En cours au Siège de l'ONU

CS/2073

CONSEIL DE SECURITE: LES RESSOURCES FINANCIERES APPROPRIEES SONT NECESSAIRES AU PROCESSUS DE STABILISATION ET DE RECONSTRUCTION EN GUINEE-BISSAU

29 novembre 2000


Communiqué de Presse
CS/2073


CONSEIL DE SECURITE: LES RESSOURCES FINANCIERES APPROPRIEES SONT NECESSAIRES AU PROCESSUS DE STABILISATION ET DE RECONSTRUCTION EN GUINEE-BISSAU

20001129

Le Conseil de sécurité, sous la présidence de la Ministre de la coopération des Pays-Bas, Mme Eveline Herfkens, a examiné la situation en Guinée-Bissau, à la lueur des récents événements. «La situation s'est améliorée, mais elle doit être suivie de près», a déclaré le Secrétaire général, M. Kofi Annan. Il a attiré l'attention sur les leçons qui peuvent être tirées de l'expérience bissau- guinéenne pour le renforcement de la paix après les conflits. Il a insisté sur la nécessité d'assurer des ressources appropriées pour traiter les causes profondes du conflit. A cet égard, il a fait part de son intention de demander aux organes compétents d’approuver une des recommandations du rapport Brahimi concernant la consolidation de la paix, selon laquelle une somme représentant un faible pourcentage du budget prévu pour la première année de mission devrait être mise à la disposition du Représentant du Secrétaire général pour financer, en suivant les conseils du coordonnateur résident du système de l’ONU sur place, des projets ayant un impact rapide dans la zone d’opérations de la mission.

Mme Herfkens a affirmé pour sa part que l'on ne doit pas compartimenter les différentes phases du processus de paix, à savoir le maintien, la restauration et la consolidation de la paix. Pour consolider la paix en Guinée-Bissau, elle a recommandé une approche plus intégrée, cohérente et bien coordonnée. Ceci s’applique à tous les autres pays en conflit, a-t-elle ajouté. M. Faustino Fudut Imbali, le Vice-Premier Ministre de la Guinée-Bissau a rappelé que la gestion inappropriée du processus de démobilisation et de réintégration des anciens combattants de la guerre d’indépendance, l’incapacité à consolider le processus démocratique et les graves violations de la Constitution figurent parmi les causes profondes du conflit. Il a indiqué qu’à la suite d’élections libres et transparentes qui ont démocratiquement porté au pouvoir le Président Kumba Yala, la communauté internationale s’était engagée à fournir 200 millions de dollars à la Guinée Bissau, sans que ces fonds n’aient à ce jour été versés.

Le Vice-Président de la Banque mondiale chargé de l'Afrique s'est déclaré impressionné par les efforts de reconstruction du Gouvernement, tout en reconnaissant que beaucoup restait à faire. Il a précisé qu'un allégement de la dette devrait permettre au pays de progresser vers la réconciliation et de réduire la pauvreté. Il a fait état de la collaboration de la Banque avec les Pays-Bas qui ont contribué généreusement au programme pour la démobilisation et réinsertion des anciens combattants.

Les représentants des membres suivants du Conseil de sécurité ont pris la parole: Mali, Etats-Unis, Bangladesh, Canada, France (au nom de l’Union européenne et des pays associés), Royaume-Uni, Argentine, Fédération de Russie, Chine, Tunisie, Mali, Jamaïque, Ukraine, Malaisie, et Namibie.

Sont également intervenus, les représentants de la Gambie, du Sénégal, et de la Guinée. La Secrétaire exécutive de la Communauté des pays lusophones (CPLP) a fait une déclaration.

LA SITUATION EN GUINEE-BISSAU

Déclarations

Le Secrétaire général des Nations Unies, M. KOFI ANNAN, a rappelé que les événements de la semaine dernière en Guinée-Bissau ont mis en évidence la fragilité de la stabilité dans le pays. A cet égard, il a exprimé ses remerciements au Conseil de sécurité, qui a pris une position ferme, ainsi qu'aux dirigeants de la sous-région et d'autres parties du monde qui ont contribué à mettre fin par des moyens pacifiques à la crise. Le Secrétaire général a prié instamment le Gouvernement de gérer les séquelles de la situation dans le cadre de l'état de droit et du respect des principes démocratiques et de réconciliation nationale.

La consolidation de la paix après les conflits prévoit une série de mesures visant à prévenir la reprise des hostilités, a poursuivi le Secrétaire général. Pour en garantir l'efficacité, il est nécessaire de faire face aux causes inhérentes du conflit et non pas seulement de ses symptômes. Dans le cas de la Guinée-Bissau, ces causes résident dans des institutions étatiques faibles, une armée profondément politisée, la pauvreté, la dette et l'insécurité.

Il a souligné que ces causes graves exigent de la part du Gouvernement et de la communauté internationale non seulement des décisions politiques complexes, mais également un engagement ferme et à long terme, appuyé par le déploiement en temps voulu de ressources. Le Secrétaire général a toutefois regretté que dans le cas de la Guinée-Bissau, ni le Gouvernement ni la communauté internationale aient joué pleinement un rôle efficace.

Le Gouvernement nouvellement élu devrait jouer un rôle moteur, mais cela ne sera pas possible tant que les institutions nationales demeurent faibles. Cette situation devrait donc être prise en considération lorsque le Conseil de sécurité détermine le mandat de futures missions de consolidation de la paix ou lorsqu'il envisage de les réviser ou d'adopter des stratégies en cas de retrait. En raison de son caractère multidimensionnel, la consolidation de la paix après un conflit se place souvent entre les secours d'urgence et l'assistance traditionnelle en faveur du développement. Bien que le PNUD et les institutions de Bretton Woods aient élaboré de nouveaux instruments financiers souples à cette fin, ces instruments demeurent modestes et sont insuffisamment financés. C'est pourquoi, les donateurs, y compris les institutions financières internationales, devraient explorer des voies visant à établir un équilibre entre d'une part, la nécessité d'établir une stabilité macroéconomique et, d'autre part, des priorités liées à la paix qui exigent une plus grande tolérance pour des dépenses publiques.

