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CS/2119

LE HAUT COMMISSAIRE POUR LES REFUGIES DEVOILE UN PLAN POUR LE RETOUR DES REFUGIES DE SIERRA LEONE ET DEMANDE UN RENFORCEMENT DE LA MINUSIL

08/03/2001
Communiqué de presse
CS/2119


Conseil de sécurité

4921e séance - après-midi


LE HAUT COMMISSAIRE POUR LES REFUGIES DEVOILE UN PLAN POUR LE RETOUR DES REFUGIES DE SIERRA LEONE ET DEMANDE UN RENFORCEMENT DE LA MINUSIL


Plusieurs membres du Conseil expriment leurs doutes sur la volonté

de coopération du Front révolutionnaire uni


Comment venir en aide aux quelque 450 000 réfugiés en Guinée, dont environ 330 000 sont originaires de Sierra Leone?  En renforçant le mandat et les effectifs de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL), de manière à lui permettre de prendre le contrôle de la région proche de la frontière entre ce pays, la Guinée et le Libéria et de garantir ainsi la création en Sierra Leone d’un couloir humanitaire - un « passage sûr » - avec le consentement des rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF), a plaidé cet après-midi devant le Conseil de sécurité le Haut Commissaire pour les réfugiés, M. Ruud Lubbers.  Les suggestions de M. Lubbers ont toutefois laissé sceptiques plusieurs membres du Conseil de sécurité.  Ceux-ci ont exprimé des doutes sur la possibilité pour la MINUSIL d’assumer le rôle souhaité par le Haut Commissaire.  Plus encore, ces délégations ont affiché leur méfiance face au RUF.  Pour sa part, M. Lubbers, se défendant de toute naïveté à l’égard des rebelles, a estimé que ce dernier a peut-être intérêt à changer de politique et qu'il faut saisir l'occasion.


Dans le cadre de l'examen de la situation en Afrique de l'Ouest, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés était venu expliquer au Conseil les principaux points d’un plan d’action présenté par le HCR au RUF.  Ce plan, présenté il y a environ trois semaines à l’issue d’une visite de M. Lubbers en Afrique de l’Ouest, mais jusqu’alors confidentiel, cherche à inciter le RUF à s’abstenir de toute attaque sur le territoire frontalier de la Guinée et à abandonner la zone qu’il contrôle en Sierra Leone près de la frontière au profit de la MINUSIL.  En contrepartie, le HCR offrirait ses bons offices pour tenter de convaincre les autorités et l’armée guinéenne de ne pas mener d’opérations contre les membres du RUF du côté sierra-léonais de la frontière.  L’objectif du HCR est de créer les conditions d’un passage sûr permettant aux nombreux réfugiés installés dans la région de la Languette en Guinée de rentrer chez eux en Sierra Leone.  Mais, pour que les réfugiés rentrent chez eux, il faut que les zones qu’ils avaient fuies aient été abandonnées par le RUF au profit de la MINUSIL, a expliqué M. Lubbers, qui a donc demandé au Conseil de renforcer les effectifs et le mandat de la Mission.


(à suivre – 1a)


Toutefois, lors du débat - auquel ont pris part tous les membres du Conseil de sécurité, à l'exception de la Fédération de Russie, ainsi que les représentants de la Guinée et de la Sierra Leone - plusieurs délégations, à l’instar de celle des Etats-Unis, ont estimé que "les risques pour la vie des réfugiés sont trop grands et que le RUF n'est pas assez digne de foi".  Tout en comprenant ces réserves, le représentant de Singapour a, lui, au contraire estimé que les impératifs humanitaires rendent indispensables la coopération et les contacts avec le RUF.  Quant au renforcement de la MINUSIL, si le représentant de l'Ukraine s'y est montré favorable et a annoncé l'envoi, dès demain, de forces supplémentaires par son pays, les représentants de la France et du Royaume-Uni ont, quant à eux, insisté pour que la mission se concentre sur son mandat actuel, qui ne pourrait être étendu que dans une phase ultérieure.  Pour le représentant des Etats-Unis, la priorité consiste à prévenir une catastrophe humanitaire.  C'est pourquoi, il vaut mieux aider, notamment financièrement, le HCR à protéger et sécuriser les réfugiés et personnes déplacées en les réinstallant dans des camps plus éloignés de la frontière.  Pour la France également, le premier devoir est aujourd'hui d'aider la Guinée à réinstaller sur son sol les réfugiés qu'elle accueille déjà avec beaucoup de générosité, d'autant que les retours volontaires, dans l'état actuel des choses, ne pourront pas être très nombreux.


Pour sa part, le représentant de la Guinée a confirmé que les personnes actuellement réfugiées dans son pays et qui ne souhaitent pas encore rentrer en Sierra Leone seront accueillies dans des camps plus éloignés de la frontière.  Il a demandé à l'ensemble de la communauté internationale d'accroître l'aide en faveur de son pays pour lui permettre de continuer à mieux supporter et gérer le poids de la présence massive et prolongée de réfugiés.  Au Conseil de sécurité, il a demandé de poursuivre son oeuvre en faveur de la restauration de la paix et de la sécurité en Afrique de l'Ouest en ayant tout particulièrement pour objectif la cessation des hostilités en Sierra Leone, l'arrêt des incursions rebelles aux frontières guinéennes, la sécurité pour tous les Etats de la sous-région, ainsi que la relance de la coopération entre son pays, la Sierra Leone et le Libéria dans le cadre de l'Union du fleuve Mano. 


Le représentant du Mali a rappelé que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), actuellement présidée par son pays, a proposé récemment de déployer le long des frontières de ces trois pays une force multinationale et a ajouté qu'un sommet extraordinaire de la CEDEAO devrait, dans les prochains jours, traiter de la situation dans la sous-région.  Plusieurs intervenants ont par ailleurs souligné que la situation en Guinée mettait une fois de plus en lumière la nécessité de faire respecter les sanctions imposées par le Conseil.  A cet égard, ils se sont félicités des sanctions que le Conseil de sécurité a envisagées, hier, de prendre contre le Libéria si celui-ci ne cesse pas dans les deux mois son soutien au RUF.


