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SG/SM/7594

CALME ET TRANQUILLITE SONT NECESSAIRES AFIN DE CREER LE CLIMAT LE PLUS PROPICE A LA REPRISE DES POURPARLERS DE PAIX AU MOYEN-ORIENT

20 octobre 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7594


CALME ET TRANQUILLITE SONT NECESSAIRES AFIN DE CREER LE CLIMAT LE PLUS PROPICE A LA REPRISE DES POURPARLERS DE PAIX AU MOYEN-ORIENT

20001020

On trouvera ci-après le texte de la déclaration que M. Kofi Annan a faite devant l'Assemblée générale lors de la reprise de sa dixième session extraordinaire d'urgence :

Je me félicite que l'occasion me soit offerte de rendre compte à l'Assemblée générale de ma mission récente au Moyen-Orient. Je vous suis obligé, à vous-même, Monsieur le Président, d'avoir interrompu les délibérations mercredi afin d'attendre mon retour à New York.

Je me proposais principalement d'aider Israéliens et Palestiniens à résoudre la crise actuelle en parvenant à un accord sur les éléments suivants: dégagement; cessation de la violence et retour à la normalité; reprise du processus de paix; mise en place d'un dispositif d'enquête sur les événements tragiques de ces derniers temps et les moyens d'éviter qu'ils ne se reproduisent.

À cet effet, je me suis entretenu à plusieurs reprises, pendant une dizaine de jours, avec le Premier Ministre israélien, M. Barak, à Tel-Aviv et à Jérusalem, ainsi qu'avec le Président Arafat, à Gaza. Au cours de cette période, j'ai également pris part au Sommet de Charm al-Cheikh, que présidaient conjointement les Présidents Moubarak et Clinton. Je me suis en outre rendu au Liban, afin d'y conférer des questions régionales et de la capture de trois soldats israéliens de la région de Shaba, dans le Golan occupé.

Tout au long de mon séjour, la situation sur le terrain à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza est demeurée extrêmement tendue. Pendant que je me trouvais dans la région, plus de 50 Palestiniens ont été tués, et deux réservistes israéliens lynchés à Ramallah. Le climat était explosif de part et d'autre, et le risque que la situation ne devienne complètement incontrôlable n'était que trop réel. Les parties se méfiaient profondément l'une de l'autre. Elles parlaient toutes deux, tant en privé que publiquement, le langage de la guerre.

Tel est le cadre dans lequel s'inscrivaient mes efforts de paix. Les protagonistes me paraissaient avoir atteint le bord de l'abîme. Mon objectif premier était donc d'obtenir des deux dirigeants qu'ils appellent leurs populations respectives au calme, ainsi que de leur demander d'indiquer quelles mesures précises ils étaient disposés à prendre afin de réduire la tension.

À cette fin, je me suis tenu en contact téléphonique fréquent avec des dirigeants internationaux tels que les Présidents Clinton, Moubarak et Chirac, le Premier Ministre italien, M. Amato, et les Ministres turc, norvégien et allemand des affaires étrangères. Pendant que j'étais dans la région, j'ai également rencontré les Ministres des affaires étrangères de la Fédération de Russie et du Royaume- Uni, ainsi que M. Javier Solana de l'Union européenne.

Il est malheureusement apparu que la détérioration rapide de la situation sur le terrain et le durcissement de l'opinion publique en découlant de part et d'autre empêcheraient les deux dirigeants de faire des déclarations qui pourraient être tenues pour conciliatoires. En étroite consultation avec les Présidents Clinton et Moubarak, je me suis employé avec toute mon énergie à convaincre le Premier Ministre Barak et le Président Arafat de prendre part au Sommet qui devait se tenir à Charm al-Cheikh. J'ai ainsi été amené à continuer de faire constamment la navette entre les deux parties.

Ni l'un ni l'autre des dirigeants n'étaient enthousiastes, le Président Arafat, en particulier, se déclarant peu enclin à se rendre à Charm alors, disait- il, que son peuple se trouvait sous occupation militaire, était en butte à un siège économique et subissait attaque sur attaque au missile et à l'artillerie. Je me suis donc réjoui lorsque le Président Arafat m'a informé au téléphone, dans la matinée du 14 octobre, alors même que je me préparais moi-même à partir pour l'Égypte, qu'il accédait à ma demande tendant à ce qu'il prenne part au Sommet.

