En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7600

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DONNEE PAR M. KOFI ANNAN, SECRETAIRE GENERAL, AU SIEGE, LE 25 OCTOBRE 2000

25 octobre 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7600


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DONNEE PAR M. KOFI ANNAN, SECRETAIRE GENERAL, AU SIEGE, LE 25 OCTOBRE 2000

20001025

Le Secrétaire général : J’ai l’honneur d’annoncer aujourd’hui que je propose à l’Assemblée générale la nomination de Ruud Lubbers, ancien Premier Ministre néerlandais, au poste de Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Vous savez que j’examinais depuis un certain temps plusieurs candidatures pour remplacer Mme Sadako Ogata, qui a fait un travail tout à fait remarquable pendant ses 10 années à la tête du Haut Commissariat. La décision a été extrêmement difficile à prendre, à cause à la fois de l’importance de la fonction et de la qualité exceptionnelle des candidats qui m’ont fait part de leur intérêt. J’ai aussi fait ma propre prospection et sollicité des candidatures supplémentaires. Elles m’ont toutes paru mériter la plus grande attention, mais en fin de compte je ne pouvais en retenir qu’une. M. Lubbers a accompli une oeuvre exceptionnelle, à très haut niveau, non seulement en tant que Premier Ministre, fonction qu’il a exercée pendant 12 ans, ce qui constitue un record dans l’histoire récente des Pays-Bas, mais aussi en tant qu’homme de savoir, professeur et participant actif à l’oeuvre de diverses organisations non gouvernementales ou organismes du secteur privé. Un résumé de sa carrière vous sera remis.

Permettez- moi d’ajouter quelques mots de remerciement que je voudrais adresser au Premier Ministre Wim Kok ainsi qu’au Gouvernement et au peuple du Royaume des Pays-Bas, qui ont toujours soutenu activement l’action humanitaire de l’ONU, en particulier l’aide aux réfugiés. Il est particulièrement agréable de nommer un homme qui a occupé la plus haute charge dans le Gouvernement des Pays-Bas, c’est-à-dire du pays qui avait donné en 1951 au HCR son premier Haut Commissaire, M. W. J. Van Hoeven-Goedhart.

Avant de donner la parole à M. Lubbers, je voudrais adresser un mot personnel à chacun et à chacune des femmes et des hommes de grand talent qui se sont proposés pour occuper le poste. J’imagine votre déception, et celle de vos admirateurs de la communauté internationale, de ne pas avoir été choisis. J’espère néanmoins très sincèrement que vous continuerez à mettre vos éminentes qualités personnelles et professionnelles au service de l’ONU et de l’humanité.

J’ai par ailleurs l’honneur d’annoncer la nomination de Mme Thoraya Ahmed Obaid, de nationalité saoudienne, au poste de Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).

Vous savez que j’examinais depuis quelque temps les candidatures de plusieurs personnes pouvant prendre la suite de Mme Nafis Sadik, qui a accompli une tâche remarquable au cours des 13 années qu’elle a passées à la tête du FNUAP. Bon nombre de candidats exceptionnels ont marqué leur intérêt pour cette fonction, et je remercie les gouvernements d’avoir proposé tant de personnalités aussi remarquables. Il m’a paru qu’à Mme Nafis devait succéder une femme, de préférence ressortissante d’un pays en développement, capable de poursuivre son oeuvre remarquable. Mme Obaid, après 25 ans passés dans le système des Nations Unies et deux ans au FNUAP, m’a semblé être la candidate idéale.

Mme Obaid est une éminente administratrice de l’ONU. Elle est parfaitement consciente des défis à relever à la suite de la Conférence internationale sur la population et le développement et connaît le rôle de l’ONU dans l’élaboration du Programme d’action de la Conférence du Caire. Je suis convaincu qu’elle s’emploiera à merveille à défendre l’oeuvre inappréciable du FNUAP. Son apport relatif aux droits des femmes en matière de procréation, à la liberté de choisir et à l’amélioration de la santé des femmes est inégalable. Elle sait combien il est capital de promouvoir les droits de la femme et de la jeune fille afin de protéger leur santé en matière de reproduction, et a bien conscience de la menace que représente le sida. Mme Obaid a une solide formation universitaire en sociologie et en anthropologie culturelle, qu’elle a étudiées aux États-Unis, et ses activités à l’ONU dans le domaine des affaires sociales l’ont sensibilisée aux questions culturelles qui se posent dans notre travail.

