En cours au Siège de l'ONU

CS/2111

LES PROGRES RECENTS EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO CONSTITUENT UNE CHANCE PEUT-ETRE UNIQUE DE PARVENIR A LA PAIX

21/02/2001
Communiqué de presse
CS/2111


Conseil de sécurité

4279e séance – matin


LES PROGRES RECENTS EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO CONSTITUENT

UNE CHANCE PEUT-ETRE UNIQUE DE PARVENIR A LA PAIX


Le Président du Comité politique de l’Accord de Lusaka critique le plan d’opérations révisé de la MONUC et demande au Conseil de réexaminer les chiffres proposés


Les progrès enregistrés ces dernières semaines en République démocratique du Congo, dont la reprise du dialogue au plus haut niveau entre les parties et la cessation des hostilités sur la quasi-totalité du territoire congolais, constituent une chance peut-être unique à saisir si l’on veut parvenir à la paix.  C’est le constat qu’ont dressé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, tant le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, que le Président du Comité politique de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka et Ministre des affaires étrangères du Zimbabwe, M. Stanislaus Mudenge.   Au nombre des améliorations citées, ils ont tous deux mis plus particulièrement en avant le respect du cessez-le-feu depuis plus de trois semaines et l’adhésion des parties à l’accord de désengagement et de redéploiement des forces, signé à Harare le 6 décembre 2000.   L’intention du Rwanda de replier toutes ses troupes à 200 kilomètres de la ligne de front et le fait que le Président Joseph Kabila ait accepté M. Ketumile Masire comme Facilitateur du dialogue intercongolais ont été interprétés comme autant de signes augurant du retrait de toutes les forces étrangères présentes sur le territoire de la République démocratique du Congo et d’une volonté réelle de mettre fin au conflit.


C’est d’ailleurs seulement à ce prix que la communauté internationale et les Nations Unies pourront apporter une aide matérielle aux parties concernées, a prévenu clairement le Secrétaire général avant de présenter son plan d’opérations révisé pour la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) qui prévoit l’envoi, non plus de 5 537 militaires mais de 3 000 au maximum.  La date à laquelle ce personnel pourra être envoyé pour surveiller et vérifier les mesures que prendront les parties pour appliquer le plan de désengagement devra, selon lui, être fixée rapidement, par exemple dès que le Conseil aura achevé son débat de manière à ne pas perdre l’élan actuel, mais néanmoins avec soin, en s’assurant que les préparatifs nécessaires à l’efficacité de l’opération auront été menés à bien.


Toutefois le nouveau concept d’opération présenté inquiète M. Stanislaus Mudenge, à qui il donne «  une fâcheuse impression d'hésitation et de doute ».  Pour le Président du Comité politique, le moment n'est pas aux doutes et aux atermoiements, mais à un engagement ferme.  Le récent sommet de Lusaka a été clair en demandant le « déploiement rapide et complet des observateurs militaires et du personnel associé en RDC, tel qu'autorisé par la résolution 1291 du Conseil de


sécurité ». Réduire le nombre des militaires envoyés en RDC à moins de 3000 susciterait une impression de manque de sérieux, si ce n'est de cynisme flagrant, a ajouté M. Mudenge, pour qui une telle réduction équivaudrait à amender la résolution 1291 par la petite porte, au moyen d'une décision administrative particulièrement mal venue. 


M. Mudenge a donc lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu'il réexamine les chiffres proposés.  Pour lui, le Conseil doit non seulement assumer ses responsabilités conformément à l'Accord de cessez-le-feu, mais aussi assurer la mise en oeuvre intégrale de ses propres résolutions, y compris la résolution 1291.  « Que le Conseil prenne des mesures audacieuses et généreuses! » a lancé

M. Mudenge, qui a encore demandé au Conseil, non pas de renoncer à toute prudence, mais de prendre des risques calculés, comme il l'a fait au Timor oriental, en Sierra Leone ou au Kosovo.   Face à ces critiques, M. Annan a expliqué que la réalité, pour aussi peu plaisante qu’elle soit, était que les gouvernements fournissant des contingents aux opérations de maintien de la paix ne sont pas convaincus qu’ils doivent risquer la vie de leurs soldats dans une situation où les plus responsables n’entendent pas s’engager réellement.


