LA VULNERABILITE DES FEMMES FACE AU CUMUL DE DISCRIMINATIONS MULTIPLES PORTEE A L’ATTENTION DE LA COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME
Communiqué de presse FEM/1142 |
Commission de la condition de la femme
11ème séance - matin
LA VULNERABILITE DES FEMMES FACE AU CUMUL DE DISCRIMINATIONS MULTIPLES PORTEE A L’ATTENTION DE LA COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME
L’intervention de quatre expertes ce matin a permis aux membres de la Commission de la condition de la femme de mieux saisir l’ampleur du phénomène appelé "convergence de discriminations". La situation des femme et toutes les formes de discrimination, en particulier le racisme, constitue cette année l’un des thèmes prioritaires à examen de la Commission qui a été mise au défi par
Mme Angela King, Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la parité entre les sexes et la promotion de la femme, d’influer sur les résultats de la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme qui aura lieu en Afrique du Sud du 31 août au 7 septembre prochains. La table ronde s’est déroulée sous la présidence de M. Ibra Deguène Ka, Représentant permanent du Sénégal.
Les expertes, dont certaines ont pris pour exemple les situations qui prévalent dans leur pays, ont ainsi expliqué comment les atteintes à la personne humaine que subit la femme en raison de sa race, mais aussi de sa classe sociale, de sa nationalité, de sa culture et de sa religion se cumulent avec des manifestations du sexisme. Mme Françoise Gaspard Professeur à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales de Paris et membre du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a mis en garde contre la tentation de traiter le racisme de façon globale au risque d’être aveugle de la dimension du genre. Elle a expliqué que les femmes, en raison de leur sexe biologique, sont plus particulièrement et spécifiquement vulnérables au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée. Mme Gaspard, introduisant la notion de sexisme, a précisé par exemple que les viols lors des conflits interethniques sont une spécificité de la violence sexiste et raciste. C’est ce dont a également convenu Mme Mely Tan, Présidente de l’Institut de recherche de l’Université catholique Atma Jaya de Djakarta en Indonésie, et Professeur à l’Institut de sciences de la police, qui a relevé que le sexe devient un facteur crucial dans les situations de conflits armés, qu’ils soient de portée nationale ou internationale.
Les expertes ont engagé les gouvernements à adopter une approche intersectorielle dans la lutte contre la discrimination, certaines, à l’instar de Mme Pragna Patel, travailleur social au Southall Black Sisters, un centre conseil basé à Londres, regrettant que le Programme d’action de Beijing et le Document final de la 23ème session extraordinaire de l’Assemblée générale n’accordent pas une attention suffisante à la complexité du cumul des discriminations. L’importance de la méthodologie dans l’approche de la discrimination a été soulignée par Mme Philomène Essed, chercheur à l’Institut de recherche sur les questions internationales et les études sur le développement d’Amsterdam. Elle a fait valoir que l’analyse qualitative pouvait aider à identifier les interactions entre les systèmes de domination tout en insistant sur la nécessité de mener également des études quantitatives.
Le représentant de la Suisse a annoncé la mise en place d'un Bureau spécialisé sur la lutte contre le racisme et l’extrémisme au sein du Ministère de l'intérieur et l’allocation de 15 millions de francs à ce bureau. De son côté, le représentant de la Norvège a indiqué que son pays avait lancé un programme sur une période de 20 ans pour lutter contre les formes de discrimination croisée.
La prochaine réunion de la Commission aura lieu cet après-midi à 15 heures et sera consacrée à l’examen du projet de Plan à moyen terme en ce qui concerne la promotion de la femme, 2002-2005, ainsi que du projet de programme de travail du Bureau de la conseillère spéciale pour la parité entre les sexes et de la Division de la promotion de la femme, 2002-2003.