M. Lubbers : Je suis évidemment très sensible à l’honneur que me fait le Secrétaire général. Quoiqu’un peu soudaine, je suis vraiment honoré par son invitation et par la proposition qu’il va faire à l’Assemblée générale. C’est pour moi un immense privilège de succéder à Mme Ogata, avec qui j’ai collaboré personnellement, pendant les quatre premières années de son mandat, alors que j’étais Premier Ministre des Pays-Bas.

Pour parler brièvement de moi-même, je suis entré dans la vie politique aux Pays-Bas en 1973. Je suis resté dans la politique pendant 21 ans, dont 12 ans en tant que Premier Ministre. Je l’ai fait bien sûr, dès mes débuts en 1973, pour servir l’intérêt public. En 1994 après mes 12 années à la tête du Gouvernement, j’ai jugé préférable de me retirer – préférable pour la démocratie, et peut-être aussi pour moi-même. J’ai peut-être eu tort de ne pas perdre des élections mais de m’en aller simplement, mais j’ai pensé que c’était mieux. Je me suis alors efforcé de servir la société d’une autre façon. Je suis devenu professeur à temps partiel de la mondialisation et de développement durable et j’ai beaucoup travaillé avec des organisations non gouvernementales, ce qui m’a amené au 1er janvier à la présidence du Fonds mondial pour la nature (WWF).

Au moment où je me retirais de la scène politique et des institutions intergouvernementales, le Secrétaire général est venu me solliciter. Cela a été un peu un choc, mais un choc agréable parce que j’ai pensé « Oui, c’est bien ». C’est probablement la dernière chance pour moi de servir l’ONU et de la servir en tant que Haut Commissaire pour les réfugiés, c’est-à-dire pour m’occuper essentiellement, comme vous le savez, des gens qui ont le plus de problèmes. Je ressens comme un grand privilège le fait de servir, et de servir dans cette position. Je ne ménagerai pas mes efforts pour faire ce qui doit être fait et pour succéder à Mme Ogata d’une manière qui m’assure son approbation.

Mme Obaid : Je tiens à vous remercier une nouvelle fois, Monsieur le Secrétaire général, de m’avoir accordé votre confiance en me choisissant comme Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population. Je suis dans la fonction publique internationale depuis 25 ans et ces années garantissent la force de mon engagement envers l’ONU et ses objectifs, et maintenant plus spécialement envers la Conférence internationale pour la population et le développement et sa mission.

J’aimerais dire au Secrétaire général que je suis fière des nombreuses marques qu’il a déjà laissées dans l’histoire mais aujourd’hui il a vraiment accompli un nouvel exploit pour la cause des femmes saoudiennes, et nous toutes l’en remercions.

Je voudrais également rendre hommage à Mme Sadik, dont le travail, le dynamisme et le courage ont permis de faire du FNUAP l’institution forte dont j’hérite aujourd’hui. Je veillerai tout particulièrement à ce que les programmes mis en oeuvre puissent se poursuivre. Fort heureusement, et nous en sommes très honorés, bon nombre de points pour lesquels nous luttons au FNUAP ont été adoptés lors du Sommet du Millénaire. Ainsi, les questions relatives à la mortalité maternelle, à l’éducation scolaire des filles, à la prévention du VIH/sida et à la lutte contre la pauvreté figurent en bonne place dans la Déclaration du Millénaire. Je pense donc que toute l’équipe de l’ONU, sous l’impulsion du Secrétaire général, oeuvrera avec ensemble et que j’aurai ma place dans cette équipe dynamique.

Question : Monsieur le Secrétaire général, nous savons tous combien vous réfléchissez aux causes profondes des problèmes auxquels vont être confrontées les personnes que vous venez de désigner. Pensez-vous que dans un avenir proche, nous aurons un moindre flux de réfugiés se déplaçant de pays en pays et que tous ces problèmes qui sont du ressort du Fonds des Nations Unies pour la population vont diminuer?