LA SITUATION LE LONG DE LA FRONTIERE ENTRE LA GUINEE, LE LIBERIA ET LA SIERRA LEONE


Exposé du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés


M. RUUD LUBBERS, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a tout d'abord, en cette journée mondiale des femmes, rendu hommage aux femmes réfugiées.  En leur nom, il a rappelé qu'il avait demandé, lors de sa mission en Afrique de l'Ouest en février, un droit d'accès libre et sûr aux réfugiés et un droit de libre passage pour les réfugiés.  Il a noté que depuis son voyage, la coopération avec l'armée et les autorités de la Guinée s'est améliorée.  Il a distribué un document actualisé concernant les opérations du HCR en Guinée, tant en ce qui concerne les transferts de réfugiés que les sites d'accueil et la situation dans la région de la Languette.


Le Haut Commissaire a ensuite fait le point sur l'évolution en Sierra Leone depuis sa lettre du 21 février au Secrétaire général.  Avec l'aide du Président Kabbah de la Sierra Leone, la MINUSIL et le HCR sont parvenus, via un Groupe de contact, à obtenir du RUF (Front révolutionnaire uni de Sierra Leone) quelques résultats sur le principe de libre accès et de libre passage pour les réfugiés.  Expliquant qu'il avait, dans un premier temps, préféré garder le secret sur le contenu du plan d'action relatif au RUF, il en a révélé les premiers éléments.  Par ce plan, le HCR, via le Groupe de contact, invite le RUF à adhérer à l'accord déjà accepté par les présidents de la Sierra Leone, du Liberia et de la Guinée concernant l'accès libre et sûr aux réfugiés, le libre passage des réfugiés en toute sécurité et la condamnation de tout acte tendant à s'opposer à ces deux principes. Partant du principe que le RUF est lui aussi prêt à adhérer à ces trois principes, le HCR lui demande également d'annoncer qu'il s'abstient de tout acte sur le territoire de la Guinée.  Dès que le HCR aura reçu une confirmation publique de la part du RUF, il utilisera ses bons offices pour inviter le Gouvernement de la Guinée à s'abstenir de toute action militaire dans la région de Kambia, afin que la route de Forecariah à Kambia puisse devenir une "route sûre" pour le retour en Sierra Leone des personnes réfugiées en Guinée.


Ce plan d'action, a expliqué M. Lubbers, constitue la base des contacts avec le RUF depuis trois semaines.  Il a commencé d'être mis en place et, de manière générale, les principes de libre accès et de route sûre, essentiels pour le transit des réfugiés vers et depuis le bec de Perroquet, sont respectés, y compris par le RUF qui, jusqu'à présent, s'est abstenu de toute action en Guinée. Cet état de fait a déjà des conséquences positives en Guinée, a poursuivi le Haut Commissaire, et il a contribué à l'amélioration des relations entre le RUF et la MINUSIL ainsi qu'à un vrai début d'application du mandat de la Mission.  L'accès sécurisé et le passage sûr se sont ainsi révélés d'une importance considérable non seulement pour les réfugiés, mais aussi en tant que mesure de confiance.


Pourtant, la Sierra Leone reste fragile et vulnérable. Il faut donc agir prudemment, par étape. La prochaine consistera à prendre les mesures nécessaires pour faire de la route de Forecariah à Kambia un passage sûr pour le retour des réfugiés en Sierra Leone.  M. Lubbers a déclaré avoir des informations selon lesquelles le gouvernement de Guinée et son armée sont prêts à assurer la sécurité de la route tout en s’abstenant  de toute activité militaire de l’autre côté de la frontière, qui est sous le contrôle du RUF.  D’autre part, il a affirmé disposer d’informations selon lesquelles le RUF serait disposé à quitter la région de Kambia afin de laisser le contrôle de cette région à la MINUSIL.

Cependant, la MINUSIL est trop faible pour assurer cette charge et doit être renforcée, a déclaré M. Lubbers, qui a expliqué être venu demander exactement cela au Conseil: le renforcement de la MINUSIL, qui doit être suffisamment pourvue en troupes et dotée d’un mandat solide.  C’est essentiel pour les réfugiés, c'est essentiel pour la stabilité et l’avenir de la Sierra Leone.


Pour M. Lubbers, si la MINUSIL est suffisamment renforcée pour prendre le contrôle de la région de Kambia, certains réfugiés qui souhaitent rentrer le feront. Ce nombre sera limité, mais il allègera le fardeau des personnes déplacées à Freetown et de réfugiés en Guinée.  En même temps, les réfugiés qui rentrent dans la zone de Kambia ne voudront revenir que si c’est la MINUSIL, et non plus le RUF, qui la contrôle.  C’est donc le renforcement de la MINUSIL qui est la priorité absolue.  Le temps est venu de mettre en avant les besoins humanitaires et d’en faire une priorité partout en Sierra Leone.


M. Lubbers a constaté que les sanctions contre le Libera ont été adoptées par le Conseil de sécurité hier, et que les initiatives de la CEDEAO ne se sont pas concrétisées depuis le 21 février.  Il a demandé aux pays donateurs de fournir 20 millions de dollars de plus pour que le HCR puisse poursuivre ses activités dans la région.


Déclarations


MME PATRICIA DURRANT (Jamaïque) s'est félicitée que le Haut Commissaire se soit concentré sur la situation des femmes réfugiées en cette Journée internationale des femmes.  La question de la protection des civils dans cette zone de l'Afrique, mais aussi dans de trop nombreux conflits, est devenue une source de préoccupation très importante, a-t-elle poursuivi.  A l'heure où le Conseil se réunit plus de 135 000 personnes voient leur vie sérieusement mise en péril.  L'approche régionale à la crise implique des critères de priorité et il est satisfaisant que le HCR ait adopté une approche semblable.  Au total, ce sont près d'un demi-million de réfugiés qui sont pris au piège de la spirale de la violence et de la pauvreté.  En outre, il est très difficile de faire parvenir l'aide à ces populations, situation que compliquent davantage les attaques répétées le long de la frontière guinéenne.  Compte tenu de ces faits, le Conseil doit envisager la situation sur deux plans.  Tout d'abord, il lui faut répondre à la situation d'urgence.  Ensuite, il doit se pencher sur la situation à plus long terme de l'ensemble de la sous-région en s'efforçant de trouver une solution politique durable, qui ne pourra être trouvée qu'avec la pleine coopération des organisations de la région et de celle des pays concernés, a souligné la représentante.


