En cours au Siège de l'ONU

CS/2203

CONSEIL DE SECURITE: DES INITIATIVES VISANT L´AMELIORATION DES SANCTIONS

22/10/2001
Communiqué de presse
CS/2203


Conseil de sécurité

4394ème séance – matin


Conseil de Sécurité: des initiatives visAnt l´amélioration des sanctions


Réuni sous la présidence de M. Richard Ryan (Irlande), le Conseil de sécurité a entendu ce matin dans le cadre de son examen des questions générales relatives aux sanctions, les représentants de l’Allemagne et de la Suisse qui ont présenté le résultat des deux processus engagés à leur initiative et conjointement avec le Secrétariat général, relatifs à la définition et à la mise en oeuvre des sanctions.  Le processus d’Interlaken, initié en Suisse en 1998-99, a réuni des experts, des organisations non gouvernementales et du personnel de l’ONU pour examiner la question des sanctions financières.  Le processus de Bonn-Berlin, organisé en Allemagne en 1999-2000, a porté sur les embargos sur les armes et les interdictions de déplacement.  Les conclusions de ces deux processus ont été consignées dans deux brochures à l’intention des Etats Membres et plaident pour des sanctions « intelligentes », ciblées et qui minimisent l’impact sur les populations civiles et sur les Etats tiers.  Elles proposent des modèles de résolutions et des procédures de vérification.  La Suède a indiqué qu’elle s’apprêtait à contribuer à ces efforts en lançant le protocole de Stockholm qui réunira les gouvernements, les institutions des Nations Unies et  les Organisations non gouvernementales.


Le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques a souligné l´importance de l’élaboration de régimes de sanctions ciblées, et jugé que ces régimes nécessiteraient l’octroi de ressources supplémentaires.  Il a suggéré au Conseil de sécurité de fournir une assistance juridique aux Etats qui n’avaient pas une législation adaptée pour faire appliquer les sanctions.  Le représentant de l’Ukraine a appelé le Conseil de sécurité à adopter rapidement, malgré le manque de consensus, le rapport du Groupe de travail créé en avril 2000.  Celui de la France a plaidé pour la mise en œuvre d’un mécanisme unifié et continu de contrôle des sanctions afin de créer une synergie entre les différents panels d’experts.


Le Conseil dont les travaux sur la question se poursuivront à une date ultérieure a entendu ce matin les représentants de la Suisse, de la France, de l’Ukraine, de la Suède, de l’Allemagne ainsi que le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques.


Questions générales relatives aux sanctions:


M. HANS DAHLGREN, Secrétaire d’Etat suédois aux affaires étrangères, a jugé important d’insister sur les possibilités d’améliorer les régimes de sanctions.  Il a fait remarquer que, par tradition, les sanctions ont pour objectif de développer au maximum des effets sur les autorités des pays visés pour les contraindre à changer de comportement, et de réduire en même temps leur impact sur les populations civiles.  Toutefois, dans la pratique, a-t-il estimé, la situation est bien différente et souvent, on n’observe que peu ou pas de changement dans la conduite d’un Etat.  Les sanctions font fréquemment l’objet de violations ou de dérogations.  En outre, elles engendrent des conséquences négatives sur les populations civiles.


Faisant référence aux initiatives de l’Allemagne et de la Suisse visant à rendre les sanctions plus efficaces et plus humaines, M. Dahlgren a estimé qu’il pourrait être davantage fait pour développer le concept de « sanctions intelligentes ».  La Suède, a-t-il dit, est prête à poursuivre les travaux engagés par l’Allemagne et la Suisse.  Le Gouvernement suédois a initié un projet, qui aboutira à l’adoption l’année prochaine du Processus de Stockholm, afin de développer des mesures efficaces de mise en oeuvre et de contrôle de sanctions ciblées et de proposer des améliorations aux régimes en vigueur.  Ce projet essaiera également de rechercher une meilleure compréhension à la fois de l’étendue et des limites des sanctions, afin d’en garantir une meilleure application. 


