En cours au Siège de l'ONU

FEM/1138

PARTICIPATION DES HOMMES ET LUTTE CONTRE LA FEMINISATION DE LA PAUVRETE IDENTIFIEES COMME UNE REPONSE A LA VULNERABILITE DES FEMMES FACE AU SIDA

08/03/2001
Communiqué de presse
FEM/1138


Commission de la condition de la femme

6ème séance - après-midi


PARTICIPATION DES HOMMES ET LUTTE CONTRE LA FEMINISATION DE LA PAUVRETE IDENTIFIEES COMME UNE REPONSE A LA VULNERABILITE DES FEMMES FACE AU SIDA


«Les hommes font la différence», tel est le principal message qu’ont transmis les experts à la Commission de la condition de la femme à l’occasion de la table ronde sur le thème «Les femmes, les filles et le VIH/sida».  L’incidence du VIH/sida sur la condition de la femme et les différentes orientations à suivre pour lutter contre le sida en adoptant une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes ont été au centre des discussions.


47% des 36 millions de personnes qui vivent avec le VIH/sida dans le monde sont des femmes.  Forts de ce constat, les expertes et expert ont souligné que la plus grande vulnérabilité des femmes au virus du sida s’explique par le fait qu’elle sont généralement dans une position de subordination par rapport aux hommes et pas maîtresses de leur choix en matière de comportements sexuels.  Non seulement, les femmes sont des victimes directes de la maladie mais elle sont également des victimes indirectes du fait de leur rôle de soutien de famille et leurs vulnérabilités socioéconomiques.  Les pratiques culturelles, l’inégalité juridique des femmes, notamment en matière d’accès à la propriété, l’insuffisant accès des filles à l’éducation, et surtout le manque d’engagement des hommes à la lutte contre le sida ont été présentés comme des facteurs aggravant des vulnérabilités des femmes face à la pandémie. 


M. Elhadj Sy, représentant de ONUSIDA à New York,  a souligné l’importance que revêt l’examen des dysfonctionnements des sociétés et du rôle de partenaire que devraient jouer les hommes dans la lutte contre les vulnérabilités qui touchent plus particulièrement les femmes. 


Mme Sharifah Shahabudin, professeur de médecine et Directrice du Centre de développement académique de la Malaisie, a estimé que, pour lutter efficacement contre le sida hommes et femmes en partenariat doivent commencer par identifier les pratiques culturelles qui aggravent la vulnérabilité des femmes et celles qui sont favorables à la prévention et à la protection contre le virus.  Faisant écho à cet appel à la participation des hommes, Mme Sheila Dinotsche Tlou, Professeur au Département de formation des infirmières à la Faculté de l’éducation de l’Université du Botswana a toutefois mis en garde contre les stéréotypes qui circulent au sujet des hommes, en particulier africains, rendant ainsi encore plus difficile leur participation à la lutte contre le VIH/sida.


Les effets délétères de la mondialisation ont également été identifiés comme des facteurs aggravant les vulnérabilités des femmes.  Les experts ont constaté une véritable féminisation de la pauvreté. Mme Mabel Bianco, Médecin spécialiste en épidémiologie, Directrice  de l’Unité de coordination pour les maladies sexuellement transmissibles et pour le VIH/sida au Ministère de la santé de l’Argentine a estimé que l’application des programmes d’ajustement structurel et la féminisation de l’épidémie sont liés.  Le fait que 13,3 millions des femmes atteintes du VIH/sida vivent dans l’Afrique subsaharienne a été considéré comme un fait éloquent du lien entre la pauvreté et la pandémie.  A cet égard, Mme Sheila Dinotsche Tlou, Professeur au Département de formation des infirmières à la Faculté de l’éducation de l’Université du Botswana a exhorté les gouvernements à allouer au moins 10% de leur budget à la lutte contre le VIH/sida et à la réforme des politiques sociales avant que «l’Afrique ne brûle».


Enfin, les experts ont appelé les gouvernements à faire preuve de leadership et de bonne gouvernance, de même qu’à renforcer leur coopération, en particulier au niveau régional.  Ils ont été appelé à allouer les ressources appropriées à la recherche contre le sida et à oeuvrer pour la mise à disposition de traitements à prix abordable.  L’industrie pharmaceutique a, quant à elle, été invitée à trouver le moyen de passer du traitement à la guérison.


La Commission envisage d’élaborer, sur la base du rapport du Secrétaire général*, des recommandations du Groupe d’experts qui s’est réuni à Windhoek (Namibie) en novembre dernier sur le thème «La pandémie de VIH/sida et ses incidences sur la condition féminine» et du présent dialogue, une contribution formelle à la session extraordinaire consacrée au sida qui se tiendra du 25 au

27 juin au Siège afin d’assurer la prise en compte de la perspective sexospécifique dans la lutte contre la pandémie.