Le Secrétaire général a fait remarquer que son Représentant est de plus en plus sollicité pour s'acquitter de responsabilités pour lesquelles son Bureau ne dispose pas de ressources ou n'est pas autorisé. Il a notamment été appelé par le Gouvernement de Guinée-Bissau et par d'autres forces politiques, au cours de la crise la plus récente, à jouer un rôle de médiateur. Ce rôle, bien qu'essentiel au cours de la phase préliminaire d'un conflit et en particulier lorsque les institutions étatiques sont faibles, exige des ressources adéquates. Le Secrétaire général a fait part de son intention de demander l'approbation par les organes compétents d'une des recommandations formulées dans le rapport Brahimi, prévoyant d'une somme représentant un faible pourcentage du budget prévu pour la première année de la mission soit mise à disposition du Représentant spécial pour financer des projets à impact rapide. La consolidation de la paix est un processus multidimensionnel dont l'objectif ne vise pas simplement à démanteler les structures de la violence mais également à appuyer l'édification des structures nécessaires à une paix stable et à jeter les bases d'un développement durable. Ce processus exige des stratégies globales intégrant tous les acteurs pertinents et couvrant tous les secteurs d'activités, y compris politique, militaire, diplomatique, droits de l'homme et développement.

M. CALLISTO MADAVO (Vice-Président, Banque mondiale), prenant aussi la parole au nom du Fonds monétaire internationale (FMI), a déclaré que la Banque mondiale a accordé à la Guinée-Bissau un crédit pour une aide financière et technique, en vue de la reconstruction et pour la démobilisation des anciens combattants. La Banque mondiale estime que malgré l’instabilité récente, elle est rassurée par l’engagement du gouvernement et les progrès réalisés par celui-ci sur le plan de la reconstruction. Mais beaucoup reste à faire, a-t-il ajouté. M. Madavo a expliqué que la situation financière du pays est très faible. Les mines antipersonnel demeurent un danger. Les services sociaux doivent être restaurés. Le représentant s’est dit convaincu que la Guinée-Bissau pourra compter sur l’aide accrue de la communauté internationale, dont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement d’autres partenaires multilatéraux. Il a notamment remercié les Pays-Bas pour leur appui aux programmes de démobilisation et de réinsertion, mais il a ajouté que davantage de ressources sont requises afin de mieux financer le Fonds d’affectation spéciale mis sur pied à cet effet.

Soulignant le lourd endettement de la Guinée-Bissau, M. Madavo a indiqué qu’un programme d’allègement de cette dette est envisagé afin de jeter les bases d'une croissance durable et la réduction de la pauvreté, ainsi que pour lutter contre la pandémie du VIH/sida. Il a expliqué que cet allègement aiderait également le pays à progresser vers la réconciliation nationale et à réduire la pauvreté. M. Madavo a rappelé que le Directeur de la Banque mondiale a fait état des très bons résultats enregistrés par la Guinée-Bissau pour la reconstruction après les affrontements de 1998, mais que de nombreux défis demeurent. La Banque mondiale, a-t-il dit, estime que la communauté internationale devrait tabler sur la paix, appuyer et accompagner ce processus de reconstruction et de stabilisation. La Banque mondiale et le Fonds Monétaire internationale sont prêts à soutenir les efforts du Gouvernement en collaboration avec les autres partenaires.

M. FAUSTINO FUDUT IMBALI, Vice-Premier Ministre de la Guinée-Bissau, a rappelé que, pour mettre fin aux déséquilibres économiques et sociaux qui ont marqué la fin des années 80, la Guinée-Bissau a lancé son premier programme d'ajustement structurel, avec l'appui de l'Agence internationale pour le développement. Les résultats ont été peu satisfaisants, causant un déclin plus aigu de la situation économique et sociale du pays, et le plaçant parmi les pays les plus pauvres. Toutefois, entre 1997 et 1998, avec le renforcement du processus de réforme, ces déséquilibres macroéconomiques ont été sensiblement réduits. La Guinée-Bissau venait à peine de remonter la pente que le conflit du 7 juin 1998 éclata. La gestion inappropriée du processus de démobilisation et de réintégration des anciens combattants de la guerre d'indépendance, l'incapacité à consolider le processus démocratique et les graves violations de la Constitution perpétrées en toute impunité figurent parmi les causes profondes de ce conflit. Les conséquences de ce conflit ont été catastrophiques, causant de nombreuses pertes en vies humaines et accentuant la pauvreté. Une des conséquences importantes de ce conflit armé a été incontestablement le nombre accru de personnes vivant dans une pauvreté extrême et la livraison d'armes légères et de petit calibre à la société civile. Pour faire face à cette situation tragique, le Gouvernement de l'unité nationale dont le mandat était de courte durée, a axé ses efforts sur la relance économique et sociale du pays, la réconciliation du peuple bissau-guinéen et la création de conditions propices pour le retour à la démocratie par la voie d'élections libres et transparentes. La communauté internationale s'était engagée à fournir 200 millions de dollars à la Guinée-Bissau, sans que ces fonds n'aient à ce jour été versés. Le gouvernement de coalition a une base parlementaire solide et, conscient des défis et des difficultés qui se posent dans la phase de consolidation de la paix a élaboré un programme fondé sur les efforts antérieurs en matière de reconstruction et de réconciliation nationale après le conflit, axé sur la bonne gouvernance et la lutte contre la pauvreté. Au cours de ses neuf mois d'exercice, le Gouvernement a donné la priorité à la création de conditions institutionnelles pour une gestion transparente des affaires publiques, à la réorganisation des forces armées, à la mise en œuvre des réformes nécessaires pour le rétablissement de la stabilité macroéconomique, ainsi qu'à la réorientation des dépenses publiques.

