TABLE RONDE DES MILIEUX D’AFFAIRES : DES CHEFS D’ENTREPRISE DES PMA EXPLIQUENT LES OBSTACLES INTERNES ET EXTERNES QUI FREINENT LEUR ACCES AUX MARCHES MONDIAUX
Communiqué de presse PMA/124 |
Troisième Conférence des Nations Unies
sur les pays les moins avancés
TABLE RONDE DES MILIEUX D’AFFAIRES : DES CHEFS D’ENTREPRISE DES PMA EXPLIQUENT LES OBSTACLES INTERNES ET EXTERNES QUI FREINENT LEUR ACCES AUX MARCHES MONDIAUX
Ils reconnaissent l’existence de niches des marchés
Bruxelles, 16 mai -- La table ronde des milieux d’affaires qui s’est tenue ce mercredi 16 mai 2001, dans le cadre de la Troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA) avait notamment pour objectif d’attirer l’attention des exportateurs des PMA, des acheteurs et des investisseurs internationaux sur les possibilités d’importation des produits et sur les secteurs prometteurs dans ces pays. Cette réunion a également à des entrepreneurs des PMA de dialoguer avec des représentants des pouvoirs publics, principalement des ministres du commerce, et d’organisations internationales spécialisées dans le domaine du commerce.
La première session de la table ronde s’est concentrée sur les opportunités d’exportation réalistes pour les pays les moins avancés (PMA). Des entrepreneurs de plusieurs pays ont expliqué de quelle manière ils ont tiré parti de l’existence de niches du marché où la concurrence était faible grâce à la commercialisation de produits innovants. Ils ont mis l’accent sur le long chemin et les difficultés qui attendent les entreprises de pays en développement qui tentent de transformer leur avantage comparatif en un avantage compétitif. D’autres chefs d’entreprise ont estimé que surmonter les obstacles et les barrières au commerce passent en priorité par un investissement dans les ressources humaines. Au cours de la deuxième session, les intervenants se sont demandés comment généraliser les cas, encore exceptionnels, de réussite d’entrepreneurs des PMA. Pour traduire dans la réalité les possibilités offertes aux PMA, il reste encore à créer dans ces pays un environnement favorable au développement de la compétitivité à l’exportation des PMA.
Ouvrant la réunion, M. Rubens Ricupero, Secrétaire général de la CNUCED et Secrétaire de la Conférence PMA III, a rappelé que cette conférence doit déboucher sur des résultats pratiques et qu’il faut éviter de répéter les principes généraux et diagnostics déjà connus. Le commerce est l’un des principaux outils, si ce n’est le principal, pour le développement des PMA. Les négociations commerciales doivent s’appuyer sur des mesures gouvernementales et des politiques publiques améliorant la compétitivité des pays sur les marchés. Pour connaître un réel succès à vaste échelle auprès des entrepreneurs, il faut prendre des mesures nationales pour faciliter le commerce, parmi lesquelles développer les transports.
Le Directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Ablasse Ouedraogo, a salué la tenue de cette réunion qui doit permettre de réfléchir aux moyens d’intégrer le secteur privé en tant que vecteur du développement économique et social dans les pays en développement. La table ronde devrait aussi permettre aux responsables gouvernementaux de développer une collaboration permanente avec tous les acteurs du secteur privé et d’éviter que des mesures soient prises sans le concerter. M. Ouedraogo a ensuite rappelé que le cadre des échanges multilatéral est façonné et géré par les gouvernements des pays membres. Cependant, force est de reconnaître que les accords sont utilisés et mis à profit par le secteur des affaires. Des questions débattues dans les instances internationales, telles que la facilitation échanges et le commerce électronique, ne font pas encore l’objet d’accords multilatéraux. Il a mis en garde contre une régionalisation ou une « bilatéralisation » des accords qui ne serait pas représentative des intérêts de tous et particulièrement des « plus petits ». L’intérêt de tous commande que le cadre de l’OMC tienne compte de l’avis de tous, y compris du secteur privé des PMA, a-t-il conclu.
Un représentant de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a posé la question de savoir comment maîtriser la mondialisation pour qu’elle devienne un facteur positif pour tous. La stabilisation et les réformes macroéconomiques sont des conditions préalables à la croissance économique mais il faut aussi une politique de services permettant une amélioration du niveau de vie. Une position concurrentielle doit réseaux institutionnels qui aident les entreprises privées à maîtriser les technologies et les processus de gestion.
Expliquant comment son entreprise de fabrication de sauces à base de piment a pu renforcer la valeur ajoutée des produits par la maîtrise du processus de commercialisation, Mme Monica Khoromana, Directrice et gérante de la société Nali Limited du Malawi, a souligné qu’en dépit de la forte demande pour ses produits, s’introduire sur les marchés des pays développés a été très difficile, notamment à cause des contrôles de la qualité des conditions de fabrication. Les exigences posées par les pays développés ne pouvaient parfois être remplies que grâce à des investissements qui, eux, exigeaient des fonds ne pouvant être retirés que d’exportations accrues. Arrivée à la tête de cette moyenne entreprise familiale après la mort de son mari, elle a noté, parmi les facteurs positifs, l’absence de concurrence sur le créneau des sauces pimentées ce qui lui a permis d’augmenter encore son chiffre d’affaires en diversifiant sa production. Les traditions voulant que la famille du mari récupère ses biens après sa mort a aussi failli représenter un grave problème mais le gouvernement a adopté une loi permettant aux veuves d’hériter de leur mari.
