En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7639

LE RAPPORT BRAHIMI POSE LA QUESTION DE SAVOIR SI LES ETATS MEMBRES SONT DISPOSES A VENIR EN AIDE AUX PEUPLES DU MONDE, AFFIRME LE SECRETAIRE GENERAL

5 décembre 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7639


LE RAPPORT BRAHIMI POSE LA QUESTION DE SAVOIR SI LES ETATS MEMBRES SONT DISPOSES A VENIR EN AIDE AUX PEUPLES DU MONDE, AFFIRME LE SECRETAIRE GENERAL

20001205

On trouvera ci-après le texte de la déclaration du Secrétaire général sur le rapport Brahimi prononcée devant la Cinquième Commission (administrative et budgétaire) le 27 novembre 2000 :

J’ai l’honneur de m’adresser à vous aujourd’hui pour vous parler d’une tâche à laquelle nous devons nous atteler et qui revêt une importance capitale au regard de la mission de l’ONU : doter l’Organisation de moyens accrus en matière de paix et de sécurité afin de renforcer son efficacité dans ce domaine, comme le propose dans son rapport le Groupe d’étude sur les opérations de paix des Nations Unies.

Si j’ai créé un groupe d’étude pour examiner la question des opérations de paix, c’est que j’estime que la situation ne peut plus durer : depuis 10 ans, les populations sans défense auxquelles nous nous efforçons de venir en aide, les soldats de la paix et l’Organisation elle-même voient s’abattre sur eux, trop souvent et en bien trop de lieux, des calamités qui ont pour cause des mandats inadaptés, des moyens insuffisants et un appui trop faible de la part du Siège.

Nul, dans cette salle, ne mettra en doute la gravité de la situation. La question qui se pose est de savoir si nous sommes prêts, ensemble, à relever le défi et si, en tant que représentants des États Membres, vous êtes disposés à venir en aide aux peuples du monde en autorisant les changements et les améliorations proposés par le Groupe d’étude. Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix rédige actuellement un rapport sur la question, et je ne voudrais certes pas préjuger de ses conclusions. Permettez-moi néanmoins d’insister sur l’importance qu’elle revêt à mes yeux et sur son caractère urgent.

Le rapport Brahimi passe en revue tout un ensemble de domaines dans lesquels l’ONU, gênée par une trop grande lenteur, des lourdeurs administratives excessives, un manque de moyens et une trop grande fragmentation des tâches n’a pu agir efficacement face à des conflits. Le rapport, qui aborde tous les aspects de la question, que ce soit l’alerte avancée, la planification des missions ou encore l’utilisation des moyens de communication modernes et des technologies de l’information, représente l’effort le plus remarquable jamais déployé à l’ONU depuis sa création pour tenter de mettre l’Organisation mieux à même de répondre aux situations de crise. À vous de répondre à l’appel qui y est lancé.

Je suis bien conscient que des questions de portée bien plus vaste sont également en jeu :

Ce n’est pas en dotant le Siège de l’ONU de moyens accrus que l’on résoudra tous les problèmes qui se posent à l’heure actuelle en matière de maintien de la paix; Pour mettre à la disposition de l’Organisation les contingents et le personnel civil dont elle a besoin pour réussir, il faut que les États Membres aient la volonté politique voulue.

On a le sentiment que tous les États Membres n’assument pas à égalité les devoirs qui leur incombent en matière de maintien de la paix et que toutes les missions décidées par le Conseil de sécurité ne bénéficient pas d’un appui égal, voire d’un appui suffisant. Nombre de délégations ont déploré le manque d’engagement et la volonté politique insuffisante que manifestent les États lorsqu’il s’agit de maintenir la paix en Afrique. C’est une préoccupation que je partage.

Il s’agit là de questions essentielles, à caractère politique et structurel, auxquelles nous devons répondre. Il n’en est cependant pas moins urgent ni nécessaire de doter le Département des opérations de maintien de la paix de moyens accrus pour appuyer et guider les opérations sur le terrain. Car c’est sur le terrain que se décide la réussite ou l’échec d’une opération. C’est sur le terrain que nous pouvons, grâce à une présence militaire et civile efficace et grâce à des structures de commandement et de contrôle compétentes, obtenir des progrès ou les freiner et c’est à ce niveau par conséquent que l’action de l’ONU doit être renforcée. Apporter des améliorations immédiates et réelles à la capacité opérationnelle de l’Organisation est la première des priorités. Il s’agit d’une situation d’urgence qui exige que des mesures soient prises rapidement.

