CS/2146

LA CREATION D'UN MECANISME DE SURVEILLANCE DE L’APPLICATION DES SANCTIONS CONTRE LES TALIBAN AU CENTRE DES DISCUSSIONS DU CONSEIL

05/06/2001
Communiqué de presse
CS/2146


Conseil de sécurité

4325ème séance – matin et après-midi


LA CREATION D'UN MECANISME DE SURVEILLANCE DE L’APPLICATION DES SANCTIONS CONTRE LES TALIBAN AU CENTRE DES DISCUSSIONS DU CONSEIL


Réuni ce matin sous la présidence de M. Anwarul Karim Chowdhury (Bangladesh) le Conseil de sécurité a examiné la question de la situation en Afghanistan sur la base du rapport du Comité d’experts nommé aux termes de la résolution 1333 (2000) concernant les modalités de contrôle de l'embargo sur les armes à l'encontre des Taliban et de la fermeture des camps d'entraînement des terroristes dans le territoire tenu par les Taliban en Afghanistan.


En début de réunion, le représentant permanent de la Colombie et Président du Comité des sanctions concernant l'Afghanistan, M. Alfonso Valdivieso, a déclaré au Conseil de sécurité que la communauté internationale, dans son ensemble, devait soutenir la mise en oeuvre des recommandations proposées par les cinq membres du Comité d'experts et qui ont trait, entre autres, à un contrôle renforcé des transits d'armes et de marchandises entre l'Afghanistan et les six pays avec lesquels ce pays a des frontières communes.  A l’instar des délégations qui ont ensuite pris la parole, le Président du Comité des sanctions a relevé la recommandation des experts visant la création d'un bureau des Nations Unies qui serait chargé de la surveillance et de la coordination de l'application des sanctions et qui s'accompagnerait de la mise en place, aux côtés des services de contrôle des frontières des six pays voisins, de petites équipes de spécialistes qui leur apporterait un appui technique.  Intervenant sur cette proposition, le représentant de la Chine, pays frontalier de l'Afghanistan, a, tout en réaffirmant le soutien de son pays aux sanctions contre les Taliban, souhaité que les missions et l'objectif des activités des futures équipes d'appui soient clairement définis par le Conseil, et que celui-ci ne prenne aucune initiative de lancement de ces opérations tant que les moyens financiers, matériels, et humains nécessaires à leur accomplissement et à leur réussite ne sont pas clairement réunis.  Une coopération étroite et transparente du Conseil et du mécanisme envisagé avec les pays frontaliers de l'Afghanistan est indispensable, a estimé le représentant de la Chine, soutenu sur ce point par la majorité des délégations.


Prenant à leur tour la parole, les représentants des Etats-Unis et de la Fédération de Russie ont vivement condamné l'attitude des Taliban, qui n'ont pris à ce jour aucune mesure pour se conformer aux demandes des résolutions de l'ONU qui exigent notamment l'arrestation d'Osama bin Laden, son transfert devant les tribunaux, et la fin de la formation de terroristes dans les camps d'entraînement afghans.  Les deux représentants ont soutenu la création d'un mécanisme de contrôle des sanctions, les Etats-Unis se déclarant prêts à participer à la rédaction d'une résolution décidant de sa mise en place et souhaitant voir son


Bureau installé à New York en vue d'en faciliter les interactions avec le Conseil de sécurité et le Comité des sanctions.  Le fonctionnement de ce mécanisme dépendant en grande partie du niveau et de la qualité des moyens mis à sa disposition, plusieurs délégations, dont celles du Royaume-Uni, de l'Irlande et de la Norvège, ont souhaité que le Conseil et les Etats Membres lui accordent des ressources substantielles et prévisibles qui pourraient être mobilisées à travers un fonds d'affectation spéciale. 


