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DH/302

A L’OCCASION DU 25EME ANNIVERSAIRE DU PACTE INTERNATIONAL DES DROITS CIVILS ET POLITIQUE, LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME FAIT LE BILAN DE SES TRAVAUX

26/03/2001
Communiqué de presse
DH/302


Comité des droits de l'homme

Soixante et onzième session

1909e séance - après-midi


A L’OCCASION DU 25EME ANNIVERSAIRE DU PACTE INTERNATIONAL DES DROITS CIVILS ET POLITIQUE, LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME FAIT LE BILAN DE SES TRAVAUX


«Il y a vingt-cinq ans, les deux Pactes codifiant la Déclaration universelle des droits de l'homme pour en faire des traités juridiquement contraignants sont entrés en vigueur, le 3 janvier 1976 pour le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels et le 23 mars 1976 pour le Pacte international des droits civils et politiques», a rappelé, cet après-midi, M. Markus Schmidt, s’exprimant au nom de Mme Mary Robinson, Haute Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, devant le Comité des droits de l’homme qui célébrait cet évènement.  Il a saisi cette occasion pour appeler tous les Etats qui ne sont pas encore parties au Pacte à répondre favorablement à l'appel lancé par le Secrétaire général, lors du Sommet du millénaire, en faveur de la ratification de ces instruments.  Il a aussi appelé tous les Etats parties à prendre très au sérieux leurs responsabilités en vertu du Pacte et à se considérer collectivement responsables de son application dans tous les Etats qui y sont parties.  Estimant que le Comité des droits de l’homme a permis et continuera de provoquer de grands changements dans la vie d’individus de toutes les régions du monde, M. Schmidt en a pris pour exemple ses 25 ans d’examen de communications individuelles dans le cadre du Protocole facultatif qui ont créé une jurisprudence hors pair faisant aujourd’hui référence dans de nombreux tribunaux et universités. 


Prenant à son tour la parole, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, expert de l’Inde et Président du Comité des droits de l’homme, a fait observer que le Comité s’était affirmé comme un groupe de professionnels indépendants dont la méthode participative d’examen des rapports jette les bases d’un dialogue avec les Etats parties au Pacte, tout en permettant de dégager les zones d’ombre et de formuler des conclusions en collaboration avec ces Etats.  Le Comité est prêt, pour cette vingt-sixième année, à jouer un rôle de catalyseur et à trouver des solutions aux difficultés dans le domaine des droits de l’homme, mais il a besoin de l’aide de tous, à la fois de la société civile et de la communauté internationale, a ajouté le Président.  Le premier expert à avoir présidé le Comité, M. Andreas Mavrommatis, a pour sa part rappelé les premières séances du Comité, dans les années 70, marquées par une division Est-Ouest et l’absence de mention des organisations non gouvernementales, heureusement surmontées grâce à une communauté de vues entre ses membres.  Quant à M. Fausto Pocar, également ancien président du Comité et juge au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a souligné les répercussions des activités du Comité sur tous les aspects de la vie des sociétés ainsi que sur l’ensemble du droit international.


"Le Pacte international des droits civils et politiques et le Comité des droits de l’homme ont été une création modeste et prudente d’Etats hésitants, ce qui a permis au Comité de survivre à la guerre froide et à d’autres circonstances difficiles", a poursuivi M. Louis Henkin.  L'expert a souligné les contraintes auxquelles est soumis le Comité, qui n’est pas un tribunal, mais se contente d’observer la situation des droits de l’homme dans un pays donné, et ne mène pas d’enquête mais examine les  rapports élaborés et présentés par un Etat partie.  Il ne prononce pas de condamnation non plus, mais exprime son point de vue sur les informations communiquées dans ces rapports.  Evoquant elle aussi les relations entre le Comité et les Etats parties, Mme Christine Chanet a reconnu que tous les Etats ne respectent pas les directives concernant la présentation de rapports périodiques et qu’un examen souvent formel a privé le Comité d’une réelle efficacité dans le dialogue.  Un autre écueil est que les Etats, ratifiant de plus en plus d’instruments, ne sont pas toujours en mesure de présenter tous les rapports qui leur sont demandés.  C’est pourquoi, le Comité avait adopté en octobre dernier une  nouvelle procédure qui prévoit que les rapports périodiques seront ciblés en fonction des observations générales de l’examen précédent. 