TABLE RONDE D'EXPERTS : LA SITUATION DES FEMMES ET TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION, EN PARTICULIER LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE
Exposés
Mme FRANCOISE GASPARD, Professeur à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales de Paris, Membre du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a mis en garde contre la tentation de traiter le racisme de façon globale au risque d’être aveugle à la dimension du genre et de ne pas voir que pour des raisons historiques, les hommes et le femmes se trouvent dans des situations sociales différentes. Un autre écueil serait de privilégier tel type de discrimination en négligeant la diversité de femmes et le fait qu’elles sont aussi fragilisées par des facteurs qui ne tiennent pas à leur sexe.
Mme Gaspard a précisé quelle était la définition du racisme, à savoir qu’il consiste à distinguer et à classer des personnes en raison de leur race, couleur de peau, religion, de leur origine nationale. Le racisme conduit à cesser de regarder l’être humain, l’individu, comme une personne singulière. Catégoriser ainsi les êtres humains c’est oublier leur commune humanité. Ces catégories productrices de discrimination de droit ou de fait sont des constructions idéologiques qui ont une histoire. A partir du moment où la catégorie est construite comme "naturelle", les mécanismes de distinction sont en place et ceux de la discrimination peuvent se mettre à l’oeuvre. Ils vont pouvoir justifier l’isolement, les persécutions voir l’élimination des catégories minoritaires au sein d’une société nationale. Les femmes et les hommes appartenant aux minorités ainsi constituées sont également concernés. Pourtant le racisme et la xénophobie et toutes les formes de discrimination qui en dérivent peuvent frapper chaque sexe de façon différente. Les femmes sont, en raison de leur sexe biologique, plus particulièrement et spécifiquement vulnérables au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée.
Le sexisme est une cause primaire et universelle de discrimination, a expliqué Mme Gaspard. La domination de femmes par les hommes plonge ses racines dans la nuit des temps et revêt un caractère universel. Elle a longtemps été occultée notamment parce que les femmes ne vivent pas séparées des hommes et parce qu’elles sont présentes dans d’autres catégories sociales. Les discriminations dont elles sont victimes n’ont été prises en considération que récemment par les Etats et par la communauté internationale. Elles ne l’ont été que sous pression de la protestation des femmes. Citant la phrase de Simone de Beauvoir "on ne naît pas femme, on le devient", Mme Gaspard a expliqué qu’en effet on devient femme parce que la société patriarcale apprend aux filles qu’elles appartiennent au "deuxième sexe". Toujours ou presque, les filles avant d’être femmes, intègrent l’idée de cette "différence de genre" sous la pression de leur éducation, de préjugés, de stéréotypes. On devient femme en découvrant les contraintes auxquelles on s’est soumise et les discriminations dont on est victime.
Evoquant les discriminations qui s’exerce à l’encontre des femmes dans l’accès à l’éducation, à la nourriture, aux soins de santé, à l’éducation, à la même autonomie, Mme Gaspard a expliqué que la domination qui pèse sur les femmes a souvent survécu à la surpression des discriminations qui frappaient d’autres catégories raciales, ethniques ou religieuses. La catégorie "femme", fondée sur une distinction biologique naturelle, a fonctionné et fonctionne encore comme un marquage comparable à celui des critères qui ont conduit à inventer la notion de race dans la mesure où c’est à partir d’une différence regardée comme "naturelle" que la race a été imaginée.
Abordant le rôle de la communauté internationale dans la lutte contre les discriminations, Mme Gaspard a indiqué que depuis sa création, la Commission de la condition de la femme a joué un rôle fondamental dans la construction des normes internationales. Elle a ainsi été à l’origine depuis 1975 de la tenue des conférences thématiques des Nations Unies sur les droits de la femme dont on a pu constater les effets mobilisateurs. Il a néanmoins fallu attendre 1993 pour que soit affirmé à la Conférence de Vienne sur les droits de l’homme que "les droits fondamentaux de la femme et de la fillette sont une part inaliénable, intégrale et indivisible des droits universels de la personne humaine". Mme Gaspard a également évoqué les liens entre la Commission de la condition de la femme et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Elle a relevé que jusqu’à une date récente, les violations des droits des femmes et celles des droits de l’homme n’avaient pas été traitées de façon conjointe. Le colloque tenu en novembre à Zagreb a contribué de façon utile à montrer comment les atteintes à la personne humaine que subit la femme en raison de leur supposée race, mais aussi de leur classe sociale, de leur nationalité, de leur culture et de leur religion se cumulent avec le fait d’être de sexe féminin. L’on sait à quel point les viols lors des conflits interethniques sont une spécificité de la violence sexiste et raciste. Lutter contre le sexisme et le racisme c’est savoir nommer ces mots et les dénoncer comme des constructions mentales productrices de violence symbolique et physique. C’est dire et expliquer que si la race n’existe pas, le racisme existe bien, qu’il humilie et qu’il tue. Le sexisme produit les mêmes effets. Il convient de mener la lutte contre le racisme et le sexisme de front tout en étant conscient que le sexisme n’a pas besoin du racisme pour exister.