S'agissant des aspects humanitaires, Mme Durrant s'est dit préoccupée de constater que la réinstallation des 135 000 prisonniers dans la région de la Languette demandera beaucoup de temps, puisque, par exemple, il est même envisagé que les déplacements de certains réfugiés aient lieu à pied.  Ceci est, aux yeux de la Jamaïque, très préoccupant dans la mesure où tous les rapports indiquent que les combats se poursuivent.  Il semble par conséquent que ces réfugiés courent un grand risque.  C'est pourquoi, Mme Durrant a demandé à M. Lubbers dans quelle limite de temps pense-t-il que cette réinstallation des réfugiés pourra être assurée.  La Guinée a


pendant plusieurs années offert l'asile à des milliers de réfugiés.  Toutefois les combats ont dérivé et se passent à l'intérieur du territoire guinéen.  Si des mesures ne sont pas prises d'urgence, les réfugiés de la région de la Languette passeront dans les statistiques, a averti Mme Durrant, avant de demander au HCR de mettre au point un plan d'action d'urgence.


La délégation jamaïcaine est aussi préoccupée de voir que la MINUSIL n'est pas en mesure d'agir efficacement face à cette crise, faute essentiellement de personnel.  La paix durable dans cette région dépend de l'arrêt des activités du RUF.  C'est pourquoi il faut tout mettre en œuvre pour que les dispositions de la résolution adoptée hier sur le Libéria et celles concernant plus particulièrement le RUF soient pleinement respectées.  Il faudra aussi faire en sorte que lorsqu'ils retourneront dans leur pays, les réfugiés seront orientés vers des zones sûres et en tout état de cause loin de celles contrôlées par le RUF, a souligné la représentante en conclusion.


M. JEREMY GREENSTOKE (Royaume-Uni) s’est félicité des progrès accomplis récemment par le HCR et d’autres agences, notamment dans la région de la Languette, et il s’est félicité de l’engagement du Gouvernement de Guinée à accueillir ces réfugiés de pays voisins et leur fournir une protection. Il a appelé toutes les parties à mettre fin à la violence. Une grande confusion règne dans la région et tous les gouvernements doivent faire preuve de retenue et de responsabilité, a affirmé le représentant, qui a notamment demandé à la Guinée de s’abstenir d’utiliser des hélicoptères de combat si ceux-ci sont dangereux pour les réfugiés.


M. Greenstoke s’est demandé si le renforcement de la MINUSIL pouvait servir les besoins immédiats du Haut Commissaire.  Le mandat à long terme de la MINUSIL est différent de ce que le lui demande M. Lubbers, a-t-il constaté, tout en reconnaissant la nécessité d’un plan d’urgence pour les réfugiés.  Mais, pour

M. Greenstoke, il n’est pas possible de garantir collectivement la perspective d’un passage réellement sûr pour les réfugiés. Il faudrait au moins trois bataillons actifs entiers pour créer un passage sûr d’un kilomètre de large entre la région de la Languette et la frontière, a-t-il estimé. Or, la MINUSIL n’a pas actuellement un seul bataillon à avancer dans sa propre zone. Il y a donc un problème de choix : il faut rechercher un compromis raisonnable entre le court et le long terme. D’autre part, le Royaume-Uni a des doutes sur la bonne foi du RUF.  On ne peut se fier à sa bonne foi. Il doit donc y avoir un élément dissuasif pour que le RUF se conforme à ce qu’on lui demande, a déclaré le représentant.


M. Greenstoke a estimé que, pour le rapatriement des réfugiés, il faut tenir compte de la capacité tant de la Sierra Leone et du Libéria que de la Guinée à faire face au flot de réfugiés. Une action régionale est souhaitable. Quelle pourrait ainsi être l’action de la CEDEAO, en temps voulu ? s’est–il interrogé.


M. OTHMAN JERANDI (Tunisie) a exprimé sa profonde préoccupation concernant les millions de réfugiés et de personnes déplacées dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, ainsi que sa crainte de voir les actes de violence se propager encore davantage.  Il a soutenu et félicité le nouveau Haut Commissaire pour les réfugiés, M. Ruud Lubbers, parce qu’il a su engager un dialogue constructif avec les Etats concernés et déployé des efforts louables en vue de trouver une solution.  Il s’est félicité de l’engagement des Présidents guinéen, sierra-léonais et libérien de respecter la liberté d’accès et de passage des personnes vulnérables vers des zones plus sûres et a engagé le Front révolutionnaire uni à adhérer sans réserve à ce plan.  Le long processus engagé requiert d’abord une réponse rapide à certaines questions pratiques, a-t-il souligné.  Ainsi, il a souhaité qu’on détermine les instances et mécanismes de protection des personnes déplacées, des réfugiés et des populations locales, ainsi que des acteurs non étatiques impliqués.  Il faudra aussi déterminer les instances qui seront chargées de superviser la mise en place de cette initiative, qui ne pourront être ni l’armée guinéenne ni la Mission des Nations Unies en Sierra Léone.  Le représentant a sollicité l’appui rapide et concret de la communauté internationale.  Selon lui, la mission interinstitutions permettra de cerner rapidement les besoins prioritaires des pays de la sous-région et d’évaluer l’impact de la présence des réfugiés sur la situation économique, sociale et humanitaire des Etats concernés, ainsi que les besoins en logistique.  La délégation de la Tunisie attend avec grand intérêt le rapport de cette mission, a déclaré M. Jerandi.  Il a appelé toutes les parties à conjuguer leurs efforts en vue d’assurer les assises d’une paix et d’une stabilité durables et a rappelé qu’il souhaitait une action multidimensionnelle de consolidation de la paix.  Il a donc appelé les pays donateurs et les institutions financières internationales à réaffirmer leur engagement et solidarité envers ces populations.  Enfin, il a réitéré son attachement au respect de l’intégrité physique du personnel humanitaire et associé des Nations Unies et de l’inviolabilité de ses biens et locaux.


