LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME EXAMINE LE PREMIER RAPPORT DE LA CROATIE SUR SON APPLICATION DU PACTE INTERNATIONAL DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES
Communiqué de presse DH/305 |
Comité des droits de l'homme
Soixante et onzième session
1912e séance - matin
LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME EXAMINE LE PREMIER RAPPORT DE LA CROATIE SUR
SON APPLICATION DU PACTE INTERNATIONAL DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES
Présentant, ce matin, le rapport initial de la Croatie devant le Comité des droits de l’homme, la délégation croate a précisé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été intégré à l’ordre juridique interne de la Croatie, que ses dispositions ont été prises en compte lors de l’élaboration de la Constitution et, depuis, invoquées par la Cour suprême pour le règlement de certains litiges. Le Ministre adjoint de l’intérieur et chef de la délégation croate, Mme Lidija Lukina Karajkovic, a insisté sur les changements politiques radicaux qui ont découlé des élections législatives et présidentielles organisées après le décès du Président Tudjman. Elle a ainsi indiqué que le nouveau Gouvernement a mis l’accent sur la transparence, la décentralisation et la séparation des pouvoirs, tout en luttant pour la promotion des droits des minorités et des réfugiés.
En ce qui concerne le sort des réfugiés, qui avaient pour la plupart fui en ex-République fédérale de Yougoslavie, la délégation croate a assuré le Comité que leur retour ne rencontre plus aucun obstacle politique et que tout est fait pour le faciliter et même l’accélérer. Les représentants croates ont souligné que les efforts déployés pour restituer les biens de plusieurs milliers de réfugiés ne suffiront pas à remédier à l’état déplorable de l’infrastructure et de l’économie des zones touchées par la guerre, où 60 % de la population est au chômage. Ils ont toutefois jugé encourageants les résultats d’une enquête menée par un organisme indépendant en octobre et novembre 2000 selon lesquels 75% des Serbes interrogés jugent que leur situation est meilleure en Croatie que dans le pays où ils s’étaient réfugiés. Dans un contexte de lutte contre la corruption et la criminalité organisée, le Gouvernement croate a mis en place un bureau de lutte contre la corruption et la criminalité organisée chargé de renforcer l’application des nouvelles mesures législatives. Des mesures d’amélioration de l’efficacité du système judiciaire sont en cours d’examen. En outre, les anciens règlements régissant les activités de la police s’étant révélés incohérents, une nouvelle législation a été adoptée. Par ailleurs, la délégation croate a assuré le Comité que les allégations de massacres motivés par des considérations ethniques ont toutes fait l’objet d’enquêtes suivies, notamment dans le cadre de nouveaux services spécialisés dans le traitement des crimes de guerre.
Le Comité des droits de l’homme poursuivra son examen du rapport initial de la Croatie cet après-midi, à partir de 15 heures.
Rapport de la Croatie (CCPR/C/HRV/99/1)
Le rapport initial de la République de Croatie sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en Croatie donne un aperçu des mesures qui ont été adoptées pour donner effet aux droits reconnus par le Pacte. Il rappelle qu’après avoir organisé les premières élections multipartites du pays le 22 avril 1990, la Croatie a entrepris de mettre en place un régime de démocratie parlementaire et une économie de marché. Suite à un référendum sur le maintien des anciennes républiques yougoslaves au sein de la Fédération yougoslave, tenu en mai 1991, 94% des électeurs ont opté pour l'indépendance et la souveraineté de la République de Croatie. La décision constitutionnelle proclamant l'indépendance et la souveraineté de la République de Croatie a donc pris effet le 8 octobre 1991 et, à compter de cette date, la République de Croatie est un Etat indépendant.
En ce qui concerne la place du Pacte dans le système législatif croate, le rapport précise qu’en cas de conflit entre les dispositions du Pacte et la législation croate interne, la Constitution dispose que les accords internationaux conclus et ratifiés conformément à ses dispositions, une fois rendus publics et mis en application, font partie de l'ordre juridique interne de la République et leur autorité juridique est supérieure à celle de la loi interne. Leurs clauses ne peuvent être modifiées ni abrégées que dans les conditions et selon les modalités prévues dans les traités eux-mêmes ou bien conformément aux règles générales du droit international.