Mme PHILOMENA ESSED, Chercheur à l’Institut de recherche sur les questions internationales et les études sur le développement d’Amsterdam, a insisté sur l’importance de la méthodologie dans l’approche de la question de la discrimination. Elle a fait valoir que l’analyse qualitative pouvait aider à identifier les interactions entre les systèmes de domination. Elle a insisté sur le fait qu’il n’était pas possible de traiter la question de la discrimination sans disposer des instruments adaptés et qu’à la fois les études qualitatives et quantitatives étaient nécessaires. Toutefois, selon Mme Essed, l’analyse qualitative permet de mettre en évidence l’ubiquité de la discrimination raciale au quotidien, y compris celle qui s’exerce à l’égard des femmes.
Un des aspects les plus difficiles à traiter lorsqu’on aborde le racisme au quotidien, est le déni, a-t-elle fait observer. Plus les gouvernements favorisent l’expression des discriminations, plus les initiatives pour lutter contre la discrimination seront efficaces. Pour cela, il faut que les femmes soient entendues dans des espaces sûrs où les personnes à l’écoute les comprennent, des centres d’accueil qui n’aient toutefois pas un caractère trop institutionnel comme ceux mis en place par des organisations non gouvernementales, car, dans les cas de discrimination quotidienne, tout ce qui est perçu comme officiel surtout dans le cas de femmes réfugiées par exemple, peut être intimidant. Cela ne veut pas dire que l’implication gouvernementale n’est pas absolument nécessaire, a-t-elle toutefois ajouté.
Mme Essed a proposé également d’autres axes d’actions tels que l’information du public. Il est important, a-t-elle fait valoir, de lui faire prendre conscience du fait que la discrimination ne se limite pas à des formes extrêmes et que celles qui sont les plus difficiles à mettre en évidence et donc à éliminer, sont les formes quotidiennes de la discrimination.
D’autres initiatives devraient porter sur l’éducation, a-t-elle suggéré, car trop de femmes victimes de racisme ignorent leurs droits. Enfin, elle a proposé de lancer une vaste opération de recueil de témoignages sur des expériences convergentes, des «milliers» de témoignages, a-t-elle précisé. Cela nous permettrait d’analyser la façon dont nous pouvons lutter contre les différents types de discrimination.
Mme MELY G. TAN, Présidente de l’Institut de recherche de l’Université catholique Atma Jaya de Djakarta et Professeur à l’Institut de sciences de la police, a attiré l’attention sur le pluralisme des sociétés contemporaines. La diversité dans la composition d’une population, a-t-elle fait observer, est perçue comme positive dans la mesure où elle offre la possibilité d’une complémentarité débouchant sur un enrichissement mutuel bénéfique en dernière instance à la société dans son ensemble. D’un autre côté, elle peut être perçue de façon négative dans la mesure où ces différences sont sources de conflit.
En situation de conflits armés, qu’ils soient de portée nationale ou internationale, a-t-elle indiqué, le sexe devient un facteur crucial dans les manifestations du racisme. Certaines formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance peuvent se tourner spécifiquement vers les femmes en raison de leur sexe. Il s’agit de violences sexuelles exercées au cours de conflits armés sur des femmes en détention ou se trouvant dans des camps de réfugiés, et qui appartiennent à un groupe racial, ethnique ou religieux particulier.