Au cours des 48 heures qui ont précédé l'ouverture du Sommet à Charm al- Cheikh, j'ai rencontré le Président et le Ministre des affaires étrangères égyptiens, et ai eu de nombreuses conversations téléphoniques, notamment avec les Présidents des États-Unis, de la France et de la Tunisie, les Rois de la Jordanie et du Maroc et le Prince héritier de l'Arabie saoudite, le Président de la Tunisie et le Secrétaire d'État aux affaires étrangères des Émirats arabes unis, ainsi qu'avec de hauts responsables israéliens et palestiniens.

Le Sommet lui-même était empreint du climat dans lequel s'étaient déroulés les événements qui y avaient conduit, à savoir qu'il était clair que les deux parties se défiaient l'une de l'autre. Les émotions étaient vives, et les débats ont parfois été agités, en particulier lors des séances de négociation au niveau des Ministres des affaires étrangères. Sur le plan procédural, les pourparlers paraissaient bien être centrés sur l'ordre du jour. Chacun n'en avait pas moins conscience que la négociation portait sur le fond : à quoi le Sommet mènerait-il concrètement? Le cycle de la violence pourrait-il être brisé et serait-il possible de revenir à la table des négociations? Pour dire les choses crûment, serait-ce la paix ou serait-ce la guerre?

Le Sommet de Charm al-Cheikh s'est déroulé à deux niveaux distincts. Mes conseillers principaux prenaient part aux séances de négociation des Ministres des affaires étrangères. Dans le même temps, si ce n'est lors des sessions plénières d'ouverture et de clôture du Sommet, les chefs de délégation se réunissaient en coulisse, où avaient lieu d'intenses échanges bilatéraux. J'ai pris part, quant à moi, à une série de réunions avec les Coprésidents, les Présidents Moubarak et Clinton, et leurs responsables de la politique étrangère respectifs, le Premier Ministre Barak et le Président Arafat, d'autres dirigeants des deux parties, le Roi Abdullah de Jordanie et Javier Solana de l'Union européenne.

Je me suis employé tout au long à appuyer les Coprésidents dans leurs efforts visant à faire en sorte que l'issue du Sommet réponde aux besoins minimaux des deux parties, s'agissant aussi bien de mettre fin à la violence et de rétablir le statu quo ante que de s'attacher à nouveau à redynamiser le processus de paix ou d'établir un mécanisme d'enquête sur les événements tragiques de ces derniers temps. Par moments, l'écart entre les positions respectives a paru impossible à combler. Je suis néanmoins demeuré convaincu qu'un accord interviendrait. Tout bien considéré, la paix constitue en effet la seule solution possible pour Israël et les Palestiniens. La question difficile est de savoir combien de temps prendra le périple, et quels obstacles devront encore être surmontés sur la route de la paix.

Je tiens à rendre ici un vibrant hommage aux efforts extraordinaires du Président Clinton, qui s'est mis à l'oeuvre alors qu'il descendait à peine de l'avion dans lequel il avait passé la nuit. Au cours des 28 heures qui ont suivi, le Président a travaillé sans relâche avec les parties, veillant jusqu'à l'aube. C'est dans une très large mesure grâce à ses efforts personnels que le Président Clinton a pu annoncer le 17 octobre, à la fin du Sommet de Charm al-Cheikh, que le Premier Ministre Barak et le Président Arafat s'étaient entendus sur trois objectifs fondamentaux et sur les mesures à prendre pour les atteindre.

Ce dont il a été convenu à Charm al-Cheikh peut se résumer comme suit :

Premièrement, les deux parties sont convenues de faire des déclarations publiques appelant sans équivoque à la cessation de la violence. Elles sont également convenues de prendre immédiatement des mesures concrètes visant à mettre un terme à l'affrontement actuel, à éliminer les causes de friction, à faire cesser la violence et l'incitation à la haine, à maintenir le calme et à empêcher que les événements récents ne se reproduisent.