Dénonçant la présence de forces étrangères, qu'il a accusé d'être la principale cause du conflit actuel et des souffrances qu'il cause aux populations afghanes, le représentant de l'Afghanistan a estimé que la politique que mène le Pakistan, et qui est favorable au renforcement du régime des Taliban, vise à mettre l'Asie centrale sous son contrôle.  Cette stratégie, a déclaré le représentant, est une menace pour tous les pays de la région et pour la sécurité internationale et devrait être dénoncée par le Conseil de sécurité.  Rejetant les allégations portées contre son pays, le représentant du Pakistan a déclaré que les sanctions imposées par le Conseil de sécurité à l'encontre des Taliban étaient la première cause de la détérioration de la situation humanitaire en Afghanistan.  Depuis l'application de ces sanctions, plus d'un million de personnes ont quitté leur foyer et vivent en situation de réfugiés déplacés de l'intérieur, a-t-il dit, citant des chiffres avancés par le Bureau du Coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU.  Défendant son pays, qui accueille deux millions de réfugiés afghans, le représentant a estimé qu'aucun régime d'embargo sur les armes ne peut résoudre la situation qui perdure en Afghanistan.  La communauté internationale, a-t-il dit, devrait plutôt appuyer la reprise du dialogue initié par le Secrétaire général de l'ONU avant l'imposition des sanctions, et briser l'isolement du régime des Taliban.


Les délégations suivantes ont aussi pris la parole au cours du débat: Ukraine, Tunisie, Mali, France, Jamaïque, Maurice, Singapour, Bangladesh, Ouzbékistan, et Iran.  M. Haïlé Menkerios, Président du Comité d'experts a répondu aux remarques des délégations en fin de réunion.


Pour l'examen de cette question, le Conseil de sécurité était saisi du rapport du Comité d'experts.


AFGHANISTAN


Rapport du Comité d'experts nommé en application du paragraphe 15 a) de la résolution 1333 (2000) du Conseil de sécurité, concernant les modalités de contrôle de l’embargo sur les armes à l’encontre des Taliban et de la fermeture des camps d'entraînement de terroristes dans les régions d'Afghanistan tenues par les Taliban (S/2001/511)


Le 15 octobre 1999, le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 1267 (1999) aux termes de laquelle il exigeait que les Taliban remettent sans plus tarder Usama bin Laden aux autorités compétentes afin qu'il puisse être traduit en justice et qu'ils cessent d'offrir refuge et entraînement à des terroristes internationaux et à leurs organisations.  Les Taliban ne s'étant pas conformés aux exigences de cette résolution, le Conseil de sécurité a adopté, le 19 décembre 2000, la résolution 1333 (2000) qui renforçait la mise en oeuvre du texte précédent et prenait des mesures de sanctions à l'égard des Taliban.  Afin de prendre des décisions pertinentes à cet égard, le Conseil a décidé de constituer un Comité d'experts chargé de lui adresser des recommandations concernant les modalités du contrôle de l'embargo sur les armes et de la fermeture des camps d'entraînement de terroristes.  Ce Comité, constitué de cinq membres, a commencé ses travaux le 19 mars 2001.


Dans le rapport qu'ils transmettent au Conseil de sécurité, les membres du Comité estiment que les sanctions imposées à l'encontre des Taliban doivent être considérées et mises en oeuvre comme faisant partie d'un ensemble de mesures prises par les Nations Unies pour assurer la paix et la stabilité en Afghanistan.  Les sanctions, la recherche d'une solution politique, et les initiatives humanitaires et économiques doivent être vues comme un tout et conduites comme autant d'éléments d'une stratégie intégrée devant aboutir à un gouvernement représentatif et responsable en Afghanistan.  Mais pour que ces sanctions soient efficaces, il faut que leur application bénéficie de l'appui et de la participation des Etats Membres, et notamment de ceux des six pays frontaliers de l'Afghanistan qui sont la Chine, l'Ouzbékistan, le Pakistan, l'Iran, le Tadjikistan et le Turkménistan.  La mise en oeuvre des sanctions ne peut se faire sans la participation de ces pays, estime le Comité d'experts qui reconnaît cependant que dans la plupart des cas, les moyens dont disposent ces pays sont insuffisants, et recommande que leur soit fourni un soutien concret en vue de renforcer et développer leurs mécanismes de contrôle.  Le Comité est, entre autres, d'avis que le Pakistan est en droit d'inspecter minutieusement tout chargement de marchandises destiné à l'Afghanistan qui entre ou transite par le territoire pakistanais.  Les activités marchandes "hors taxes" qui se font dans le cadre de l'Accord sur le commerce de transit avec l'Afghanistan s'élevant à des volumes élevés, il est nécessaire que la communauté internationale fournisse au Pakistan une assistance technique spécialisée, recommande le Comité.