M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a expliqué que le premier sujet de préoccupation de la France concernant la situation en Afrique de l'Ouest est la crise humanitaire.  Le Conseil de sécurité a, aux côtés du HCR, un rôle important à jouer pour sortir les populations de cette région de la crise actuelle.  Or, le problème humanitaire est bien sûr un problème de personnes, mais aussi un problème politique.  Il convient donc d'aborder la question sur deux plans.  Il est à cet égard satisfaisant que le Haut Commissaire ait présenté avec autant de clarté son plan de rapatriement des réfugiés, a fait observer le représentant.  Toutefois, à l'instar de son collègue britannique, M. Levitte a fait part de ses lourdes interrogations quant à la coopération véritable qu'apportera le RUF, mais aussi d'autres groupes comme l'ULIMO.  Partant, on peut s'interroger sur le nombre des réfugiés qui effectivement pourront retourner dans leur pays, en particulier ceux originaires de la Sierra Leone. 


S'agissant du rôle de la MINUSIL, le représentant a prévenu qu'il lui faudra avant tout, et après avoir reconstitué ses effectifs aujourd'hui insuffisants, se concentrer sur le mandat que le Conseil lui a confié.  Ce n'est que dans un deuxième temps et avec des effectifs encore accrus que l'on pourra envisager de lui confier une autre tâche.  M. Levitte a aussi rappelé qu'une initiative, dont le mandat a évolué et qui prévoit désormais de déployer 1 700 militaires à la frontière entre la Guinée et le Libéria, a été mise au point avec les organisations régionales, dont la CEDEAO.  Un processus qui lui aussi demandera du temps et de la prudence, a-t-il ajouté.  C'est pourquoi, il apparaît clair aujourd'hui que dans l'immédiat, les retours volontaires de réfugiés ne pourront pas être très nombreux.  C'est pourquoi aussi, le premier devoir est aujourd'hui d'aider la Guinée à réinstaller sur son sol les réfugiés qu'elle accueille déjà avec beaucoup de générosité.  Quant à l'appel à la générosité que vient de lancer le Haut Commissariat, M. Levitte s'est dit confiant que son pays y répondra favorablement notamment pour permettre à la Guinée de réinstaller dans des zones sûres les réfugiés qu'elle accueille.


M. JAMES B. CUNNINGHAM (Etats-Unis) a déclaré que les attaques contre les réfugiés le long de la frontière guinéenne et l'instabilité qui prévaut dans l'ensemble de la sous-région est le reflet de l'appui que le Gouvernement du Libéria apporte aux activités du RUF.  C'est pourquoi la résolution adoptée hier par le Conseil et qui prévoit l'imposition de sanctions contre le Libéria constitue une étape importante.  Faire baisser le niveau de violence dans l'Ouest de l'Afrique en affaiblissant le RUF reviendra à avoir fait une grande partie du chemin vers l'élimination des causes profondes de la crise humanitaire qui menace les populations innocentes de trois pays, la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone.  Les Etats-Unis appuient les efforts visant à protéger et à sécuriser les réfugiés et personnes déplacées actuellement prisonniers dans le sud-est de la Guinée.  C'est ainsi qu'ils ont déjà mis 3,5 millions de dollars à disposition du HCR pour la réinstallation de ces personnes dans des camps plus éloignés de la frontière et qu'ils sont prêts à contribuer à nouveau aux besoins que pourrait avoir le HCR. 


"Notre priorité actuelle en Guinée est la prévention d'une catastrophe humanitaire", a indiqué M. Cunningham, ajoutant que la seule manière de le faire est de soutenir le processus d'évacuation des non-combattants, y compris les réfugiés, vers des zones plus sûres et plus facilement accessibles à l'aide humanitaire à l'intérieur de la Guinée.  La délégation américaine demande en conséquence au Haut Commissaire pour les réfugiés de rassembler tous les moyens financiers possibles pour soutenir cette tâche.  Les besoins immédiats de protection et d'aide doivent être la préoccupation première de toute prise de décision.  C'est pourquoi, le représentant n'a pas appuyé l'idée de créer des "couloirs de sécurité" traversant les territoires contrôlés par le RUF.  "Les risques pour la vie des réfugiés sont trop grands et le RUF n'est pas assez digne de foi", a expliqué M. Cunningham.  Il a ajouté que sa délégation n'appuyait pas non plus, en l'état actuel des choses, l'idée d'un retour rapide et massif des réfugiés en Sierra Leone, d'autant que 90% de ces réfugiés proviennent de régions aux mains du RUF.  Il a reconnu en revanche qu'il est essentiel de disposer d'une MINUSIL forte.  A cet égard, le Conseil examinera bientôt la possibilité d'étendre le mandat de la mission et éventuellement d'en augmenter sa taille et sa structure.  C'est seulement lorsque le Gouvernement sierra-léonais commencera à récupérer le contrôle de tout son territoire que le rapatriement à large échelle des réfugiés pourra démarrer avec l'aide de la MINUSIL, a averti le représentant.