Le Secrétaire général : J’aimerais être optimiste et pouvoir vous dire que le volume des cas à traiter par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et éventuellement le Fonds des Nations Unies pour la population va se réduire. À terme, oui, mais pour le moment, à cause de la situation dans de nombreux endroits du monde et des crises qui nous préoccupent, le nombre de réfugiés est toujours très important, que ce soit en Afrique ou en Asie. Prenez la situation en Afrique centrale, la situation des réfugiés afghans au Pakistan, en Iran et dans toute la région – il y a à l’intérieur des pays et entre pays, un mouvement constant de personnes et des déplacements de personnes qui vont demander toute l’attention, la créativité et l’énergie du nouveau Haut Commissaire et de son équipe.

Je pense que le FNUAP non plus ne va pas manquer d’ouvrage. Je ne crois pas qu’on puisse ralentir l’effort et s’imaginer que le volume des cas à traiter va diminuer. Au contraire, nous devons pousser les feux et nous atteler à tous ces problèmes. Malheureusement, je ne pense pas qu’il y ait diminution au rythme où nous le souhaiterions; dans certaines régions, il y a même augmentation.

Question : J’ai une question pour vous, Monsieur le Secrétaire général, et une question pour M. Lubbers. Monsieur le Secrétaire général, vous avez dit avoir vous-même fait votre prospection en vue de trouver un candidat. Pourquoi avez-vous pensé à M. Lubbers, et quand avez-vous eu l’idée de le proposer? Et vous, M. Lubbers, quand avez-vous su qu’il était question de vous pour succéder à Mme Ogata?

Le Secrétaire général : Quand vous avez ce genre de poste à remplir, et que vous avez défini les critères de sélection et le profil recherché, vous espérez pouvoir trouver l’individu qui convient parmi ceux qui ont été candidats, présentés par les gouvernements. Mais vous ne pouvez pas en être sûr. C’est pourquoi il m’arrive de faire aussi ma propre prospection pour avoir vraiment un large éventail de candidats.

Comme je vous l’ai dit, le choix n’a pas été facile. La décision a été très difficile parce qu’il y avait beaucoup de candidats exceptionnels. Mon choix s’est finalement porté sur M. Lubbers, pour les raisons que je vous ai détaillées il y a un instant. En fait, son nom est venu sur le tapis assez tard; et j’ai commencé à songer à lui il y a environ trois semaines, alors que j’avais déjà commencé les consultations avec les États Membres au sujet de la nomination du nouveau Haut Commissaire. Je suis heureux qu’il ait pu se libérer et être parmi nous aujourd’hui.

Vous comprendrez que dans une procédure de ce genre, je ne puisse expliquer en détail pourquoi l’un a été retenu et l’autre pas, parce que vraiment les candidats sont tous tout à fait remarquables. Certains d’entre eux ne se sont même pas proposés; on a pensé à eux pour diverses raisons. Donc, ne me demandez pas d’entrer dans les détails.

M. Lubbers : J’ai donc été prévenu trois semaines peut-être après la première partie des pourparlers. J’ai été très étonné lorsque le Secrétaire général m’a demandé mon avis sur les qualités excellentes, je crois, de Jan Pronk, le candidat néerlandais, qui se trouve être mon ami depuis des années. Le Secrétaire général savait que mon avis était sincère et m’a dit qu’il appréciait Jan Pronk, mais que par ailleurs il n’était pas convaincu par cette candidature. Il m’a demandé de réfléchir au moins à la possibilité de me porter candidat.

Alors, j’ai dit « Mon candidat est Jan Pronk et mon Premier Ministre est Wim Kok. Je crois que vous devriez consulter le Premier Ministre. Parlez-lui. » Le Secrétaire général m’a alors demandé de ne pas bouger et de ne parler à personne. Je n’ai donc rien dit durant ces deux dernières semaines et puis lundi soir j’ai reçu un appel me demandant de venir ici le plus vite possible. Le Premier Ministre Wim Kok m’a aussi appelé pour parler dans le même sens, et voilà.

Le Secrétaire général : Maintenant vous avez tous les éléments.

Question : Le nom de Jan Pronk a été mentionné. Il était en tête de la liste du Gouvernement néerlandais. Il était le candidat néerlandais. Vous avez dit que la situation était très difficile et que vous aviez introduit dans la compétition vos propres candidats. En quoi la candidature de M. Jan Pronk faisait-elle problème? Où y a-t-il eu résistance, et qui a dit « non, il n’est pas le meilleur candidat »?