Soulignant que les droits de l'homme sont respectés en Guinée-Bissau, le Vice-Premier Ministre a affirmé qu'une véritable séparation des pouvoirs existe en Guinée-Bissau, qu'illustre bien la récente élection du Président de la Cour Suprême. Au cours de la tentative de coup d'état, les forces armées se sont mobilisées pour garantir la défense de la démocratie, le rétablissement des libertés fondamentales et la restauration de l'état de droit. Comme l'a souligné le Président de la République, M. Kumba Yala, la «Guinée-Bissau n'est pas et ne participera jamais au conflit en Casamance mais participera au contraire aux efforts de paix». Les expériences tragiques de la guerre d'indépendance et le récent conflit politique et militaire du 7 juin 1998 ainsi que ses conséquences connexes ont montré que la guerre ne constitue pas le meilleur moyen de régler un conflit. En gardant à l'esprit le respect des principes de bon voisinage, la Guinée-Bissau est convaincue que tant qu'il n'y aura pas de paix en Casamance, la Guinée-Bissau, et l'ensemble de la sous-région, ne connaîtra pas de véritable stabilité.

M. MOCTAR OUANE (Mali), se réjouissant de l’amélioration des relations entre la Guinée-Bissau et ses voisins, particulièrement avec le Sénégal et la Guinée, a affirmé que le régime du président Kumba Yala est légitime, démocratique mais qu'il n'a pas les moyens de mettre en œuvre sa politique. Le représentant a souligné les efforts du gouvernement dans sa volonté, entre autres, de renforcer l’esprit de réconciliation nationale, de consolider l’état de droit, de restructurer les forces armées, et sur le plan externe, de continuer notamment à améliorer les relations avec les états voisins et la coopération avec la communauté internationale.

Le représentant a affirmé que sa délégation appuie tous les efforts visant à assurer la reconstruction de la Guinée-Bissau. Il s’est dit encouragé par les engagements pris lors de cette séance du Conseil de sécurité par le représentant de la Banque mondiale. Mentionnant que des promesses n’avaient pas été tenues par le passé, il a fait remarquer que la prochaine table ronde qui se tiendra à Genève sera un test pour la communauté internationale des bailleurs de fonds. Ceux-ci doivent également appuyer concrètement le programme triennal qui doit démarrer en 2001, a-t-il dit. Le représentant a conclu en indiquant que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) continuera d’assumer pour sa part ses responsabilités dans cette dynamique.

MME NANCY SODERBERG (Etats-Unis), a félicité les Pays-Bas pour l'attention qu'ils accordent à l'assistance post-conflit au profit de la société civile en Guinée-Bissau, et pour leur appui continu à la relance économique du pays. Le Gouvernement des Etats-Unis salue le peuple de Guinée-Bissau pour son engagement en faveur de la paix et pour ses efforts inlassables pour la reconstruction d'une société plus stable. Il salue également les travaux accomplis par le personnel du Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BANUGBIS), notamment pour ses efforts inlassables visant à renforcer les valeurs démocratiques, promouvoir l'état de droit et à encourager la protection des droits de l'homme dans le pays. De l'avis de la délégation des Etats-Unis, la présence continue des Nations Unies contribuera à assurer la viabilité des institutions démocratiques de la Guinée-Bissau, et facilitera la reconstruction et le développement économique du pays. Tout en se félicitant des progrès accomplis, la représentante a estimé que les événements récents visant à saper les efforts en faveur de la paix et de la stabilité sont profondément inquiétants. Le rôle ambigu du général Mané et de ses condisciples a posé un obstacle majeur aux efforts de reconstruction déployés depuis l'entrée en fonctions du Président Yala, en février dernier.

La communauté internationale devrait réagir de manière négative si un régime militaire était rétabli en Guinée-Bissau sous quelque forme que ce soit. La Guinée-Bissau commence à peine à se remettre d'un conflit civil. Elle a besoin de paix, de reconstruction et de développement. Le peuple de Guinée-Bissau mérite l'appui de la communauté internationale. C'est pourquoi, les Etats-Unis notent avec satisfaction que la présence des représentants de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international à la présente séance témoigne de la volonté de ces deux institutions financières internationales de contribuer à la réalisation de cet objectif.

M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh), fustigeant l’action du général Ansumane Mané, s’est réjoui de la victoire de l’ordre constitutionnel sur cette tentative de déstabilisation. Il a exhorté toutes les parties concernées à respecter les résultats des dernières élections et l’ordre civil. Il a par ailleurs affirmé que la démobilisation des anciens combattants est une condition nécessaire à la reconstruction nationale. A cet égard, le représentant a estimé que des ressources supplémentaires doivent être octroyées par la communauté internationale. Il a par ailleurs indiqué qu’il faut aussi accorder une attention urgente aux personnes déplacées à l’intérieur du pas. Le représentant a espéré que les bailleurs de fonds s’engageront à fournir les ressources appropriées lors de la table ronde prévue en février prochain à Genève. Il s’est enfin félicité des efforts de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans la sous région et du rôle joué par le représentant spécial du Secrétaire général en Guinée-Bissau, M. Samuel Nana-Sinkam.