Un producteur d’essence de vétiver a expliqué comment il a lui aussi tiré parti de l’existence d’une niche de marché en choisissant de commercialiser un produit innovant dans son entreprise, FRAGER, à Haïti. Les directeurs de Meskel Flowers Incorporated d’Ethiopie, Greenfields Limited de Mauritanie et Cheetah Zambia Limited ont pour leur part expliqué qu’ils ont renforcé leur avantage compétitif en mettant l’accent sur la formation de leurs employés et collaborateurs. Tandis que plusieurs chefs d’entreprises considéraient les lois liées à l’environnement comme restrictives, un entrepreneur du Bouthan a au contraire suggéré l’élaboration de règles générales sur la protection de l’environnement que les activités commerciales devraient intégrer.
Au contraire, une entreprise mauritanienne de production de lait pasteurisé de dromadaire (appelé « lait de chamelle » pour des raisons publicitaires) et de chèvre, TIVISKI, a fait part de son échec à exporter ses produits. Sa directrice, Mme Nancy Abeid Arahamane, a indiqué que le lait de brousse et les 14 produits dans lesquels il est transformé remportent un grand succès sur le marché local. Elle a également précisé que l’ensemble de la matière première provient de petits éleveurs, presque tous nomades, et que 1000 litres de lait font vivre 50 familles d’éleveurs. L’un des problèmes que l’entreprise a d’abord du surmonter est que, la vente du lait étant considérée comme honteuse, l’entreprise a longtemps eu dû mal à trouver des fournisseurs. En outre, les consommateurs avaient tendance à préférer les produits importés, qui ont une meilleure image. Un autre problème, qui lui n’a jamais été surmonté, est lié à des conditions naturelles qui font qu’en hiver, quand la demande en boissons est faible, les animaux produisent plus de lait, alors qu’en été, lorsque la consommation de boisson augmente, les animaux produisent moins de lait.
Après être passée à la production de fromage et avoir trouvé des clients de taille en Europe, l’entreprise s’est heurtée au fait que le lait de chamelle est un lait qui n’existe pas dans la classification européenne. Les textes européens définissent en effet le lait comme la sécrétion mammaire des vaches, chèvres, brebis, bufflones mais pas des chamelles. En outre, la Mauritanie n’est pas exempte de la fièvre aphteuse, tout comme l’Europe. A ces problèmes, s’est ajoutée l’absence d’un sytème de contrôle sanitaire fiable pour les produits laitiers car, contrairement au poisson, le lait de chamelle représente un petit enjeu pour la Mauritanie. Finalement le Gouvernement mauritanien a présenté une demande officielle d’introduction du produit en Europe et la société s’est réorientée sur le lait de vache grâce à un accord de franchise avec la société Candia, tout en gardant l’espoir de reprendre la production de lait de chamelle. En conclusion, Mme Abeid Arahamane s’est déclarée frappée par le fait que la plupart des entrepreneurs qui sont intervenus au cours de la réunion font travailler un grand nombre de personnes, ce qui signifie qu’ils génèrent à la fois des emplois et des revenus, mais n’obtiennent pas de crédits, se heurtent à des barrières administratives dans leur propre pays et à des barrières à l’exportation sur les marchés extérieurs. Elle a également eu l’impression que les grands flux de l’aide internationale ne vont pas à l’aide à l’exportation.
Revenant sur les obstacles juridiques, les participants ont pris pour exemple une loi considérée comme favorable, le « African Growth and Opportunity Act » (AGOA), adoptée en 2000 par les Etats-Unis et qui favorise notamment les importations sans droits de douane de textiles fabriqués dans les pays d’Afrique sub-saharienne et des Caraïbes, mais qui peut néanmoins comporter des clauses qui ne peuvent être remplies par les PMA. Il a été fait remarquer que sur les 34 pays dont les propositions ont été agrées depuis l’adoption de cette loi, seuls deux pays figurent sur la liste des PMA.
Prenant à son tour la parole, M. Sujit Chowdhury, Secrétaire général du Huitième Sommet mondial des jeunes entrepreneurs qui commencera demain et Directeur exécutif de l’Institut de développement des dirigeants d’entreprise, a été d’avis que ce qui sera favorable aux entrepreneurs sera aussi favorable aux pays. La communauté des affaires du monde entier se met à discuter, et tous les gouvernements portent attention à cette importante initiative de leadership.