Le Secrétaire général : Je ne souhaite pas m’étendre sur le sujet. Je crois que vous avez assez d’informations pour alimenter vos articles. Je ne souhaite pas entrer dans les détails et expliquer qui a exclu qui, qui n’a pas voulu de qui. Je crois que la correction l’exige, qu’il s’agisse de la procédure elle-même ou des gouvernements et autres qui y ont pris part.

Ce qui importe c’est que, ce matin, à l’issue d’une longue procédure, nous avons un candidat remarquable qui, je l’espère, aura notre soutien à nous tous, gouvernements, organisations non gouvernementales et fonctionnaires, pour mener à bien sa tâche. Comme je l’ai dit, je regrette que certains autres candidats éminents ne l’aient pas emporté, et j’espère qu’ils continueront à mettre leurs talents au service de l’ONU et de la communauté internationale. Je crois que nous pouvons en rester là.

Question : Les deux questions des réfugiés et de la population sont sujettes à controverse et les deux organismes qui en sont respectivement chargés ont connu des difficultés pour récolter des fonds et obtenir un appui international. À l’heure où ils se dotent de nouveaux dirigeants, quelles devraient être, selon vous, leurs priorités, et comment la communauté internationale pourrait-elle leur apporter son soutien?

Le Secrétaire général : Le soutien de la communauté internationale nous sera nécessaire à plusieurs niveaux. On pense souvent en termes d’argent, de ressources matérielles et financières, mais il faudra aussi que les gouvernements nous aident à protéger les réfugiés. Nous souhaiterions travailler avec les gouvernement pour que les immigrés soient traités avec équité. On a tendance à croire que seul le tiers monde est confronté à ce genre de situations; à vrai dire, l’immigration est en passe de devenir un problème majeur dans les pays industrialisés, en Europe, mais aussi dans une certaine mesure ici aux États-Unis. Les gouvernements doivent être sensibilisés aux besoins des réfugiés et à la nécessité de les protéger.

Nous leur serions reconnaissants également de continuer à apporter leur appui financier à l’ONU et d’oeuvrer avec nous afin de protéger les plus vulnérables par le biais de ces deux programmes qui, comme vous l’avez vous-même souligné, revêtent une importance capitale pour des millions de personnes dans le monde. Les soutiens demandés sont donc, en résumé : soutien financier, protection juridique des réfugiés, et appui politique.

Question : Monsieur le Secrétaire général, M. Lubbers, certains des candidats avaient beaucoup d’expérience pour le poste de haut commissaire aux réfugiés : connaissance du terrain, travail avec les populations, expérience des situations d’urgence. Il y a des cas où les choses se passent mal, et où votre réaction immédiate peut être décisive. Vous, M. Lubbers, avez plutôt l’habitude du travail dans les bureaux de la capitale, au gouvernement. Monsieur le Secrétaire général, pourquoi l’avez-vous choisi lui personnellement – je veux dire sans revenir sur la question des candidats non retenus? Il ne semble pas avoir beaucoup d’expérience du terrain. Peut-être M. Lubbers aurait-il des remarques à faire à ce sujet?

Le Secrétaire général : Lorsque vous devez remplir ce genre de poste, une option évidente est de chercher quelqu’un ayant une expérience du terrain. Le HCR, fort heureusement, est fort bien pourvu en personnes ayant une expérience du terrain et une expérience opérationnelle considérables. Ce que M. Lubbers apporte, c’est son aptitude à diriger au niveau le plus élevé, son expérience, son jugement et sa capacité de se faire entendre des gouvernements, de les amener à travailler avec nous et à appuyer nos programmes. Il vient donc avec une expérience considérable, une capacité de jugement, l’expérience de la direction d’un pays – tout cela n’est pas rien. Dans les organisations, on ne souhaite pas que tous soient pareils; on cherche des personnes ayant des talents différents, qui se complètent. Et je crois que M. Lubbers apporte au Haut Commissariat quelque chose qui risquerait de manquer au départ de Mme Ogata.

M. Lubbers : Que de sagesse ici, et spécialement ce matin! J’aimerais ajouter une chose. Je ne m’éloigne pas sans regret de mes activités en relation avec les organisations non gouvernementales. Ayant été pendant 21 ans dans la politique, ce n’est pas un handicap, je crois, d’avoir travaillé avec des organisations non gouvernementales. Deuxièmement, c’est l’expérience dont a parlé le Secrétaire général – quoique de manière différente. Je souhaite réellement servir la cause de ceux qui sont vraiment dans la détresse et y appliquer ma créativité. J’espère que ce sera une créativité positive.

