LA DELEGATION DE L’OUZBEKISTAN DEMANDE A BENEFICIER DE LA «PRESOMPTION DE CONFIANCE» DE LA PART DU COMITE DES DROITS DE L’HOMME
Communiqué de presse DH/304 |
Comité des droits de l'homme
Soixante et onzième session
1911e séance - après-midi
LA DELEGATION DE L’OUZBEKISTAN DEMANDE A BENEFICIER DE LA «PRESOMPTION DE CONFIANCE» DE LA PART DU COMITE DES DROITS DE L’HOMME
Concluant, cet après-midi, la présentation du rapport initial de l’Ouzbékistan devant le Comité des droits de l’homme, la délégation ouzbèke, a espéré que les membres du Comité feraient preuve de compréhension à l’égard de son Gouvernement. Elle a souhaité que toutes les informations officielles qu’elle a communiquées bénéficient de la «présomption de confiance» de la part des experts et a regretté la méfiance manifestée par certains experts à l’égard des informations contenues dans ce rapport. Réaffirmant la volonté de l’Ouzbékistan de garantir le droit à un procès équitable, l’égalité des sexes, ainsi que la liberté d’association et de participation à la conduite des affaires publiques,
M. Akmal Saidov, chef du Centre national des droits de l’homme, a reconnu que l’Ouzbékistan doit refléter dans la pratique les droits qui sont définis par sa législation. Attirant l’attention du Comité sur les difficultés géographiques, économiques et politiques auxquelles doit faire face son pays, il a cité Goethe pour qui «la solution d’un problème, quel qu’il soit, crée un nouveau problème».
Des membres du Comité ont salué la volonté de convaincre et de dialoguer de la délégation et ont estimé que leur échange de vues avec celle-ci a permis de mieux cadrer les informations contenues dans le rapport. Le Comité a également salué le fait que l’Ouzbékistan ait intégré le Pacte dans ses lois nationales et lui ait assuré la primauté dans la hiérarchie des normes. Les experts ont cependant souligné l’écart entre les informations officielles et celles, tout à fait fiables, que les organisations non gouvernementales ont fournies et ont engagé la délégation à analyser ces différences et en tirer ses conclusions. Ils ont en outre jugé insuffisantes les informations sur la société civile et le statut des minorités. Ils ont en outre regretté le manque d’informations et de statistiques sur l’application pratique du principe de non-discrimination, et particulièrement sur la place qu’occupent les femmes ouzbèkes dans la société et dans le monde de l’emploi. Une autre préoccupation concerne la loi sur les secrets d’Etat, qui entrave l’accès de la population aux informations publiques. Le Comité a également estimé que le public a également le droit de savoir combien de personnes ont été exécutées en vertu de la peine de mort.
Le Comité des droits de l’homme reprendra ses travaux demain mercredi 28 mars, à partir de 10 heures.
Réponses de la délégation
Un expert ayant demandé si les 300 personnes de Sukandari qui ont été relogées avaient quitté volontairement leur village ou si elles avaient été soumises à des pressions. M. AKMAL SAIDOV, chef de la délégation ouzbèke, a expliqué qu'en raison de combats avec les rebelles dans cette région, son gouvernement devait assurer la sécurité de ces personnes qui vivent dans une zone montagneuse difficile d’accès. Un sondage effectué récemment a fait apparaître que la plupart d’entre elles sont satisfaites de ce déplacement.
Répondant à une question sur le moment à partir duquel une personne arrêtée peut contacter son avocat, M. Saidov a précisé que l’accusé à accès à un avocat au moment où est établi le procès-verbal d’interpellation. Il a ajouté que la police ou les autorités pénitentiaires ouzbèkes ne recourent pas aux électrochocs pour torturer les détenus ou prisonniers. Il s’est interrogé sur ce qui sous-tend les questions des experts concernant ce point et de quoi le Gouvernement devrait être responsable puisqu’il a totalement interdit ce type de pratique. Le policier se livrant à de telles pratiques est tenu responsable et peut être poursuivi en vertu de la législation en vigueur, a-t-il précisé. M. Saidov a également insisté sur le fait que les aveux obtenus sous la torture ne peuvent être utilisés comme preuve.
M. Saidov a ensuite précisé qu’en ce qui concerne l’asile politique, l’article 93 de la Constitution établissant les pouvoirs du Président de la République y inclut le pouvoir d’accorder l’asile politique.