La Commission entamera demain vendredi 9 mars à 10 heures sur la question de la procédure d'examen des communications relatives à la condition de la femme..


*E/CN.6/2001/9


TABLE RONDE D’EXPERTS SUR LES FEMMES, LES FILLES ET LE VIH/SIDA


Exposés


Mme SHEILA DINOTSCHE TLOU, Professeur au Département de formation des infirmières à la Faculté de l’éducation de l’Université du Botswana, a souhaité une plus grande association des hommes à la lutte contre le sida, regrettant que des stéréotypes aient été appliqués aux hommes africains.  Ceci ne facilitera pas la participation des hommes à l’action en faveur des femmes.  L’experte a également regretté l’écart qui existe entre la reconnaissance de l’ampleur de la pandémie et la mise en oeuvre effective de programmes et politiques.  Elle a appelé les Gouvernements à défendre les droits de la femme en ce qui concerne notamment l’accès aux soins de santé.  Mme Tlou a appelé ces mêmes gouvernements à redistribuer les ressources allouées aux dépenses d’armement aux dépenses de santé.  Il faut un engagement politique national au plus haut niveau pour procéder aux réformes des politiques sociales.  Pour cela, les gouvernements devraient allouer au moins 10% de leur budget à la lutte contre le VIH/sida.  L’Afrique brûle mais personne d’autre que les gouvernements africains ne pourra éteindre cet incendie.


Mme SHARIFAH H. SHAHABUDIN, professeur d’éducation médicale et Directrice du Centre de développement académique de la Malaisie, a fait remarquer qu’aucun des pays de l’Asie ne connaît un taux d’incidence du sida de plus de 5%.  Toutefois, elle a mis en garde contre le fait que, compte tenu de l’importance de la population de la région, cela constitue une bombe à retardement.  Il faut que les Etats Membres, la société civile et le secteur privé joignent leurs efforts.  Les migrations mais également le trafic des personnes facilitent la propagation de l’épidémie.  Les femmes et les filles sont très gravement affectées car elles sont dans une position de subordination par rapport aux hommes et sont donc très vulnérables.  Il faut que les Etats reconnaissent que leur sécurité est menacée de l’intérieur et de l’extérieur et qu’il faut coordonner les actions pour lutter contre l’épidémie. 


Il convient tout d’abord d’utiliser les mécanismes existants, notamment au niveau régional, pour lutter ensemble.  Et, il faudrait au moins qu’un dirigeant prenne la tête de ce type de mouvement.  La participation du secteur privé et des ONG à ce processus est essentielle.  Il faut également que les victimes du sida prennent part à l’élaboration des programmes de lutte contre le virus et que de nouveaux programmes de prévention mettant l’accent sur l’aspect transfrontière, notamment sur le trafic de personnes et les jeunes soient mis au point.  Dans ce cadre, le partage d’expériences, le remplacement des seringues, les services de sensibilisation, la lutte contre le rétrovirus et les maladies secondaires, la nutrition, les traitements alternatifs et la recherche sur le vaccin sont des domaines dans lesquels la coopération régionale est particulièrement pertinente.  Il faut surtout se baser sur la philosophie qui consiste à aider son voisin en luttant contre la pauvreté.  Toutes les organisations internationales devraient ainsi conjuguer leurs efforts en parallèle aux initiatives régionales.  Un vrai partenariat entre les hommes et les femmes doit être établi.  Il faut identifier les normes et les pratiques culturelles qui renforcent la vulnérabilité des femmes et également celles qui sont porteuses pour les activités de prévention et de protection contre le virus.  Seuls la coopération régionale, un engagement politique, une bonne gouvernance et des ressources adéquates permettront de venir à bout de ce fléau.


Mme MABEL BIANCO, Médecin spécialiste en épidémiologie, Directrice de l’Unité de coordination pour les maladies sexuellement transmissibles et pour le VIH/sida au Ministère de la santé de l’Argentine, a évoqué l’ampleur particulièrement alarmant de la pandémie chez les filles et les fillettes d’Amérique latine et des Caraïbes.  Elle a regretté que les gouvernements ne reconnaissent pas mieux ce phénomène et le fait que peu a été accompli depuis le Sommet du Caire sur la population et le développement et la Conférence de Beijing.  L’augmentation de la pauvreté dans notre région, en raison de l’application des programmes d’ajustement structurel, et la féminisation de l’épidémie sont liés, a-t-elle affirmé.  Les structures sociales et les mentalités ont accru la vulnérabilité des femmes et des fillettes pauvres qui ne sont pas en mesure de dire non à une relation sexuelle imposée par la force. 