M. JEAN-DAVID LEVITTE (France), s'exprimant au nom de l'Union européenne et des pays associés, a noté avec regret que le rétablissement de la paix civile et de la bonne gouvernance, la reconstruction économique et sociale, la sécurité aux frontières et l'affirmation progressive des institutions civiles par rapport à l'ex-junte militaire, n'ont été que partiellement réalisés. En dépit de l'organisation réussie en début d'année des élections législatives et présidentielles qui ont conféré aux nouvelles institutions une incontestable légitimité, le caractère multidimensionnel de la situation de crise affectant la Guinée-Bissau en renforce la complexité et implique une gestion coordonnée et véritablement intégrée de tous les partenaires concernés. Le retour à la paix et au développement durables passe par la résolution de problèmes structurels qui sont à la fois de nature politique, institutionnelle et internationale. L'Union européenne reconnaît à cet égard que l'appui des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux a sans doute manqué d'une stratégie cohérente et coordonnée. Les décaissements ont été trop lents pour favoriser la stabilisation de la situation post-conflit et la réussite de l'expérience démocratique issue des scrutins de novembre 1999 et janvier 2000. De l'avis de M. Levitte, la sécurité dans les pays comporte aujourd'hui de graves risques de déstabilisation interne et régionale. S'il est utile d'envisager dès maintenant la prorogation du mandat du Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BANUGBIS), au-delà de mars 2001, pour conforter la bonne issue du processus de démobilisation, il est parallèlement indispensable qu'un engagement massif et déterminé des bailleurs de fonds permette de franchir les prochaines échéances qui seront décisives.

Pour l'Union européenne, cet engagement ne peut se fonder sur les critères financiers habituels et les ratios classiques. Le rétablissement d'une souveraineté démocratique à partir d'installations détruites ou pillées, de télécommunications défaillantes, d'administrations dépeuplées et de finances publiques asphyxiées par le coût des forces armées constitue un défi pratiquement impossible à relever sans un appui international suffisant. Il faut donc mettre en place au plus tôt une aide quantitativement et qualitativement appropriée avec des conditionnalités adaptées. Cette aide devrait porter à la fois sur l'annulation de la dette et sur les appuis budgétaires qui permettraient au Gouvernement de couvrir les financements des services sociaux de base et de sécuriser le paiement des salaires sur plusieurs mois. Pour sa part, le Gouvernement de Guinée-Bissau devrait analyser le plus tôt possible les besoins d'assistance technique nécessaires pour assurer une bonne gestion de cette aide internationale.

Le nouveau pouvoir civil s'est trouvé confronté la semaine dernière au comportement irresponsable d'une partie des forces militaires. Ceci n'était pas totalement imprévisible, a tenu à faire remarquer M. Levitte, précisant que la junte militaire autoproclamée conduite par le général Mané n'avait pas conduit à terme son processus de dissolution après les élections législatives et présidentielles. Pour l'Union européenne, il est prioritaire dans le nouveau contexte de faire en sorte que ces évènements ne se répètent plus et que la Guinée-Bissau et la communauté internationale mettent en place dans les plus brefs délais le processus de démobilisation, de désarmement et surtout de réinsertion des militaires, paramilitaires et anciens combattants. L'Union européenne appelle le Gouvernement de la Guinée-Bissau à poursuivre une politique de dialogue ouverte et sans exclusivité permettant de mettre en place une véritable réconciliation nationale. Elle est particulièrement sensible aux actions prioritaires visant le respect des droits de l'homme et des libertés publiques.

M. PAUL HEINBECKER (Canada) a estimé que les événements des dernières semaines ont démontré à quel point les institutions démocratiques bissau- guinéennes sont fragiles et combien il importe que le Conseil maintienne son engagement dans les efforts que déploie la Guinée-Bissau pour renforcer la paix et consolider la démocratie. Le Canada réitère son soutien au Gouvernemement démocratiquement élu de Guinée Bissau et lui demande instamment de poursuivre ses efforts de renforcement des institutions démocratiques, y compris le respect des règles civiles par l'armée et la consolidation de la paix dans le pays. Il est impératif que les membres de l'ancienne junte militaire reconnaissent l'autorité d'un gouvernemement élu démocratiquement. De plus, a ajouté le représentant, l'engagement soutenu de la communauté des donateurs et la viabilité de leurs efforts dépendent du niveau de stabilité dans le pays. A cet égard, nous soulignons l'importance des processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration comme éléments clefs de promotion de la démocratie et de la stabilité. Nous avons toujours soutenu les activités du Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau, celles menées par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest et par la Communauté des pays lusophones. Nous appelons instamment les parties à coopérer lors des phases de consolidation de la paix et de reconstruction du pays.

M. ALISTAIR HARRISON (Royaume-Uni), s’associant à la déclaration faite par le représentant de la France au nom de l’Union européenne, s’est réjoui des efforts du gouvernement pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la consolidation de la paix. Il a souligné que la démobilisation en Guinée-Bissau est une très grande priorité. Il a enfin indiqué que le moment est venu pour la communauté internationale de concrétiser son appui à la Guinée-Bissau.

M. ARNOLDO M. LISTRE (Argentine) a estimé qu'à partir de la situation en Guinée-Bissau, on peut tirer des leçons pour les autres processus en cours. Le conflit en Guinée-Bissau ne peut être analysé de manière isolée sans tenir compte du contexte sous-régional. Nous devons veiller à ce que la situation politique, militaire, économique et sociale prévalant en Guinée-Bissau n'ait pas d'incidences sur les autres pays d'Afrique occidentale. Dans ce cadre en particulier, le représentant a noté l'instabilité croissante dans la zone frontalière commune entre la Sierra Leone, la Guinée et le Libéria. Dans le pays, les facteurs d'instabilité subsistent, comme l'a montré l'insubordination du général Mané. C'est pourquoi, il est essentiel que les institutions démocratiques mises en place après le conflit soient appuyées par la communauté internationale de manière concrète et efficace. Un conflit de nature multidimensionnelle comme celui de la Guinée-Bissau exige une coordination et l'adoption d'une approche intégrée par le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, les institutions de Bretton Woods et les pays donateurs. De l'avis de la délégation de l'Argentine, il n'est pas possible d'établir une distinction claire et définitive entre les activités de maintien de la paix et de consolidation de la paix. Une action efficace du Conseil de sécurité exige une analyse approfondie des causes inhérentes du conflit. C'est pourquoi, a estimé M. Listre, un dialogue sincère et direct entre le Conseil de sécurité et les parties au conflit et avec les organisations régionales et sous-régionales est nécessaire.