Pour ce qui est de l’affaire Chikunov, M. Saidov a indiqué qu’il était accusé du meurtre par arme à feu de plusieurs personnes. Interpellé en 1999,
M. Chikunov a été condamné à mort en vertu de l’article 168/268/64 du code pénal. M. Saidov a ajouté que la culpabilité de M. Chikunov avait été totalement établie pendant l’instruction et qu’il s’agissait là d’une sanction correspondant à la gravité de son crime.
En ce qui concerne l’indépendance de la justice, le représentant a indiqué qu’un candidat à une fonction de juge local doit être ressortissant ouzbek, être âgé de plus de 25 ans, posséder une expérience de trois ans et une formation juridique. Les juges de la Cour suprême sont élus par le Parlement national, ceux du Karakapalkstan sont élus par le Parlement de leur région en consultation avec le Président de l’Ouzbékistan. Les juges sont nommés ou élus pour 5 ans. Ils ne peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires que sur décision d’un collège, s’ils ont violé la loi ou fait preuve de négligence. Leurs fonctions peuvent être suspendues à leur demande et s’ils poursuivent une activité incompatible avec la fonction de juge.
Le respect de la présomption d’innocence est garanti par la Constitution. C’est à l’accusation de prouver la culpabilité de l’accusé. L’accusé a droit à une défense contre tout abus des fonctionnaires. Le barreau est une institution juridique professionnelle qui assiste juridiquement des personnes morales et physiques, des associations et des institutions. Chacun a le droit de demander une aide juridique de son choix et de s’adresser pour cela à l’avocat de son choix. L’interpellé ou accusé a le droit à des consultations confidentielles avec son avocat. Il existe une organisation non gouvernementale regroupant tous les avocats et possédant des bureaux dans tout le pays. Cette organisation a fourni des propositions en vue d’amender le code de procédure et d’harmoniser les droits des avocats avec ceux du procureur aux différentes étapes du procès. Tous les procès sont menés de façon transparente et en public sauf dans certains cas prévus par la loi. Les étrangers interpellés ou en détention ont le droit et la possibilité d’entretenir des relations avec leurs services consulaires.
Pour garantir aux femmes le même statut qu’aux hommes dans la vie publique, le Gouvernement ouzbek a ratifié les instruments internationaux protégeant les droits des femmes. Au début de 2001, 70 actes législatifs concernant directement les droits et la protection des femmes ont été examinés. Une commission spéciale de la femme et de la famille et une commission chargée des questions d’emploi ont été créées au Parlement. Un poste de ministre adjoint pour les questions de la famille, de l’enfance et de la femme a été mis en place et des postes similaires ont été installés dans toutes les structures locales. Un suivi permanent de la mise en œuvre des lois ouzbèkes ainsi que des engagements internationaux de ce pays est entrepris. On compte actuellement environ 100 organisations féminines, alors qu’avant l’indépendance de l’Ouzbékistan, il n’en existait aucune. Ces organisations apportent un soutien aux femmes dans le domaine de l’emploi, de l’éducation et de leur participation aux programmes de développement nationaux. Elles assurent également une action dans le domaine de la santé reproductive et des relations avec les organisations internationales. Le Gouvernement ouzbek a lancé une campagne sur les droits des femmes inspirée par les 19 points du plan d’action de Beijing. Pour lutter contre toutes les formes de violence dont sont victimes les femmes, le Gouvernement s’efforce de créer les conditions économiques nécessaires et de fournir un soutien judiciaire à ces femmes. Le Comité des femmes de l’Ouzbékistan, conjointement avec l’Association des juristes américains – American Bar Association -, forme régulièrement des fonctionnaires aux droits des femmes. Des centres d’accueil ont été créés où les femmes peuvent recevoir des soins ou être formées à un métier. Sur 520 plaintes pour violences sexuelles, 514 ont été instruits. Il n’y a pas de statistiques nationales sur la violence domestique mais les organisations non gouvernementales mènent des études sur ce problème. Toute tentative d’exploiter des femmes ou des fillettes est interdite par l’article 133 de la Constitution et le Code pénal interdit l’enlèvement des femmes et des filles à des fins de prostitution ou d’exploitation sexuelle. La loi sur la liberté de conscience garantit à tous les citoyens ouzbeks, hommes et femmes, le droit de pratiquer ou non une religion. Il existe deux collèges religieux pour femmes qui comptent respectivement 112 et 104 étudiantes également formées aux matières techniques.