Après ces interventions, les membres du Conseil de sécurité et du Comité politique de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka ont poursuivi leurs travaux en séance privée à laquelle participaient: le Ministre des relations extérieures de l’Angola, M. Joao Bernardo de Miranda; le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République démocratique du Congo, M. Léonard She Okitundu; le Ministre des affaires étrangères de la Namibie, M. Theo-Ben Gurirab; le Ministre au Cabinet du Président de la République du Rwanda,

M. Patrick Mazimaka; le Ministre d’Etat et Ministre des affaires étrangères de l’Ouganda, M. Alfred Mubanda; le Ministre chargé des affaires présidentielles de la Zambie, M. Eric Silwamba; le Ministre des affaires étrangères du Zimbabwe et Président du Comité politique, M. Stanislaus I.G. Mudenge; le Représentant du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) à la Commission militaire mixte,

M. Valentin Senga; le Secrétaire général du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), M. Azarias Ruberwa; le Représentant du Rassemblement congolais pour la démocratie-Kisangani (RCD-K), M. Pashi-Claver; le Ministre de la défense du Togo et Envoyé spécial du Président de la République du Togo, Président en exercice de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le Général Assani Tidjani; le Secrétaire général adjoint chargé des affaires politiques de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), M. Said Djennit; et le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la République démocratique du Congo, M. Kamel Morjane.


      Une résolution relative à la situation en RDC devrait être adoptée dans les prochains jours.


La situation concernant la République démocratique du Congo


Rappel des faits


La Mission d’observation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) a été créée par la résolution 1258 du 6 août 1999, à la suite de la signature le 10 juillet 1999 de l’Accord de Lusaka qui vise à mettre un terme au conflit qui oppose depuis août 1998, d’une part la RDC, soutenue par l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe et, d’autre part, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), soutenu par le Rwanda, le RCD-Bunia et le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), soutenus par l’Ouganda.  L’Accord a été signé par les chefs d’Etat des pays belligérants à l’exception de l’Angola, qui était représenté par son Ministre des affaires étrangères.  Le MLC l’a signé le 1er août, et les deux RCD, le 30 août.


L’Accord prévoit la cessation des hostilités, la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC, le retrait des forces étrangères, la création d’une Commission militaire mixte pour aider au désengagement des troupes, le règlement des problèmes de sécurité de la RDC et des pays voisins créés par la présence de divers groupes armés, la facilitation d’un dialogue intercongolais et la constitution d’une force de l’ONU.  Conformément à ce dernier point, le Conseil de sécurité a adopté le 6 août 1999, la résolution 1258 autorisant le déploiement dans les capitales des Etats signataires d’un personnel de liaison, composé de 90 militaires, pour assurer la liaison avec la Commission militaire mixte et mettre au point un concept d’opération de l’ONU.


Le 30 novembre 1999, le Conseil a décidé, par la résolution 1279, de faire de ce personnel la première composante de la Mission d’observation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC).  Subordonnant le déploiement complet de la Mission au respect du cessez-le-feu, au consentement des parties, aux progrès en matière de sécurité et au lancement du dialogue intercongolais, le Conseil décide trois mois plus tard, par la résolution 1291 du 24 février 2000, de renforcer la MONUC en autorisant des effectifs pouvant aller jusqu’à 5 537 militaires, y compris 500 observateurs et le personnel d’appui civil nécessaire.  Par la même occasion, il renforce le mandat de la Mission et la charge, entre autres, désormais de surveiller l’application de l’Accord de cessez-le-feu et d’enquêter sur ses violations éventuelles, de superviser et de contrôler le désengagement et le redéploiement des forces des parties et de coopérer étroitement avec le Facilitateur du dialogue national, M. Ketumile Masire, ancien Président du Botswana désigné par l’Organisation de l’unité africaine.  Comme dans toutes ses résolutions précédentes, le Conseil y rappelle également que toutes les parties au conflit ont la responsabilité d’assurer la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé dans tout le pays.


La poursuite des combats, le manque de volonté des parties, la remise en cause par la RDC de l’Accord de Lusaka et ses réticences par rapport à la MONUC et au facilitateur du dialogue intercongolais, M. Ketumile Masire, sont au nombre des raisons qui ont conduit le Conseil à ne pas recommander le déploiement intégral de la MONUC -- à ce jour, seuls 200 militaires, observateurs et officiers d’état-major, sont présents sur le terrain.  Cette absence de progrès a aussi amené le Conseil à adopter, le 23 août 2000, la résolution 1316, par laquelle il s’accorde la possibilité de réfléchir au mandat futur de la Mission et aux éventuels ajustements à y apporter.