M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a souligné que les causes politiques profondes qui sous-tendent la crise humanitaire en Guinée ont leur source dans les conflits du Liberia et de la Sierra Leone au cours de la décennie passée.  Pour remédier à une situation qui a fait 250 000 morts, 500 000 réfugiés et un million et demi de personnes déplacées, limitant les actions de la communauté internationale au domaine humanitaire, il faut fournir des solutions politiques et sûres.  Il est clair que de nombreux réfugiés se trouvant en Guinée sont disposés à courir les risques que comporte un retour au pays plutôt que de rester soumis aux intimidations et à la violence des groupes rebelles.  D'une certaine manière, nous sommes en train de transférer la pauvreté, le désespoir et l'incertitude qui règnent dans les campements de réfugiés d'un pays à l'autre.  Il est évident que le Gouvernement sierra-léonais n'est pas préparé à offrir aux nouveaux arrivants l'attention médicale, les services d'éducation et, a fortiori, les moyens d'existence qui leur permettraient de reconstruire leur vie.  De fait, le Gouvernement rencontre déjà des difficultés pour prendre soin des 300 000 personnes déplacées qui vivent dans la partie du territoire se trouvant sous son contrôle. 

Les donateurs internationaux doivent renforcer la capacité de réaction du Gouvernement de Freetown.  Il faut créer des liens entre l'aide d'urgence et l'aide au développement.  Si nous n'agissons pas aujourd'hui, il se pourrait que nous soyons en train de semer les germes du prochain cycle de conflits, dans ce pays ou dans la région, où les Nations Unies ont concentré leur plus important contingent de forces de maintien de la paix.  Par ailleurs, il faut que les acteurs régionaux fassent preuve de coopération.  La résolution sur les sanctions contre le Gouvernement du Libéria adoptée hier a envoyé un message clair sur les dispositions du Conseil dans ce sens.  Nous devons étendre cette collaboration aux autres membres de la CEDEAO, y compris aux gouvernements sierra-léonais et guinéen, pour que les sanctions dissuadent le Président Taylor d'appuyer les groupes insurgents de la région.  Nous avons remarqué que l'engagement de cette organisation régionale en faveur du déploiement d'une force d'interposition à la frontière guinéenne a faibli.  Il faut réexaminer ce qu'implique la présence de la MINUSIL sur le terrain et le résultat de ses contacts plus récents avec les représentants du RUF. 


Le représentant a demandé de quelle manière le HCR se propose de rompre le lien de dépendance envers l'assistance qu'ont créé les opérations de secours, afin que les rapatriés puissent reprendre une vie normale au sein de leur propre pays.  Il s'est interrogé sur le laps de temps qui s'écoulera avant que ne commence à se manifester une "lassitude des donateurs".  Il s'est également demandé si les nouveaux arrivants ne pourraient pas constituer un "vivier" d'alliés potentiels dans la lutte du RUF contre le gouvernement.


M. MOCTAR OUANE (Mali) a fait part de sa grande préoccupation face à la crise en Afrique de l’Ouest et a appuyé fermement les suggestions et propositions du Haut Commissaire pour les réfugiés.  Il a rappelé les efforts entrepris par la CEDEAO pour tenter de mettre fin à cette crise, qui secoue la sous-région depuis une décennie. La CEDEAO a œuvré inlassablement à la recherche d’un règlement politique global et durable, a-t-il affirmé, citant notamment les résultats de la conférence de Bamako, visant à la sécurisation de la frontière entre la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia et le rétablissement de la confiance entre ces trois pays.  Il s’agit de déployer sur les frontières de ces trois pays une force multinationale. En outre, les dirigeants de ces trois pays se sont engagés à empêcher des individus armés d’utiliser leur territoire pour préparer des attaques contre un pays voisin. Enfin, un sommet extraordinaire de la CEDAO devrait dans les prochains jour traiter de la situation dans la sous-région.


M. Ouane a estimé que la priorité est de parvenir à un accord formel entre la MINUSIL, le RUF et les gouvernements sierra-léonais et guinéen sur l’établissement de couloirs de sécurité sûre. Il a souhaité que M. Lubbers puisse apporter des compléments d’information face aux commentaires sceptiques de certaines délégations.  M. Ouane a salué l’à-propos de M. Lubbers quand il affirme que la communauté internationale doit se pencher sur la crise en Afrique de l’Ouest.  Il y a certes l’aide humanitaire d’urgence, mais le Conseil de sécurité doit faire preuve de la volonté politique nécessaire.  Rappelant que le Haut Commissaire pour les réfugiés a rencontré récemment les responsables de la Banque mondiale, M. Ouane lui a demandé s’il avait le sentiment que la Banque mondiale envisage de soutenir des projets spécifiques pour les réfugiés et personnes déplacées.


M. SHEN GUOFANG (Chine) a jugé préoccupante la détérioration de la situation humanitaire. Il a pris note des efforts du Haut Commissaire pour les réfugiés et estimé que ses efforts pour obtenir la mise en place d’un passage sûr pour les réfugiés constituent une très bonne initiative, qui devrait être formalisée. Il a jugé encourageantes les intentions exprimées par le Front révolutionnaire uni (RUF) pour collaborer en ce sens. Mais le représentant a exprimé des doutes sur la volonté du RUF à coopérer durablement. Le rapatriement des réfugiés exige un travail considérable.  Les efforts du HCR et l’aide de certains pays sont importants mais restent insuffisants, a estimé le représentant, qui a demandé qu’on continue d’aider le HCR et de contribuer à son programme spécial. La Chine a fourni une assistance bilatérale humanitaire à la Sierra Leone et à la Guinée.  Ce n’est pas une aide directe au HCR, mais cela peut aider son travail, a-t-il fait remarquer.


La situation humanitaire dans la région est aussi due au fait que, pendant longtemps, il n’y a pas eu de sanctions contre le RUF, a estimé le représentant. Aussi, a-t-il souhaité que la résolution adoptée hier par le Conseil et envisageant l’imposition de sanctions contre le Liberia, contribue à l’amélioration de la situation.