La Constitution de la Croatie garantit la réalisation du droit à l'autodétermination dans le domaine économique et prescrit que le parlement national croate ainsi que le peuple croate règlent directement et en toute indépendance l'organisation des rapports économiques, juridiques et politiques en Croatie, et la protection des richesses naturelles et culturelles ainsi que les modalités de leur utilisation. De 1991 à 1995, il a été impossible à la Croatie d'exploiter librement ses ressources naturelles dans des territoires provisoirement occupés, puisqu'elle était victime d'une agression armée et que près d'un quart de son territoire était occupé.
La Constitution garantit en outre aux membres des minorités de pouvoir faire librement état de leur appartenance nationale, d'écrire et parler leur langue et de jouir de l'autonomie culturelle, tandis que la loi constitutionnelle sur les droits de l'homme et les droits des communautés ethniques ou minorités nationales garantit l'exercice d'un nombre plus important encore de droits particuliers aux minorités, notamment le droit à un enseignement dispensé dans les langues minoritaires, le droit de parler et d'écrire en public et en privé des langues minoritaires, le droit d'accéder aux médias, le droit pour les membres de minorités de participer à la vie publique, et de bénéficier d'une représentation spéciale au parlement national croate. Sur la recommandation de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l'Europe, il a été créé, le 23 janvier 1998, un organe consultatif indépendant, le Conseil des minorités chargé d'exprimer les intérêts des minorités nationales, selon l'optique individuelle propre à chaque minorité et selon une optique globale représentative de l'ensemble des minorités. Il propose également au parlement national croate et au Gouvernement de Croatie des solutions à certains problèmes qui risquent de se faire sentir dans ce domaine.
L'interdiction de toute discrimination, pour quelque motif que ce soit, est régie par la Constitution ainsi que par les dispositions de l'article 2 de la loi constitutionnelle sur les droits de l'homme et les droits des communautés ethniques ou minorités nationales. Le Gouvernement a notamment constitué une commission chargée des questions d'égalité. Par ailleurs, le code pénal interdit la privation illégale de liberté, l'enlèvement, l'extorsion de déclarations par la contrainte, la mise en danger de la sécurité d'autrui, la soumission en esclavage et la traite d'esclaves. Sont également incriminées les atteintes aux droits fondamentaux de l'homme et du citoyen telles que les abus commis contre des particuliers dans l'exercice d'une fonction publique ou abus de l'autorité publique, les atteintes à l'inviolabilité du domicile, la fouille illicite, et les entraves à l'exercice de la liberté d'association ou de réunion. Le droit de vote est également protégé.
La Constitution garantit le droit de contester devant les tribunaux ou tout autre organe compétent les actes juridiques ou administratifs individuels faisant suite à une procédure de première instance. Le droit d'exercer ce recours peut être exceptionnellement exclu dans les cas prévus par la loi dès lors qu'une autre voie de droit est ouverte. L'article 19 de la Constitution garantit le contrôle juridictionnel de la légalité des actes individuels émanant des autorités administratives et des corps investis de la puissance publique. En outre, en vertu de l'article 20 de la Constitution, quiconque contrevient aux dispositions relatives aux libertés et droits fondamentaux de l'homme et du citoyen engage sa responsabilité personnelle et ne saurait s'exonérer en invoquant un ordre supérieur. Toutefois, le rapport précise qu’il est impossible de la saisir pour le compte d'un tiers ou au nom de l'intérêt public. Seule la personne qui aurait été victime d'une atteinte à ses droits est habilitée à porter plainte. Le Procureur de la République ainsi que le Médiateur (Ombudsman) peuvent décider de déclarer une décision nulle et non avenue et de l'annuler en se fondant sur le droit de contrôle qui leur est imparti.