Le 2 février, le Conseil a entendu le Président de la RDC, M. Joseph Kabila, porté au pouvoir le 28 janvier, après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, qui a réaffirmé son attachement à la mise en oeuvre totale de l’Accord de Lusaka, en particulier au dialogue intercongolais et au déploiement de la MONUC.  Insistant sur la disposition de l’Accord de Lusaka relative au retrait des troupes étrangères, il a demandé au Conseil de créer un mécanisme contraignant pour sanctionner les violations du cessez-le-feu, du redéploiement et du dégagement des troupes et mettre ainsi fin à “une occupation de la RDC que rien ne saurait justifier”.


Le 7 février, le Président du Rwanda, M. Paul Kagame, réaffirmait devant le Conseil son attachement à l’Accord de Lusaka et insistait sur la disposition relative au règlement des problèmes de sécurité des Etats voisins de la RDC.  Evoquant le retrait des troupes, il a insisté sur le retrait simultané de toutes les forces étrangères.


Sixième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (S/2001/128)


Dans ce sixième rapport sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) qui retrace l’évolution de la situation en RDC depuis le 6 décembre dernier, le Secrétaire général présente au Conseil de sécurité un plan d’opérations actualisé pour la mission.  Cette initiative est motivée par les événements survenus récemment en RDC, qui, bien que mouvementés (assassinat du Président Kabila), ont fait évoluer la situation d’une manière qui permet un optimisme prudent.  Pour le Secrétaire général, il est encourageant que le nouveau Président de la RDC semble disposé à accepter le rôle de facilitateur neutre conformément à l’Accord de Lusaka, et que, depuis le milieu du mois de janvier, aucune violation importante de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka n’a été signalée.  Il estime que l’ONU devrait être prête à avancer, “au moins à petits pas”.  En conséquence, il demande au Conseil de sécurité d’adopter pour la MONUC, qui, au 8 février, compte au total 200 militaires, un concept d’opérations révisé fondé sur un renforcement progressif des capacités, de façon à encourager les parties à cesser les hostilités, à mettre la MONUC en position d’agir rapidement et efficacement une fois que les parties auront commencé le processus de dégagement et de redéploiement prévu par le plan de désengagement d’Harare, signé le 6 décembre 2000, par les chefs d’état-major des parties, à l’exception du Mouvement pour la libération du Congo (MLC).  En somme, l’objectif est de parvenir au retrait rapide de toutes les forces étrangères du territoire de la République démocratique du Congo.  Le rapport indique à cet égard que le Rwanda et l’Ouganda, qui soutiennent les rebelles, auraient respectivement 20 000 et

10 000 hommes présents en RDC, alors que le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie, venus à la rescousse du gouvernement, ont eux 12 000, 7 000 et 2 000 hommes déployés sur le territoire.  L’objectif de ce concept d’opérations révisé est aussi de réduire au maximum les risques que court le personnel des Nations Unies et de mettre en place les conditions voulues pour élargir par la suite le champ d’action de la mission jusqu’à l’étendre, éventuellement, aux provinces de l’Est.


Elaboré au cours d’une visite sur le terrain, du 8 au 19 janvier, de planificateurs du Département des opérations de maintien de la paix, ce plan prévoit quatre phases.  Au cours de la phase préparatoire, qui se déroule actuellement, la MONUC fera l’usage maximal des ressources dont elle dispose pour renforcer sa présence en déployant de nouvelles équipes d’observateurs militaires et en en redéployant d’autres pour établir des quartiers généraux de secteur à Kisangani, Mbandaka, Kananga et Kalemie.  Le projet envisage le déploiement d’un effectif maximum de 550 observateurs militaires.  Il faudra également déployer jusqu’à 1 900 personnes armées chargées exclusivement de garder le matériel, les installations et les fournitures se trouvant dans les quartiers généraux de secteur et les bases de soutien.  Le Secrétaire général précise que ces gardes armés ne pourront pas venir à la rescousse d’autres personnels des Nations Unies en danger, ni accompagner les convois militaires, ni assurer la protection de la population locale. On envisage également de déployer deux unités fluviales d’un effectif total de 400 membres, ainsi que les moyens aériens nécessaires.  L’effectif militaire requis serait donc d’environ 3 000 hommes, tous grades confondus. 