M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) s'est dit impressionné qu'en moins de deux mois, M. Lubbers ait pu à tel point attirer l'attention de la communauté internationale sur une situation humanitaire aussi grave.  Il a estimé que le plan que le Haut Commissaire venait de présenter était réaliste et a reconnu qu'il fallait à la fois un plan d'action immédiat et un autre à plus long  terme.  Tout en comprenant les réserves exprimées par plusieurs membres du Conseil,

M. Mahbubani a estimé que la volonté, du moins déclarée, du RUF de coopérer au plan de M. Lubbers était suffisamment remarquable pour ne pas l'ignorer.  Les impératifs humanitaires rendent, selon lui, indispensable la coopération et les contacts avec le RUF.  A l'image de la Colombie, la délégation de Singapour considère que la coopération de la CEDEAO est aussi cruciale au retour d’une paix durable dans cette région.  Le représentant a également salué la générosité de la Guinée qui a accueilli un nombre considérable de réfugiés sur son territoire.  Il a donc demandé à la communauté internationale de se montrer, à son tour, la plus généreuse possible tant envers le Gouvernement guinéen qu'envers le HCR.


M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a rappelé que la livraison de nourriture dans le sud-est de la Guinée effectuée fin février a été la première depuis le mois de septembre dernier. C’est là un signe de changement positif dans la région de Guekecdou. Néanmoins, la semaine dernière encore, on a signalé des attaques de rebelles contre le camp de réfugiés à Konin et un convoi de nourriture a été détourné. Le Haut Commissaire a expliqué qu’un accord a été conclu avec le gouvernement de Guinée concernant un passage sûr pour des réfugiés se déplaçant vers le Nord. Dans la situation actuelle, il est de la plus haute importance que les autorités guinéennes et les agences humanitaires coopèrent pour réinstaller ces groupes vulnérables.


Faisant état du début de rapatriement volontaire de réfugiés organisé par bateau par le Haut Commissariat pour les réfugiés et l’Organisation internationale des migrations à Freetown, le représentant s’est inquiété de la capacité de la Sierra Leone à les accueillir.  Il est essentiel que ces réfugiés ne deviennent pas des personnes déplacées de manière permanente dans leur pays. Le retour d’un grand nombre de réfugiés pourrait contribuer à la déstabilisation de telles régions.  M. Kolby a donc encouragé les autorités, de même que les agences humanitaires, à prendre des mesures pour prévenir toute nouvelle déstabilisation, si nécessaire avec l’assistance de la communauté internationale.


M. Kolby a rappelé que les personnes déplacées constituent un des groupes les plus vulnérables dans les conflits armés car elles ne sont pas protégées par un mandat international ou une organisation particulière.  Il faut donc faire face aux défis avec pragmatisme.  La Norvège apprécie la coopération entre le Gouvernement de Sierra Leone et le Conseil norvégien pour les réfugiés dans l’organisation à Freetown d’une conférence sur les personnes déplacées au mois de mars.  Le représentant a également condamné toutes les attaques contre les travailleurs humanitaires et a demandé aux gouvernements de la région de faire tout leur possible pour garantir la sécurité du personnel humanitaire et leur libre accès à ceux qui ont tant besoin d’eux.


M. ANUND PRIYAY NEEWOOR (Maurice) a déclaré que la situation humanitaire dépeinte par M. Rudd Lubbers est extrêmement préoccupante.  Les conditions consternantes dans lesquelles se trouvent les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays en Guinée et en Sierra Leone est un grave sujet de préoccupation.  Si des mesures ne sont pas prises immédiatement, nous nous dirigerons vers une véritable catastrophe humaine.  La situation va certainement s'aggraver avec le début de la saison des pluies en Afrique de l'Ouest. 


Nous trouvons encourageant que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial aient réussi à expédier des convois de nourriture dans la région du "Bec de perroquet" (Parrot's Beak) dans laquelle des réfugiés et des personnes déplacées sierra-léonais et guinéens n'avaient reçu aucune aide alimentaire depuis cinq mois.  Cependant, la délégation mauricienne déplore les difficultés que doivent affronter les groupes les plus vulnérables de la population, à savoir les personnes âgées, les femmes et les enfants.  Le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans reste très élevé.  Selon un récent rapport du International Rescue Committee (IRC), un tiers des nouveaux-nés dans le district de Kenema en Sierra Leone meurent avant leur premier anniversaire.


Les meurtres sans distinction de civils se poursuivent au même rythme à la frontière entre la Guinée et la Sierra Leone.  Les attaques des forces guinéennes sur les zones tenues par des rebelles dans la Sierra Leone voisine ont fait des vingtaines de morts et de blessés parmi les civils sierra-léonais, qui sont nombreux à ne pas avoir accès aux soins médicaux. 


La délégation mauricienne espère que le Gouvernement guinéen et l'armée étendront leur coopération au HCR pour la mise en place de couloirs de sécurité, en particulier le long de la route principale entre Gueckédou et Kissidougou ainsi que de la route menant à Conakry.  Nous appelons le Gouvernement guinéen à coopérer pleinement avec le HCR afin d'assurer un retour sûr des réfugiés en Sierra Leone.  Nous souhaitons connaître l'opinion de M. Lubbers sur les déclarations d'organisations non gouvernementales selon lesquelles les réfugiés hésiteraient à emprunter de tels couloirs de sécurité de peur d'être attaqués par le RUF dans les passages traversant des zones tenues par les rebelles.  Selon ces organisations, il vaudrait mieux que les réfugiés soient temporairement relocalisés dans le Nord de la Guinée.


M. MUHAMMED ENAYET MOWLA (Bangladesh) a estimé que la mission du HCR dans la région est cruciale, étant donné la situation d'insécurité qui y règne et qui ne cesse de se détériorer.  La prise pour cible des réfugiés et le fait qu'un grand nombre d'entre eux soient prisonniers, en raison des combats alentour, de la région de la Languette sont des éléments particulièrement préoccupant.  Comme d'autres membres du Conseil, le Bangladesh considère que le renforcement de la MINUSIL, demandé par M. Lubbers, ne peut s'inscrire que dans un cadre d'efforts à plus long terme.  Or, le sort des réfugiés est tel aujourd'hui qu'ils ne peuvent attendre.  Il faut donc développer un plan d'action d'urgence.  Pour cela, toutes les options doivent être examinées et le Conseil devrait donc tenir un débat approfondi sur cette question en s'appuyant sur des informations et recommandations claires du Secrétariat.  Il est important que le Conseil soit bien informé compte tenu notamment des positions divergentes concernant la validité des "corridors de sécurité".  Dans tous les cas, la situation doit être examinée rapidement, a insisté le représentant, avant de préciser que les pressions doivent aussi être renforcées sur le RUF et les pays qui le soutiennent.  La situation et les besoins financiers du HCR ne doivent pas non plus être ignorés et la communauté internationale devrait se montrer la plus généreuse possible envers cette institution.