Si l’on tarde à prendre des décisions, le personnel de maintien de la paix – et les populations auxquelles il vient en aide – en pâtiront inévitablement et l’action de l’ONU sur le terrain sera affaiblie.

Permettez-moi de souligner que les ressources demandées représentent moins de 0,5 % du budget ordinaire actuel et que les ressources demandées au titre du compte d’appui représentent moins de 1,5 % du coût actuel du maintien de la paix. Il ne s’agit pas de sommes énormes, mais elles peuvent permettre de renforcer considérablement l’appui dont ont besoin les soldats de la paix sur le terrain et de les mettre mieux à même de s’acquitter du mandat dont les États Membres les ont chargés.

L’effort qui est demandé d’urgence présente deux aspects aussi essentiels l’un que l’autre.

D’une part, nous devons assurer un appui plus solide et plus efficace aux quelque 58 000 personnes actuellement déployées sur le terrain dans le cadre d’opérations de maintien de la paix.

C’est leur vie que ces personnes exposent chaque jour aux plus grands dangers pour s’acquitter de leur tâche, souvent lorsqu’elles s’y attendent le moins.

D’autre part, nous avons besoin d’urgence de personnel pour mettre en place des systèmes et des procédures qui nous permettront de mieux faire face à la prochaine crise lorsque celle-ci – inéluctablement – surviendra. Il est bien évident que la réforme proposée est indispensable, mais pour la mener à bien il nous faut des ressources. On ne peut sérieusement envisager de procéder à une réforme avec des moyens en personnel déjà à peine suffisants pour conduire les opérations actuelles. Ai-je besoin de rappeler la croissance rapide qu’ont connue, de façon inattendue, les opérations de maintien de la paix au cours de ces 18 derniers mois?

Le Département des opérations de maintien de la paix doit être doté d’un personnel en suffisance et d’une structure adaptée afin de pouvoir assurer un soutien efficace – planification, déploiement et gestion – aux opérations de maintien de la paix. Les propositions qui figurent dans le rapport Brahimi permettront, si elles sont appliquées, de réaliser cet objectif essentiel.

Les changements proposés couvrent un large éventail de besoins. Pour ce qui est des structures, il est proposé de créer un bureau des affaires militaires et de la police civile qui serait dirigé par un sous-secrétaire général et qui comporterait, d’une part, une division de la police civile et, d’autre part, une division militaire renforcée et restructurée.

Ce bureau donnerait une priorité accrue aux relations entre le Département des opérations de maintien de la paix et les États qui fournissent des contingents et des membres de la police. Il permettrait au Département de renforcer le dialogue et de développer les consultations entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les pays qui fournissent des contingents et des membres de la police, pendant toute la durée des missions, afin que toutes les parties intéressées puissent prendre des décisions en connaissance de cause sur tous les aspects des opérations. Un échange d’informations et un dialogue franc et ouvert sont essentiels si l’on veut que l’ONU garde la confiance des États Membres et si l’on veut que ces derniers apportent les ressources voulues et soient prêts à assumer les risques liés au déploiement de soldats de la paix.

Il est également proposé de remplacer le Groupe des enseignements tirés des missions par un groupe de la doctrine du maintien de la paix et des pratiques optimales et de créer un petit groupe consultatif en matière pénale et judiciaire, ainsi qu’un groupe de la parité entre les sexes et un groupe de l’information.

En somme, les changements qui sont proposés découlent de la nature multidisciplinaire que revêt aujourd’hui le maintien de la paix et ils doivent être autorisés si l’on veut que l’action de l’ONU demeure adaptée aux situations auxquelles les membres des missions sont aux prises.

Permettez-moi maintenant d’aborder la question tout aussi cruciale des moyens qui doivent être mis à la disposition de l’Organisation pour qu’elle soit en mesure d’appréhender, pour y parer, les causes fondamentales des conflits au sujet desquels on lui demande d’intervenir. Il y a une dizaine de jours seulement, le Conseil de sécurité se déclarait de nouveau convaincu qu’il fallait accroître les moyens de collecte et d’analyse de l’information au sein du Secrétariat. C’est précisément à cette fin que l’on se propose de créer un comité exécutif pour la paix et la sécurité et un secrétariat à l’information et à l’analyse stratégique. Ce dernier serait de dimension réduite et aurait un caractère multidisciplinaire. Son personnel, issu de différents secteurs, jouerait un rôle vital auprès du Comité exécutif, auquel il fournirait des analyses globales.