La motivation est là. Et, comme l’a dit le Secrétaire général, j’aurai pour m’aider l’équipe excellente dont dispose déjà le Haut Commissariat.

Question : Une question pour M. Lubbers : On commence ici, comme vous savez, à faire une distinction entre les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et les réfugiés au sens classique. Vous n’avez eu que 30 heures pour y réfléchir, mais considérez-vous qu’il y a dans votre mandat, ou voyez-vous personnellement une différence entre ces deux catégories, et en tout cas comment pensez-vous qu’il faille aborder le problème de plus en plus pressant des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays?

Le Secrétaire général : Permettez-moi de dire d’abord quelques mots moi-même, car c’est un sujet d’actualité brûlante. La thèse soutenue par certains est que les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays devraient être assimilées aux réfugiés, et relever du HCR. Je me suis opposé à cela parce que le HCR croule déjà sous le travail et que, si nous lui imposions de se charger aussi des millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, nous casserions les reins de cette organisation qui marche si magnifiquement. Ce que nous avons fait, concernant le problème des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, a consisté à mettre en commun les efforts et à faire travailler ensemble tous les organismes et programmes des Nations Unies. Dans certains cas nous demandons à l’UNICEF de prendre la tête, dans d’autres à la Croix-Rouge, et cela pourrait être le HCR. Nous réfléchissons à tout ce que nous pouvons faire d’autre pour gérer plus efficacement ce problème des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

Le problème est que les gouvernements nous demandent de prendre en charge la question des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sans nous en donner les moyens. Nous étudions le problème, nous ferons des propositions, et j’espère que les gouvernements non seulement nous appuieront mais mettront à notre disposition les ressources nécessaires car, comme pour les réfugiés, il y va du sort de millions de personnes.

Vous souhaiteriez peut-être ajouter quelque chose.

M. Lubbers : Non, je suis tout à fait d’accord, et je puis vous assurer que le problème n’est pas nouveau pour moi. Je n’étais pas à l’ONU mais, comme je vous l’ai dit, je me suis occupé de la mondialisation et j’ai rencontré le problème très tôt. Mais comme l’a dit le Secrétaire général, il faut avancer avec prudence car l’institution doit être forte. Mais le problème est réel, et je songe aux possibilités, éventuellement par un travail d’équipe entre tous les organismes du système des Nations Unies, de prendre en compte aussi cette autre catégorie qui est celle des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

M. Eckhard : Nous avions prévu quelques questions sur les sujets internationaux. Quelqu’un a-t-il une question concernant le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP)?

Question : Les responsables américains qui critiquent l’ONU trouvent souvent que votre programme, le Fonds des Nations Unies pour la population, est un de ceux qui leur inspirent le moins de confiance. Est-il trop tôt pour vous demander ce que vous comptez faire vis-à-vis de Washington, à la fois au plan politique et pour rassurer les donateurs?

Mme Obaid : Je crois que nous avons des relations très solides avec Washington. De très nombreuses négociations sont en cours sous la direction actuelle concernant nos problèmes. Quant à ce que nous ferons, je pense qu’il faut attendre de voir le résultat des élections.

Question : Mme Obaid, quelles sont vos relations avec le Gouvernement saoudien? Vous avez à traiter de nombreux aspects de la condition de la femme, au sujet desquels le Gouvernement saoudien n’est pas vraiment du côté du progrès. Donc, quelles sont exactement vos relations avec le Gouvernement de votre pays?

Mme Obaid : Écoutez, j’ai été appuyée par le Gouvernement. Je suis au service de l’ONU depuis 25 ans, et je suis, depuis le 1er janvier 1975, responsable des programmes en faveur des femmes dans la région arabe, région difficile s’il en est. Pendant toutes ces années, mes activités n’ont nullement été entravées. Je suis fonctionnaire internationale et je suis responsable devant le Secrétaire général et devant notre Conseil d’administration. Je pense donc qu’il n’y aura aucune interférence, si c’est à cela que vous pensez.

Le Gouvernement saoudien a récemment pris des mesures de réelle ouverture en vue de jouer un rôle dynamique au sein du système des Nations Unies. Il est entré à la Commission des droits de l’homme et il a signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Cette ouverture aura très certainement un impact sur la condition de la femme saoudienne.