M. DAVID COONEY (Irlande) a déclaré partager la préoccupation de la communauté internationale face aux réfugiées en Afrique de l’Ouest.  Il a demandé à tous de garantir l’accès au personnel humanitaire.  Il incombe à tous les pays de la région et à la communauté internationale de trouver une solution.  En ce sens, le Conseil de sécurité, qui a été actif dans la création de la MINUSIL, a adopté hier une résolution visant à priver le RUF d’aide, a rappelé M. Cooney.  L’Irlande exprime sa gratitude à la Guinée pour la solidarité admirable de son peuple envers les réfugiés des pays voisins. Le représentant a toutefois constaté des divergences sur la création et les conditions de la mise en place d’un passage sûr, tant au sein du Conseil que de la part des ONG.


M. FRANÇOIS L. FALL (Guinée) est tout d'abord revenu sur la résolution adoptée hier par le Conseil de sécurité concernant le Libéria.  Il a estimé qu'en décidant d'imposer "à juste raison" des sanctions contre ce pays, le Conseil a voulu donner un signal fort aux autorités de Monrovia pour mettre fin à leur soutien au RUF et aux autres groupes rebelles opérant dans la sous-région.  Il a rappelé qu'au cours des dix dernières années, la Guinée a accueilli sur son territoire un nombre impressionnant de réfugiés, atteignant par moment 800 000 personnes.  C'est pourquoi aujourd'hui, il n'est nul besoin de dire que la situation humanitaire préoccupante dans le sud-est du pays est due uniquement aux attaques armées perpétrées par des groupes rebelles avec le soutien du Gouvernement libérien, a-t-il affirmé.  Ces attaques n'ont pas épargné les camps de réfugiés et notamment la ville de Guéckédougou, abritant une grande partie d'entre eux.  Aujourd'hui, cette ville est quasiment détruite.  Or dès octobre 1999, le prédécesseur de M. Lubbers, Mme Sadako Ogata, avait mis la communauté


internationale en garde contre les incursions de rebelles aux frontières guinéennes.  Un appel qui n'a malheureusement pas été entendu, a regretté M. Fall, ajoutant que l'on ressent aujourd'hui douloureusement les conséquences de ces incursions puisque ce sont des centaines de milliers de réfugiés qui ont été dispersés dans la brousse et que des milliers de Guinéens ont été déplacés . 


Tenant compte du désir des réfugiés de retourner dans leur pays et, en coopération étroite avec le Haut Commissariat pour les réfugiés, le Gouvernement guinéen a déjà envisagé les mesures nécessaires pour sécuriser la vie de ces personnes, en attendant leur rapatriement, a expliqué ensuite le représentant.  Toutefois, si les conditions de sécurité semblent être réunies aujourd'hui à l'intérieur du territoire guinéen, le succès de l'opération de rapatriement nécessite la prise en compte préalable de certaines conditions, à savoir la création et la sécurisation d'un corridor humanitaire à l'intérieur du territoire de la Sierra Leone, et l'identification et la sécurisation de zones d'accueil dans ce même pays.  De son côté, le Gouvernement de la Guinée tient à assurer le Conseil de ses bonnes dispositions pour favoriser le succès d'une telle opération, a précisé M. Fall, avant d'indiquer que pour ceux des réfugiés qui souhaiteraient rester en Guinée, en attendant des conditions meilleures de sécurité en Sierra Leone, des dispositions seront prises en coopération avec le HCR pour leur transfert dans de nouveaux camps qui seront situés cette fois à l'intérieur du pays, loin des frontières.  Le Gouvernement guinéen est convaincu que la communauté internationale lui apportera tout son appui politique, économique, financier et logistique pour éviter d'aggraver le désastre humanitaire dans cette région. 


M. Fall a également indiqué qu'en appuyant l'adoption des sanctions contre le Libéria, son Gouvernement n'entendait nullement gêner les efforts de la CEDEAO mais plutôt amener les autorités de Monrovia à cesser leur soutien aux mouvements rebelles opérant dans la sous-région et favoriser ainsi le règlement pacifique de la crise sierra-léonaise.  Si les autorités libériennes respectent en effet tous les engagements contenus dans la résolution 1343, adoptée hier, alors la paix et la concorde reviendront dans notre sous-région", a affirmé le représentant.  Il a ensuite encouragé le Conseil de sécurité à poursuivre son œuvre en faveur de la restauration de la paix et de la sécurité en Afrique de l'Ouest en ayant tout particulièrement pour objectif la cessation des hostilités en Sierra Leone, l'arrêt des incursions rebelles aux frontières guinéennes, la sécurité pour tous les Etats de la sous-région, le retour des réfugiés au Libéria et en Sierra Leone, la réconciliation nationale dans ces deux pays ainsi que la relance de la coopération entre les trois pays dans le cadre de l'Union du fleuve Mano.  En conclusion, M. Fall s'est adressé à l'ensemble de la communauté internationale et lui a demandé d'accroître l'aide en faveur de son pays pour lui permettre de continuer à mieux supporter et gérer le poids de cette présence massive et prolongée de réfugiés.