L'égalité des droits entre les hommes et les femmes est consacrée par la Constitution qui dispose à l'article 14 que "Les citoyens de la République de Croatie jouissent de tous les droits et libertés, sans distinction de race, de couleur de peau, de sexe, de langue, de religion, de conviction politique ou d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance, de formation, de situation sociale ou de toutes autres particularités.” La loi sur le travail régit cette égalité entre hommes et femmes ainsi que le code de la famille qui dispose au paragraphe 1 de l'article 33 que les conjoints sont égaux. Pour que l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe telle qu'elle est proclamée par la Constitution soit suivie d'effet, la réalisation de tous les droits et de toutes les libertés garantis par la Constitution impose implicitement d'interdire toute discrimination de ce type et de pratiquer l'égalité des sexes et, en conséquence, la question est régie par toute la législation croate, notamment l'article 106 du code pénal qui punit toute atteinte à l'égalité fondée sur une distinction de sexe. En outre, le Gouvernement croate a constitué une commission chargée des questions d'égalité qui doit mettre au point une politique nationale visant à renforcer le rôle de la femme au sein de la société.
Par ailleurs, la Croatie a décidé d'encourager les formes non violentes de résolution des conflits et de réduire le nombre des infractions au respect des droits de l'homme en cas de conflit. Dans ce cadre, la contribution que les femmes apportent à la préservation de la paix sera soulignée. Les femmes faisant partie des personnes déplacées vont se voir offrir protection, assistance et formation. Il est également prévu de continuer à rechercher pour les identifier et condamner ceux qui se sont rendus coupables systématiquement de viol et de certaines autres formes de traitement inhumain et dégradant des femmes pour en faire délibérément un instrument de guerre et de nettoyage ethnique. Il va être adopté d'autres mesures encore pour instruire les cas où ce sont notamment des membres de la police, des forces de sécurité et des forces armées qui se sont rendus coupables de violences à l'encontre des femmes, de violations du droit international humanitaire ou d'infractions aux droits des femmes en période de conflit armé afin de pouvoir sanctionner les coupables.
Pour ce qui est des situations d’exception, le Président de la République prend des ordonnances ayant force de loi et édicte des mesures exceptionnelles en cas d'état de guerre ou de menace directe contre l'indépendance et l'unité de la République, ou quand les pouvoirs publics de l'Etat sont dans l'impossibilité d'assurer l'exercice régulier des fonctions conférées par la Constitution. Aussi longtemps que le Président de la République exerce ces prérogatives, la Chambre des représentants ne peut être dissoute. La Constitution prescrit expressément que dès que la Chambre des représentants du parlement est en mesure de se réunir, le Président de la République est tenu de lui soumettre l'ordonnance ayant force de loi qu'il a prise en cas d'urgence. Le Président de la République prend des ordonnances et des mesures d'urgence en cas d'état de guerre; en cas de menace directe contre l'indépendance et l'unité de la République; et quand les pouvoirs publics sont dans l'impossibilité d'assurer l'exercice régulier des fonctions qui leur sont conférées par la Constitution. Lors d'un état d'urgence, le Président n'est pas habilité à dissoudre la Chambre des représentants du parlement national croate.
En ce qui concerne le système judiciaire, le rapport indique notamment qu’une personne arrêtée ou détenue ne peut l’être sans un mandat écrit délivré par un tribunal. Ce mandat doit être lu et notifié à la personne placée en état d'arrestation au moment où elle est arrêtée. Les citoyens et les étrangers sont tous égaux devant les tribunaux, les corps de l'Etat et autres organes investis de la puissance publique. Toute personne est présumée innocente et ne peut être considérée comme coupable d'une infraction pénale tant que sa culpabilité n'est pas établie par une décision judiciaire devenue définitive.
Le rapport détaille également une série de dispositions législatives en vigueur en Croatie pour ce qui est, entre autres, de la liberté de circulation, le droit de libre association, la liberté d'entreprise, le droit à la vie, l'interdiction de la torture, le traitement des personnes, la protection des malades mentaux, l'expérimentation scientifique, ainsi que les droits des travailleurs.