M. ANDREI E. GRANOVSKY (Fédération de Russie) s'est félicité que le Conseil de sécurité examine aujourd'hui la situation en Guinée-Bissau, et en particulier la phase de consolidation de la paix après le conflit. Il a souligné l'importance de coordonner de manière étroite et efficace les activités des Nations Unies visant à surmonter la crise. Sa délégation partage les préoccupations exprimées par la communauté internationale à l'égard des événements survenus la semaine dernière en Guinée-Bissau et qui constituent une menace à la stabilité fragile du pays. M. WANG YINGFAN (Chine), s'est félicité des efforts déployés par la délégation des Pays-Bas visant la tenue de la présente réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation en Guinée-Bissau. Les événements survenus la semaine dernière en Guinée-Bissau ont montré qu'il reste encore beaucoup à faire pour garantir le retour à la stabilité dans le pays. Il est urgent de procéder au processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants afin de réaliser des progrès sur la voie de la réconciliation nationale. La table ronde des donateurs qui se tiendra à Genève, le mois prochain, devrait contribuer à renforcer la coopération et la coordination des efforts de la communauté internationale en vue de consolider la paix en Guinée- Bissau. Le représentant a émis l'espoir que le BANUGBIS continuera à jouer un rôle primordial pour contribuer à la réalisation de cet objectif.

M. OTHMAN JERANDI (Tunisie) a déclaré que la tentative ratée du général Mané de reprendre par la force les commandes de l’armée bissau-guinéenne ne peut que rappeler que le processus entrepris en vue de consolider la paix dans ce pays est encore fragile et qu’une stabilité durable ne peut être effective que si la junte militaire accepte de reconnaître l’autorité du pouvoir civil démocratiquement élu et notamment celle du Président Yala, et si cette junte se retire complètement de la scène politique. Le représentant s’est dit encouragé par le dialogue politique amorcé entre les deux partis au pouvoir, les efforts déployés par l’Assemblée bissau-guinéenne pour concilier les différences entre le Gouvernement et l’armée et ainsi que l’organisation d’élections municipales prévues avant la fin de l’année.

M. Mustapha a affirmé que le renforcement des forces de police et l’accélération du processus de démobilisation et de réinsertion des anciens combattants permettront indéniablement de consolider davantage le climat de paix et de sécurité en Guinée-Bissau, à condition évidemment que les fonds nécessaires soient mobilisés à temps. Relevant avant satisfaction les efforts déployés conjointement par le Sénégal et la Guinée-Bissau pour mettre fin définitivement aux frictions sur la frontière et afin de contrecarrer les actes de banditisme et la libre circulation des armes, le représentant a considéré digne d’intérêt la demande du Président Yala aux Nations Unies de mettre en place une force militaire internationale d’observation qui sera éventuellement déployée aux côtés des contingents des deux pays. Pour éviter que le pays ne bascule dans une nouvelle crise, M. Mustapha a estimé qu’il est urgent que la communauté internationale accompagne son engagement envers la Guinée-Bissau de mesures concrètes qui serviraient notamment à atténuer la pauvreté et alléger la dette car on ne peut instaurer une paix et une stabilité effective et durable si la situation économique demeure précaire.

M. CURTIS WARD (Jamaïque) a souhaité que la communauté internationale comprenne que, lors d'un conflit, l'engagement en faveur de la paix ne doit pas prendre fin avec la cessation des hostilités. Il faut aussi que des institutions démocratiques, sociales et économiques soient édifiées en vue de consolider et de maintenir la paix. Cela implique des efforts sur le plan national visant la réconciliation, la tolérance et la gestion pacifique des divergences. Cette approche requiert la participation de la société civile pour surmonter la méfiance et l'animosité engendrées par le conflit. Les derniers événements en Guinée- Bissau montrent comment un gouvernement démocratiquement élu peut être déstabilisé par des éléments subversifs désireux de saper la restauration de la démocratie. Ces évènements montrent également combien il est urgent de prendre des initiatives de paix pour consolider le gouvernement. La délégation de la Jamaïque se félicite de ce que la situation dans le pays s'est quelque peu stabilisée et que le risque de porter atteinte de manière permanente au gouvernement légitime du Président Kumba Yala n'est plus à craindre. L'ancienne junte militaire doit se soumettre aux autorités constitutionnelles. Cela marquera une étape importante vers l'instauration de l'état de droit et la création des institutions nécessaires à l'établissement d'une paix durable et de la stabilité ainsi qu'au développement du pays.

Les défis de la situation post-conflit en Guinée-Bissau exigent l'adoption d'une approche intégrée appuyée par toutes les organisations internationales concernées, y compris la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

M. VOLODYMYR G. KROKHMAL (Ukraine) a affirmé que les événements récents en Guinée-Bissau montrent que le processus de démobilisation et de réintégration des anciens combattants doit être accéléré. Il a ajouté que la situation économique et sociale doit aussi être l’objet d’une attention urgente. Sur le plan du développement, et dans la perspective d’une paix durable, il s’est dit satisfait des efforts du Gouvernement, notamment sur le plan macroéconomique.