La pauvreté qui dicte la pratique de prostitution comme stratégie de survie mais également la violence sexuelle sont des facteurs importants de propagation de l’épidémie tout comme le sont les images de violence véhiculées par les médias, le manque d’éducation sexuelle qui permettrait aux filles et aux garçons de développer des modes sexuels égalitaires et les lois discriminatoires comme celle qui accorde le pardon au violeur s’il épouse sa victime.  L’éducation sexuelle est un outil clé pour la prévention de la maladie, a insisté l’experte.  Celle-ci a également dénoncé les avortements et stérilisations forcés des femmes infectées par le virus et l’absence de confidentialité des résultats des tests qui sont transmis à l’époux et à la famille.


L’experte a proposé une série de mesures comme l’élaboration de programmes d’éducation sexuelle formels et informels qui enseigneraient le respect des droits de l’homme et promouvoir l’équilibre des pouvoirs homme/femme, la mise en oeuvre de programmes de réduction de la pauvreté des femmes et de lutte contre la violence sexuelle, les modifications des législations en vigueur dont les dispositions qui violent les droits des femmes et des fillettes, la mise en oeuvre de programmes de santé intégraux en faveur des femmes infectées et de programmes se santé génésique pour les adolescents ainsi que l’adoption de politiques publiques favorisant l’égalité entre les sexes.


M. ELHADJ SY (Sénégal) a rappelé que 36 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH/sida, dont 47% sont des femmes.  13,3 millions d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne.  Ces chiffres, a-t-il poursuivi, sont l’expression silencieuse de la colère, de la recherche quotidienne de solutions, de l’engagement et de la solidarité face au défi que constitue cette pandémie.  Il s’agit de sang, de relations sexuelles, a-t-il déclaré en faisant observer que c’est de facto une question qui intéresse les deux sexes et une question de sécurité humaine.  Il a estimé que l’épidémie révèle le mauvais fonctionnement de nos sociétés et reflète notamment les relations entre les hommes et les femmes.  Chacun perçoit différemment le risque selon son environnement socioéconomique, notamment s’il vit en situation de conflit ou avec une maladie telle que le sida.  La prise de risque est également différente chez l’homme et la femme.  Elle dépend notamment de la conception que chacun a de la virilité et des attentes inculquées par la société. 


La vulnérabilité est une préoccupation clef en ce qui concerne la lutte contre le sida.  Les femmes sont plus vulnérables d’un point de vue biologique et du fait de leur statut socioéconomique.  Pour traiter ces vulnérabilités il faudrait se pencher sur les dysfonctionnements de notre société et sur le rôle de partenaire que devraient jouer les hommes.  Il faut également promouvoir l’estime de soi pour que les homme et les femmes deviennent de vrais citoyens et donc des partenaires dans la lutte.  Il faudrait créer un environnement non discriminatoire qui condamne toute stigmatisation des victimes de la maladie.  Faisant observer que 90% des personnes atteintes ne le savent pas, M. Sy a exhorté les gouvernements à faire preuve de leadership, de bonne gouvernance et les citoyens, en particulier les hommes, à participer. Qu’advient-il d’une culture de dignité, de choix de respect des femmes en tant qu’épouse et mère, s’est-il interrogé en soulignant que l’aspect psychologique est important.  A titre d’exemple il a expliqué que les jeunes filles n’iront pas se procurer des préservatifs si elles sont mal reçues.  Il est également impératif de mobiliser les ressources pour relever les défis que constituent notamment les soins, les traitements et l’information qui seront la base de la Session extraordinaire consacrée au VIH/sida en juin au Siège.  Si l’épidémie m’a appris une chose, "c’est que je veux lutter contre elle et cela avec vous", a-t-il conclu en citant Albert Camus dans la Peste.


Dialogue


M. ELHADJ SY a expliqué aux membres de la Commission que le virus de l'immunodéficience humaine est transmis par plusieurs voies: sexuelle, échanges de seringues ou de la mère à l’enfant.  Cette épidémie doit être vue comme un phénomène de société.  Pour ce qui est des questions liées à l’éducation, l’expert a insisté sur la nécessité de fournir des informations sur la maladie elle-même mais également sur le comportement des individus.  Comment changer les comportements des femmes et des personnes vulnérables mais également des hommes.  L’expert a soulevé le problème des inégalités dans l’accès aux traitements entre les pays du Nord et du Sud mais également entre les zones rurales et urbaines. 