Le Comité d'experts poursuit ses recommandations en proposant la création d'un Bureau des Nations Unies chargé de la surveillance et de la coordination de l'application des sanctions concernant l'Afghanistan, qui aurait un siège et des équipes d'appui opérant aux côtés des services de contrôle des frontières dans les pays voisins de l'Afghanistan.  A son avis, de solides raisons opérationnelles militent pour l’installation en Europe, peut-être à l'Office des Nations Unies à Vienne.  Quant aux équipes d'appui, le Comité recommande qu'elles soient basées


dans les bureaux des Nations Unies installés dans les pays frontaliers de l'Afghanistan.  Concernant les matériels dont l'achat ou la vente par l'Afghanistan devraient de manière urgente être interdits, le Comité cite le turbocombustible; les liquides et lubrifiants spéciaux nécessaires au fonctionnement des véhicules blindés; l'anhydride acétique; toutes les armes et matériels de guerre, et les drogues illicites dont le commerce est une source importante de revenus pour les Taliban.


En annexe au rapport, le Comité d'experts énonce une série de mesures de contrôle des armements que le Bureau de surveillance et de coordination devra examiner dans le contexte global des mesures internationales de contrôle d'armements.  Définies en termes de priorités, ces mesures ont, entre autres, trait au contrôle des courtiers en armes et des agents de transports d'armes; à la négociation d'un accord internationalement contraignant réglementant les activités des courtiers en armes; à l'enregistrement des compagnies aériennes et à la certification des cargaisons; à la pénalisation judiciaire de l'usage de faux documents d'utilisation finale; à la création d'un système d'alerte avancée et de surveillance par satellite; au marquage des armes nouvellement fabriquées, et à une approche plus sérieuse au Registre des armes classiques de l'ONU.


Nommé par le Secrétaire général, le Comité d'experts est constitué comme suit: M. Haïlé Menkerios (Erythrée, Président), M. Reynaldo O. Arcilla (Philippines), M. Michael Chandler (Royaume-Uni), M. Mahmoud Kassem (Egypte) et

M. Attilio Norberto Molteni (Argentine).  Pour s'acquitter de son mandat, le Comité a fait une série de voyages dans les six pays frontaliers de l'Afghanistan et dans deux pays qu'intéresse spécifiquement l'application des résolutions prises contre les Taliban: les Etats-Unis et la Fédération de Russie.


Déclarations


M. ALFONSO VALDIVIESO, Président du Comité des sanctions concernant l’Afghanistan (Colombie), a dit que ce Comité avait pris connaissance du rapport du Comité d’experts, qui propose la création d’un bureau des Nations unies chargé de la surveillance de l’application des sanctions concernant l’Afghanistan, comme cela avait été souhaité par la résolution 1333.  L’engagement des pays voisins de l’Afghanistan est extrêmement important pour la bonne application de ces sanctions.  Les recommandations du Comité d’experts sur les moyens à mettre en oeuvre à cet effet insistent sur la nécessité de mettre en oeuvre des moyens pouvant permettre à la communauté internationale de contrôler les trafics d’armes et de drogues dans la région, moyens sans lesquels les sanctions ne pourraient être efficaces.


Dans les pays qui les ont reçus, les experts ont pu avoir accès à des informations et des documents qui se sont révélés indispensables à l’élaboration des recommandations.  Du point de vue opérationnel, le Comité a recommandé la création d’un nouveau mécanisme de contrôle qui aurait des équipes d’appui qui renforceraient les services de contrôle actuels dans chacun des six pays limitrophes de l’Afghanistan.  La création d’un bureau des Nations Unies composé de personnels qualifiés dans le domaine du contrôle des armes est aussi recommandée.  Ce bureau aurait à sa tête un directeur.  Le Comité d’experts a aussi parlé de la nécessité de contrôler le commerce de l’anhydride acétique, qui est un précurseur chimique indispensable à la fabrication de l’héroïne. 


Il a aussi insisté sur l’interdiction de l’approvisionnement des Taliban en turbocombustible, dont ils ont besoin pour faire fonctionner leurs véhicules blindés.  Il serait utile, d’autre part, de mettre en place des mécanismes de coordination entre les six pays voisins de l’Afghanistan et de créer des conditions qui amènent les Taliban à la table des négociations en vue de créer des conditions de paix en Afghanistan et d’amener au pouvoir un régime de consensus.  Nous pensons que le débat public d’aujourd’hui est important, car il permettra d’entendre les six pays voisins de l’Afghanistan et de proposer des mesures de soutien à la surveillance des sanctions.