Question : Emma Bonino a-t-elle figuré sur votre liste de finalistes? Tout le monde aimerait savoir.

Le Secrétaire général : Emma Bonino a été parmi les candidats examinés, oui. Il y avait deux candidats italiens sur cette liste : Emma Bonino et le sénateur Migone.

M. Eckard : Peut-être une ou deux questions sur d’autres sujets?

Question : Monsieur le Secrétaire général, c’est la première fois que nous avons l’occasion de vous interroger depuis que la Jordanie a confirmé qu’elle se retirait de la force de maintien de la paix en Sierra Leone. Puis-je vous poser deux questions, en rapport naturellement avec l’aspect du problème intéressant la Grande-Bretagne. Avez-vous été déçu que l’offre britannique d’une force d’action extérieure n’ait pas suffi à convaincre les Jordaniens de rester? Et envisageriez- vous de faire appel dans certaines circonstances à cette force, pour couvrir le retrait des contingents partants, par exemple?

Le Secrétaire général : Les Jordaniens ont dit qu’ils étaient prêts à jouer leur rôle – ils sont d’ailleurs très actifs dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU, et bien que se retirant de Sierra Leone, ils participeront aux opérations en Éthiopie et en Érythrée. Ils avaient espéré que davantage de pays développés les rejoindraient pour participer à ces opérations de maintien de la paix. Ils n’ont pas pensé que l’offre britannique était suffisante. Ils avaient espéré que d’autres viendraient aussi. Les Britanniques ont au moins fait un geste, les autres non. Bien sûr, ceci soulève une question très sérieuse à laquelle nous devons tous réfléchir, et en particulier le Conseil de sécurité : le Conseil peut-il adopter des résolutions qui nous imposent de déployer des troupes quand les pays siégeant au Conseil ne font rien, en particulier les grands pays qui disposent de forces importantes? La question posée par la Jordanie sera-t-elle posée pour des opérations futures?

Pour ce qui est de la deuxième question, je crois qu’une force d’action extérieure pouvant venir en aide aux troupes sur le terrain est toujours utile. Vous vous rappelez qu’au début du conflit, lorsque 500 soldats ont été retenus en otage, j’ai demandé une force de réaction rapide. Nous ne l’avons pas obtenue, mais l’arrivée des troupes et du navire de guerre britanniques ont eu l’impact psychologique voulu et ont permis de conforter et de renforcer les contingents.

Nous allons essayer de remplacer les contingents partants; cela prendra du temps. J’ai demandé aux gouvernements intéressés de faire preuve d’une certaine flexibilité lors du retrait de leurs troupes. Leur décision est souveraine. Mais en pratique, il serait bon qu’ils montrent une certaine souplesse afin de nous laisser le temps de pourvoir au remplacement des contingents; j’espère que nous obtiendrons gain de cause.

Question : Une petite question pour en terminer sur ce sujet : quand avez-vous l’intention de désigner un nouveau commandant de la Force en Sierra Leone? Ma vraie question porte sur la situation en Côte d’Ivoire et sur les résultats des élections. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

Le Secrétaire général : Je désignerai un nouveau commandant de la Force dans les jours qui viennent, dans une semaine au plus tard. Ce sera quelqu’un qui a déjà une expérience du maintien de la paix, et qui devra être capable de diriger des troupes sur le terrain et d’en faire une force active et unie.

Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, je suis la situation de très près et j’avoue que je suis stupéfait de l’audace du général Guei, qui tente de bafouer les droits du peuple deux fois en un an. Je ne dispose pas des informations relatives aux derniers développements, mais je suis très attentif quant à l’évolution de la situation dans le pays. Certains prétendent que le général Guei aurait quitté le pays. D’autres affirment le contraire. Je ne sais pas où il se trouve, ni comment les choses vont évoluer.

Les événements de Côte d’Ivoire et de Serbie prouvent que les gens commencent à connaître leurs droits et à en exiger le respect. Les coups d’État et les manipulations électorales appartiennent désormais au passé. Quiconque voudrait s’y risquer devra être très prudent. La transparence, la conscience qu’ont les individus de leurs droits et leur volonté de se faire entendre sont, je crois, l’arme la plus efficace. S’il continue d’en être ainsi, la démocratie se portera de mieux en mieux.

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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.