Evoquant la situation dans la sous-région, le représentant s’est dit satisfait des initiatives prises de part et d’autre pour renforcer la confiance et la coopération, particulièrement dans les zones frontalières entre les pays. Il a appuyé les efforts en faveur de la consolidation de la paix et de la promotion du processus de démocratisation. Le représentant a enfin appuyé la proposition du Secrétaire général de l’ONU de prolonger le mandat du Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BANUGBIS) jusqu’en 2001.

M. MOHAMMAD KAMAL YAN YAYAHA (Malaisie) s'est félicité de l'initiative prise par la délégation des Pays-Bas de convoquer des débats novateurs, notamment celui qui a eu lieu il y a quelques jours sur le thème «Pas de retrait sans stratégie». Sa délégation estime qu'il est essentiel que la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité, suive de très près la situation en Guinée- Bissau. La dernière confrontation est regrettable, ayant plongé les institutions démocratiques à peine naissantes dans l'incertitude la plus totale. La Malaisie salue les efforts inlassables accomplis par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest et la Communauté des pays lusophones pour contribuer à la consolidation de la paix en Guinée-Bissau. La pauvreté endémique est le principal obstacle aux efforts de développement d'un pays. C'est pourquoi, la communauté internationale doit jouer dans ce domaine un rôle crucial. La volonté du Gouvernement de restructurer les forces armées doit être également appuyée par la communauté internationale. Par ailleurs, la Malaisie se félicite des efforts de coopération que la Guinée-Bissau déploie avec le Sénégal afin de préserver les relations de bon voisinage. La délégation malaisienne appuie sans réserve la déclaration que le Président du Conseil de sécurité fera, au nom des membres du Conseil, à l'issue de la présente séance.

M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a constaté que, depuis le rétablissement de la démocratie, des progrès constants ont été faits pour renforcer les institutions démocratiques, réinstaller les personnes déplacées, consolider une paix durable et reconstruire le pays. Ces progrès ont été reconnus par le Conseil de sécurité et la communauté internationale. Les contributions apportées par les Nations Unies, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les donateurs bilatéraux sont appréciées à leur juste valeur. Le rôle joué par la CEDEAO et les pays lusophones ne saurait être surestimé. La réapparition du général Mané et de sa junte militaire dans le paysage politique a perturbé la politique du pays et de la sous-région dans son ensemble, a ajouté le représentant. Il est grand temps que les partisans du général Mané se rendent compte que celui-ci n'est pas source d'espoir, mais de catastrophe, et que le général ne les conduira pas à la paix et à la prospérité, mais au chaos et à une misère éternelle. Tout cela ne pourra être évité que si la communauté internationale continue de fournir son appui au gouvernement. Les intentions du général Mané sont inquiétantes. Où qu'il soit et quels que soient ses plans, les forces loyalistes qui sont parvenues à étouffer dans l'œuf le renouveau d'instabilité doivent continuer de faire avancer l'histoire contre lui. Le général doit être confronté aux conséquences de ses mauvais calculs.

Il est important de bien comprendre que, pour l'Etat, le remède à l'instabilité réside dans un effort en faveur des groupes économiquement désavantagés, lequel doit prévoir la distribution de terres et des mesures en faveur des personnes déplacées et des réfugiés qui rentrent au pays, a ajouté M. Andjaba. Le système doit également autoriser la libre expression des désaccords. Il faut accepter la diversité comme un moyen de libérer la créativité de chacun dans la recherche du bien commun. Un Etat n'est suffisamment fort pour faire face à des hommes du type du général Mané que si les différents groupes de la société civile sur lesquels il s’appuie sont eux-mêmes forts.

Le représentant a enfin demandé à la communauté internationale d'apporter son aide au processus de désarmement et de réhabilitation en cours et de fournir son assistance à l'UNOGBIS et au gouvernement de Guinée-Bissau.

MME EVELINE HERFKENS, Ministre de la coopération des Pays-Bas, a affirmé que l'on ne doit pas compartimenter les différentes phases d'un processus de paix, à savoir maintien de la paix, restauration de la paix et consolidation de la paix. Elle a souligné la nécessité d'adopter une approche mieux intégrée, cohérente et bien coordonnée en Guinée-Bissau, ainsi que dans tous les autres pays en conflit. La consolidation de la paix doit faire partie intégrante d'une approche qui prévoit la réduction de la pauvreté, l'amélioration de la gouvernance et de l'élaboration des politiques, la démocratisation et le développement d'une société civile active pour contrebalancer le gouvernement.

La Ministre a rejeté une interprétation étroite de la consolidation de la paix, insistant sur le fait que la coopération en faveur du développement fait partie des efforts de consolidation de la paix après un conflit et peuvent donc relever de la compétence du Conseil de sécurité. Un des objectifs du Conseil a été de promouvoir une approche plus intégrée, coordonnée et concrète. La consolidation de la paix est la coopération en faveur du développement dans un contexte politique et de sécurité très spécifique. C'est pourquoi, a estimé la Ministre, il incombe au Conseil de sécurité, dans le cadre de son mandat en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, d'y jouer un rôle fondamental. La consolidation d'une paix fragile, l'élaboration d'une politique en matière de sécurité et la coopération en faveur du développement doivent être combinées. La consolidation de la paix exige l'intégration de ces deux dimensions. Les Pays-Bas ont appuyé le mandat du Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau et continuera à le faire.