M. VALERI P. KUCHYNSKI (Ukraine) a estimé que les recommandations du rapport avaient une valeur pratique pour le Conseil et qu'elles allaient lui permettre de prendre une décision informée.  Il a exprimé son appui total à la création d'un mécanisme international de contrôle de surveillance de l’application des sanctions doté d'un mandat très clair de telle sorte qu'il puisse agir de façon efficace et donner des résultats.  Il s'est dit convaincu que la collaboration des pays voisins et des Etats Membres était absolument nécessaire au renforcement des contrôles.  L'embargo sur les armes est un élément essentiel dans la recherche d'une solution au conflit en cours et la coopération aux plans régional et international est indispensable à sa mise en oeuvre effective, a-t-il déclaré.


Il a souhaité que la Conférence de juillet sur le commerce illicite des armes légères ait des résultats profitables aux travaux du Conseil sur la situation en Afghanistan.  Il a insisté sur le fait que les recommandations qui sont faites dans le rapport du Comité des sanctions relèvent de la responsabilité du Conseil qui doit prendre à leur sujet une décision rapide.  Il a exprimé le plein appui de sa délégation à l'idée d'adopter une stratégie intégrée déjà exprimée par le Secrétaire général dans son précédent rapport.


M. WANG YINGFAN (Chine) a déclaré que son pays examinerait attentivement les recommandations du Comité d’experts.  La Chine espère aussi qu’après la réunion d’aujourd’hui, le Comité des sanctions procèdera à un examen plus poussé des mécanismes à mettre en oeuvre.  La mise en place des mécanismes proposés exige que le Conseil prévoie des moyens conséquents en matière de financement et de personnel pour la réussite de l’oeuvre engagée.  Il ne servirait donc à rien de se hâter si l’on ne dispose pas des moyens de cette réussite.  La Chine demande que le Conseil écoute soigneusement les six pays voisins de l’Afghanistan.  Nous aimerions avoir des précisions sur certaines allégations avancées dans le rapport, qui semblent sans fondement, a ajouté le représentant.  La frontière entre la Chine et l’Afghanistan est de 92 kilomètres et se situe dans une région extrêmement montagneuse.  Aucun point de passage officiel n’existe entre les deux pays, et nous aimerions avoir des éclaircissements sur ce que le Comité d’experts et l’équipe d’appui qu’il prévoit d’installer, comptent aller faire dans cette région.


M. NOUREDDINE MEJDOUB (Tunisie) a jugé le rapport du Comité d'experts complet et exhaustif.  Il s'est réjoui de l'engagement des pays de la région à se conformer aux résolutions pertinentes et à rechercher une solution politique au conflit.  Il a soutenu l'approche visant à mettre en place une stratégie intégrée.


Le représentant a estimé toutefois que la création d'un bureau de contrôle et de surveillance posait des difficultés d'ordre pratique et que, la mise en oeuvre de ce mécanisme dépendant dans une large mesure de la coopération des pays voisins, il était indispensable de discuter avec ces pays et de recueillir leur avis.  Il a rappelé que certaines questions relatives aux armes légères faisaient encore l'objet d'examen par les Etats Membres et a estimé qu'il serait avisé d'attendre les résultats de la Conférence sur les armes légères qui doit se tenir en juillet.  Le représentant d’est d’autre part déclaré favorable à un contrôle strict des entrées et sorties d’anhydride acétique en Afghanistan.  Il a recommandé de prendre le temps nécessaire pour examiner ce rapport.


M. SERGEI LAVROV (Fédération de Russie) a déclaré que sa délégation souscrit aux propositions du Comité d’experts.  Les Taliban n’ont fait aucun effort pour répondre aux demandes des résolutions du Conseil et continuent de refuser de livrer Osama bin Laden à la justice internationale.  Ils continuent à miser sur une solution militaire, appuyés par une aide extérieure.  De nombreuses violations du droit international et humanitaire ont été commises ces derniers temps pas le régime en place à Kaboul, dont la dernière est l’imposition d’un signe vestimentaire distinctif à tous les habitants du pays qui ne sont pas d’obédience musulmane.  La Fédération de Russie remercie les six pays voisins de l’Afghanistan qui ont déclaré leur soutien à la mise en oeuvre des sanctions. 


Nous estimons que la fermeture des camps d’entraînement de terroristes et l’arrêt des ventes d’armes aux Taliban sont les mesures les plus urgentes à appliquer, a poursuivi le représentant.  Le Conseil et le Comité des sanctions doivent travailler en collaboration avec les voisins de l’Afghanistan.  Nous pensons que le bureau de surveillance de l'application des sanctions, qui est recommandé par le Comité d'experts, devrait être basé à New York, près du Conseil de sécurité et du Comité des sanctions, en vue de permettre une bonne collaboration entre ces organes.  La situation en Afghanistan doit être traitée de manière à permettre le retour de la paix dans ce pays et nous sommes prêts à oeuvrer en ce sens.