Le plan de désengagement de Harare, mentionné plus haut et auquel aucune des parties ne s’est encore conformée, prévoit deux semaines pour mener à bien la phase de vérification, qui commencera une fois que les parties se seront désengagées et auront pris les positions intermédiaires et les nouvelles positions défensives désignées (à 15 km de la ligne de confrontation actuelle).  Ensuite, la MONUC doit vérifier et surveiller le processus dans les quatre zones définies dans le plan, l’une après l’autre, par tranches de 14 jours, opération pour laquelle il faudra 32 équipes d’observateurs militaires de quatre personnes chacune.  Le Secrétaire général prévient qu’il faudra des ressources considérables pour mener à bien la phase de vérification et permettre à la MONUC de maintenir une surveillance efficace par la suite.  Une fois la vérification du redéploiement initial terminée, la MONUC continuera de surveiller les 27 nouvelles positions défensives devant être occupées par les forces FAC/SADC (Forces armées congolaises/Communauté de développement de l’Afrique australe) alliées et les forces MLC/UPDF (Mouvement pour la libération du Congo/Forces de défense populaire de l’Ouganda), ainsi que les 15 positions intermédiaires des forces RDC/APR (Rassemblement congolais pour la démocratie/Armée patriotique rwandaise).  Un deuxième redéploiement des RDC/APR suivra, vérifié par la MONUC, pour regrouper ces forces dans 12 nouvelles positions défensives. 


Lorsque l’opération de dégagement et de redéploiement sera terminée, la MONUC sera en mesure de surveiller continûment les forces des parties occupant un total de 39 nouvelles positions défensives.  En outre, il faudra dépêcher des observateurs militaires pour enquêter sur des incidents précis, faire rapport sur des allégations de violation et surveiller les activités de toute force de bonne taille n’étant pas déclarée comme faisant partie du plan de dégagement mais se trouvant dans un rayon de 50 kilomètres de la zone de dégagement.  Le Secrétaire général estime que 38 autres équipes d’observateurs militaires seront nécessaires pour effectuer cette longue phase de surveillance.  Il recommande également que la MONUC soit renforcée par l’adjonction du personnel civil supplémentaire nécessaire, y compris le personnel chargé de promouvoir non seulement les droits de l’homme, mais aussi les droits de l’enfant, y compris des enfants soldats.   


S’agissant de la situation dans les provinces orientales et les zones frontalières, en particulier dans les Kivus où le conflit actuel a démarré et où se trouvent actuellement des rebelles du RCD, des forces de l’armée rwandaise et plusieurs groupes de milices, le Secrétaire général pense qu’une force de maintien de la paix ne pourrait pas, à elle seule, rétablir la paix.  D’autres interventions sont, selon lui, nécessaires, afin de rétablir les relations entre groupes ethniques dans la région, garantir le respect des droits de l’homme, faire face à l’épouvantable catastrophe humanitaire (le nombre des réfugiés et personnes déplacées y a quadruplé au cours des 12 derniers mois) et régler les questions de propriété foncière et de citoyenneté.


Le Secrétaire général revient aussi sur la possibilité de mettre en place un mécanisme de suivi permanent, permettant de tirer parti des diverses initiatives diplomatiques et de mettre au point des arrangements pratiques, qu’il avait évoqué dans son dernier rapport et pour laquelle le Conseil de sécurité lui avait demandé de présenter des propositions.  Il indique que cette idée avait surgi au moment où le processus de paix piétinait.  Aujourd’hui, même si les problèmes fondamentaux au coeur du différend n’ont toujours pas été réglés, les signes positifs donnés par le nouveau Président de la RDC concernant la mise en oeuvre de l’Accord de Lusaka permettent d’espérer que la bonne volonté dont il fait preuve se traduira par des progrès dans plusieurs domaines, comme la convocation d’un dialogue intercongolais, l’application du plan de désengagement de Harare et la question complexe des groupes armés.  En outre, les contacts bilatéraux se sont intensifiés, ce qui pourrait contribuer à renforcer la confiance entre les parties et produire des résultats tangibles.  Le Secrétaire général estime qu’il faudrait prévoir suffisamment de temps pour que cette attitude positive nouvelle et ces contacts encourageants puissent porter leurs fruits.  Il lui semble en conséquence prudent d’attendre avant de soumettre des propositions concernant la création d’un nouveau mécanisme dans le cadre du processus de paix.  Selon lui, la participation des chefs d’Etat de la région à la recherche d’un règlement au conflit devrait aussi faciliter considérablement la tâche de la communauté internationale.  