M. DIETER KASTRUP (Allemagne) a rappelé que son pays, suivant l’exemple de la Suisse, avait demandé en 1998 à une organisation indépendante d’organiser une série de conférences et séminaires sur l’embargo sur les armes et les interdictions de voyage, animée par des experts, des organisations non gouvernementales, des personnels de l’ONU.  Ces réunions – connues sous le nom de processus Bonn-Berlin - ont abouti à la rédaction d’une brochure qui sera envoyée à tous les Etats Membres, et qui est une compilation de modèles de résolutions et d’inventaires relatifs aux embargos sur les armes et aux interdictions de voyage, accompagnés de commentaires destinés à inspirer les responsables des sanctions.  Deux autres documents sont consacrés à l’application nationale des sanctions et à des suggestions pour mettre en place et faire respecter les embargos sur les armes, a précisé le représentant.


Faisant remarquer que son Gouvernement n’était pas à l’origine de ces propositions, mais qu’il partageait les conclusions du processus de Bonn-Berlin, M. Kastrup a déclaré que les sanctions ne devaient pas servir de mesures répressives, mais plutôt de moyen pour inciter les Etats à se conformer à la Charte des Nations Unies. Il a noté que, par le passé, les régimes de sanctions n’avaient pas tous été efficaces : certains n’ont pas contraint l’agresseur à respecter les dispositions de la Charte des Nations Unies, et d’autres ont eu un impact négatif sur les populations civiles et/ou les Etats tiers.  Si un instrument s’avère inefficace, a souligné le représentant, il nous incombe de le réexaminer et de rechercher une solution mieux adaptée et plus souple. La délégation allemande est d’avis que ces modèles de résolution doivent être considérés comme une contribution substantielle pour établir des sanctions ciblées, notant toutefois que des mesures plus précises risquent d’échouer si certains Etats Membres n’ont pas la volonté politique de les mettre en œuvre.


M. JENÖ C.A. STAEHELIN, Observateur permanent de la Suisse auprès des Nations Unies, a fait remarquer que son pays, en tant, qu’Etat non membre, applique les sanctions sur une base autonome.  Toutefois le Gouvernement suisse partage la préoccupation selon laquelle l’efficacité des sanctions doit être améliorée.  Il s’agit de minimiser leur impact humanitaire sur les populations civiles pour ne viser que les groupes ou individus responsables des politiques que condamne la communauté internationale, a-t-il souligné, tout en faisant observer que la Suisse représente une place financière importante et que son pays avait organisé, conjointement avec le Secrétariat général de l’ONU, une série de réunions internationales d’experts, comme par exemple le Processus d’Interlaken.  Ce Processus a permis un dialogue entre représentants des gouvernements et d’agences régionales, de dirigeants de banques centrales, du secteur bancaire privé et du Secrétariat général de l´ONU.  Il a permis en outre de définir les sanctions financières efficaces et d’assurer leur application.  Parmi les principaux résultats du Processus d’Interlaken, le représentant a cité une meilleure compréhension des exigences techniques spécifiques aux sanctions financières ciblées, définitions pouvant servir à de futures résolutions et le besoin de l’ONU de renforcer ses capacités à administrer et à superviser les sanctions financières.  Le produit final de ces recherches est consigné dans un manuel, qui est présenté aujourd’hui au Conseil de sécurité et sera distribué à toutes les missions permanentes auprès des Nations Unies.


Pour M. Staehelin, l’une des conditions préalables essentielles pour améliorer l’efficacité de ce type de sanctions réside dans une claire définition des cibles, ce qui implique l´identification des bénéficiaires réels des avoirs visés : il s’agit d’un élément clef pour lutter contre le blanchiment d’argent et pour identifier et bloquer les flux financiers utilisés pour lancer des actions terroristes.  En conclusion, il a rappelé que les sanctions financières à elles seules ne sont pas suffisantes pour contraindre les gouvernements et autres acteurs à modifier leur comportement ou à se soumettre à leurs obligations.  Mais elles représentent un outil efficace, conjuguées à d’autres mesures susceptibles de stimuler la volonté politique nécessaire.


M. IBRAHIM FALL, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, a déclaré que le concept de « sanctions intelligentes » capables d’atteindre les gouvernements et non les populations était une bonne solution pour rendre les sanctions plus efficaces. Il a rappelé les efforts déployés par les Etats Membres, les organisations non gouvernementales et les experts universitaires pour contribuer à cet objectif lors de la série de séminaires d’Interlaken sur les sanctions financières et celle de Bonn-Berlin sur les embargos sur les armes et les interdictions de voyage.  Il a remarqué que les conclusions d’Interlaken avaient été prises en compte dans la mise en place des sanctions contre l’UNITA en Angola et il a émis l’espoir qu’elles pourront aussi être utiles au comité chargé de la lutte contre terrorisme.