M. VOLODYMYR YEL'CHENCKO (Ukraine) a déclaré qu'il faut de toute urgence résoudre la crise dans cette région de l'Ouest de l'Afrique.  Il a rendu hommage au Gouvernement de la Guinée pour la générosité dont il fait preuve en accueillant tous ces réfugiés.  Aux yeux de l'Ukraine, la plus haute priorité devrait être donnée à la mise en place de zones et de sécurité sûres pour les réfugiés, et ce en pleine coopération avec les organisations régionales et l'ensemble de la


communauté internationale.  Le Gouvernement ukrainien est aussi disposé à participer au renforcement de la MINUSIL, mission auprès de laquelle il a déjà envoyé quelque 500 militaires.  Dès demain, un hélicoptère ainsi que 110 personnels ukrainiens supplémentaires seront déployés à la MINUSIL, a annoncé

M. Yel'Chencko. 


La réunion d'aujourd'hui s'inscrit dans la droite ligne de celle d'hier, a poursuivi le représentant, et elle met une nouvelle fois en lumière la nécessité de renforcer l'application des régimes de sanctions.  Elle souligne également le besoin d'une interaction étroite entre le Conseil de sécurité et d'autres institutions, dans ce cas particulier le HCR.  Les efforts seraient encore plus efficaces s'ils étaient menés à bien dans un cadre plus large d'appui politique de l'ensemble de la région, a fait observer le représentant.  L'exposé de M. Lubbers indique clairement que l'action humanitaire seule ne suffira pas et ne permettra pas de résoudre les questions pour lesquelles, tant les parties concernées, que les organisations régionales et le Conseil de sécurité, doivent assumer leurs responsabilités.  Une autre discussion ouverte au sein du Conseil sera donc dans quelques jours nécessaire pour discuter notamment de l'élargissement de la MINUSIL, a prévenu le représentant, avant d'ajouter que le Conseil devra alors se montrer clair et déterminé.


Dans ses réponses aux questions des membres du Conseil, M. RUUD LUBBERS s’est défendu de faire preuve de naïveté face au RUF mais il s’est dit un peu plus optimiste du fait que les hostilités et les combats se sont ralentis de manière remarquable. C’est pourquoi le HCR a invité le RUF à participer au plan d’action. Il n’est pas sûr qu’on puisse faire confiance très longtemps au RUF, mais telle est la situation actuelle, a-t-il expliqué. 


Quant aux réfugiés, on peut en recevoir encore un certain nombre à Freetown par bateau, a déclaré M. Lubbers.  Répondant au représentant du Royaume-Uni, il a déclaré que tous les plans doivent avoir des visées à long terme.  Mais ce qui a été fait en février est bon aussi pour le long terme.  On a créé un petit moment de stabilité, profitons-en.  Le HCR par ailleurs, ne souhaite pas, contrairement au gouvernement de Sierra Leone, ouvrir la frontière sur toute sa longueur.  Le HCR veut simplement l’ouvrir à Kambia.  Cela nécessiterait moins de troupes de la MINUSIL, a-t-il expliqué.  Que souhaitent les réfugiés eux-mêmes ?  M. Lubbers a expliqué que la priorité du HCR est de réinstaller les réfugiés dans des lieux sûrs. Le HCR n’a pas actuellement de programme pour rapatrier tout le monde mais il étudie cette possibilité de choix pour une minorité de réfugiés. Ces derniers semblent souhaiter avoir plus de possibilités et le HCR doit leur expliquer qu’ils doivent rester et ne peuvent rentrer en Sierra Leone.  M. Lubbers a déclaré qu’il n’avait pas eu l’impression à Bamako que le FMI ou la Banque mondiale aient eu des projets particuliers pour les réfugiés.


M. Lubbers a estimé que le mandat de la MINUSIL ne pose pas de problème. Le problème est un problème de ressources et de troupes. Il existe peut-être des difficultés concernant l’utilisation prioritaire de celles-ci, a-t-il estimé.  Le représentant des Etats-Unis a déclaré qu’il ne pouvait pas appuyer la création de couloirs de sécurité à travers les territoires contrôlés par le RUF. Mais nous n’avons pas l’intention de le faire, a affirmé le Haut Commissaire.  Les discussions tenues avec le RUF ne concernent que le passage par Kambia, dont la MINUSIL pourrait prendre le contrôle.  Il ne s’agit pas de faire confiance au RUF, mais de mettre à l’épreuve sa conduite actuelle, ajouté M. Lubbers, qui a rappelé qu’il fallait agir avec prudence. On ne peut exclure que le RUF redevienne plus agressif à un moment ou un autre.  La présence de la MINUSIL doit donc être forte. Mais il ne faut pas non plus exclure que le RUF ait trouvé un intérêt politique à agir comme il le fait actuellement, en recourant moins à la violence et en tentant d’obtenir plus de crédibilité auprès de la population.  Il y a peut-être là un créneau à utiliser, a souligné le Haut Commissaire.


M. Lubbers a indiqué quels étaient les efforts de la MINUSIL et ceux de la CEDEAO.  La MINUSIL doit renforcer la Sierra Leone.  La CEDEAO cherche à trouver une solution à la situation à la frontière avec la Guinée. Si la CEDEAO pouvait garantir une partie cruciale de la frontière, il y aurait alors une vraie possibilité dans la mesure où on pourrait amener le RUF à ne pas intervenir en Guinée.  M. Lubbers a également laissé entendre que le RUF n’était peut être pas homogène.


M. IBRAHIM M'BABA KAMARA (Sierra Leone) a salué le degré d'engagement de

M. Lubbers qui s'est totalement impliqué pour faire face à cette catastrophe et a donné à la communauté internationale une idée claire de la situation tragique dans cette région.  La Sierra Leone essaie, de son côté, d'y répondre avec la plus grande générosité possible.  Le problème le plus grave aujourd'hui est l'intensité des hostilités le long des frontières des pays du fleuve Mano.  Même quand les canons se taisent, les menaces continuent de peser sur les réfugiés et ceux-ci, une fois rentrés, n'ont pas l'assurance qu'ils trouveront la paix et la sécurité dans leur village.  C'est pourquoi, les corridors de sécurité ne sont pas la seule solution, a estimé M. Kamara, en faisant remarquer que son pays est déjà submergé par le nombre des personnes qui sont rentrées.  Le représentant s'est félicité des résultats substantiels de la visite de M. Lubbers dans la région et a espéré qu'elle donnera des résultats supplémentaires après cette réunion du Conseil.


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