Déclarations


M. SAID BEN MUSTAPHA, Président du Conseil de sécurité, a expliqué que la réunion de ce jour témoigne de la volonté du Conseil de sécurité de s'acquitter de ses obligations envers la RDC et de donner un nouvel élan au processus de paix.  Elle fait suite à d'autres importantes réunions, qui ont eu lieu dans la région, et à des initiatives extrêmement utiles prises par divers dirigeants africains et par l'OUA.  Une occasion, peut-être unique, se présente pour mettre en oeuvre l'accord de Lusaka, a ajouté M. Ben Mustapha, qui s'est félicité des progrès notés durant les dernières semaines concernant tant l'accord de cessez-le-feu que les engagements qui ont été pris, tant l'Accord de Lusaka que les sous-accords de Kampala et de Harare en vue du retrait des forces étrangères.


M. Ben Mustapha s'est félicité de la volonté des autorités congolaises de mettre en oeuvre le dialogue national entre toutes les parties et ce, avec l'appui du Facilitateur, M. Ketumile Masire.  Le fait que le déploiement de la MONUC ait été retardé, a suscité de nombreuses déceptions, a rappelé le Président.  La MONUC se prépare désormais à ce déploiement et le Conseil demande à toutes les parties de le faciliter en garantissant la sécurité et la liberté de déplacement du personnel des Nations Unies. Il faut rétablir la souveraineté intégrale de la RDC et assurer la réconciliation des peuples de la RDC et de toute la région. Cette séance constitue un appel lancé aux peuples africains et à tous les peuples du monde pour que soit mis fin aux conflits dans la région des Grands Lacs.


Pour M. KOFI ANNAN, Secrétaire général de l’0rganisation des Nations Unies, beaucoup de choses ont changé depuis la dernière réunion entre le Comité politique de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka et le Conseil de sécurité, en juin dernier.  Ces toutes dernières semaines ont notamment vu une amélioration sensible de la situation en RDC avec la reprise d’un dialogue au plus haut niveau entre les parties et une détermination renouvelée en faveur d’une solution pacifique.  En second lieu, la voie est désormais ouverte pour que les Congolais puissent participer au Gouvernement de leur pays et avoir réellement voix au chapitre.  Et enfin, les hostilités ont cessé de facto dans pratiquement tout le pays. 

Cependant, pour surmonter les obstacles considérables qui subsistent, il faudra encore avoir la volonté de faire la paix et d’honorer les engagements pris, a mis en garde le Secrétaire général.


Actuellement, le territoire de la République démocratique du Congo est scindé le long d’une ligne sur laquelle s’affrontent les forces de cinq armées étrangères et qui s’étend du lac Mweru, à la frontière zambienne, jusqu’aux rives de l’Oubangui, à la frontière avec la République du Congo. Depuis cinq semaines, le calme règne à nouveau le long de cette ligne. Conformément au plan qui a été élaboré par la Commission militaire mixte et approuvé par le Comité politique, les belligérants pourront bientôt commencer à se retirer des positions qu’ils occupent, en deçà de la ligne de front. Ce serait là un premier pas vers le retrait de toutes les forces étrangères présentes sur le territoire de la République démocratique du Congo, a estimé M. Annan.


C’est conformément au plan de désengagement des forces, signé à Harare le 6 décembre 2000, qu’il a présenté au Conseil de sécurité un plan des opérations, selon lequel l’ONU déploierait du personnel militaire pour surveiller et vérifier les mesures que prendront les parties pour appliquer le plan de désengagement, a-t-il ensuite expliqué.  La Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) et le Secrétariat ont déjà commencé à prendre les dispositions voulues pour le mettre à exécution, et, dès que le Conseil aura achevé ses débats, il faudra fixer la date à laquelle commencera l’exercice de désengagement et de redéploiement.  De l’avis de M. Annan, il convient de choisir cette date avec soin : elle ne doit pas être trop tardive, car l’on risquerait de perdre l’élan actuel, mais elle ne doit pas non plus être trop rapprochée car il faut s’assurer que tous les préparatifs nécessaires ont été menés à bien afin de garantir l’efficacité et la transparence de l’opération.