Dans le cas de crises économiques ou politiques se produisant dans des pays de nature pluraliste, comprenant des groupes ethniques et religieux divers, et où subsiste la pauvreté, des tensions latentes peuvent exploser entre ces groupes, les femmes appartenant à un groupe ethnique ou religieux donné, devenant alors en raison de leur sexe, l’objet de violences sexuelles et de viols en masse. Le problème majeur dans ce cas réside dans le niveau minimal des relations interethniques et interreligieuses, aggravé par la survivance de préjugés et exprimé par des actes de discrimination, créant ainsi un sentiment mutuel de défiance.
L'experte a proposé que soient explorés trois domaines de recherche: l’analyse des causes profondes et des ramifications des aspects du racisme qui sont liés au sexe, une réforme judiciaire qui inclurait les aspects juridiques de la violence fondée sur le sexe, l’étude des sociétés pluralistes de façon à leur permettre de s’organiser pour gérer la diversité et les situations de conflit en portant une attention particulière à la question des sexes.
Mme PRAGNA PATEL, travailleur social au Southall Black Sisters, centre conseil basé à Londres, a expliqué que le moment était venu d’examiner la question de la discrimination de manière intersectorielle, soulignant que cette dimension n’a été reconnue que récemment. Le Programme d’action de Beijing et le Document final de la 23ème session extraordinaire de l’Assemblée générale ont souligné la nécessité de comprendre la coexistence des multiples formes de discrimination et leur impact sur les femmes. Néanmoins, ces documents n’accordent pas une attention suffisante à la complexité de telles formes de discrimination. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a adopté en mars 2000 une recommandation générale sur les dimensions sexospécifiques de la discrimination raciale. Une telle reconnaissance du phénomène n’est cependant pas suffisante au niveau national et notamment au Royaume-Uni. Le résultat est que les femmes noires et des femmes issues de minorités sont invisibles dans les stratégies nationales de lutte contre les inégalités fondées sur le sexe et contre les discriminations raciales. Mais ne pas reconnaître les conséquences de la discrimination intersectorielle a des conséquences encore plus graves. De nombreuses soi-disant stratégies progressives qui visent l’élimination de la discrimination raciale ou celle basée sur le sexe ne servent qu’à renforcer les niveaux multiples de discrimination que connaissent les femmes issues de minorités, en raison d’une vue erronée selon laquelle la discrimination est unidimensionnelle et touche toutes les femmes de toutes les communautés de la même manière.
Mme Patel a évoqué plus particulièrement la situation de ces femmes au Royaume-Uni, en particulier des femmes d’Asie du Sud ainsi que le phénomène de la violence. Elle a évoqué les législations en vigueur qui, paradoxalement, au lieu de lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, en renforcent certaines manifestations qui demeurent invisibles. Elle a précisé que de nombreuses femmes asiatiques qui arrivent dans le pays nouvellement mariées et qui se trouvent victimes de violence domestique se voient refuser une protection efficace en vertu de la "loi d'un an" qui veut que l’épouse étrangère n'ait pas droit à l'aide des services publics pendant cette période durant laquelle le mariage est considéré "à l'essai". Si le mariage est annulé, elle est expulsée du pays. L’experte a également expliqué que les femmes noires et les femmes de minorités n’ont pas accès au système judiciaire qui leur accorde peu d’attention. Les femmes noires peuvent être victimes de pratiques coercitives de la part du système judiciaire et partagent ainsi les mêmes expériences de discrimination raciale que les hommes de leurs communautés. Par exemple, lorsqu’elle font état de violence domestique, elles sont soumises à des interrogatoires, incarcérations, enquêtes sur leur statut d’immigrantes. Dans d’autres situations, les femmes noires sont dissuadées de faire état de violence domestique pour que leurs communautés ne soient pas victimes de discrimination raciale de la part des autorités.