Aux termes d’un décret de 1996, le droit d’entrée, de sortie et de transit des citoyens étrangers et des apatrides peut être restreint. Toute décision dans ce sens est transmise à l’ambassade de la personne concernée qui doit alors quitter le territoire. Lors de son expulsion, son visa est annulé et tout particulier ou organisation l’ayant invité à se rendre en Ouzbékistan peut faire appel de cette décision. Tous les frais assortis à cette expulsion sont à la charge du Ministère des affaires extérieures.
Le Gouvernement ouzbek reconnaît la liberté d’association. L’enregistrement des organisations non gouvernementales est réalisé par un organe compétent. Les organisations étrangères sont enregistrées auprès du Ministère de la justice. Il y a motif à refuser l’enregistrement d’une ONG si le document qui la constitue contrevient à l’ordre et à la sécurité des citoyens du pays, incite à la guerre, a un caractère paramilitaire, ne contient pas les informations nécessaires, si l’ONG avait déjà été enregistrée sous un autre nom ou encore si l’assemblée constitutive de l’organisation s’est tenue il y a plus de deux mois. Après un refus, l’ONG peut présenter une nouvelle demande avec un dossier complet. Des séminaires ont été organisés pour préciser l’application de cette loi. Une association d’ONG de l’Ouzbékistan a été créée. Le Gouvernement appuie toutes ses activités de défense des droits de l’homme.
Un système d’information permanente sur les instruments et les normes internationaux en matière de droits de l’homme a été mis en place afin de transmettre ces informations aux policiers et aux fonctionnaires en général.
Les partis politiques se créent sur la base de la libre expression, de l’autogestion, de la légalité et de la transparence ainsi que de l’entrée et de la sortie libres des parties. Les partis sont interdits s’ils prônent la guerre ou l’intolérance, s’ils menacent la moralité du peuple ou s’ils ne se conforment pas aux dispositions de la Constitution.
Conformément à la législation, toute limitation du droit à s’exprimer lors d’élections est totalement interdite et les contrevenants à ce principe font l’objet de poursuites. Le Code pénal prévoit des sanctions en cas de violation de la loi sur l’organisation et la tenue d’élection. Il n’a pas été observé d’irrégularités lors des dernières élections législatives dont l’organisation a pris trois ans. Une commission électorale a été créée et une vaste opération d’information a été mise en place. Douze millions de votants ont participé à ces élections. Au total, un taux de participation de 95% des électeurs a été enregistré. Le rapport de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a noté des insuffisances mais aussi d’importants progrès. Aucune organisation internationale n’a nié la légitimité de ces élections. En ce qui concerne les élections présidentielles, elles ont présenté deux candidats et également enregistré un fort taux de participation. Selon les observateurs extérieurs, l’Ouzbékistan y a fait preuve de grands progrès dans l’application des normes internationales dans ce domaine. Des observateurs indépendants de nombreux pays ainsi que la représentation des Nations Unies à Tachkent étaient présents. A l’heure actuelle, l’Ouzbékistan envisage de mettre en place, avec l’aide de la communauté internationale, un parlement à deux chambres.
Pour faire connaître la soumission du rapport et son examen par le Comité, les autorités l’ont traduit, ainsi que le texte du Pacte, dans la langue nationale. En outre, les dispositions du Pacte ont été intégrées dans les programmes scolaires et universitaires. En 2000, l’Ouzbékistan a largement diffusé les dispositions du Pacte dans le cadre de sa coopération avec l’OSCE. En conclusion, M. Saidov a espéré que les membres du Comité feront preuve de compréhension à l’égard du Gouvernement ouzbek. Il a souhaité que toute l’information qui est donnée officiellement, et dont il répond, bénéficie de la présomption de compréhension. Il a regretté que certains membres du Comité aient mis en doute les informations contenues dans le rapport.