Présentation du rapport par la délégation
MME LIDIJA LUKINA KARAJKOVIC, Ministre adjointe de la justice de Croatie, a mis en avant la coopération qu’a établie son pays avec l’Organisation des Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Conseil de l’Europe ainsi que les efforts qu’il déploie pour devenir un partenaire fiable de la communauté internationale. Elle a retracé les différentes étapes qu’a traversées la Croatie depuis le début de l’effondrement du communisme en 1989 et qui ont abouti à son indépendance en 1991. Elle a décrit également les difficultés qui ont suivi jusqu’aux Accords de Dayton et la fin du conflit en Bosnie-Herzégovine. Les élections législatives et présidentielles, à la suite du décès du Président Tudjman ont entraîné des changements politiques radicaux, a-t-elle déclaré. La protection des droits de l’homme est une priorité du Gouvernement croate; il a été félicité au cours des douze derniers mois pour ses efforts pour rétablir les droits de l’homme, notamment à l’égard des minorités et la transparence. Certaines opérations de surveillance qui ont été menées en Croatie, ont été jugées satisfaisantes et pouvant être interrompues; c’est le cas de la mission de surveillance du Conseil de l’Europe. Nous pensons que toutes les conditions sont réunies pour que ces mesures soient levées, a poursuivi la représentante. En novembre 2000, a-t-elle indiqué, des amendements ont été apportés à la Constitution de façon à limiter la concentration des pouvoirs au niveau de la présidence de la République et de façon à passer d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire et à un système décentralisé de prise de décision. Cette révision a entraîné une séparation plus nette entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire mais aussi entre les pouvoirs régionaux et le pouvoir central. La Constitution stipule notamment que le pouvoir central est limité par le pouvoir autonome des gouvernements locaux. La protection de l’indépendance de la magistrature a été renforcée et le Gouvernement a des pouvoirs élargis. Le champ des valeurs démocratiques s’est élargi. La nouvelle constitution comble de façon générale les lacunes de la première constitution, adoptée en 1990 et baptisée alors «Constitution de Noël». Après les élections législatives de janvier 2000, a été adoptée une loi qui amende toutes les mentions discriminatoires à l’égard des réfugiés et, par un amendement de juin 2000, la loi sur la reconstruction reconnaît désormais les mêmes droits à tous les propriétaires pour procéder à la reconstruction de biens détruits pendant la guerre, a précisé par ailleurs la déléguée.
Un des grands défis auquel est confrontée la Croatie, est la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, a déclaré Mme Karajkovic, indiquant que plusieurs projets de loi visant à combattre ces fléaux sont actuellement à l’étude. Cette législation permettrait de se conformer aux normes internationales et de lutter à tous les niveaux de l’économie et de la politique. Le Gouvernement croate entend mettre l’accent sur la prévention et des mesures législatives ont été prises à cet égard. Le gouvernement a approuvé la création d’un bureau de lutte contre la corruption et la criminalité organisée qui doit permettre d’améliorer l’efficacité des mesures adoptées. Un programme national insistant sur les responsabilités individuelles et collectives a été renvoyé au Gouvernement pour adoption. Une nouvelle législation sur la police a également été adoptée, a indiqué la déléguée, faisant remarquer qu’il n’existait pas jusqu’alors de réglementation moderne fondée sur la primauté du droit et la législation antérieure, maintes fois amendée, était devenue incohérente.
Poursuivant, Mme Karajkovic a souligné que tous les instruments internationaux en vigueur sont énumérés dans la législation sur le fonctionnement de la police. Elle a admis que la Croatie est consciente qu’un certain nombre de questions sont en suspens comme le retour des réfugiés et la mise en place d’un pouvoir judiciaire plus rapide. La population se trouve dans une situation économique difficile, l’infrastructure de l’économie a été absolument détruite et l’aide de la communauté internationale n’a pas été aussi importante que ce que l’on pensait. Après les élections parlementaires de l’année dernière, le gouvernement a entrepris de mettre en place une démocratie véritable. Il s’attache à assurer, par des mesures législatives, le plein respect de tous les citoyens et a permis le retour de tous les citoyens croates sans condition. La protection et la promotion des droits des minorités est une constante du Gouvernement croate. Le gouvernement accorde aussi une attention soutenue aux ONG et aux membres de la société civile. S’il est conscient de l’ampleur de la tâche qui l’attend encore, le Gouvernement est optimiste du fait que les problèmes politiques du passé aient désormais laissé la place aux problèmes économiques.
