En cours au Siège de l'ONU

CS/2205

LE CONSEIL DE SECURITE POURSUIT SES EFFORTS VISANT A AMELIORER LES REGIMES DE SANCTIONS

25/10/2001
Communiqué de presse
CS/2205


Conseil de sécurité

4394ème séance – matin


LE CONSEIL DE SECURITE POURSUIT SES EFFORTS VISANT

A AMELIORER LES REGIMES DE SANCTIONS


Le Conseil de sécurité, réuni sous la présidence de M. Richard Ryan (Irlande), a poursuivi ce matin l’examen des questions générales relatives aux sanctions qu’il avait entamé lundi.  Cet examen porte sur les moyens de renforcer l’efficacité des sanctions, contenus dans le rapport du Groupe de travail créé à ce sujet en avril 2000.  Les recommandations de ce Groupe de travail n’ont pas encore été rendues publiques.


Soulignant que le Conseil avait, au cours de la décennie écoulée, recouru par douze fois à l’imposition de sanctions, les orateurs ont insisté sur la nécessité d’en améliorer la définition, la cible et l’efficacité mais aussi d’envisager tous les moyens pour réduire leur impact sur les populations civiles et les pays tiers. Il est également apparu nécessaire de limiter strictement dans le temps l’imposition de sanctions, le contraire étant, selon le représentant de la Fédération de Russie, inacceptable.  De même qu’il a été souhaité, par la Chine notamment, que l’imposition d’un régime de sanctions comporte dès sa conception une stratégie de sortie, comme c’est le cas pour les opérations de maintien de la paix. 


Plusieurs pays ont fait valoir que les régimes de sanctions tels qu’imposés ces dix dernières années ont souvent manqué d’efficacité et inutilement affecté les populations civiles ou les Etats voisins.  Cet état de fait a détérioré l’image des Nations Unies dans le monde, a estimé la représentante de Singapour. L’Allemagne et la Suisse ont été unanimement remerciées pour leurs initiatives de Bonn-Berlin et d’Interlaken, présentées lundi, ainsi que la Suède qui reprend le flambeau en lançant le Processus de Stockholm.  Ces discussions visent à la recherche de sanctions intelligentes et réellement efficaces.  Mais pour améliorer le suivi de leur application, plusieurs pays ont recommandé l’établissement, au sein des Nations Unies, d’un mécanisme unique composé d’experts et qui ferait régulièrement rapport au Conseil de sécurité. Plusieurs délégués ont souhaité que soit rapidement adopté le rapport du Groupe de travail sur les sanctions, présidé par le représentant du Bangladesh, M. Anwarul Chowdhury.  Ce rapport, a rappelé le Président M. Ryan, a circulé au mois de février parmi les membres du Conseil sans que ceux-ci parviennent à un accord sur le texte.  Des divergences subsistent et portent sur des points sensibles mais elles ne sont pas insurmontables, a-t-il jugé.


Pour sa part, le représentant du Royaume-Uni a estimé que le Groupe des huit pays les plus industrialisés, le G8, pourrait élaborer de nouvelles directives concernant l’application des sanctions et le contrôle des mesures prises par les pays pour les mettre en œuvre.  Et les Etats-Unis se sont demandés ce que peut faire le Conseil quand ce sont les pays eux-mêmes qui détiennent leur population en otage en lui refusant l’accès aux soins de santé de base ou à la nourriture, citant nommément l’Iraq et l’Afghanistan.


Outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants se sont exprimés : Jamaïque, Norvège, Maurice, Colombie, Mali et Tunisie.


QUESTIONS GENERALES RELATIVES AUX SANCTIONS


Déclarations


MME PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a rappelé qu’il existait depuis quelques années un consensus général en faveur de sanctions affectant seulement les individus dont on souhaite changer le comportement, et non les populations ou les Etats tiers.  Elle a fait remarquer que, pour établir ses régimes de sanctions à l’encontre de l’Ethiopie et de l’Erythrée, de la Sierra Leone, du Libéria et du régime des Taliban en Afghanistan, le Conseil de sécurité s’était largement inspiré des travaux préliminaires des processus d’Interlaken et de Bonn-Berlin lancés respectivement par la Suisse et l’Allemagne, avant même leur finalisation.


Les conclusions de ces deux processus, contenues dans deux brochures, permettront de faire des sanctions un outil plus efficace, a déclaré la représentante, en précisant que son pays appuyait des sanctions limitées dans le temps, et soumises à un contrôle régulier qui s’assure de leur utilité et de leur impact sur les populations et les pays tiers.  Toutefois, a fait observer

Mme Durrant, alors que le Conseil de sécurité a commencé à élaborer des régimes de sanctions en adéquation avec ces conclusions, la mise en œuvre et la surveillance des sanctions n’est pas encore améliorée.