Les participants à la deuxième session, modérée par M. Musa Sillah, Ministre du commerce, de l’industrie et de l’emploi de la Gambie, se sont demandés comment généraliser les cas encore exceptionnels de réussite d’entrepreneurs des PMA. Ils se sont également demandé comment on peut réduire la pauvreté par le commerce. M. Sillah a estimé que de nouvelles perspectives s’offrent aux PMA. Cependant, ces possibilités ne peuvent encore être traduites dans la réalité et il reste nécessaire de créer un environnement favorable au développement de la compétitivité à l’exportation des PMA. Comme exemple de politique extérieure nuisant à la compétitivité, il a cité les régimes d’investissements nationaux et les législations fiscales. Les PMA doivent poursuivre les efforts qu’ils ont déjà déployés en ciblant leurs efforts sur leurs ressources humaines.
Des représentants gouvernementaux de la République de Guinée et du Cambodge et un représentant du secteur privé du Burundi ont brièvement exposé les réformes entreprises par leurs gouvernements pour soutenir et développer le secteur privé, et particulièrement des petites et moyennes entreprises. Ils ont lancé un appel afin que les bailleurs de fonds soutiennent les actions menées dans ce sens par les gouvernements. Exposant les mesures introduites en Guinée pour éliminer les contraintes qui entravent le fonctionnement du secteur privé, M. Mamadou Saliou Sow, Conseiller du Ministre du commerce, de l’industrie et des petites et moyennes entreprises, a indiqué que ces réformes se sont notamment traduites par un désengagement de l’Etat du secteur de la production et des échanges, la libéralisation du régime des changes, la refonte du secteur public et la restructuration du système bancaire. Il a indiqué que ces mesures ont permis d’augmenter le volume des exportations et d’améliorer leur qualité. La Ministre des finances de la Guinée a ensuite invité les bailleurs de fonds et les institutions internationales de financement à participer à une réunion sur ce thème que son pays accueillera prochainement.
M. Sok Siphana, Ministre du commerce du Cambodge, a détaillé les processus, les partenariats et les éléments essentiels pour la formulation et la mise en œuvre de stratégies sectorielles au Cambodge. Il a rappelé qu’il y a dix ans, le Cambodge était frappé par un embargo complet et qu’il ne récolte les fruits de ses exportations que depuis 4 ans. Dans moins de cinq ans, l’industrie cambodgienne est passée de rien à environ 2 milliards de dollars d’exportations. Le représentant a ajouté que la nature de l’économie cambodgienne est principalement rurale mais que cet état de faits risque d’être bouleversé par l’exode rural. Il a également souligné que les initiatives étatiques dépendent étroitement du soutien de la société civile et du secteur privé. M. Adrien Sibomana, Directeur de GEXHOBU au Burundi, a déclaré que dans ce pays qui est l’un des plus pauvres du monde, les initiatives doivent être à la mesure des problèmes. Parmi les atouts du Burundi, il a identifié le secteur horto-fruiticole, l’efficacité des producteurs agricoles, le bon état des routes et des télécommunications. Le développement des secteurs du transport et de la conservation ainsi que l’exploitation minière sont des priorités mais ils exigeront de très lourds investissements.
Prenant à son tour la parole, M. Uri Dadush, Directeur du département sur la politique économique et membre du Groupe de réflexion sur le développement de la Banque mondiale, s’est concentré sur les politiques commerciales et leur intégration dans le cadre d’une stratégie nationale de réduction de la pauvreté à travers la « stratégie de lutte contre la pauvreté » de la Banque à laquelle participent la CNUCED, le FMI, le PNUD et le Centre du commerce international (CCI). Même les pays les plus pauvres peuvent être intégrés dans le commerce international et atteindre des taux de croissance élevés si certaines conditions sont respectées. On considère que les pays les plus pauvres ont, en général, mieux réussi dans les années 70 que dans les années 80 mais cela concerne surtout les pays qui ont connu une instabilité politique ou une guerre. Les obstacles au développement commercial des pays peuvent intervenir au sein des frontières, aux frontières ou hors des frontières. On peut envisager un certain nombre de mesures pour y remédier, même si des réformes n’ont pas encore été engagées, et notamment un renforcement des capacités et une assistance technique. Il faut que la politique commerciale s’inscrive dans une politique générale de développement et soit alliée à d’autres priorités, par exemple l’éducation. Le soutien budgétaire fournit par les différents acteurs doit être coordonné. Pour parvenir à de bons résultats sur les marchés internationaux, il faut également que les gouvernements et le secteur privé s’impliquent dans le processus. Le nouveau cadre intégré offre la possibilité de progresser, si la contribution des donateurs est suffisante.
Au cours de la réunion, M. Shyam Kumar Gujadhur, Conseiller principal en gestion de la qualité à l’exportation du CCI, a souligné l’importance de la gestion de la qualité et du respect des normes pour développer la compétitivité à l’exportation des PMA. M. Andrew Singer, Consultant international en financement du commerce au CCI, a axé son intervention sur les mécanismes de financement des exportations pour les PMA. Il a estimé que les principales formes de financement sont les capitaux de travail à court terme, les subventions ou les dons. Aucun exportateur ne devrait perdre de commande parce qu’il manque de capitaux, a-t-il souligné. Il a estimé que les garanties de crédit à l’exportation fonctionnent mal dans les PMA.
Les conclusions de cette réunion seront publiées sur le site internet du Centre du commerce international.
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