En cours au Siège de l'ONU

CS/2043

LE CONSEIL SE FELICITE DE LA SIGNATURE DE L'ACCORD DE PAIX DU 28 AOUT ET OBSERVE QUE L'INSTAURATION D'UNE PAIX DURABLE RELEVE DES BURUNDAIS EUX-MEMES

29 septembre 2000


Communiqué de Presse
CS/2043


LE CONSEIL SE FELICITE DE LA SIGNATURE DE L'ACCORD DE PAIX DU 28 AOUT ET OBSERVE QUE L'INSTAURATION D'UNE PAIX DURABLE RELEVE DES BURUNDAIS EUX-MEMES

20000929

M. Nelson Mandela est convaincu que le Burundi accède à un nouveau chapitre de son histoire

Ouvrant la séance du Conseil de sécurité consacrée, ce matin, à la situation au Burundi, le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a relevé que les efforts inlassables de M. Nelson Mandela, en sa qualité de Facilitateur du processus de paix au Burundi, ont permis de faire des progrès considérables. La signature de l'Accord de paix à Arusha (Tanzanie), le 28 août dernier, suivie de celle de l'accord sur la participation des trois autres parties le 20 septembre dernier, à Nairobi (Kenya), constituent certainement une avancée très importante sur le long et difficile chemin de la paix au Burundi. L'Accord d'Arusha détermine de manière globale la réforme de la société burundaise. Il répond aux causes inhérentes du conflit - telles que l'exclusion et le génocide - et envisage des remèdes aux conséquences tragiques de la guerre, notamment au sort de centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées. Toutefois, avant que ce programme ambitieux ne puisse être pleinement mis en œuvre, il faudrait surmonter un certain nombre d'obstacles, auxquels le Facilitateur consacre maintenant son temps et ses efforts. Pour leur part, les Nations Unies sont prêtes à contribuer au succès de ces efforts, non seulement pour le bien du peuple du Burundi, mais également pour la stabilité et la prospérité d'une région en conflit, qui pourrait trouver une source d'inspiration dans le succès du processus de paix au Burundi pour régler de manière négociée des conflits plus étendus. Se félicitant de la présence de Madiba aujourd'hui au sein du Conseil de sécurité, M. Annan a invité les délégations à entendre son évaluation de la situation et à l'assurer d'un appui sans réserve.

Prenant la parole, M. Nelson Mandela, Facilitateur du Processus d'Arusha, a déclaré au Conseil qu'après la signature de l'Accord du 28 août, à laquelle assistaient un certain nombre de Chefs d'Etat étrangers, il existe maintenant un accord politique ferme dans le cadre duquel les parties en conflit peuvent désormais négocier au Burundi. Dix-neuf partis politiques ont signé l'Accord, dont les deux formations les plus importantes du pays, a-t-il déclaré. Concernant la question cruciale de la composition d'une force de défense nationale, les parties aux négociations ont pu arriver à un compromis aux termes duquel cette force devra être globalement composée à 50% de Tutsis et à 50% de Hutus, tout en veillant à l'inclusion nécessaire de la minorité Tua. Les efforts en faveur de la paix au Burundi ont conduit à la reconnaissance du respect des droits politiques de la

majorité ethnique de ce pays qui, de son coté, doit garantir la sécurité des groupes minoritaires, a dit M. Mandela en insistant sur la nécessité de rendre le processus d'Arusha aussi inclusif que possible. Concernant la question des camps de regroupements, il a précisé que selon les informations recueillies auprès de l'OUA et de l'ONU, leur démantèlement avait effectivement eu lieu. Mais, certaines familles de réfugiés hésitent à quitter ces camps par crainte pour leur sécurité, ce qui sans doute explique les objections élevées par les groupes armés en rébellion qui ont accusé le Président du Burundi, M. Pierre Buyoya, de n'avoir pas tenu les promesses faites à cet égard à la communauté internationale.

A l'issue de l'exposé fait par M. Mandela, le Président du Conseil de sécurité, M. Moctar Ouane (Mali), s'est félicité, au nom des membres du Conseil, de la signature le 28 août 2000 de l'Accord de paix d'Arusha, ainsi que du nouveau nom apposé au bas de ce document lors d'un sommet régional tenu à Nairobi le 20 septembre. Tout en félicitant les parties burundaises - y compris le Gouvernement - qui ont démontré leur volonté de poursuivre les négociations, le Conseil souligne, a indiqué M. Ouane, que c'est aux parties burundaises qu'il revient essentiellement de parvenir à un accord de paix durable au Burundi. Il est convaincu que c'est l'unique moyen d'arriver à cet accord et engage à cet effet toutes les parties à s'employer à résoudre les divergences qui subsistent au sujet de l'accord de paix et à mettre en œuvre celui-ci. Par ailleurs, le Conseil condamne toutes les attaques commises contre les populations civiles et demeure profondément préoccupé par la persistance d'un niveau élevé de violence au Burundi, en particulier de la part des groupes rebelles.

En début de séance, le Conseil de sécurité a observé une minute de silence, à la mémoire de Pierre Elliott Trudeau, ex-Premier Ministre du Canada, décédé hier. Le profond attachement à la cause de la paix internationale et le ferme appui qu'il a apportés à l'Organisation des Nations Unies et à ses activités sont appréciés par la communauté internationale tout entière.