La représentante a rappelé que le Groupe de travail sur les sanctions, que préside M. Anwarul Chowdhury (Bangladesh), a examiné un grand nombre de questions relatives à l’amélioration des sanctions et a présenté un rapport il y a plusieurs mois sans que le Conseil de sécurité prenne aucune décision à cet égard.  Le débat d’aujourd’hui prouve la nécessité pour le Conseil d’adopter sans délai les recommandations formulées dans le rapport.  S’ajoutant aux conclusions des processus d’Interlaken et de Bonn-Berlin, elles fourniront un instrument nécessaire pour assurer une meilleure exécution des mécanismes de sanctions, s’est déclarée convaincue Mme Durrant.


M. ALISTAIR HARRISON (Royaume-Uni) a remercié les Gouvernements de la Suisse et de l’Allemagne pour leurs initiatives et celui de la Suède qui reprend le flambeau des Processus d’Interlaken et de Bonn-Berlin.  Il s’est demandé s’il ne reviendrait pas au Groupe des huit pays les plus industrialisés, le G8, d’élaborer à son tour de nouvelles directives pour l’application de sanctions et pour s’assurer des mesures prises par les pays pour les mettre en œuvre.  Une autre façon d’améliorer l’efficacité des sanctions, a-t-il poursuivi, serait de créer au sein des Nations Unies une petite unité de suivi, composée d’un groupe d’experts, qui ferait un rapport sur l’application et l’efficacité des régimes de sanctions.


S’exprimant au nom du Président du Comité de lutte contre le terrorisme créé en vertu de la Résolution 1373, il a indiqué que sa délégation examinerait les travaux d’Interlaken et de Bonn-Berlin pour voir en quoi ses travaux pourraient servir aux sanctions décrétées dans le cadre de cette résolution.

M. OLE PETER KOLBY (Norvège)a déclaré que son pays soutenait les recommandations auxquelles ont abouti les Processus d’Interlaken et de Bonn-Berlin.  Il a souligné qu’afin d’améliorer l’efficacité des sanctions, il fallait viser les individus responsables des politiques qui menacent la paix et la sécurité internationales, et en particulier les élites dirigeantes, les mouvements rebelles et les terroristes ainsi que leurs sources de financement.  Il a préconisé la mise en place d’un système de coopération internationale pour empêcher les transactions financières illégales, et a indiqué que la résolution 1373 récemment adoptée par le Conseil de sécurité ainsi que les travaux du Comité spécial chargé de la question du terrorisme allaient dans le bon sens.


Le représentant a insisté sur la nécessité d’axer désormais les efforts sur la mise en œuvre des recommandations des Processus d’Interlaken et de Bonn-Berlin et de faire en sorte que les futurs régimes de sanctions reflètent les modèles proposés.  Il a aussi souligné qu’il fallait fournir une assistance technique et financière aux Membres de l’ONU afin de leur permettre d’appliquer la résolution 1373.  M. Kolby s’est montré favorable à la création d’un mécanisme permanent chargé de la question des sanctions ciblées, et a indiqué que cette question devait faire l’objet de plus amples discussions.  Ce mécanisme pourrait fournir un soutien précieux aux différents comités des sanctions, et permettrait d’acquérir une expérience à partir des différents régimes de sanctions en vigueur, a-t-il déclaré.


M. JAGDISH KOOJUL (Maurice) a rappelé que depuis sa création l’ONU s’est toujours servie de sanctions mais a eu recours de plus en plus à cette mesure depuis le début des années 90, en imposant des sanctions dans douze situations.  Mais ces sanctions n’ont pas été efficaces, a-t-il indiqué, en citant des études réalisées selon lesquelles le taux de succès est très réduit.  Parmi les raisons avancées, il a cité le rôle des Etats qui empêchent l’application des sanctions, le manque d’objectif clair, le manque de moyens de plusieurs Etats d’appliquer les sanctions enfin les coûts humanitaires élevés qui l’emportent souvent sur les résultats obtenus.  Le représentant a réclamé des résolutions claires, sans ambiguïtés, limitées dans le temps, appliquées progressivement et examinées régulièrement par le Conseil, et enfin des mesures qui évitent les effets collatéraux sur les populations civiles et les Etats voisins.  Il faut donc considérer des sanctions ciblées, intelligentes, tels les embargos sur les armes ou les voyages.  Enfin, a-t-il rappelé, aucune sanction ne peut aboutir isolément au but désiré : elle doit faire partir d’une politique plus générale.  Il a souhaité la mise en place aux Nations Unies d’un comité responsable de tous les régimes de sanctions, jugeant qu’il pourrait accroître leur efficacité en surveillant l’application et en en faisant régulièrement rapport. 