Mme Chanet a également suggéré que soient relancés les rapports sur les situations d’urgence dont la pratique s’est un peu perdue. 


Les experts du Comité ont en outre mené une discussion générale sur l’impact des travaux du Comité et ses perspectives d’avenir, entre autres questions, au cours de laquelle les experts ont souhaité que les pays qui, au XXIe siècle, sont encore méfiants à l’égard du concept des droits de l’homme s’imprègnent progressivement des travaux du Comité.  Ce processus est une question de pédagogie et de culture qui passe par l’information, la communication et le dialogue, ont-il estimé.  A cet égard, la représentante d’Amnesty International, intervenue au cours de la discussion portant sur les relations entre les organisations non gouvernementales et le Comité, a suggéré de mieux faire connaître les travaux du Comité en les diffusant sur des chaînes de télévision et de radio.


Le Comité reprendra ses travaux demain, mardi 27 mars à 10 heures.

Déclarations


MME MARY ROBINSON, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré dans un discours lu par M. MARKUS SCHMIDT, Secrétaire du Comité des droits de l'homme, que le Comité des droits de l’homme a permis et continuera de provoquer de grands changements dans la vie d’individus de toutes les régions du monde.  Il a rappelé que 148 Etats sont aujourd’hui parties au Pacte international des droits civils et politiques.  Le représentant a ensuite salué les membres actuels du Comité des droits de l’homme, y compris ses six nouveaux membres élus, ainsi que les experts qui y ont siégé par le passé.  Il a également salué la présence de M. Andreas Mavrommatis, premier Président du Comité, ainsi que d’autres anciens présidents tels que le Juge Fausto Pocar. 


Les individus, les gouvernements et les organisations non gouvernementales éprouvent du respect pour l’histoire du Comité, faite d’avancées, d’une surveillance responsable par l’examen des rapports des Etats parties, de l’élaboration continue de normes sous la forme d’observations générales, ainsi que de l’application dans la pratique de normes s’adressant aux personnes, aux victimes visibles, grâce aux avis courageux et progressistes du Comité en vertu du Protocole facultatif.  M. Schmidt a salué le succès que le Comité a réalisé en persuadant les Etats parties de rendre leur législation et leur pratique conformes au Pacte, en accordant un droit moral de protestation aux victimes, en obtenant la remise d’exécutions et de peines, la libération anticipée, et un nouveau jugement, entre autres améliorations.  Ces 25 ans d’examen de communications individuelles dans le cadre du Protocole facultatif ont donné naissance à une jurisprudence hors pair qui fait aujourd’hui référence dans de nombreux tribunaux et universités. 


De toute évidence, vous avez aussi connu des déceptions et assisté, dans une certaine mesure, au non-respect de vos décisions et recommandations.  Le Haut Commissariat reste engagé à vous aider à rendre plus efficaces vos procédures de suivi, à aider les Etats parties à élaborer et promulguer une législation adaptée, afin que les décisions et recommandations du Comité puissent être intégrées plus facilement dans l’ordre juridique interne.  Le représentant a noté que contrairement à ce que pratiquent les systèmes régionaux de protection des droits de l’homme, il n’existe pas de médiation interétatique ainsi que le permettrait l’article 41 du Pacte.  Il a estimé que cette procédure ouvre de nombreuses possibilités et pourrait être utilisée pour accélérer les règlements à l’amiable, en particulier lorsque plusieurs Etats décident d’y avoir recours.


