LA MISE EN OEUVRE DES PRINCIPES GARANTIS PAR LA CONSTITUTION ADOPTEE EN 2000 PRENDRA DU TEMPS, INVOQUE LA DELEGATION DU VENEZUELA
Communiqué de presse DH/297 |
Comité des droits de l'homme
Soixante et onzième session
1901e séance - après-midi
LA MISE EN OEUVRE DES PRINCIPES GARANTIS PAR LA CONSTITUTION ADOPTEE EN 2000 PRENDRA DU TEMPS, INVOQUE LA DELEGATION DU VENEZUELA
Le Comité entame ses travaux sur le projet d’observation générale sur l’état d’exception et les dérogations au Pacte international des droits civils et politiques
Les experts du Comité des droits de l’homme ont entendu, cet après-midi, les réponses aux questions qu’ils ont posées ce matin à la délégation du Venezuela, en particulier sur les inégalités qui subsistent de jure et de facto entre femmes et hommes, la condition des populations autochtones et les relations entre l’Etat et les institutions religieuses. A cet égard, le Chef de la délégation, M. Jose Rafael Avendano, a fait valoir aux experts que la nouvelle Constitution du Venezuela avait été adoptée il y a seulement 14 mois et qu’adapter l’ensemble de la législation au nouveau cadre constitutionnel prendrait du temps. De même,
Mme Hillys Lopez de Penso, Vice-Procureur général, a indiqué que le Code pénal était très ancien, que les délits qu’il décrit ne correspondent plus à la réalité sociale et qu’un projet de code pénal amendé et adapté à la nouvelle réalité de la législation vénézuélienne est de ce fait en cours d’élaboration. Pour sa part,
M. Avendano a expliqué que lorsque l’Assemblée nationale en sera à réformer le Code civil, elle modifiera les lois sur le mariage et prendra des dispositions afin de garantir une perspective fondée sur la parité des sexes conforme aux normes internationales. «Dans l’intervalle, a-t-il ajouté, il faut que vous nous accordiez le bénéfice du doute et que vous nous considériez de bonne foi.» La délégation a également fait remarquer que le Gouvernement actuel a hérité d’un pays dont 80% de la population sont plongés dans une pauvreté extrême depuis vingt ans, ce qui influe sur la réalisation des droits de ses citoyens, femmes et hommes.
Les experts ont également poursuivi leur réflexion sur les états d'urgence et les dérogations, évoqués à l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le projet d’observation générale en cours d’élaboration remplacera l’observation 5 datant de 1981, jugée trop brève. L’article 4 dispose que, dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans cet instrument, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations imposées aux Etats par le droit international et qu'elles n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale.
L’article 4 du Pacte a attiré l’attention du Comité car, dans le cas de quelques Etats qui avaient apparemment dérogé à leurs obligations, il s’est révélé difficile de déterminer si une situation de danger exceptionnel avait été officiellement déclarée. Il a également été difficile de déterminer si les droits pour lesquels le Pacte n’autorise pas de dérogation n’avaient pas été suspendus dans les faits. La décision d’élaborer une nouvelle observation générale fait également suite à la demande que la Commission des droits de l’homme a faite aux organes conventionnels de suggérer des moyens de renforcer le respect des droits de l’homme. Le Comité s’est donc engagé à identifier les droits qui ne peuvent pas faire l’objet d’une dérogation licite en vertu de l’article 4. Un expert francophone a proposé qu’au moins en français, le terme «état d’exception» soit préféré au terme «état d’urgence», l’état d’urgence n’étant, selon la littérature juridique disponible, qu’une manifestation de l’état d’exception au même titre que l’état de siège et le couvre-feu. Il a également été rappelé que divers régimes d’exception existent dans le monde et que les situations pouvant motiver leur instauration sont très variées. En outre, une menace créée, par exemple, par une situation de conflit armé, ne motive pas invariablement l’instauration de l’état d’exception. Les experts ont insisté sur la nécessité de justifier les raisons pour lesquelles une situation donnée, qu’il s’agisse ou non d’un conflit, est invoquée pour mettre en place un état d’exception. Au cours de cette première séance d’examen, les experts ont adopté le paragraphe premier du projet d’observation générale.
