéger ses citoyens contre la violence, il rappelle qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut justifier le recours à la torture. Le Comité se dit préoccupé par l'absence de sanctions à l'égard des enquêteurs de l'AIS lorsque, dans des circonstances exceptionnelles (menace d'explosion d'une bombe, par exemple), ils ont recours à des pressions physiques. Il recommande à Israël de s'assurer de la conformité, dans toutes les circonstances, des méthodes d'interrogatoire avec la Convention, l'état de nécessité ne pouvant jamais justifier la torture. Les constantes allégations selon lesquelles les membres de l'AIS auraient recours à l'usage de la torture lors d'interrogatoires de détenus palestiniens ainsi que les allégations selon lesquelles la torture serait pratiquée contre des Palestiniens mineurs, en particulier ceux détenus dans le commissariat de police de Gush Etzion, préoccupent le Comité. Il recommande à Israël de prendre des mesures concrètes afin de prévenir la torture et de mettre en place des mécanismes de plaintes, d'enquêtes et de poursuites. Le Comité recommande à Israël de réviser sa législation afin que soit garanti à chaque détenu, sans exception, le droit d'être immédiatement présenté devant un juge et le droit à l'assistance d'un avocat. Par ailleurs, toutes les victimes de torture doivent être réhabilitées et avoir accès à une indemnisation. Le Comité recommande à Israël d'abandonner la politique de destruction de logements, considérant qu'elle va à l'encontre de l'article 16 de la Convention
Composition du Comité
Le Comité contre la torture est un organe de dix experts siégeant à titre personnel. Il est actuellement composé des experts suivants : M. Peter Thomas Burns (Canada), M. Guibril Camara (Sénégal), M. Sayed Kassem el Masry (Égypte), Mme Felice Gaer (États-Unis), M. Antonio Silva Henriques Gaspar (Portugal), M. Alejandro González Poblete (Chili), M. Andreas Mavrommatis (Chypre), M. Ole Vedel Rasmussen (Danemark), M. Alexander Yakovlev (Fédération de Russie), M. Yu Mengja (Chine).
Le Comité est présidé par M. Burns. MM. Camara, González Poblete et Yu sont Vice-Présidents. Le Rapporteur est M. el Masry.
* *** *