Faisant lecture du message du Haut Commissaire pour les droits de l’homme à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du Pacte international des droits civils et politiques, M. Schmidt a ensuite rappelé qu’il y a vingt-cinq ans, les deux Pactes codifiant la Déclaration universelle des droits de l'homme pour en faire des traités juridiquement contraignants sont entrés en vigueur, le 3 janvier 1976 pour le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels et le 23 mars 1976 pour le Pacte international des droits civils et politiques.  Le Haut Commissariat salue les nombreux succès du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et du Comité des droits de l'homme, et renouvelle son engagement en faveur d'une évaluation et d'un suivi continus, d'une assistance technique renforcée et de services de conseil visant à renforcer les institutions nationales des droits de l'homme.  Le Haut Commissariat reste également engagé afin de faire une réalité pour toute l'humanité des droits contenus dans les Pactes.  Le Haut Commissariat saisit cette occasion pour rappeler l’Assemblée du millénaire et appeler tous les Etats qui ne sont pas encore devenus parties au Pacte à répondre favorablement à l'appel à la ratification des instruments internationaux lancé par le Secrétaire général.  Il appelle aussi tous les Etats parties à prendre très au sérieux leurs responsabilités en vertu du Pacte et à se considérer collectivement responsables de l’application de cet instrument dans tous les Etats qui y sont parties.»


M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, expert de l’Inde et Président du Comité des droits de l’homme, a fait observer que le Comité s’était affirmé comme un groupe de professionnels indépendants.  Il a mis en avant ses méthodes de travail, notamment sa méthode participative pour l’élaboration des rapports qui constitue, a-t-il dit, une procédure de travail approfondie et transparente jetant les bases du dialogue avec les Etats parties au Pacte.  Ces méthodes permettent également de dégager les zones d’ombre et de formuler des conclusions en collaboration avec les Etats parties.  Une des fonctions du Comité est d’élaborer des recommandations sur les dispositions du Pacte, ce qui contribue à le rendre vivant, a rappelé le Président.  Ces commentaires généraux, au nombre de 28 actuellement, constituent des outils destinés à aider les Etats parties.


A ce jour, 148 pays ont ratifié le Pacte, a-t-il indiqué, soulignant la nécessité d’œuvrer pour que le Pacte fasse l’objet d’une ratification universelle et que les réserves émises par certains pays soient levées.  Le Président du Comité a attiré l’attention sur le nombre toujours croissant de rapports soumis à l’examen du Comité, ce qui crée un retard chronique.  Cela est vrai également pour le mécanisme d’examen des plaintes.  Il faut que les Etats parties nous aident à surmonter ce problème, a-t-il plaidé.


M. Bhagwati a insisté sur le rôle vital que jouent les ONG dans le suivi de la mise en œuvre du Pacte.  Nous vivons à une époque qui est, comme l’a dit le Président du Sommet sur le développement social, dominée non plus par le politique mais par l’économie, a-t-il fait valoir.  Des violations à grande échelle sont commises par temps de paix comme par temps de guerre.  Cela a amené le Secrétaire général à déclarer une décennie des droits de l’homme; comme l’a fait remarquer la Haut Commissaire aux droits de l’homme, nous vivons une époque de défis.  Le Comité est pour sa part prêt.  Prêt pour cette vingt-sixième année à relever ces défis, à jouer un rôle de catalyseur et à trouver des solutions.  Mais il a besoin de l’aide de tous, à la fois la société civile et la communauté internationale.  Il s’engage aujourd’hui à répondre à l’appel des «droits de l’homme pour tous» et à s’assurer que la dignité de la personne humaine est respectée.