Comme il n'existe pas de distinction claire entre le conflit et l'après- conflit, la distinction entre l'aide humanitaire et l'aide traditionnelle est vague. L'intérêt de la communauté internationale s'estompe souvent rapidement dès qu'un conflit disparaît des médias. Au-delà de l'aide alimentaire et des secours médicaux d'urgence, il existe un large fossé. Les donateurs tendent à adopter une approche visant à "attendre et voir ce qui se passera" lorsque la phase la plus urgente du conflit est terminée. En Guinée-Bissau, les contributions des bailleurs de fonds ont décliné considérablement dans l'année qui a suivi le retour à la démocratie. Il est donc important de réaliser que ce déclin déstabilise et souvent plonge de nouveau les pays dans le conflit, a fait remarquer Mme Herfkens. L'aide humanitaire doit être renforcée par les efforts de consolidation de la paix et de réhabilitation. La Ministre a souligné que l'on ne devrait pas se faire d'illusions sur notre rôle en tant que partenaires extérieurs. Dans chaque société, il y a une lutte pour s'attribuer la plus grande part du gâteau. La question importante que l'on se pose est la suivante : où est le théâtre? Est-ce que la lutte se déroule au sein du parlement ou sur un champ de bataille? Dans les pays les plus pauvres, où le gâteau n'est pas si grand, il importe d'abord de le grossir, afin que tout le monde participe au processus de développement.

De l'avis de la Ministre de la coopération, il est essentiel de prêter une attention particulière à l'armée et aux anciens combattants, qui constitue un élément très important dans les pays émergeant d'un conflit. A juste titre, le Conseil de sécurité a souligné que la priorité doit être accordée aux programmes de démobilisation, de désarmement et de réintégration des anciens combattants. Il faut lutter contre la pauvreté et renforcer la participation au processus de développement, a conclu Mme Herfkens.

M. BABOUCARR-BLAISE ISMAILA JAGNE (Gambie) a déclaré qu’en tant que voisin de la Guinée-Bissau, son pays ne peut rester indifférent au conflit et à ses ramifications. Il a souligné le besoin d’une assistance internationale pour consolider les acquis de la démocratisation et du développement. Il a souhaité que les donateurs honorent leurs promesses et aident le Gouvernement de Guinée- Bissau à réaliser les objectifs du développement économique et social, de la démocratie et de la primauté du droit, en dépit des carences dont souffre le pays. Il s’est félicité de l’amélioration de la situation des droits de l’homme en Guinée-Bissau.

Sur le plan multilatéral, le représentant a estimé que les institutions financières, notamment celles de Bretton Woods, devraient faire montre d’une certaine souplesse lorsqu’elles traitent avec les pays en transition comme la Guinée-Bissau. Il est vrai, a-t-il dit, que beaucoup reste à faire. Mais il a souhaité que la conférence des bailleurs de fonds prévue en février prochain à Genève ouvre la voie à une approche consolidée et intégrée. Il a souhaité que cette table ronde permette à la Guinée-Bissau de devenir un exemple flagrant de réussite en matière de réconciliation et de reconstruction. Le représentant a conclu en affirmant que la Gambie sera toujours prête appuyer les efforts en vue de cet objectif.

M. IBRA DEGUENE KA (Sénégal) a déclaré que plus que jamais, la Guinée-Bissau a besoin de l’aide de la communauté internationale, en ces heures de doute et de fragilité, voire de confusion totale à la suite de la dernière tentative du général Ansumane Mané destinée à déstabiliser le régime démocratiquement élu du Président Kumba Yala. Le représentant a ajouté que depuis son investiture en janvier 2000, le Président Kumba Yala avait pourtant mené des actions louables en vue de renforcer l’esprit de réconciliation, afin de consolider la démocratie, l’état de droit, la bonne gestion des affaires publiques et le respect des droits de l’homme, tout en dépolitisant l’armée et en réduisant ses effectifs pour mieux consacrer les ressources limitées de son pays aux institutions publiques et à la relance de l’économie. M. Ka a indiqué que le Président Kumba Yala s’est également investi personnellement à consolider la coopération de la Guinée-Bissau avec la communauté internationale et à améliorer ses relations avec les pays voisins, particulièrement avec le Sénégal. A cette fin, l’ONU a joué un rôle de premier plan, a-t-il indiqué. Il a ajouté que le Secrétaire général a très tôt compris que cette crise pouvait avoir des répercussions graves sur l’ensemble de la sous-région.

M. Ka a souhaité que les bailleurs de fonds soutiennent les programmes élaborés par le Président Kumba Yala. Le représentant a indiqué que la Guinée- Bissau représente un cas où l’ONU et la communauté internationale, avec la volonté des acteurs politiques, peuvent avec succès permettre de passer d’une situation de guerre à une dynamique de paix pour rétablir progressivement l’ordre constitutionnel et s’engager dans la reconstruction et la réconciliation. M. Ka a affirmé que c’est parce que le Sénégal partage une communauté de destin avec la Guinée-Bissau que le Président Abdoulaye Wade a tenu à renforcer les relations spéciales entre les deux pays. Il a ajouté que l’amitié personnelle qui lie les deux chefs d’Etat constitue un gage pour l’avènement d’une ère de paix et de stabilité entre les deux pays et ceux de toute la sous-région. Appuyant l’organisation d’une nouvelle table ronde des pays donateurs en vue de mobiliser des ressources pour la reconstruction de la Guinée-Bissau, M. Ka a conclu en affirmant que la stabilisation de la situation dans ce pays est tributaire de l’aide internationale, condition sine qua non à sa renaissance économique et sociale.

M. FRANCOIS L. FALL (République de Guinée) a rappelé que les efforts inlassables déployés lors de la première crise survenue en Guinée-Bissau par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest et par la Communauté des pays de langue portugaise pour mettre fin à la guerre civile et ramener une vie constitutionnelle normale ont permis la restauration de la paix et l'organisation d'élections démocratiques dans ce pays en novembre 1999 et en janvier 2000. Il a souligné que la Guinée-Bissau est sortie exsangue de cette épreuve, avec une situation économique chaotique, des institutions fragilisées et des milliers de réfugiés à l'extérieur.