Il a été convenu qu'afin d'atteindre cet objectif, les deux parties s'emploieraient immédiatement à ramener la situation à ce qu'elle était avant la crise actuelle, s'agissant notamment de rétablir l'ordre, de redéployer les forces, d'éliminer les causes de friction, de renforcer la coopération en matière de sécurité, de mettre fin aux opérations de bouclage et de rouvrir l'aéroport de Gaza. Les États-Unis se sont engagés à faciliter la coopération en matière de sécurité entre les parties.

Il a été convenu aussi que les États-Unis mettraient en place avec les Israéliens et les Palestiniens, en consultation avec le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, une commission d'enquête sur les événements de ces dernières semaines et sur les moyens d'éviter que ceux-ci ne se reproduisent. Le Président des États-Unis fera tenir le rapport de la commission au Secrétaire général et aux parties avant qu'il ne soit publié. Un rapport final sera publié sous ses auspices.

Il a enfin été convenu que si l'on voulait s'attaquer aux causes profondes du conflit israélo-palestinien, le moyen de reprendre les négociations devrait être trouvé et il faudrait que reprennent les efforts visant à parvenir à un accord relatif au statut permanent sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU et des accords ultérieurs. Le Président Clinton a annoncé que les dirigeants étaient convenus à cet effet que les États-Unis consulteraient les parties dans les deux semaines à venir sur ce qui pourrait être fait pour aller de l'avant.

Les accords intervenus à Charm al-Cheikh constituent à mes yeux une première étape décisive : la catastrophe a été évitée, et écartée l'impossibilité d'une reprise du processus de paix. Il est essentiel que ces accords soient scrupuleusement appliqués dans leur intégralité par chacune des parties. Sans doute contiennent-ils des éléments auxquels telle ou telle des parties attache plus d'importance que l'autre. Mais elles doivent toutes deux faire preuve de bonne foi - avant tout par leurs actes. Cela ne sera pas facile. La défiance est mutuelle et profonde. Peut-être faudra-t-il une génération pour panser les blessures dont souffrent les familles et les communautés concernées. Nous devons tout de même aller de l'avant, aussi vive puisse être la douleur, si nous voulons que les enfants et la jeunesse d'aujourd'hui -tout en colère et désillusionnés qu'ils soient - puissent vivre demain dans un monde meilleur.

L'une des leçons que nous avons apprise ces derniers jours est qu'il ne peut y avoir de sécurité durable sans paix durable. Voilà pourquoi il nous faut porter notre regard, par-delà la violence et l'amertume, la douleur et le chagrin, vers un avenir dans lequel Israéliens et Palestiniens pourront vivre côte à côte une paix juste et durable.

Permettez-moi pour finir d'adresser quelques mots à la communauté internationale tout entière, et à vous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs des États Membres. Il est tout naturel que les événements de ces dernières semaines suscitent des sentiments puissants. Je suis bien placé pour le savoir. Je suis fermement convaincu qu'une vie perdue est un drame, et que la vie de tel être humain est égale en valeur à celle de tel autre. Mes pensées et mes prières vont aux familles et aux communautés qui souffrent aujourd'hui de part et d'autre. Je veux voir mettre fin à la violence et reprendre le processus de paix. Voilà pourquoi je me suis rendu dans la région à si bref délai et si incertaines qu'aient été les perspectives de succès.

Je suis fermement convaincu aussi, cela étant, que l'Assemblée générale dont vous êtes peut jouer un rôle décisif. Nous ne savons pas encore si la normalité pourra être rétablie ou non. Nous ne pouvons qu'attendre et espérer. Les quelques jours à venir décideront de la suite des événements. Rappelons-nous pour l'heure ce que j'ai déjà dit à Charm al-Cheikh, à savoir que les mots peuvent attiser ou apaiser, et que le retour au calme et à la tranquillité sont nécessaires à tous pour que puisse s'instaurer le climat le plus propice à une reprise des pourparlers de paix.

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