M. ANDRES FRANCO (Colombie) a déclaré que le processus de Bonn-Berlin avait permis d’engager une réflexion sur l’efficacité des sanctions. Il est nécessaire que les sanctions produisent les résultats prévus, a souligné le représentant, sans quoi l’image et la légitimité du Conseil seront remises en cause.  Il a indiqué que le Conseil devrait communiquer avec d’autres acteurs, plus particulièrement les banques, les organisations financières, les centres universitaires, les organisations non gouvernementales et les entreprises privées.  Le représentant a insisté sur la difficulté d’obtenir un changement de comportement de la part de gouvernements sans toucher ceux qui ne sont pas une menace pour la sécurité internationale.  Les sanctions ont toujours un effet négatif, a déclaré le représentant, mais il devrait être possible de les contrôler, et le Libéria en est un exemple concret.

Le représentant a indiqué que le concept de sanctions intelligentes était une idée dynamique, et que la proposition de créer un mécanisme permanent de surveillance des sanctions méritait d’être étudiée.  Il a suggéré, avant d’examiner une telle idée au Conseil de sécurité, qu’on s’inspire du processus de Stockholm pour le faire.  Il a souligné l’importance de la résolution 1373, et a insisté sur la nécessité d’adopter le rapport du Groupe de travail sur les sanctions.


M. JAMES CUNNINGHAM (Etats-Unis) a noté que les circonstances actuelles exigeaient d’améliorer davantage le recours aux sanctions en réponse aux menaces internationales contre la paix et la sécurité.  Les sanctions, a-t-il estimé, constituent un instrument politique vital pour modifier le comportement d’un Etat ou d’une entité qui représente une menace pour la paix internationale ou aurait commis un acte d’agression.  C’est pourquoi les Etats-Unis soutiendront le Processus de Stockholm, tout comme ils avaient activement participé à ceux d’Interlaken et de Bonn et Berlin.  Ces discussions, a ajouté le représentant, appuient le travail fait par le Conseil de sécurité pour renforcer les sanctions en tant qu’instrument politique, notamment le recours croissant à des sanctions ciblées, et pour s’assurer qu’elles sont à la fois humaines et efficaces. 


Les Etats-Unis, a-t-il assuré, cherchent à s’assurer que les sanctions auront un impact minimum sur les populations civiles.  Toutefois, s’est-il demandé, que peut faire le Conseil quand un régime dictatorial tient lui-même sa population en otage?  Quand un Etat ou un gouvernement nie à son propre peuple le droit à la nourriture, à un toit et aux soins de santé primaire? Nous assistons à cette situation actuellement en Iraq, en Afghanistan et ailleurs, a-t-il poursuivi.  A propos de l’Iraq, nos tentatives répétées d’améliorer le programme Pétrole contre nourriture ont été bloquées, a-t-il observé.  Les Etats-Unis reconnaissent qu’il est important de minimiser l’impact humanitaire des sanctions mais, a ajouté le représentant, les membres de la communauté internationale doivent également réfléchir aux conséquences qu’il y aurait à ne pas en imposer et il s’agit là d’une lourde responsabilité pour les membres du Conseil.


M. MOCTAR OUANE (Mali) a déclaré que les effets non désirés des sanctions ont entraîné une préoccupation légitime au sein de la communauté internationale.  Les sanctions ne devraient être décidées qu’après épuisement de tous les autres moyens, a indiqué le représentant.  Elles doivent également être provisoires et comporter des exceptions liées à la situation humanitaire. Enfin elles doivent être levées dès que le gouvernement visé a changé d’attitude. Le représentant s’est félicité de la nouvelle démarche du Conseil de sécurité qui cherche à affecter, par des sanctions ciblées, uniquement le comportement d’un groupe d’individus bien déterminé. Il a regretté que le Conseil n’ait pu atteindre un consensus sur le rapport du Groupe de travail sur les sanctions, dont le Mali soutient toutes les conclusions.