Mme BIANCO a insisté sur la question de l’accès des femmes aux traitements qui est un problème particulièrement important dans la mesure où la discrimination dont elles sont victimes s’exerce également dans ce cadre pour des raisons économiques mais également culturelles.  Les femmes, a-t-elle expliqué, sont préconditionnées pour accorder la primauté à la santé de leurs enfants et de leur époux.  Il faut également étudier de quelle manière les activités de recherche sont menées.  Dans les pays pauvres, les femmes et enfants servent de cobayes ce qui présente des risques de santé importants.


Mme TLOU,  rappelant que les pays en développement ont pour priorité de négocier leur dette, a insisté sur la nécessité de favoriser l’accès aux traitements à des prix abordables et de faciliter les activités de recherche communes.  Elle a demandé à la Commission d’adopter des recommandations concrètes dans le but d’influer sur la session extraordinaire de l’Assemblée général qui sera consacrée au VIH/sida.


Répondant aux questions qui lui ont été adressées, Mme Shahabudin a souligné que les femmes ne sont pas seulement victimes d’inégalités dans leurs relations avec les hommes mais d’inégalités en droit.  A cet égard, elle a souligné l’importance que revêt, en addition à une éducation sexuelle précoce, la sécurité alimentaire et les droits, en particulier le droit à la propriété, dans les milieux ruraux notamment.  Elle a par ailleurs expliqué qu’il faut travailler sur les valeurs qui entraînent la subordination de la femme et effacer les idées préconçues qui circulent au sujet de la femme.  Mme BIANCO a elle aussi insisté sur l’importance de l’éducation sexuelle précoce pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes.  Elle a indiqué que quelques bonnes expériences ont permis, en Amérique latine, de faire participer les homme à lutter contre la violence.  A cet égard, elle a ajouté que les stéréotypes poussent les hommes à la violence. 


Mme TLOU a, quant à elle, indiqué qu’il existe en Afrique des organisations chargées de l’éducation des hommes dans le domaine de la prévention du sida.  Les notions de survie et d’estime de soi doivent être la base de la prévention contre le VIH/sida.  Le manque de ressources allouées à la recherche contrevient à la lutte contre le sida.


M. SY a expliqué que la recherche montre que la majorité des femmes ont été infectées pendant leur premiers rapports sexuels, voire le premier.  Le message qui consiste à réduire le nombre de partenaires sexuels n’est pas pertinent, il faut au contraire introduire la notion de relations sexuelles protégées qui pourra faire la différence.  La peur d’être stigmatisées, conduit les victimes à vivre dans l’ombre car le sida est souvent considéré, à tort, comme un indice de promiscuité sexuelle.  Il a invité les Etats Membres à consulter le site ou les Bureaux nationaux d’ONUSIDA concernant la campagne intitulée "Les hommes font la différence".


Pour Mme BIANCO, il faut développer des méthodes de soins alternatives qui seraient accessible à tous.  Il faut éliminer la médecine à deux vitesse.  Elle a insisté également sur la nécessité de veiller à la protection des droits de l’homme lors des activités de recherche, expliquant que bien souvent, les membres des  communautés pauvres acceptent de participer aux activités de recherche médicale car il s’agit pour eux du seul moyen d’avoir accès aux traitement.  L’experte n’a pas jugé bon d’instaurer le dépistage obligatoire du sida, relevant qu’il faut dans un premier temps être en mesure de fournir des services de conseil sur les risques de propagation du virus.  Mme SHARABUDIN a estimé que le dépistage obligatoire du sida est une violation des droits de l’homme et de la vie privée.  S’agissant de la prévention, elle a demandé à chaque Etat d’évaluer la pertinence de certaines méthodes, comme l’échange des seringues et la distribution des préservatifs.


Pour Mme TLOU, la meilleure façon de prévenir la propagation verticale du VIH/sida est de prévenir l’infection des femmes.  Elle a également précisé que les médicaments ne constituent pas une panacée.  Il faut nous attacher également à la mise en oeuvre de programmes de prévention du sida et d’aide aux victimes.  Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons passer de la prévention primaire à la prévention secondaire.  Il faut également que les sociétés pharmaceutiques poursuivent les recherches pour que l’on passe du stade du traitement à celui de la guérison.  L’experte a relevé par ailleurs que bon nombre de pays en Europe centrale et orientale sont en proie à des conflits ce qui aggrave considérablement la vulnérabilité des femmes au sida.  La paix permet de dégager plus de ressources pour les traitements.  M. SY a plaidé en faveur de davantage d’efforts de prévention, expliquant que ceux qui critiquent l'usage des préservatifs masculins ou féminins souvent n’en n’ont jamais utilisé ni même vu.  Il a également demandé la rupture du silence des personnes infectées.  Il faut que ces personnes puissent participer aux efforts de lutte contre le sida au lieu d’être stigmatisés. 


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