M. ANDREAS MAVROMMATIS, Premier expert à avoir présidé le Comité des droits de l’homme, s’est réjoui de participer à la célébration du 25ème anniversaire du Pacte international des droits civils et politiques.  Il a souligné que ses raisons n’étaient pas purement sentimentales mais rehaussées par le fait que le Comité des droits de l’homme est le plus important de tous les mécanismes chargés de la surveillance de l’application des normes fondamentales dans le domaine des droits de l’homme.  M. Mavrommatis a rappelé que les toutes premières années d’exercice du Comité des droits de l’homme s’inscrivent dans le renouveau de la guerre froide au début des années 70.  Ce Comité a été le premier à aller au-delà des difficultés liées à la guerre froide et à établir les fondements juridiques dont découle son prestige.  M. Mavrommatis a rappelé que les premières séances du Comité étaient marquées par une division Est-Ouest et l’absence de mention des organisations non gouvernementales, heureusement surmontée par une communauté de vues entre les experts.  L’élaboration des règles de procédure fut l’occasion de nouvelles difficultés, et en particulier l’élection du Président du Comité qui a été résolue par une note en bas de page indiquant que le Comité devait s’efforcer de parvenir à un consensus par tous les moyens avant de recourir à un vote.  L’examen des rapports des Etats parties et les communications ont également beaucoup évolué.  L’examen des rapports a commencé par suivre un questionnaire de plus de cent questions.  Le premier cas de communication concernait l’Uruguay, avec jusqu’à 1 200 plaignants.  Pour dresser le bilan de la situation,

M. Mavrommatis a estimé que la contribution des nouveaux membres est très précieuse grâce aux idées nouvelles qu’ils apportent.  Le Comité donne l’exemple à tous les autres organes conventionnels et les avis qu’il formulera continueront de les guider à l’avenir.


M. FAUSTO POCAR, juge au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et ancien Président du Comité des droits de l'homme, a fait observer que le Pacte et les activités du Comité avaient des répercussions sur tous les aspects de la vie des sociétés ainsi que sur l’ensemble du droit international.  Il a évoqué les différents aspects de la contribution des travaux du Comité au droit humanitaire international, notamment sur la question de la torture ou encore dans le domaine du droit des traités.  A cet égard, il a insisté sur l’importance des travaux du Comité concernant la question des réserves qui est désormais discutée, a-t-il indiqué, dans le cadre de plusieurs instances internationales, dont la Commission du droit international.  Ma conviction est que cette question n’aurait pas été débattue sans les travaux du Comité.  Ses débats sur l’admissibilité des réserves, sur les liens entre les réserves et les dispositions dérogatoires sont extrêmement importants, a poursuivi M. Pocar.


C’est le Comité qui a été le premier organe, il y a presque dix ans, à affirmer qu’un traité concerne un territoire et que sa protection ne peut être supprimée par suite de la désintégration ou l’éclatement d’un Etat.  Cela vaut notamment pour l’ex-Yougoslavie, a-t-il souligné.  C’est resté un jalon important et un point qui a été discuté devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.  La contribution de ce Comité au droit international est un élément fondamental et devrait faire l’objet d’une étude future, a conclu M. Pocar. 


M. LOUIS HENKIN (Etats-Unis) a expliqué que le Pacte et le Comité des droits de l’homme ont été une création modeste et prudente d’Etats hésitants, ce qui  a permis au Comité de survivre à la guerre froide et à d’autres circonstances.  Il a précisé que le Comité n’est pas un tribunal, il observe la situation des droits de l’homme dans un pays donné.  Il ne fait pas d’enquête mais examine les rapports élaborés et présentés par un Etat partie, et exprime son point de vue sur ces rapports.  Nous savons tous qu’un grand nombre d’Etats parties n’ont pas soumis leur rapport au titre de l’article 40, n’ont pas fourni les informations détaillées requises dans cet article et n’ont pas respecté les observations du Comité, a reconnu M. Henkin.  Il s’agit pourtant de l’une des obligations qui incombent aux Etats au titre du Pacte.  A cet égard, M. Henkin a noté que le Comité a été élu par les Etats parties mais, qu’à part ces élections, les Etats parties ne semblent pas reconnaître leurs responsabilités envers lui. 