M. CAMERON HUME (Etats-Unis) a fait observer que les défis posés par la situation en Afghanistan étaient immenses et multiples.  Ce Conseil a dit maintes fois que les Taliban doivent cesser de soutenir les terroristes, a-t-il déclaré.  Nous sommes disposés à passer de la parole aux actes, notamment en appliquant efficacement l'embargo sur les armes. Nous soutenons la création d'un mécanisme de contrôle et l'élaboration d'une résolution décidant de sa création.  Ce bureau sera utile à la transmission d'informations et pour aider les pays limitrophes à satisfaire à leurs obligations au titre des résolutions pertinentes.  Il faudra toutefois veiller à ce qu'il n'interfère pas avec les mécanismes existants tels le dispositif de Waasenar ou Interpol.  Nous sommes d'accord également pour qu'il soit basé à New York où il pourra avoir des interactions avec le Conseil tout en ayant du personnel sur le terrain.  Les Etats-Unis sont en train d'évaluer les ressources dont ils peuvent disposer pour contribuer à la création de ce mécanisme, a-t-il conclu.


M. MAMOUNOU TOURE (Mali) a déclaré que les sanctions ne devraient pas avoir pour finalité de punir, mais plutôt de modifier les comportements des régimes contres lesquels elles sont adoptées.  Le Mali approuve les recommandations faites par le Comité d’experts dans son rapport, et est favorable à la création d’un bureau des Nations Unies pour assurer la surveillance et la mise en oeuvre des sanctions.  Nous soutenons l’envoi de petites équipes de spécialistes travaillant en collaboration avec les autorités des six pays voisins de l’Afghanistan.  La communauté internationale, selon nous, doit tout mettre en oeuvre pour sevrer les Taliban des fruits des trafics de drogues qui sont leurs principaux revenus financiers.


M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a qualifié d'exhaustif, créatif et utile le rapport présenté par le Comité d'experts et a indiqué que sa délégation souscrivait aux recommandations dans leur ensemble, notamment celle de la création d'un mécanisme de contrôle de l’application des sanctions avec des équipes d’appui sur le terrain pour aider les pays voisins.  Il a jugé utile de procéder dans un premier temps à une évaluation des besoins de ces pays.  Il a fait observer que la réflexion sur la création d'un tel mécanisme s'inscrivait dans le cadre plus large d'un système mondial de contrôle des sanctions mais que ceci n'empêchait pas de mettre en place en Afghanistan un mécanisme plus souple et plus léger.  Il a souhaité que l'on puisse avancer le plus vite possible sur ce sujet.  En ce qui concerne le financement, nous voulons être sûrs que le mécanisme soit financé de manière adéquate, qu'il le soit rapidement et qu'il n'y ait pas de coûts superflus, a-t-il déclaré, concluant que sa délégation était favorable à un fonds d'affectation spéciale.


M. DAVID COONEY (Irlande) a associé son pays aux recommandations du Comité d’experts.  L’Irlande est prête à contribuer au financement et aux besoins en personnels du mécanisme recommandé pour surveiller la mise en oeuvre des sanctions telle qu’elle est décrite par le Comité, a dit le représentant.


M. PASCAL TEIXEIRA DA SILVA (France) a estimé que le premier mérite des recommandations des experts était de mettre l'accent sur le rôle clef des pays voisins.  Ma délégation a noté leur engagement à appliquer les sanctions et à coopérer avec les Nations Unies, a-t-il indiqué.  Il faut les prendre au mot et les aider à surmonter les obstacles notés par les experts.  Ma délégation appuie le système de surveillance proposé qu'elle souhaite le plus léger et le plus souple possible.  Il a fait observer qu'il y aurait un intérêt évident à utiliser les synergies entre les différents organes de contrôle des sanctions et que de ce point de vue l'installation à New York était préférable.  Il a aussi exprimé la préférence de son pays pour un financement sur le budget ordinaire des Nations Unies car, a-t-il fait valoir, il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de rupture dans le financement qui serait préjudiciable au fonctionnement de ce mécanisme.