Ces mouvements militaires s’inscriront dans un environnement politique qui, pour tendu et instable qu’il soit, montre des signes clairs d’amélioration.  A cet égard, le Secrétaire général s’est félicité de la décision du gouvernement du Président Kabila d’autoriser le Facilitateur neutre, M. Ketumile Masire, à collaborer avec les divers partis congolais dans la conduite du dialogue national. « Sans un large accord entre tous les Congolais, fondé sur un dialogue débouchant sur des élections libres et régulières, aucun règlement militaire ne pourra rendre durablement la paix et la stabilité à la République démocratique du Congo », a-t-il prévenu.


Toutefois, avant de réaliser les objectifs politiques à long terme, il faudra résoudre la crise humanitaire qui continue d’affecter de très nombreux Congolais.  Dans de nombreuses régions de la République démocratique du Congo, les travailleurs humanitaires se trouvent en effet empêchés d’atteindre les populations dans le besoin.  Or, sur les 2 millions de personnes vivant en République démocratique du Congo chassées de chez elles par les combats, moins de la moitié reçoivent une aide humanitaire.  Il y a, de plus, peut-être 16 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim.  Enfin, la sécurité des pays voisins qui ne participent pas à la guerre se trouve menacée, notamment par l’afflux de réfugiés et par la présence d’hommes armés qui fuient les combats.


Le monde attend des parties à ce conflit –  les parties qui ont signé l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka – qu’elles se montrent résolues à mettre fin aux combats et à jeter les bases de la paix et du redressement, a poursuivi

M. Annan.  C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que la communauté internationale et les Nations Unies peuvent leur apporter une aide matérielle, a-t-il aussitôt insisté.  Répondant ensuite aux critiques selon lesquelles les Nations Unies agiraient avec lenteur et n’envisageraient de déployer que des forces squelettiques, le Secrétaire général a expliqué que les gouvernements qui fournissent des contingents aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies ne sont pas convaincus qu’ils doivent risquer la vie de leurs soldats dans une situation où les plus responsables n’entendent pas s’engager réellement.  Ces faits ne sont pas plaisants, mais ils sont une réalité, a-t-il observé.  C’est pourquoi, cette réunion entre le Conseil de sécurité et le Comité politique est si importante et c’est pourquoi encore, il faut mettre à profit les progrès accomplis au cours des dernières semaines.  Sur ce point, le Secrétaire général s’est réjoui de ce que le Président Kagame lui ait confirmé le 19 février sa décision de retirer ses troupes de Pweto et d'ordonner à toutes ses troupes de se retirer sur 200 kilomètres selon le plan de désengagement et de redéploiement de Harare.  Il a précisé qu’il avait chargé son Représentant spécial, M. Morjane, et le commandant de la Force, le général Diallo, de se préparer à aider à ce retrait.  M. Annan a aussi noté avec satisfaction la déclaration publiée hier par le Gouvernement ougandais selon laquelle il envisage de retirer deux bataillons de la République démocratique du Congo.


Résumant en conclusion les attentes qui entourent la réunion d’aujourd’hui, le Secrétaire général a estimé qu’il faut dire clairement aux parties ceci :  «laissez le désengagement des forces et le dialogue intercongolais commencer. Dressez des plans pour retirer toutes les forces étrangères du territoire de la République démocratique du Congo et collaborez avec vos voisins et avec nous pour trouver des moyens novateurs et créatifs de régler les problèmes des groupes armés et de la sécurité des frontières».   