L’intérêt d’un secrétariat à l’information et à l’analyse stratégique est qu’il permettrait de mieux tirer parti des très nombreuses informations déjà disponibles au sein du système des Nations Unies et auprès des sources publiques; de tenir compte des questions humanitaires et des questions de développement dans l’analyse stratégique et la planification des missions; de faciliter la coopération et la coordination entre le Département des affaires politiques, le Département des opérations de maintien de la paix et d’autres éléments du système, conformément aux souhaits des États Membres; de fournir des analyses en vue de la formulation par le système de choix concernant les mesures à prendre et de stratégies à moyen et long terme à caractère intersectoriel et exigeant de plus en plus une approche multidisciplinaire.

Enfin, grâce à cette nouvelle structure, l’Organisation serait davantage en mesure d’analyser, en collaboration étroite avec les États Membres intéressés, les causes profondes des conflits potentiels et pourrait ainsi mieux cibler l’effort. On peut difficilement nier l’importance d’une telle initiative.

Lors du Sommet du Millénaire, les chefs d’État et de gouvernement ont adopté une déclaration dans laquelle ils ont résolu d’accroître l’efficacité de l’Organisation des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité, en lui donnant les moyens et les outils dont elle a besoin pour mieux assurer la prévention des conflits, le règlement pacifique des différends, le maintien de la paix, la consolidation de la paix et la reconstruction après les conflits. Dans la même déclaration, les chefs d’État ont prié l’Assemblée générale d’examiner promptement les recommandations formulées dans le rapport du Groupe d’étude sur les opérations de paix.

Je sais que vous êtes nombreux à la Cinquième Commission à souhaiter qu’une priorité plus grande soit donnée aux ressources destinées au développement. Je partage entièrement ce point de vue et je n’ai cessé d’exhorter les États Membres à accroître l’aide au développement. J’espère qu’à l’approche de la réunion de haut niveau qui sera chargée d’examiner la question du financement du développement, nous parviendrons à mobiliser l’attention de la communauté internationale sur cette question.

Il serait toutefois illusoire de croire que l’on pourrait dégager des ressources suffisantes en faveur du développement en privant l’ONU des moyens dont elle a besoin pour se doter de capacités adéquates en matière de maintien de la paix.

Ces deux activités ne s’excluent pas l’une l’autre. Elles sont au contraire complémentaires et l’on a besoin de ressources pour l’une et pour l’autre. J’ai toujours affirmé que le développement n’avait pas de pire ennemi que la guerre. Pour les pays en conflit et pour leurs voisins, la paix est la condition du développement. L’argent que l’on aura consacré au maintien de la paix et à la prévention des conflits permettra de créer ou de préserver les conditions du développement.

Si les changements qui sont proposés dans le rapport Brahimi sont acceptés, nous serons mieux équipés pour tenter d’épargner de nouvelles souffrances aux peuples des pays déchirés par la guerre et mieux préparés à cette tâche. Dans le cas contraire, ce n’est pas nous, ni les puissants et privilégiés de ce monde, mais ces peuples qui paieront le prix. Pour les puissants, il s’agit de doter l’ONU de moyens accrus. Pour les pauvres et les faibles, il s’agit littéralement d’une question de vie ou de mort. Nous ne pouvons en toute conscience oublier cette vérité essentielle tandis que nous délibérons du meilleur moyen de renforcer la mission de paix et de sécurité dont est chargée l’ONU. Il y a un besoin évident auquel il faut répondre d’urgence et la solution est à notre portée.

Je tiens à saisir cette occasion pour soulever une question qui me tient à coeur : la sécurité du personnel. Le personnel de l’ONU, qui doit souvent braver des dangers auxquels bien des armées n’exposeraient pas leurs soldats, doit pouvoir compter sur notre appui inconditionnel.

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, nous avons été témoins, depuis l’Afrique de l’Ouest jusqu’au Timor, de trop nombreuses tragédies, aussi j’espère que vous prendrez les mesures qui s’imposent pour que l’Organisation puisse accorder à la question de la sécurité du personnel la plus haute priorité. J’ai proposé un certain nombre de mesures concernant les effectifs affectés à la sécurité, leur formation, leur équipement et les services assurés, afin de professionnaliser et de renforcer le système de gestion de la sécurité à l’ONU. Il est bien évident que le système de financement actuel ne fonctionne pas de façon satisfaisante. J’espère toutefois sincèrement que vous adopterez les recommandations que j’ai faites afin que l’Organisation puisse prendre des mesures efficaces pour améliorer la sécurité de son personnel. C’est un minimum que celui- ci est en droit d’attendre. Je vous remercie.

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