Le représentant a regretté qu'au moment où la communauté internationale tentait de trouver des solutions susceptibles de consolider la fragile paix acquise et d'alléger les souffrances du Peuple bissau-guinéen, de nouveaux évènements aient aggravé la situation fort préoccupante du pays. Il a noté que l'insubordination de l'ancienne junte aux nouvelles institutions mises en place s'est manifestée au grand jour. Il a regretté que "ceux qui étaient à la base des premiers événements" aient une nouvelle fois tenté de remettre en cause l'équilibre précaire du pays.

M. Fall a également déclaré que ces derniers événements devraient être compris comme un signal sur la nécessité de la prise en compte intégrale de toutes les étapes du règlement des conflits, notamment le désarmement, la démobilisation et la réintégration. Il a estimé que toutes les mesures appropriées devraient être envisagées par le Conseil pour ramener et consolider la paix et la sécurité en Guinée-Bissau, notamment la neutralisation des fauteurs de trouble, et l'adoption de mesures d'accompagnement efficaces susceptibles de favoriser la réconciliation nationale, la poursuite du dialogue politique et la relance de l'économie déjà lourdement affectée par toute cette série d'événements malheureux.

MME DULCE MARIA PEREIRA (Secrétaire exécutive de la Communauté des pays lusophones - CPLP), souhaitant que les récents événements ne viennent pas remettre en cause les efforts accomplis, a affirmé que la Guinée-Bissau, pays qui sort d’un conflit dévastateur et qui aspire à une paix durable, est un cas pertinent où peuvent s’appliquer les recommandations du Rapport Brahimi, notamment pour ce qui concerne la relation entre les activités en faveur de la paix et les objectifs des opérations de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Espérant que l’instabilité qui a prévalu dans les derniers jours servira de leçon, la Secrétaire exécutive de la CPLP a indiqué que les pays membres de son organisation condamnent sans réserve les atteintes à l’ordre constitutionnel en Guinée-Bissau. Elle a souhaité que la légitimité du gouvernement élu sorte renforcée de cette dernière épreuve.

Mme Pereira a estimé que la communauté internationale doit concrètement donner au Gouvernement bissau-guinéen les moyens de faire face à la situation économique qui prévaut dans ce pays. Tout en réaffirmant la responsabilité qui incombe en premier lieu à l’État, elle a indiqué qu’il est essentiel que la communauté internationale appuie le Gouvernement pour trouver une solution immédiate aux besoins de la population. Elle a expliqué que malgré les efforts louables du peuple bissau-guinéen, la situation économique est proche du point de rupture. La distribution de l’eau et de l’électricité est très limitée, le carburant est rare, le sort des jeunes est dramatique, la pandémie du VIH/sida fait des ravages et les statistiques sur la pauvreté sont alarmantes. Tout en mentionnant la complexité du contexte régional que l’ONU et la communauté internationale doivent essayer de stabiliser, Mme Pereira a ajouté que la situation économique de la Guinée-Bissau est encore aggravée par le manque de ressources financières.

Malgré cette sombre évaluation, Mme Pereira a estimé que le bilan du processus de transition est sans aucun doute positif. Elle a appelé les donateurs à libérer rapidement les fonds promis lors de la table ronde de mai 1999. Elle a également indiqué que la CPLP souhaite que les institutions de Bretton Woods fassent preuve de plus de souplesse à l’égard de la Guinée-Bissau, tout en soulignant le poids de la dette qu’il faut alléger. Elle a par ailleurs affirmé qu’il est impératif de prévoir la démobilisation et la réintégration des anciens combattants dans la dignité. Sur le plan diplomatique et politique, la Secrétaire exécutive de la CPLP a tenu à rappeler le rôle joué par le groupe de contact de son organisation dans le processus de rétablissement de la paix et de la sécurité en Guinée Bissau.

Reprenant la parole, le Vice-Président de la Banque mondiale a rappelé que la majorité des pays du continent africain vivent dans une situation de conflit. L'adoption d'une approche intégrée, cohérente et bien coordonnée comme le préconise la Ministre de la coopération des Pays-Bas est bien fondée. Il a assuré qu'il transmettra à Washington le message que le Conseil de sécurité a adressé aujourd'hui en vue de renforcer les institutions démocratiques de la Guinée- Bissau. Tout en reconnaissant que la Banque mondiale doit jouer un rôle pour contribuer à la mise en œuvre des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants, il a fait remarquer qu'à ce jour, les engagements pris par les bailleurs de fonds n'ont pas été concrétisés. C'est pourquoi, il a souligné qu'il est nécessaire que les responsabilités soient partagées pour mener à bien ces programmes sur le terrain.

Reprenant la parole, le Vice-Premier Ministre de la Guinée-Bissau s’est associé à la déclaration qui avait été faite le matin par le représentant de la Tunisie sur la question de l’aide internationale. Ce dernier avait exhorté les donateurs à appuyer la Guinée-Bissau. A cet égard, le Vice-Premier Ministre a indiqué que les bailleurs de fonds ne doivent pas attendre la tenue de la table ronde pour octroyer leur aide. Il a souhaité que l'actuel Représentant du Secrétaire général en Guinée-Bissau, M. Nana-Sinkam, demeure en poste, ajoutant qu'il était considéré comme un «frère», comme un Bissau-guinéen. Le Vice-Ministre a garanti que le général Assumane Mané sera capturé, étant donné qu’il n’a pas d’appui extérieur. Il sera capturé comme ce fut le cas pour Nino Vieira, a-t-il ajouté. Il a souhaité que le général Assumane Mané soit capturé vivant. Il a finalement exprimé sa gratitude aux Pays-Bas pour l’appui que ceux-ci accordent à son pays.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.