Il existe un besoin urgent d’accroître la prise de conscience à tous les niveaux de la nature croisée de la discrimination que connaît la femme marginalisée et d’intégrer une approche intersectorielle et plus générale à la question de la discrimination raciale et de celle basée sur le sexe. L’experte a demandé notamment aux Gouvernements de revoir leurs politiques, de mener vérifier les effets des politiques qu'ils pensent être progressistes, d’établir ou de renforcer les législations en vigueur contre la discrimination raciale et ses manifestations sexospécifiques, d'évaluer les mécanismes nationaux pour faire en sorte que les femmes reçoivent une protection en cas de discrimination croisée, d’examiner la législation en vigueur sur l’immigration et le droit d’asile et de fournir aux femmes immigrantes qui n’ont pas de statut légal un accès à toutes les mesures préventives et services dans les cas de violence domestique.
Dialogue
Mme GASPARD, en réponse à la question de la représentante de l’Afrique du Sud, a indiqué qu’il existe une relation quasi-institutionnelle entre le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et d’autres comités comme celui visant à lutter contre la discrimination raciale. Elle a suggéré d’insister à l’avenir auprès des Etats pour qu’ils informent les membres du CEDAW de la situation en matière de discrimination raciale dans leur pays.
Mme ESSED, répondant elle aussi à une question posée par la représentante de l’Afrique du Sud, a expliqué que le problème de la diffusion par Internet d’images discriminatoires touchait à la liberté d’expression qui en fin de compte s’est transformée en un droit accessible aux "élites". Elle a expliqué que les abus sexuels sont fortement liés à la discrimination raciale, phénomène qui s’explique par l’héritage colonial. Elle a souligné l’importance pour les Gouvernements de s’engager à faire comprendre ce qu’est le racisme. Il serait ainsi plus facile aux victimes de faire entendre leurs voix. A cet effet, une idée serait de créer une base de données sur les discriminations. Mme PATEL a expliqué en réponse à la représentante de l’Angola que la convergence de la discrimination prend des formes diverses. Elle résulte des conséquences de la mondialisation et des processus économiques, des politiques gouvernementales de la manière dont les systèmes judiciaires fonctionnent. La convergence de discriminations ne s’exprime pas seulement en termes de ce que subissent les femmes mais également en termes du fardeau qu’elles portent. Les femmes elles-mêmes s’autocensurent en ne parlant pas de la violence dans leur foyer de peur d’alimenter les flammes du racisme chez les autorités et des représentants de la loi. Mme TAN a souligné l’importance de comprendre les causes de la discrimination sous l’angle de la situation structurelle, socioculturelle, et des rapports existants entre les groupes ethniques et du rôle de l’Etat lorsqu’il s’agit d’aggraver ou de réduire la sensibilité entre les minorités raciales.
Mme GASPARD, répondant aux questions posées sur les actions positives pour répondre à la convergence du racisme et sexisme, a fait valoir que le rôle des ONG était essentiel; elle a évoqué l’initiative prise par des cinéastes français qui ont décidé de réaliser gratuitement des films de quelques minutes qui sont donc diffusés en avant-programme dans les salles de cinéma. Se référant à l’expérience dont a fait état le représentant de la France, qui a consisté à mettre en place un numéro gratuit d’appel destiné aux personnes victimes d’actes racistes ou sexistes, elle a indiqué avoir contacté les personnes qui travaillent dans cette organisation et avoir été frappée par le fait qu’elles n’avaient pas pris en compte la distinction entre discrimination en fonction de la race et la
discrimination fondée sur le sexe. Ces personnes, a-t-elle poursuivi, ont pris en compte cette donnée après que j’ai soulevé cette question et il est apparu alors que les femmes expérimentaient un racisme de proximité, dans les écoles et les commerces par exemple, alors que les hommes se plaignaient surtout de se voir refuser l’accès aux lieux publics; le racisme commun était celui exercé dans l’emploi. Il serait intéressant d’analyser ce type d’informations de façon systématique et plus largement, de disposer d’études sur les mécanismes du racisme.