Le Comité des droits de l’homme reviendra sur le projet d’observation générale et sur sa contribution à la Conférence mondiale contre le racisme qui se tiendra à Durban (Afrique du Sud) du 31 août au 7 septembre 2001, demain mercredi 21 mars, à 10 heures.
Réponses de la délégation
M. JOSE RAFAEL AVENDANO, Directeur de la politique intérieure au Ministère de l’intérieur et de la justice du Venezuela, répondant aux questions sur la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution, a fait remarquer que cet instrument a été adopté il y a seulement 14 mois et qu’il faut du temps pour adapter l’ensemble de la législation au cadre constitutionnel; la nouvelle législation et notamment le Code civil modifieront les lois sur le mariage, a-t-il indiqué; dans l’intervalle, il faut que le Comité donne à son pays le bénéfice du doute et qu’il le considère de bonne foi. C’est l’Assemblée nationale qui procèdera à la réforme du Code civil et de l’adapter aux règles qui établissent l’égalité entre les hommes et les femmes; il existe un projet de loi à l’étude auprès de l’Assemblée nationale qui réglementera la propriété des terres et notamment des terres des autochtones.
Le délégué a également fait remarquer que 80% de la population vénézuélienne vit dans une pauvreté extrême; c’est le pays dont nous avons hérité et c’est la situation depuis vingt ans, a-t-il indiqué. Cette situation a une influence sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Si les mères assument la responsabilité familiale, c’est souvent parce qu’il n’y a pas de père ou alors parce qu’il a déserté le foyer ou encore parce qu’il n’assume pas ses responsabilités.
Il n’y a pas de loi qui assure l’égalité des homosexuels parce qu’il n’y existe pas non plus de législation qui les empêche d’exercer leurs droits constitutionnels, a-t-il expliqué. La possibilité qu’ont les femmes d’accéder à des postes de haut niveau correspond à une réalité, a précisé M. Avendano. A titre d’exemple, sur 60 ambassadeurs, 30 sont des femmes. Le délégué a constaté que les mêmes questions étaient posées, peut-être parce que certains experts n’avaient pas prêté attention aux réponses.
MME HILLYS LOPEZ DE PENSO, Vice-Procureur général, a indiqué que le Code pénal était très ancien et que les délits qu’il décrit ne correspondent plus à la réalité sociale. C’est pourquoi, un projet de code pénal amendé et adapté à la nouvelle réalité progressiste de la législation vénézuélienne est en cours d’élaboration. Concernant le cas de la petite fille enlevée par la guérilla,
Mme Lopez de Penso a précisé qu’il s’agit d’un cas isolé et que les autorités vénézuéliennes ne disposent pas d’éléments lui permettant d’établir qu’elle a été enlevée par la guérilla colombienne. Le Défenseur du peuple comme le Procureur général ont suivi de très près cette affaire. Pour ce qui est des enfants sans identité, le Ministère de la culture, de l’éducation et du sport a pris un décret pour qu’un enfant dans cette situation puisse aller à l’école; la presse a beaucoup relayé cette information. Dès que la question de l’avortement est évoquée, le pays est en crise. Rappelant que le Venezuela est un pays catholique, Mme Lopez de Penso a souligné que l’avortement est interdit, sauf pour des raisons thérapeutiques. Les filles majeures y ont accès, mais pour les filles mineures, c’est le responsable légal qui en prend la décision.