     M. STANISLAUS MUDENGE, Ministre des affaires étrangères du Zimbabwe, s’exprimant en tant que Président du Comité politique des accords de Lusaka, a observé que la situation actuelle se présente tres différemment de ce qu'elle était lors de la dernière réunion commune entre le comité politique et le conseil de sécurité les 15 et 16 juin 2000, et qu’elle incite à l'espoir et à l'optimisme.  Les canons sont muets depuis désormais plus de trois semaines et la mise en oeuvre rapide du désengagement et du redéploiement des forces, signée par toutes les parties, pourrait contribuer à perpétuer ce silence, a-t-il fait observer.  En outre, la MONUC bénéficie désormais de la collaboration de toutes les parties à l'Accord.  Quant à la question jusqu'alors controversée du facilitateur neutre, elle a été réglée. De ce fait, les préparatifs du dialogue intercongolais devraient se concrétiser rapidement, dès que M. Ketumile Masire se rendra à Kinshasa, comme le président Kabila l'y a invité.  Enfin, toutes les parties ont désormais signé les sous-accords de désengagement et les deux seules qui ont encore à donner l'ordre de désengagement à leurs troupes, devraient le faire rapidement.


Il est évident que les parties continuent de prendre au sérieux leurs engagements et souhaitent tirer profit de la situation actuelle pour aller de l'avant, a estimé M. Mudenge.  Autant le Comité politique que le récent sommet de Lusaka ont insisté sur leur souhait et leur volonté d'accélérer la mise en oeuvre du processus de paix.  C'est dans cet état d'esprit que le Comité politique rencontre aujourd'hui le Conseil de sécurité.  Le Comité politique espère donc que le doute et l'hésitation cèderont le pas à une confiance renouvelée dans le processus de paix et que celle-ci ouvrira la voie à des actions concrètes correspondant aux responsabilités assignées aux Nations Unies dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu et de nombreuses résolutions du Conseil.

M. Mudenge a cependant pris note avec inquiétude du nouveau concept d'opération proposé pour l'ONU, à la fois échelonné et minimaliste. Celui-ci, a ajouté le Président du Comité politique,  suscite une fâcheuse impression d'hésitation et de doute.  Ce n'est pas le moment de se livrer aux doutes et aux atermoiements.  Le moment est venu de s'engager fermement. Le sommet de Lusaka a été clair sur ce point en demandant le "déploiement rapide et complet des observateurs militaires et du personnel associé en RDC, tel qu'autorisé par la résolution 1291 du Conseil de sécurité", a rappelé M. Mudenge.


La RDC est un vaste pays, a poursuivi le président du Comité politique.  Il faut que la MONUC soit autorisée à déployer les 5537 hommes autorisés par la résolution 1291. Réduire ce nombre à moins de 3000 donnerait l’impression d’un manque de sérieux, si ce n'est de cynisme flagrant.  Réduire la force équivaut à amender la résolution par la petite porte, au moyen d'une décision administrative, particulièrement mal venue. M. Mudenge a lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu'il réexamine les chiffres proposés en application du nouveau concept.  Les parties au conflit souhaitent clairement la paix en RDC; elles la souhaitent dès maintenant et sont disposées à prendre des risques en ce sens.  Elles attendent donc de la part du Conseil, qui doit non seulement assumer ses responsabilités conformément à l'accord de cessez-le-feu, mais aussi assurer la mise en oeuvre intégrale de ses propres résolutions, y compris la résolution 1291, une réaction à la mesure de la situation.  Le Président du Comité a également lancé un appel au Conseil pour qu'il fournisse une assistance financière à la Commission militaire mixte de l'accord de Lusaka (CMM), qui souffre de graves difficultés financières et pourrait être amenée à cesser ses activités, alors qu'il s'agit d'une institution essentielle du Processus de paix de Lusaka.


L’occasion qui se présente à nous, est unique, a plaidé M. Mugengé.  Le moment n'est pas venu d'imaginer que toute lueur au fond du tunnel est forcément le phare d'un train rapide qui approche. Il faut saisir l'occasion.  Que le Conseil prenne des mesures audacieuses et généreuses!  Nous ne lui demandons pas de renoncer à toute prudence, mais de prendre des risques calculés, comme il l'a fait au Timor oriental, en Sierra Leone ou au Kosovo. Il faut convenir d'accélérer la mise en oeuvre de la phase III du déploiement dès maintenant.  Les yeux et les espoirs du peuple congolais sont aujourd'hui rivés sur nous, Nous devons donner de l'espoir aux mères et aux enfants du Congo.  Le moment de l'inaction est révolu.  Le chapitre du conflit doit être fermé. La paix, oui, la paix ! doit revenir au Congo, a conclu M. Mudenge.


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