Pour ce qui est de l’article 41, un grand nombre d’Etats a indiqué vouloir déposer une plainte devant le Comité sans qu’aucun ne l’ait fait.  Sur ce point, M. Henkin a estimé qu’un Etat qui ne rend pas compte rapidement et pleinement de toute violation des droits de l’homme ne respecte pas ses obligations à l’égard des autres Etats parties ni à l’égard de ses citoyens.  Il s’est félicité du fait que, l’année dernière, le Comité ait engagé un dialogue avec les Etats parties grâce auquel le Comité et les Etats parties parviendront à créer un système des droits de l’homme digne de ce nom.


MME CHRISTINE CHANET (France) a insisté sur l’intérêt de la procédure selon laquelle tous les Etats parties sont tenus de présenter un rapport au titre de l’article 40 du Pacte et de la disposition qui exige que tous les aspects du Pacte soient couverts dans ce rapport.  Mme Chanet a estimé qu’au bilan des travaux du Comité, on devait admettre que tous les Etats ne respectent pas ces directives et qu’un examen souvent formel a privé l’examen d’une réelle efficacité dans le dialogue.  Elle a mis en avant un autre écueil qui réside dans le fait que les Etats ratifiant de plus en plus d’instruments ne sont pas en mesure de fournir tous les rapports qui leur sont demandés.  La nouvelle procédure adoptée en octobre dernier prévoit que les rapports périodiques seront ciblés en fonction des observations générales de l’examen précédent.


Mme Chanet a également suggéré que soient relancés les rapports sur les situations d’urgence dont la pratique s’est un peu perdue.  Il faudrait revoir les conditions dans lesquelles on peut demander d’établir un rapport en cas de crise si l’on veut éviter que le Comité ne soit à la traîne des évolutions dramatiques qui surviennent dans certains pays, a-t-elle fait valoir.  Il faut par ailleurs instaurer un plus grand dialogue avec les ONG et, pour cela, il est nécessaire de surmonter le problème des langues peut-être en mettant en place avec elles une réunion avec interprétation.  L’experte a attiré l’attention sur l’évolution notable des observations générales qui ont abandonné leur caractère formel et sont devenues beaucoup plus élaborées, renforçant ainsi les travaux du Comité.  Elle a notamment fait valoir que l’Observation générale 26 sur la continuité des obligations des Etats au regard du Pacte a eu un impact important sur le droit international.  Elle a suggéré qu’à l’occasion de l’anniversaire du Comité l’année prochaine, il soit possible de publier un ouvrage sur les 25 ans de vie du Comité.


M. MARTIN SCHEININ (Finlande) a attiré l’attention sur le fait que le nombre de ratifications requis pour l’entrée en vigueur du Protocole a été atteint avant celui nécessaire à l’entrée en vigueur du Pacte lui-même.  Selon les statistiques produites depuis la dernière session, a-t-il indiqué, un peu plus de 950 cas ont été enregistrés au titre du Protocole et le Comité a donné un avis final sur 354 cas.  Il s’agit d’un chiffre impressionnant, a-t-il fait observer, et d’une jurisprudence qui permet de mieux comprendre le Pacte.  Il faut également noter que sur les 98 Etats qui ont ratifié le Protocole, 30 n’ont fait l’objet d’aucune, plainte ce qui tendrait à prouver que les traités internationaux sont encore méconnus.  M. Sheinin a également fait observer qu’il a fallu attendre très longtemps avant que les tribunaux européens n’appliquent la Convention européenne des droits de l’homme.  Le Comité produit la jurisprudence qui permet aux Etats d’utiliser le Pacte qui, dans certains pays, a valeur d’instrument national et, dans d’autres cas, sert d’instrument de référence.  Les experts ont la preuve de l’utilisation ponctuelle de leurs conclusions par les tribunaux.  Il est donc naturel que l’Etat partie prenne connaissance de ces conclusions pour les adapter à ses propres besoins, a-t-il fait observer. 