Elle a indiqué par ailleurs qu’il n’y a pas de statistiques sur la traite des Colombiennes. Elle a précisé qu’il existe une Direction ministérielle des cultes et que les organisations religieuses doivent y être enregistrées. Les autorités vénézuéliennes sont très vigilantes à l’égard des sectes, dans le respect des traités internationaux, a-t-elle fait valoir. Toutefois, la Constitution dispose qu’il n’y a aucune interdiction à l’égard des cultes et l’Etat accorde des subventions à certaines branches de l’Eglise catholique ainsi qu’à d’autres institutions religieuses.
M. GERMAN SALTRON, Directeur général du Bureau du Défenseur du peuple, a indiqué qu’il existe des défenseurs du peuple spécialisés dans les droits de certaines tribus autochtones. Des représentants de différents groupes autochtones sont représentés à l’Assemblée nationale. Le représentant a reconnu ne pas disposer de statistiques, notamment sur la situation en matière d’éducation et a indiqué que le Gouvernement en présenterait ultérieurement. Il a noté un décalage entre l’expression «peuples autochtones» telle qu’elle est utilisée dans la Constitution et celle que définit la communauté internationale. Au Venezuela, les peuples autochtones sont une composante de la communauté nationale du peuple vénézuélien. Par ailleurs, il a précisé que la Direction du culte est un cadre administratif dans lequel toutes les églises sont représentées, à l’exception de celles qui ont été identifiées par le Vice-Procureur.
Une experte a regretté que la délégation vénézuélienne ait répondu par des remarques générales aux questions précises qu’elle a posées ce matin.
Pour sa part, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Président du Comité, a salué les profonds changements que traverse le Venezuela et qui ont abouti à l’adoption d’une nouvelle Constitution. Il a cependant mis en garde les experts du Comité contre le fait qu’aussi positive qu’elle soit, cette Constitution ne saurait régler tous les problèmes rencontrés dans le domaine des droits de l’homme. Au nombre des points positifs, le Président s’est dit heureux d’apprendre que le Pacte l’emporte sur le droit interne et qu’il peut être invoqué directement par les tribunaux. Il a souhaité des précisions sur le nombre de cas où les tribunaux l’ont invoqué. Le Comité a également apprécié le fait que la Constitution prévoie l’égalité entre femmes et hommes, mais a regretté les problèmes qui subsistent dans ce domaine. A cet égard, le Président a attiré l’attention de la délégation sur la discrimination en droit pénal en ce qui concerne l’adultère, le viol, le crime d’honneur ou la prostitution. Il a regretté qu’une femme doive en outre être «honnête» pour pouvoir être défendue. Il faut pouvoir établir un mécanisme pour endiguer la violence contre les femmes, a-t-il insisté. Parmi les nombreux facteurs de préoccupation, le Président a regretté la disposition contenue dans la nouvelle Constitution selon laquelle les juges peuvent être tenus personnellement responsables de leurs décisions. Il a également estimé que l’interdiction de former des associations de magistrats ou de juges ne fait qu’entraver leur efficacité. Le Président a insisté sur la nécessité de régler au plus vite les problèmes de la violence carcérale et des exécutions extrajudiciaires. Il a espéré que le Gouvernement du Venezuela ferait parvenir au Comité, par écrit, les informations supplémentaires demandées.
En conclusion, M. JOSE RAFAEL AVENDANO, Directeur de la politique intérieur du Ministère de l’intérieur et de la justice et Chef de la délégation du Venezuela, a déclaré qu’il allait transmettre les remarques et observations du Comité aux autorités compétentes dans les différents domaines évoqués. Il a regretté que le Comité n’ait pas pu disposer des documents fournis par le Gouvernement dans ses langues de travail. M. Avendano a ensuite assuré le Comité que ce n’est dans l’intérêt ni de son Gouvernement ni de sa délégation de dissimuler des informations. Soulignant les efforts d’exhaustivité faits par sa délégation, le représentant a grandement apprécié la souplesse dont a fait preuve le Comité en acceptant, l’année dernière, que le Venezuela reporte d’un an la présentation de son rapport.
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