M. CURTIS WARD (Jamaïque) a estimé que les directives d’action du rapport ne pourraient être mises en oeuvre sans la proche collaboration des pays voisins de l’Afghanistan.  Il est encourageant que les six pays voisins de ce pays aient déclaré leur soutien à la mise en oeuvre des sanctions.  Mais la communauté internationale doit matériellement aider ces pays à concrétiser sur le terrain le soutien de principe qu’ils sont prêts à apporter au régime de sanctions contre les Taliban.  Il est important que les recommandations concernant le commerce régional de l’Afghanistan avec certains de ses voisins soient bien étudiées en vue d’en éviter des retombées négatives sur l’économie de ces pays.  Nous devons veiller à ne pas ajouter de nouvelles souffrances au sort déjà difficile des populations de cette région, a recommandé le représentant.


M. ANUND PRIYAY NEEWOOR (Maurice) a fait observer que la situation en Afghanistan semblait ne faire qu'empirer.  Il a exprimé le soutien de sa délégation à toutes les recommandations faites par le Comité d’experts.  Il a estimé que la création d'un mécanisme de contrôle était  appropriée et qu'elle devait être appuyée par des contributions volontaires.  Il a souhaité que le Conseil tienne un débat public sur tous les aspects de la question afghane.


M. PETER KOLBY (Norvège) a dit que son pays appuie l’approche réaliste préconisée dans le rapport pour surveiller et contrôler l’application des sancti0ons contre les Taliban.  L’idée de l’envoie d’équipes d’appui dans les pays voisins de l’Afghanistan est excellente, a estimé le représentant.  La Norvège pense cependant que le bureau qui serait chargé de la surveillance et de la coordination de l’application des sanctions devrait être installé à New York, malgré les arguments développés dans le rapport au profit de Vienne.  Nous sommes d’avis que ce mécanisme devrait, d’autre part, bénéficier d’un financement consistant et prévisible.


M. ZAINAL ARIF MANTAHA (Singapour) a estimé qu'il fallait examiner très attentivement les recommandations du Comité mais que le Conseil ne pouvait pas aller de l'avant sans consultations adéquates préalables avec les principaux pays qui mettent en oeuvre les sanctions.  Il a attiré l'attention sur le fait qu'il ne fallait pas que la création d’un mécanisme de contrôle entrave involontairement les actions des organismes humanitaires.  Cette observation s'applique notamment au contrôle des vols en direction de l'Afghanistan, a-t-il précisé.  Il a émis des réserves quant aux considérations voulant faire de ce mécanisme un modèle applicable à d'autres situations ce qui ne sera pas forcément possible compte tenu des spécificités de la question afghane. 


M. ANDRES FRANCO (Colombie) a souhaité que le Conseil de sécurité fasse pleinement participer les pays limitrophes de l’Afghanistan à la mise en place du mécanisme recommandé pour surveiller l’application des sanctions contre les Taliban.  La coordination entre les pays limitrophes et entre ces pays et l’ONU peut contribuer à créer une plus grande harmonie et une meilleure intégration des actions en vue d’aboutir à des résultats plus concrets, a estimé le représentant.  La Colombie souscrit totalement à la recommandation visant l’interdiction de la vente de précurseurs chimiques indispensables à la fabrication de l’héroïne en Afghanistan.  Nous participerons à l’étude détaillée des recommandations du Comité d’experts, dont entre autres, celle relative au lieu du siège d’un bureau de contrôle et de surveillance de la mise en oeuvre des sanctions.


M. RAVAN FARHADI (Afghanistan) a dénoncé la présence de forces étrangères en Afghanistan qu'il a désignée comme étant la principale cause du conflit actuel et des souffrances du peuple afghan.  Ces forces sont constituées, a-t-il déclaré, de la junte militaire pakistanaise, de groupes d'extrémistes religieux, des groupes d'Usama bin Laden dont le fameux Al Quaeda, de groupes extrémistes d'Asie centrale et du pseudo Emirat islamique des Taliban.  Cette alliance fait partie d'une stratégie plus large visant à la prise de contrôle de l'Asie centrale par le Pakistan, a affirmé le représentant.  C'est non seulement une menace pour l'Afghanistan mais pour la paix et la sécurité de la région et du monde.  La récente interview du Chef de la junte militaire pakistanaise publiée dans le journal russe Izvestia le 31 mai 2001 demandant la reconnaissance des Taliban est la preuve de la politique agressive du Pakistan en Afghanistan et dans la région.