Discussion


M. DAVID KRETZMER (Israël) a rappelé que le Pacte n’est pas une fin en soi mais un mécanisme servant à améliorer la situation des droits de l’homme dans le monde.  Après 25 ans, a-t-il poursuivi, nous sommes obligés d’admettre que la situation des droits de l’homme ne s’est guère améliorée, ainsi qu’en témoignent les massacres qui continuent d’être commis un peu partout dans le monde. 

M. Kretzmer a alors estimé que, pour juger des améliorations dans le domaine des droits de l’homme, il faut commencer par définir ce qui constitue une amélioration ou un progrès.  Il a ajouté que l’on peut cependant se demander ce que le monde d’aujourd’hui serait sans le Pacte et les travaux du Comité des droits de l’homme. 


M. ECKART KLEIN (Allemagne) a observé qu’un système comme celui du Comité des droits de l’homme peut avoir pour effet pervers de pousser les Etats parties à se cacher derrière l’organe conventionnel et à lui «déléguer» la responsabilité d’améliorer la situation des droits de l’homme.  Il a estimé que le suivi des conclusions finales semble avoir été relégué aux oubliettes par plusieurs gouvernements, ce qui était une lacune importante dans la procédure du Comité.  Il s’est également dit convaincu qu’un jour, le Comité modifiera encore sa procédure d’examen des communications car le nombre de communications est de toute évidence amené à s’amplifier considérablement. 


Pour sa part, M. ABDELFATTAH AMOR (Tunisie) a noté que l’essentiel est de faire en sorte que le Comité puisse être un facteur d’intégration pour les pays qui, au XXIe siècle, sont encore méfiants à l’égard du concept des droits de l’homme.  Il a estimé que le Comité doit être d’abord un coureur de fond doublé d’un pédagogue, afin d’éviter à ces pays les bouleversements que provoque l’actuelle accélération de l’histoire.  Il faudrait faire en sorte que les Etats qui n’ont pas connu la même évolution que l’Europe, où un ensemble de facteurs objectifs ont suscité un renforcement de l’importance accordée aux droits de l’homme, s’imprègnent progressivement des travaux du Comité des droits de l’homme.  Il faut savoir composer avec le temps et c’est une question de pédagogie et de culture qui passe par l’information, la communication et le dialogue.  En conclusion, M. Amor a regretté le manque de couverture médiatique de cette célébration qui aurait pu réunir toutes ces fonctions. 


M. MAXWELL YALDEN (Canada) a regretté que l’existence du Protocole facultatif, de même que le 25ème anniversaire du Pacte, a-t-il fait remarquer, ne soient pas mieux connus ou reconnus.  Cette méconnaissance est sensible au Canada où pourtant, les médias accordent une place importante aux droits de l’homme, sans toutefois réussir à sensibiliser le public au Pacte et aux travaux du Comité et, encore moins, au Protocole facultatif, a-t-il indiqué.  Même lorsque la Cour suprême cite le Pacte comme cela a été le cas récemment dans un cas d’extradition qui a été couvert par la presse, cette dernière ne mentionne pas le Pacte.  Il nous faut trouver des solutions pour faire mieux connaître à l’extérieur le Pacte et les travaux du Comité, a-t-il conclu.


M. ABDELFATTAH AMOR (Tunisie) a fait valoir que le processus judiciaire n’est pas la seule façon d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le monde et que l’examen des rapports des Etats parties lui semblait être un excellent outil.  Le rapport annuel du Comité montre qu’il y a des progrès réguliers, a-t-il fait observer.  Les juristes internationaux suivent nos travaux.  C’est pourquoi, il ne faut pas se laisser décourager et continuer à travailler.