Commentaires et questions des experts
Un expert a indiqué avoir perçu le même écart que ses collègues du Comité entre la théorie et la réalité de la protection des droits de l’homme en Ouzbékistan et que cette perception résultait de la confrontation entre les informations fournies par la délégation et celles fournies par les ONG qu’il a jugé tout à fait fiables. Il a demandé que la délégation analyse ces différences et en tire des conclusions. L’expert a estimé que les lois concernant l’enregistrement des organisations religieuses étaient particulièrement rigoureuses et a, par ailleurs, déclaré ne pas avoir compris la différence entre les ONG enregistrées et celles qui ne l’étaient pas. Il a souligné le caractère succinct des informations portant sur la situation des femmes dans la société civile et a demandé des informations supplémentaires sur cette question. Il s’est enquis des conditions faites à la minorité russe qui représente 1,3 million de personnes. Y a-t-il des écoles pour les enfants russes et quels sont leurs effectifs? a-t-il interrogé. Quels sont les services publics offerts en russe? Quelle est la participation de ces minorités dans les différents secteurs de la société civile? Une experte a demandé que soient apportées des précisions sur la situation des femmes. Dans le rapport, il est question de normes spécifiques s’appliquant aux mères de familles nombreuses, aux mères et non aux familles, a-t-elle fait remarquer. Tout cela vient renforcer l’idée que la fonction première de la femme est d’être mère. En conséquence, les femmes sont le plus lourdement touchées par le chômage dans la mesure où c’est sur elles que repose totalement le poids de la famille, les pères n’y prenant aucune part. Elle a demandé d’indiquer les mesures concrètes prises par le Gouvernement ouzbek pour remédier à cette situation. Notant dans le rapport que l’enlèvement de la fiancée se perpétue dans les villages reculés, l’experte a demandé de faire connaître les mesures prises pour s’assurer que les femmes sont pleinement consentantes lors de leur mariage. Se référant à la durée du mandat des juges, un expert a demandé de préciser le nombre de juges nommés pour un second mandat et celui de juges limogés pour incompétence. Il a estimé que la combinaison de ces deux éléments affecte l’indépendance de la justice. S’agissant des ONG ouzbèkes chargés de la défense des droits des femmes, l’expert a souligné que ce qui importe ce sont leur efficacité et leur indépendance.
Réponses de la délégation
Le délégué de l’Ouzbékistan a fait remarquer que, dans les 70 pages détaillées en russe contenant les réponses aux questions du Comité figurent des informations sur le détail de l’application du Pacte au cours des deux années qui ont suivi la rédaction du rapport initial. Faisant référence aux observations des membres du Comité sur les divergences profondes entre les informations fournies par sa délégation et celles issues de sources extérieures, M. Saidov a demandé que le Comité fasse confiance au Gouvernement d’Ouzbékistan et a affirmé que chaque commentaire fait par les experts est examiné attentivement et suivi d’effet. Les rapports du médiateur pour les cinq dernières années ont été communiqués en anglais, de même que le détail sur les plaintes déposées.
Selon le délégué, il n’est pas nécessaire d’amender la législation sur l’enregistrement des organisations religieuses. C’est une loi nouvelle qui ne pose pas de problèmes dans la pratique. Il a précisé qu’il existe 2 500 ONG nationales et locales dont 300 enregistrées au niveau national. Il a reconnu que le nombre des ONG n’est pas la garantie de leur efficacité. Lorsqu’on parle de pluripartisme, des observateurs nous reprochent d’avoir un petit nombre de partis et je fais à ce sujet la même réflexion, a-t-il déclaré. Le nombre de partis n’est pas la garantie de leur efficacité. Le développement des ONG féminines est une très bonne chose et les autorités l’appuieront. S’inspirant de l’exemple de pays comme la Finlande, le Gouvernement travaille à une loi sur la participation sociale et l’égalité des chances. Nous nous inspirons de la méthodologie de l’OSCE pour les ONG non enregistrées qui n’ont pas la personnalité morale mais fonctionnent librement. C’est le cas de la Société des droits de l’homme de l’Ouzbékistan dont le responsable participe à nos réunions. Il a renvoyé les experts au rapport sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes présenté, il y un mois, au CEDAW et accessible sur le site Web de cet organe. Il a indiqué qu’il y existait un système de suivi auquel participaient des représentants institutionnels et d’ONG.
Déclarant l’ouzbek langue officielle, la Constitution garantit également le respect des autres langues pratiquées sur le territoire. Nous avons créé un centre culturel national qui coordonne les activités de plus de cent centres culturels de minorités, soit près d’un centre culturel par minorité. Ces centres sont des ONG qui bénéficient du soutien des autorités. Les procès ont lieu en ouzbek, dans la langue du Karakalpakstan ou dans la langue de la majorité linguistique de l’endroit où a lieu le procès. Dans le cas d’un inculpé ouzbek, il a dans ce cas le droit à un interprète. Ce n’est pas seulement les 6% de Russes qui parlent le russe mais aussi les Ukrainiens, les Biélorusses, une partie des Ouzbeks, a-t-il fait observer. Sur 9 000 écoles ouzbèkes, 845 dispensent un enseignement en russe. Dans 27 d’entre elles, on enseigne en coréen; onze dispensent un enseignement en tatar, 4 en grec, et une en allemand. En outre, l’allemand en tant que langue étrangère est étudié par plus d’un million d’écoliers. La même chose vaut pour les journaux, 67 d’entre eux par exemple sont publiés en russe. C’est ainsi que l’on maintient l’entente interminorités et que les ressortissants de ces différentes minorités participent sur un pied d’égalité à la vie civile, a conclu le délégué sur ce point.