Réponses de la délégation aux questions écrites
Prenant à son tour la parole, M. BRANCO SMERDEL, Professeur à la faculté de droit de Zagreb, a précisé que le Pacte fait partie de l’ordre interne de la Croatie et que ses dispositions ont été prises en compte lors de l’élaboration de la Constitution. Les personnes qui portent plainte pour violation de leurs droits peuvent se référer à la Cour européenne des droits de l’homme s’ils estiment que les dispositions du droit interne ne suffisent pas à protéger leurs droits.
M. Smerdel a ajouté que la Cour suprême constitutionnelle se prononce sur la conformité de la loi ou d’autres règlements avec la Constitution. La Cour a invoqué dans certaines de ses décisions les dispositions de divers instruments internationaux, y compris le Pacte international des droits civils et politiques. Le représentant a ensuite cité une série de cas dans lesquels les demandeurs se référaient aux dispositions d’instruments internationaux dans le domaine des droits de l’homme.
M. Smerdel a indiqué que seul un article de la Constitution prévoit la dérogation à certains droits en cas de situation d’urgence. Cette mesure est soumise à l’approbation du Parlement croate et doit être proportionnelle à l’ampleur de la menace qui la motive. Un autre article de la Constitution, révisé l’année dernière, permet au Président de passer un décret ayant force de loi en cas de situation d’exception mais doit recevoir l’approbation du Parlement et ne peut déroger à aucune des dispositions du Pacte. Ces dispositions sont interprétées dans leur sens le plus strict et en gardant à l’esprit l’article 4 du Pacte.
Les procédures ou mécanismes en place pour le suivi des observations du Comité comprennent notamment le Département des droits de l’homme, créé en 1994. Récemment, au sein des organisations gouvernementales, le Gouvernement a mis sur pied une commission des droits de l’homme.
M. BRANKO SOCANAC, Chef de département au Ministère des affaires étrangères, a déclaré que la procédure de retour des réfugiés a été accélérée, notamment pour ce qui est du relogement. Les réfugiés qui optent pour le retour sont égaux aux autres citoyens devant la loi. En l’an 2000, 32 870 personnes sont revenues au pays. Les demandes de retour proviennent surtout de réfugiés croates vivant en Bosnie-Herzégovine. La majorité des demandes de retour ont été acceptées même lorsque les demandeurs n’étaient pas encore revenus en Croatie. L’association des réfugiés serbes et des réfugiés de Bosnie-Herzégovine coopèrent avec le Gouvernement croate pour faciliter les conditions du retour en Croatie et la résolution des cas. Pour ce qui est de la récupération des biens, les mesures de remise des biens ont été coordonnées au niveau local. Jusqu’à présent, 11 000 demandes ont été reçues dont 4000 ont été réglées. Chaque logement a été visité pour tirer au clair les faits invoqués. Entre 1995 et 1997, plus de 4000 décisions concernant la possession ou l’occupation temporaire ont été examinées sur plus de 11 000 cas soumis aux autorités. Dans 41 % des quelque 4 000 cas examinés, les propriétaires ont pu récupérer leur propriété. Selon les estimations, 7 000 unités de logement provisoires seront nécessaires. Par ailleurs, ces réfugiés ont accès sans difficulté aux documents d’identité. Ils reçoivent les documents de voyage nécessaires.
Pour ce qui est de la reconstruction, le représentant a indiqué que 103 000 unités de logement ont été reconstruites jusqu’à présent. En 2001, 66 000 personnes de retour bénéficient d’une couverture sociale. Un programme social offrira aussi de l’aide aux plus démunis de ces anciens réfugiés. En plus des fonds étatiques, une part importante des ressources proviendra de la communauté internationale. La tendance à la croissance du retour des réfugiés démontre que ce problème n’a plus de caractère politique. Il s’agit à présent d’appuyer le processus de reconstruction du logement et de l’infrastructure ainsi que de revitaliser l’économie des zones touchées par la guerre, où le taux de chômage est de 60 %.