Si nous voulons que les sanctions continuent d’être un outil utile, a déclaré le Sous-Secrétaire général, il faut engager un dialogue constructif sur leur application et leur suivi. Nombre d’Etats ont besoin d’une assistance pour assumer leur responsabilité en matière de sanctions, a-t-il remarqué. Le Conseil


pourrait fournir aux Etats Membres qui n’ont pas la capacité juridique nécessaire, des exemples de législation-type pour leur permettre d’apporter des modifications à leur législation.  Il a appelé à une meilleure coopération des différents comités des sanctions, comme c’est déjà le cas avec ceux de l’Angola et de la Sierra Leone qui envisagent une réunion conjointe.


Le Sous-Secrétaire général a souligné l’importance de poursuivre les efforts pour mettre en place des sanctions plus intelligentes et plus ciblées, en faisant remarquer que cela exigerait l’octroi de ressources suffisantes. Il a indiqué qu’une expertise technique serait nécessaire pour mettre en place un système de suivi crédible et pour évaluer l’efficacité des systèmes de sanctions en matière de trafic d’armes, de diamants, de finances internationales.


M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) s’est félicité du résultat impressionnant des processus d’Interlaken et de Bonn-Berlin, qui s’inscrivent dans une démarche exemplaire et a exprimé sa reconnaissance envers la Suède qui se dit prête à poursuivre ces travaux.  Pour mieux cibler les sanctions, il faut faire davantage pression là où elle est nécessaire tout en réduisant le risque d’impact négatif sur les populations civiles et les Etats tiers.  M. Levitte a souhaité que le Conseil de sécurité fasse aboutir maintenant les travaux normatifs sur les sanctions et qu’il adopte aussi vite que possible les conclusions du Groupe de travail dirigé par le Bangladesh. 


Insistant sur la mise en place d’un instrument « unifié et continu » de contrôle des sanctions et de contrôle du trafic des matières premières dans les conflits, sous autorité du Conseil de sécurité et de ses comités de sanctions,   M. Levitte a rappelé que l’expérience des sanctions contre l’UNITA, le Libéria, l’Afghanistan ou la Sierra Leone avait montré que d’une crise à l’autre, les problèmes sont les mêmes : les trafics illicites de matières premières et les violations de sanctions se rejoignent souvent, a-t—il dit, citant en exemple le trafiquant Victor Bout, que mentionnent tous les rapports.


M. Levitte a donc proposé la mise en place d’un instrument à la disposition du Conseil de sécurité et du Comité des sanctions, qui serait placé sous l’autorité du Conseil pour s’acquitter de tâches précises.  Le Conseil pourrait demander à ce mécanisme des rapports distincts sur différentes questions afin de créer des synergies entre les différentes crises, souvent liées et interconnectées, notamment en Afrique.  Il est donc temps de regrouper la somme de données collectées par les différents panels, afin de gaspiller moins d’énergie, moins de temps et moins d’argent.  Il faut aussi que ce mécanisme soit continu, car il est impératif d’assurer une surveillance constante de l’application des sanctions.  La délégation française se dit favorable à des sanctions à durée limitées, à condition qu’elles soient en place et qu’elles puissent être contrôlées et appliquées.  Cet instrument continu permettrait en outre de renforcer la coopération avec des organisations régionales et techniques, comme l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), la  Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ou Interpol.


M. VALERY KUCHINSKY (Ukraine) a émis l’espoir que le Conseil prendra en compte rapidement les conclusions des processus d’Interlaken et de Bonn-Berlin. Faisant allusion au futur rapport du Groupe de travail sur les sanctions, il a souligné qu’il était impossible de parvenir à un consensus sur toutes les questions mais qu’il fallait faire des compromis et qu’il était temps que le Conseil de sécurité prenne une décision.  L’Ukraine n’est pas satisfaite du projet de résolution actuel, a précisé le représentant, car il ne reflète pas la position de son gouvernement, mais elle est consciente qu’il est impossible de rejeter ce qui a été obtenu après tant de mois de négociations.  Le représentant a également souligné la nécessité de créer un mécanisme de l’ONU chargé de la surveillance de l’application des sanctions.


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