Ce n’est pas un hasard si 1999 a été proclamé année de la femme, a-t-il fait observer. En 1999, une loi spéciale prévoyant des avantages destinés aux femmes qui ont des enfants, a été adoptée. Les droits des femmes et des enfants constituent une priorité de la politique ouzbèke. Il y a effectivement plus de femmes qui sont au chômage mais il existe un programme spécial qui prévoit des quotas pour les femmes et on essaie de développer le travail à domicile. Le Code de la famille fixe à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les hommes et à 17 celui pour les femmes, dans le cas des femmes, il peut être réduit d’une année dans certains cas, notamment en cas de grossesse. La législation fonde le mariage sur le consentement des deux époux et si l’épouse est mariée contre sa volonté, des sanctions sont prévues. Le délégué a par ailleurs indiqué qu’une loi visant à la protection des enfants a été adoptée. Il a attiré l’attention sur la volonté de dialogue du gouvernement actuel, à la différence du régime soviétique et s’est référé aux informations sur le nombre et la condition des détenus largement diffusées dans la presse.
Questions des experts
Une experte a souligné le fait que la délégation a peut-être eu des difficultés parce que son rapport ne se conformait pas complètement aux normes en la matière. Elle aurait sans doute gagné à transmettre les informations complémentaires suffisamment tôt pour qu’elles soient traduites, a-t-elle fait observer. Sans doute à ce moment-là, aurait-elle dû répondre à un nombre plus réduit de questions. Elle a demandé d’indiquer les mesures prises pour soustraire les enfants aux traitements dégradants mentionnés au paragraphe 323 du rapport.
Concernant l’enquête effectuée auprès de la population mentionnée aux paragraphes 358 et 359 du rapport, un expert, soulignant que les Ouzbeks y semblent plus optimistes que les autres minorités, a demandé à la délégation d’expliquer la relation qui semble se dessiner entre cette minorité et l’optimisme des réponses.
Un expert a souligné la volonté de communiquer, de dialoguer et de convaincre la délégation. Il a estimé qu’il ne fallait pas parler d’une présomption de méfiance mais au contraire d’une présomption de dialogue. Il a souhaité avoir des précisions sur le sens que l’Etat partie donne à l’extrémisme religieux, et si ce terme incluait, à ses yeux, les bandes armées, le trafic de stupéfiants, et comporterait une quelconque référence implicite au wahhabisme mentionné explicitement par le rapport. Que fait l’Etat lorsque des femmes ne pouvant plus supporter leurs conditions de vie s’immolent par le feu et est-il même en mesure d’avoir connaissance de ces faits lorsqu’ils se produisent? s’est interrogé l’expert.
Réponses de la délégation
Le délégué a réfuté le commentaire sur la préparation des rapports indiquant que bien au contraire le rapport avait été rédigé en complète conformité avec les directives même si tout ce que son pays a fait n’était pas parfait.
Le Gouvernement d’Ouzbékistan a pris un certain nombre de mesures de prévention du suicide des femmes, notamment par l’immolation, en mettant en place en 1998 une procédure d’enquête. Ces faits sont relatés très largement dans les médias.
Le délégué a précisé qu’il avait systématiquement employé le terme de mineur ou de justice juvénile et non d’enfants, cette catégorie incluant les 14-18 ans. Les procédures judiciaires les concernant associent du personnel spécialisé. Concernant le paragraphe 358, l’enquête indépendante qui y est mentionnée, a été effectuée par un organisme dont le siège est à Washington et elle portait non seulement sur les droits de l’homme mais aussi si la situation en général. Sur la méthode utilisée, qui ne devrait pas susciter de doutes, la délégation ouzbèke a retenu une méthode utilisée dans d’autres pays avec les mêmes échantillonnages de population, a-t-il fait remarquer. Nous considérons que ces résultats sont positifs puisqu'ils montrent que 48% de la population considèrent que depuis l’indépendance, les autorités sont plus respectueuses des droits de l’homme et que seulement 16% considèrent qu’elles le sont moins. Le délégué a proposé de fournir au Comité le détail des résultats de l’enquête.