Nous voulons à nouveau affirmer que l'Etat islamique d'Afghanistan est totalement convaincu qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit actuel dans le pays, a-t-il déclaré.  Les combattants étrangers doivent s'en aller et laisser les Afghans résoudre leurs problèmes par la négociation.  Il est grand temps que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités au regard de la Charte des Nations Unies, sauve le peuple afghan et rétablisse la paix dans la région.  Il faut que le Conseil considère l'agression du Pakistan en Afghanistan et décide des mesures à prendre pour rétablir la paix et la sécurité.


Le représentant a exprimé son soutien aux recommandations du Comité d'experts et notamment à la création d'un mécanisme de contrôle de l’application des sanctions contre les Taliban.


M. HADI NEJAD-HOSSEINIAN (République islamique d’Iran) a estimé que le rapport du Comité d'experts vient à un moment où le mépris affiché par les Taliban pour les requêtes de la communauté internationale devient de plus en plus évident. Les Taliban, a ajouté le représentant, tentent de passer outre une résolution qui exprime véritablement le sentiment de la communauté international et qui, entre autres choses, est approuvée par trois Etats islamiques du Conseil.  Dans le cadre des efforts tendant à amener les Taliban à respecter ladite résolution, le représentant a salué les recommandations contenues dans le rapport du Comité d'experts.  Il a ensuite attiré l'attention sur le fait que la plupart des pays voisins de l'Afghanistan, "qui ont eu à faire face à des difficultés et à des troubles découlant de la guerre civile et de l'anarchie afghanes", ont besoin d'une assistance de la part de la communauté internationale, en particulier pour ce qui est de la modernisation des services frontaliers comme l'indique le rapport du Comité d'experts. 


Dans ce contexte, le représentant a mis l'accent sur "la croisade du Gouvernement iranien contre le trafic de drogues de la mafia" qui a conduit à la saisie de 263 tonnes de drogues au cours de la seule année dernière.  Il a ainsi estimé que le stationnement d'équipes d'appui à l'application des sanctions dans la région serait compatible avec les droits souverains des pays.  Il a néanmoins ajouté que certains aspects du mandat proposé pour ces équipes et pour celui du bureau pour le contrôle et la coordination de l'application des sanctions méritent des clarifications.  Partant, le représentant a jugé que des consultations entre les pays concernés et les membres du Conseil de sécurité, avant toute décision, ouvriraient la voie à une application  sans heurts de toute décision finale.


M. ALISHER VOHIDOV (Ouzbékistan) a estimé que le rapport du Comité d’experts proposait un schéma de dispositif de contrôle efficace des mesures décidées par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  C'est à raison que l'on affirme que les fonds illicites et le trafic des armes destinées à l'Afghanistan sont des causes majeures de l'instabilité en Afghanistan, a-t-il déclaré.  Mon pays est prêt à participer à un programme de contrôle d'armes qui sera examiné en juillet lors de la Conférence sur les petites armes.  Il s'est dit d'accord avec l'idée que la surveillance de l’acheminement des drogues est une composante du contrôle de l’embargo sur les armes.


Il a indiqué que sa délégation appuyait la proposition de créer un mécanisme des Nations Unies qui contrôlerait l'application des sanctions et dont une des missions serait de coordonner les activités existantes.  Il a jugé intéressante l'idée de créer des groupes d'appui mais a estimé que ses modalités d'application devaient être affinées.  Selon le représentant, la création d'une base de données serait également utile mais il serait préférable pour cela de renforcer les dispositifs existants.  Il a suggéré que la branche chargée de la lutte antiterroriste au Bureau de contrôle des drogues et de la prévention du crime de Vienne soit transformée en centre international qui pourrait collecter et analyser les informations sur les centres d'entraînement au terrorisme.  Cela nous paraît la solution la moins onéreuse, a-t-il fait valoir, et nous espérons vivement que cette proposition sera appuyée par les membres du Conseil.  Il a renouvelé l'appui de sa délégation aux propositions du Groupe d'experts.