M. ALEXANDER KONOUZIN (Fédération de Russie) a rappelé que la question des sanctions occupe une place importante depuis dix ans dans les travaux du Conseil de sécurité.  Les principes et modalités de leur application exigent donc un examen des plus sérieux, a-t-il indiqué.  Pour le représentant, le Conseil doit avant tout répertorier les effets négatifs sur la population du pays visé, qui n’a pas de responsabilité et sur les pays tiers.  L’application de sanctions doit constituer une mesure extrême qui ne peut être utilisée qu’en dernier recours et  les sanctions doivent aussi respecter la Charte de l’ONU et le droit international.  Le but doit être soigneusement déterminé, elles doivent être bien ciblées et faire régulièrement l’objet d’examen.  Enfin, a-t-il insisté, il est inacceptable d’imposer des sanctions illimitées dans le temps.


MME CHRISTINE LEE (Singapour) a fait remarquer qu’en tant que Président du Comité des sanctions sur la Sierra Leone, son pays avait connu de nombreuses difficultés et frustrations, en particulier au cours de l’établissement d’une liste de personnes interdites de déplacement.  Les comités de sanctions n’ont pas les moyens de remettre à jour une telle liste, a-t-elle regretté, pas plus qu’ils n’ont les moyens de vérifier l’application des sanctions.  Elle a fait remarquer que l’image des sanctions imposées par les Nations Unies n’était pas bonne, et que l’ONU était tenue responsable des problèmes économiques que connaissent les pays ciblés.  Cela tient sans doute au manque d’efficacité des sanctions, a déclaré la représentante.  Malgré le prix Nobel de la paix qu’ont reçu les Nations Unies, leur crédibilité s’est érodée depuis dix ans et nous devons arrêter ce glissement.


Les sanctions étant l’un des instruments les plus utiles, a poursuivi la représentante, elles doivent être viables et ne pas engendrer de conséquences disproportionnées.  Elle a émis l’espoir que le processus de Stockholm ira dans ce sens.


M. OTHMAN JERANDI (Tunisie) a souhaité que le Conseil de sécurité continue de réfléchir sur les moyens de faire des sanctions un usage modéré, raisonné et efficace.  Il faut recourir aux sanctions en dernier ressort, après avoir épuisé toutes les voies de règlement pacifique des différends.


La pratique de l’ONU au cours de ces dix dernières années a montré la nécessité de procéder à un certain nombre d’ajustements, a estimé M. Jerandi : d’une part réduire l’impact sur les populations civiles, et d’une autre part préserver les intérêts des pays voisins ou de pays ayant des relations économiques avec les pays ciblés.  Ceci appelle l’ONU à adopter une démarche novatrice et une attention particulière doit être apportée à la durée des sanctions.  S’agissant des aspects humanitaires, a-t-il poursuivi, il faudrait procéder à une évaluation systématique avant et pendant l’imposition des sanctions.  La délégation tunisienne a constamment appelé le Conseil de sécurité à prendre en compte les préoccupations des Etats tiers, a rappelé M. Jerandi. 


Le représentant, tout en faisant remarquer que le projet de rapport du Groupe de travail sur les sanctions créé en avril 2000 ne satisfait pas pleinement sa délégation, a reconnu qu’il prévoit des adaptations importantes des divers aspects de la question.

M. SHEN GUOFANG (Chine) a déclaré qu’en utilisant fréquemment les sanctions ces dix dernières années, le Conseil de sécurité avait suscité des préoccupations au sein de la communauté internationale en raison des effets non désirés sur les populations.  Le représentant a rappelé que son pays avait toujours soutenu que les sanctions étaient un moyen et non une fin.  Comme pour les opérations de maintien de la paix, il faut envisager pour les sanctions une stratégie de sortie, a déclaré le représentant.  Il a qualifié de «complet et détaillé» le rapport du Groupe de travail tout en espérant qu’il sera adopté le plus rapidement possible.


M. RICHARD RYAN (Irlande) qui s’exprimait en tant que Président du Conseil de sécurité a rappelé en conclusion que le rapport du Groupe de travail sur les sanctions a circulé au mois de février parmi les membres du Conseil sans qu’il soit possible de parvenir à un accord sur le texte final.  Je juge important d’y parvenir aussi vite que possible, a poursuivi le président : un petit nombre de divergences subsistent et, même si elles portent sur des sujets sensibles, elles sont de mon point de vue surmontables. 


Au cours des deux dernières semaines, a-t-il poursuivi, nous avons rencontré les différentes parties pour tenter d’identifier le reste des obstacles, les discussions vont se poursuivre et j’espère pouvoir rapidement rendre compte des nouveaux développements aux membres du Conseil.


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