Poursuivant, M. Saidov souligné que les faits et les orientations adoptées par les autorités nationales dans le domaine des droits de l’homme ont énormément évolué. Il a regretté que les rapports sur ces questions ne reflètent que les domaines qui restent en friche, tout en comprenant que les progrès sont au bénéfice de son pays et de sa population. Peut-être n’avons-nous pas pleinement répondu à toutes vos questions ou nos réponses ne vous ont pas pleinement satisfaits, a-t-il admis, en s’engageant à fournir des informations complémentaires par écrit.
Remarques de clôture
Prenant à son tour la parole, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Président du Comité, a une nouvelle fois regretté de ne pas avoir pu lire le document en russe distribué par la délégation pour compléter le rapport. Il s’est réjoui du dialogue constructif qui a été mené entre l’Etat partie et le Comité et qui a pour but d’améliorer la situation dans le domaine des droits de l’homme. Il était de notre devoir de poser à la délégation certaines questions afin de dissiper certains doutes. Le Président s’est dit sensible au fait que l’Ouzbékistan est en plein cœur d’une transition d’un système communiste vers une économie de marché et d’un système autoritaire vers un système démocratique. Il a reconnu que l’Ouzbékistan s’est efforcé, au cours de ces dix courtes années, de créer un système démocratique et a mis sur pied une cour constitutionnelle chargée de surveiller la réalisation des droits de l’homme. Le Comité a également salué le fait que l’Ouzbékistan ait incorporé le Pacte dans ses lois nationales et lui ait donné la préséance sur ces dernières.
Plusieurs préoccupations subsistent cependant dans l’esprit des membres du Comité, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la magistrature. En tant qu’ancien juge, M. Bhagwati a estimé qu’un juge nommé pour un nombre d’années donné peut être tenté de prendre le parti du pouvoir dominant. Il s’est également inquiété de l’article constitutionnel prévoyant qu’aucune disposition de la Constitution ne peut être interprétée d’une façon contraire aux intérêts de la République, et a souhaité savoir par qui et de quelle façon ces intérêts sont définis. Une autre préoccupation concerne la loi sur les secrets d’Etat, dont la délégation a indiqué qu’ils sont la propriété du Gouvernement. Ce fonctionnement entrave l’accès de la population aux informations publiques. Le public a également le droit de savoir combien de personnes ont été exécutées en vertu de la peine de mort. Beaucoup d’interrogations subsistent également en ce qui concerne la torture. Nous attendons avec intérêt le suivi que nos observations recevront dans les faits, a conclu le Président.
Dans ses remarques de clôture, M. SAIDOV a une nouvelle fois affirmé l’attachement du Gouvernement ouzbek aux dispositions du Pacte et de son Protocole facultatif, ratifiés sans réserve. Il a reconnu que l’Ouzbékistan doit rapprocher de la pratique les droits qui sont proclamés dans les lois. Il a estimé, à l’instar du Comité, que l’entente interethnique est un facteur important de stabilité et de bien-être civil et politique en Ouzbékistan. Sans aucun doute, il sera tenu compte des recommandations du Comité. Il a assuré Mme Medina Quiroga que son gouvernement examinerait une nouvelle fois les directives du Comité en ce qui concerne l’élaboration des rapports, l’inclusion de statistiques et la législation sur le secret d’Etat. L’Ouzbékistan est d’accord avec le Comité sur le rôle que doivent jouer les organisations non gouvernementales et les médias dans la promotion des droits de l’homme car c’est l’affaire de toute la société. M. Saidov a fait valoir que l’Ouzbékistan est le seul pays en développement qui, pour avoir accès à la mer, doit traverser deux pays, ce qui explique dans une certaine mesure les difficultés auxquelles se heurte le processus économique. Critiquant l’extrémisme religieux, le représentant a cependant reconnu la pertinence des observations du Comité sur ce point. M. Saidov a garanti aux membres du Comité que le prochain rapport, dont l’élaboration est déjà commencée, sera présenté en temps voulu. Citant Goethe, M. Saidov a déclaré que la solution d’un problème, quel qu’il soit, crée un nouveau problème.
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