Relations entre le Comité et les ONG


MME CECILIA MEDINA QUIROGA (Chili) a fait observer que le Pacte concerne le droit des individus et que ceux-ci doivent donc pouvoir participer aux travaux portant sur l’application du Pacte.  Le Pacte permet une véritable participation des individus, il crée un ordre public international qui doit être maintenu non seulement par les Etats mais par les individus eux-mêmes.  Par ailleurs, le mécanisme des communications individuelles exige la participation des individus et le Comité s’est rendu compte depuis sa création que cette participation était nécessaire.


Une des contributions les plus importantes des ONG a été l’affirmation de l’universalité des droits de l’homme, a souligné Mme Médina.  Aucune des ONG qui collaborent aux travaux du Comité n’a jamais parlé de relativisme culturel.  C’est à travers leurs informations que le Comité peut être informé de ce qui se passe réellement dans le pays.  C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les conditions faites aux détenus et le recours à la torture.  L’un des domaines où la collaboration des ONG est particulièrement nécessaire, est l’application du Pacte au niveau national.  En ce qui concerne l’utilisation du Protocole facultatif, elles aident les individus à formuler des plaintes.  D’une part, le Protocole n’est pas assez connu et d’autre part, l’un des problèmes que pose son utilisation réside dans la rédaction des plaintes.  Une représentante des ONG a souligné le rôle déterminant du Comité dans la promotion de la question de l’égalité des sexes et le fait que les relations entre les ONG et le Comité ont été exemplaires au cours des dernières années.  Elle a indiqué qu’à maintes reprises, les ONG avaient mis en avant les travaux du Comité pour demander le respect des dispositions du Pacte.  Le Comité des droits de l’homme joue un rôle unique et ses commentaires généraux ont servi de références permettant aux experts d’agir, a-t-elle indiqué.  Vous jouez un rôle de chef de file et nous apprécions l’effort que vous avez déployé même si le problème du retard pris dans la présentation des rapports devra être réglé.  Elle a remercié le Comité pour avoir tenu compte des informations transmises par les ONG et l’a encouragé à redoubler d’efforts dans la mesure où il s’agit souvent d’une question de vie ou de mort.


La représentante d’Amnesty International a indiqué que le Comité a joué dès sa création un rôle très important de surveillance.  Elle s’est félicitée de ce que l’accent soit mis sur le renforcement des observations générales et l’approfondissement du dialogue par l’élaboration de questions précises.  Elle a regretté que le travail du Comité continue à être méconnu et que peu de publicité soit faite autour de ses travaux, suggérant qu’ils soient retransmis à la télévision, à la radio et sur Internet.


M. RAJSOOMER LALLAH (Maurice) a souligné que les ONG apportent une aide appréciable au Comité au titre du Protocole facultatif en aidant à la rédaction des communications.  Il a fait observer que le Comité n’était pas le seul organe à se préoccuper des droits de l’homme et qu’il ne pouvait pas prendre à son compte la totalité du blâme pour tout ce qui ne fonctionnait pas bien.


M. Louis Henkin (Etats-Unis) a fait observer que les droits de l’homme n’étaient pas internationaux mais nationaux et que c’était au niveau des pays que les améliorations devaient être apportées par les Etats ou les ONG.


M. Daniel Pinto a fait part de son expérience de condamné à mort par le tribunal de Trinité-et-Tobago et de détenu dans les prisons de ce pays.  Il a remercié le Comité pour le rôle central qu’il a joué dans sa libération.  Il a précisé qu’il avait passé huit ans dans l’attente de son exécution sur les dix-neuf ans qu’il avait passés en prison.  Il a indiqué que Trinité-et-Tobago s’était depuis lors retirée du Comité des droits de l’homme et de la Commission interaméricaine sur les droits de l’homme.  Il a souhaité que le Comité fasse tout ce qui était en son pouvoir pour inciter ce pays à rejoindre à nouveau le Comité.


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