M. SHAMSHAD AHMAD (Pakistan) a déclaré que sa délégation ferait part à une date ultérieure de son opinion sur les recommandations du rapport des experts dont le Pakistan rejette catégoriquement certaines allégations qui le mettent en cause.  Soucieux du droit international, le Pakistan respecte scrupuleusement les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la situation en Afghanistan et l’a démontré en recevant sans réserve la délégation du Comité d’experts.  Bien que pensant que les sanctions sont un instrument mal adapté au règlement des problèmes internationaux, le Pakistan respecte les textes et les obligations énoncées par le l’ONU et le Conseil à l’intention des Etats Membres.  Les sanctions actuelles sont à l’origine d’une grande partie des souffrances du peuple afghan dont le drame a commencé lors de l’invasion de son territoire par l’ex-Union soviétique.  Il est étrange que les anciens adversaires de la guerre froide soient aujourd’hui partenaires pour combattre le peuple afghan, dont le courage et le sacrifice ont servi la cause de l’Occident et ont accéléré le déclin soviétique.  La communauté internationale a abandonné les Afghans après les avoir utilisés pour atteindre des objectifs stratégiques majeurs.  L’occupation soviétique a été suivie par une guerre civile entre seigneurs de la guerre encore actifs aujourd’hui.  Les Talibans sont le dernier groupe arrivé sur la scène politico-militaire afghane, il serait donc injuste et mensonger de les rendre responsables des souffrances de l’Afghanistan.  La communauté internationale et ce Conseil de sécurité, qui prend des sanctions contre un peuple déjà moribond, sont les véritables responsables.  Nous ne croyons pas aux sanctions “intelligentes”, car il n’y en a pas.


On a beaucoup dit que les sanctions n’avaient pas d’impact direct sur les nouveaux problèmes humanitaires de l’Afghanistan.  Mais pourquoi les Afghans n’auraient-ils commencé leur exode qu’après la décision de l’ONU de prendre des sanctions contre l’Afghanistan?  Selon les chiffres du Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus d’un million de personnes se sont déplacées à la recherche de moyens de survie après les sanctions de l’ONU qui sont donc clairement responsables de la crise humanitaire actuelle en Afghanistan.  L’acharnement contre les Taliban et l’isolement de l’Afghanistan ne serviront à rien.  Il est simplement temps de prendre à bras le corps l’intégralité des problèmes de l’Afghanistan.  Il est temps de reprendre le processus de paix qu’avait lancé le Secrétaire général avant les sanctions.  Tout en fournissant une aide humanitaire, il est cependant important que la communauté internationale et les travailleurs humanitaires respectent l’identité religieuse et culturelle des Afghans.  Plus de 2 millions de réfugiés afghans vivent en ce moment au Pakistan.  Nous avons besoin de la communauté internationale et de moyens accrus pour les nourrir, les soigner et les protéger.  Aucun embargo sur les armes ne pourra d’autre part résoudre la question militaire en Afghanistan, les parties qui ne subissent pas d’embargo pouvant continuer à s’armer et à entretenir le conflit.  S’il y a donc embargo sur les armes, il doit faut qu’il soit appliqué à tous.  Concernant la discussion d’un projet de résolution sur les mécanismes de surveillance des sanctions, le Pakistan estime qu’aucun pays au monde n’a le moindre intérêt à voir se poursuivre le conflit afghan et qu’il serait donc erroné de penser que le Pakistan pourrait s’opposer à ce genre de texte.


Répondant aux représentants, M. HAILE MONKERIOS, Président du Comité d'experts chargé d’examiner les modalités du contrôle de l’embargo, s'est dit extrêmement encouragé par les commentaires faits sur les recommandations du Comité.  A propos de la coopération du Comité avec les pays voisins de l'Afghanistan, il a indiqué que le Comité avait généralisé les points de vue des pays limitrophes à l'exclusion de la Chine.  Il a fait observer qu'il était nécessaire toutefois de procéder à une évaluation de leurs besoins et de leurs souhaits à cet égard.  Si la Chine n'éprouve pas le besoin de mettre en place un tel système, nous en prendrons bonne note, a-t-il indiqué.


Les recommandations concernant le contrôle des armes ne sont encore que des propositions que nous soumettrons lors de la Conférence sur le commerce illicite des armes légères en juillet, a-t-il précisé, mais nous n'en considérons pas moins que certaines de ces mesures pourraient être très efficaces dans le contrôle du trafic d'armes en général.  Les sanctions ne doivent pas être isolées de l'action globale menée par les Nations Unies.  Si l'on considère qu'elles sont partie prenante d'un effort politique, alors l'aspect coordination est le plus important.  Nous avons entendu ce discours de la part de certaines équipes humanitaires qui ont réagi en disant n'avoir rien à voir avec les sanctions.  Il faut faire changer cela et c'est d'ailleurs en train de se produire.  Il faut que chaque maillon soit conscient qu’il fait partie d'un ensemble.


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