Mme TAN a répondu à la représentante de l’Equateur qui avait soulevé le problème de l’attention moindre porté en période de crise aux problèmes des femmes («quand le niveau de la pauvreté passe de 30% à 80% comme c’est le cas dans mon pays, avait-elle dit, l’objectif dominant devient la survie nationale »), en indiquant que l’expérience de son pays montrait que les femmes participent encore plus en situation de crises. Les effets des conflits sur la situation des femmes, sont différents en fonction des pays. Dans le cas de l’Indonésie, elles sont devenues plus actives au plan politique. On sait par ailleurs que les femmes sont excellentes en stratégies de survie, qu’elles peuvent réaliser des exploits. Il y a donc des cas où elles deviennent très fortes en situation de crise. Mme ESSED a répondu aux représentants du Royaume-Uni, de la Suède et de la France, notamment à propos du recueil de témoignages par la mise en place de lignes téléphoniques, en faisant valoir qu’il n’y avait pas qu’une façon de procéder et que tout le monde n’aimait pas parler au téléphone. Il faut que les gouvernements travaillent avec les ONG pour analyser sur le terrain les différentes formes de discrimination et les endroits où se situent les croisements entre les différentes formes, a-t-elle poursuivi. Il est particulièrement important que les gouvernements fassent réaliser des études. Mme PATEL, en réponse aux interventions de la Suède et du Royaume-Uni a insisté pour que le recueil de témoignages débouche sur l’adoption de politiques. Elle a estimé également qu’il fallait attendre de voir comment les politiques d’égalité raciale se répercutent effectivement également sur les cas de discrimination à l’égard des femmes. Mme PATEL a fait observer que la difficulté en ce qui concerne l’approche multiculturelle réside dans le fait qu’elle est récente et que l’on manque d’analyse critique sur ses résultats. le multiculturalisme doit être renforcé et pensé en intégrant ses effets sur les groupes marginalisés, a-t-elle indiqué. En ce qui concerne le recours éventuel à la religion, le fait est qu’une fois où l’on pénètre dans le domaine de la religion, on va se trouver circonscrits par la sous – structure patriarcale.
Mme GASPARD a répondu aux préoccupations de la Belgique qui demandait comment adopter des mesures spécifiques à l’égard des femmes très minoritaires dans le domaine de l’emploi sans stigmatiser encore plus ce groupe déjà très défavorisé, en indiquant que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans son article 4 répond à cette question en disant qu’il est possible d’ adopter des mesures spéciales temporaires pour remédier à des situations de discrimination. Elle a fait observer qu’effectivement des études mettaient en évidence que les femmes sont moins racistes et moins violentes, il ne s’agissait évidemment pas des effets d’une nature féminine mais du résultat d’expériences différentes. Mme TAN a attiré l’attention sur le fait que la discrimination n’était pas innée et qu’il fallait donc sensibiliser très tôt les enfants à la richesse multiculturelle et procéder à une évaluation du matériel scolaire à cet égard.
Droits de réponse
La représentante de la République islamique d’Iran a estimé que le régime sioniste faisait preuve de racisme envers les Palestiniens quotidiennement causant ainsi la mort de femmes et d’enfants innocents. Elle a indiqué que son gouvernement n’avait pas limité la participation des ONG lors de la conférence régionale d'Asie sur le racisme que s'est tenue du 19 au 21 février 2001 en Iran et qu’il avait délivré des visas à plus de 250 d’entre elles, sans considération de religion ou d’idéologie.
Le représentant d’Israël a déclaré qu’il se sentait dans l’obligation de répondre bien que le nom de son pays n’ait pas été mentionné et qu’à la place de la représentante de l’Iran il n’aurait pas pris la parole sur le sujet de la discrimination et de l’intolérance alors que des ONG ont été interdites d’accès à la Conférence organisée dans son pays.
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Corrigendum
Le discours du représentant de l'Argentine n'a pas été correctement reflété dans notre communiqué de presse du vendredi 9 mars (FEM/1139). Le représentant de l'Argentine a indiqué qu'il exprimerait sa position sur le fond de la question à une autre occasion. Sur la question de la procédure, il a précisé qu'il appuyait la position de l'Union européenne.