Répondant à la question portant sur les allégations de massacres motivés par des considérations ethniques, le délégué a indiqué que toutes ces affaires ont fait l’objet d’enquêtes suivies, le cas échéant, de poursuites et que certaines étaient encore en cours. Les chiffres montrent que les crimes ayant une origine ethnique sont en diminution, a-t-il précisé. Mme Karajkovic a par ailleurs répondu à la question portant sur la collaboration de la Croatie avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Elle a indiqué que, le 14 avril 2000, le Parlement croate avait adopté une déclaration exprimant la volonté de la Croatie de continuer sa collaboration avec le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie dans la poursuite des crimes de guerre. Le Procureur du TPI a pu procéder à des exhumations sur le territoire croate avec la collaboration de services croates et d’avoir des entretiens avec les forces croates, et 3000 documents lui ont été remis, a-t-elle expliqué.
Le Ministère des affaires étrangères, a fait le bilan des opérations de recherche des personnes disparues. Il a notamment indiqué que la libération de certains territoires avaient permis d’accéder à des fosses communes, ce qui a abouti à l’exhumation de milliers de victimes et à leur identification. Sur les 3 197 victimes exhumées, a-t-il précisé, 2752 personnes ont été identifiées; 1 004 personnes disparues n’ont toujours pas été retrouvées. Des fosses communes ont été découvertes sur l’ensemble du territoire mais la plupart se trouvait dans la région du Danube. Sur les 2 036 victimes qui ont été exhumées, on n’a pu déterminer le sort de 833 personnes. Les dépouilles des victimes ont été remises aux familles.
M. MARIN MRCELA, juge au Tribunal du Comté de Zagreb, a précisé que le Code pénal définissait la nature du comportement criminel des forces publiques dans l’exercice de leurs fonctions et qu’il citait au nombre de ceux-ci la torture et les traitements dégradants. Il a décrit les procédures ouvertes aux plaignants évoquant notamment la possibilité de déposer des plaintes directement auprès de la police ou du ministère public. Il a également expliqué quelles étaient les sanctions et indemnités prévues par la législation.
M. DAMIR KUKAVICA, Chef de service au Ministère de l’intérieur, a attiré l’attention sur la création de services spécialisés dans les crimes de guerre. Ces services sont composés d’un personnel formé à cet effet et leur tâche est de faire toute la lumière sur ces crimes, a-t-il expliqué. En 2000 et au début de l’année, des rapports leur ont été soumis et sont en cours d’examen. La création d’une cour spécialisée est également à l’étude.
M. Kukavica a également indiqué que le code pénal interdit la traite de personnes en Croatie. La police croate a mis en place des mesures permettant la prévention de ce crime, notamment en mettant les suspects sur écoute. Il a déclaré que l’octroi du permis de séjour provisoire excédant trois mois est limité aux personnes qui ont les moyens de subvenir à leurs besoins. La loi sur la circulation et la résidence temporaire des étrangers indique que ces conditions s’appliquent quel que soit le pays d’origine du demandeur.
Pour combler l’important retard pris dans le traitement des plaintes portées devant les tribunaux croates, a ensuite indiqué Mme KARAJKOVIC, le président du tribunal procède à un contrôle annuel des conditions générales de fonctionnement des tribunaux. Un groupe de travail a été créé au sein du Ministère de la justice afin d’élaborer une loi de réforme de la procédure judiciaire. Selon les informations disponibles, il apparaît que les tribunaux croates ne fournissent pas une protection suffisante aux personnes morales et physiques. Fin 2000, un texte amendant la législation judiciaire a été adopté. Pour ce qui est des mesures pratiques visant à réduire ces retards en tenant compte des caractéristiques propres à chaque tribunal, le Ministre de la justice doit décider des mesures à prendre en ce qui concerne les compétences des cours de comtés, notamment pour ce qui est de leurs compétences.
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