La situation au Burundi

Exposé du Facilitateur du processus de paix d'Arusha pour le Burundi, M. Nelson Mandela

M. NELSON MANDELA a observé que l'appui du Conseil et le rôle important joué par le défunt Président Julius Nyerere de Tanzanie en faveur de la paix dans la région des Grands Lacs, lui ont permis en tant que Facilitateur du processus de paix au Burundi, de prendre la mesure de la volonté de la communauté internationale de voir le retour de la paix dans ce pays. Lors de notre première rencontre avec le Conseil de sécurité, nous avions dit, a rappelé M. Nelson Mandela, qu'il était inacceptable dans le monde actuel de laisser une nation et ses populations sombrer dans le chaos. Grâce aux mesures prises, un message fort a été envoyé aux Burundais, qui leur laissait clairement entendre que les dirigeants du monde et la communauté internationale ne permettront plus qu'un peuple s'entredéchire loin des regards du reste de l'humanité. Le processus de paix a convaincu les parties au conflit burundais que la résolution de leurs différends n'était plus une question isolée, mais plutôt une affaire impliquant la communauté internationale tout entière. Ils ont par-là compris que seuls le dialogue et la concertation pourraient les mener à une paix durable, mettant fin à la tuerie qu'a connue pendant trop longtemps le peuple burundais. Nous sommes aujourd'hui fiers d'annoncer que nous avons pu arriver à un accord de grande portée. Les pourparlers tenus à Arusha nous ont permis de proposer que soit élaboré un plan de compromis à partir duquel un plan final pourrait alors être négocié. Les parties ont accepté ces propositions, et le 28 août un plan de compromis a été adopté à Arusha en présence d'un certain nombre de dirigeants du monde. Les parties au conflit qui étaient absentes ce jour là ont signé les termes de ce plan plus tard. Je voudrais relever ici les qualités de leadership dont ont fait preuve les dirigeants des différentes parties qui ont signé le document d'Arusha. Je souligne ici le niveau intellectuel élevé des représentants des parties qui ont négocié. Je me suis appuyé sur ces talents intellectuels pour élever le niveau du débat, et je suis confiant en l'avenir du processus ainsi esquissé, a dit M. Nelson Mandela.

Il existe donc un accord politique ferme sur la situation au Burundi, et les parties peuvent désormais négocier dans le cadre de cet accord. Sur les 19 partis politiques qui ont signé l'accord, deux sont des formations importantes, dont d'un coté le FRODEBU, le parti numériquement le plus important du pays en termes d'adhérents, et de l'autre coté, le parti au pouvoir, auquel appartient le Président Pierre Buyoya. Un esprit de compromis a régné sur les discussions. Sur la question cruciale de la composition d'une force de défense nationale, nous avons pu arriver à un compromis de manière qu'elle soit globalement composée à 50% de Tutsis et à 50% de Hutus, tout en tenant compte de l'inclusion nécessaire des Tuas. Il est important, et cela a été reconnu, que les droits politiques de la majorité doivent être respectés et que celle-ci de son coté, devrait garantir la sécurité de la minorité. Nous avons pris des engagements en ce qui concerne la nécessité de rendre le processus aussi inclusif que possible. Je me suis fait des soucis, a déclaré M. Mandela, au sujet de la situation des groupes armés en rébellion, sans la participation desquels aucun accord ne saurait être applicable. C'est pourquoi j'ai tenu à les inviter à prendre part au Processus d'Arusha. Il ne saurait y avoir cependant de justification à la poursuite d'attaques contre la population civile alors qu'un accord a été signé. C'est pourquoi je lance un appel pour un cessez-le-feu immédiat. M. Mandela reconnaît cependant que les groupes armés sont eux-mêmes

composés de personnes innocentes prises dans l'engrenage du conflit. Il a précisé qu'il ne partageait pas l'avis de ceux qui disent que ces groupes n'ont pour objectif que l'élimination des communautés Tutsis où qu'elles se trouvent. A ce sujet, j'ai dit aux chefs des groupes armés que leur refus de se joindre aux négociations ne pourrait que renforcer les hommes politiques qui sont convaincus de ces thèses d'extermination. Parlant des attaques contre des bases militaires, les chefs des groupes ont avoué que les raids qui avaient été lancés n'avaient pas causé de dégâts majeurs aux forces armées gouvernementales. Ils ont avoué que des civils en avaient été les principales victimes. Ils le regrettent. Je tiens à dire d'autre part que les différentes rencontres que nous avons eues avec eux n'ont pas été des échecs, contrairement à ce qui a été parfois rapporté aux Nations Unies. J'ai confiance en la bonne volonté des dirigeants des forces combattantes au Burundi, qui ont dit qu'ils étaient prêts à s'engager plus avant dans le processus de paix. Le soutien de la communauté internationale ne doit pas à cet égard, leur faire défaut.

Concernant la question des camps de regroupements, les groupes armés disent qu'ils n'ont pas été démantelés, contrairement aux promesses faites par le Président Pierre Buyoya. J'ai rencontré les envoyés de l'OUA et ceux de l'ONU, qui m'ont affirmé de leur coté que les camps avaient été démantelés, mais qu'il y avait un problème avec certaines personnes et familles qui ne veulent pas quitter les camps du fait qu'elles ont peur pour leur sécurité. Nous devons passer à une nouvelle étape, qui est celle de l'explication des termes de l'Accord d'Arusha aux Burundais. Mon Bureau, en tant que Facilitateur du Processus, sera transféré d'Arusha à Bujumbura, capitale du Burundi. J'ai eu à répondre à des Burundais qui estiment que certains des négociateurs de l'Accord n'avaient pas été mandatés par les populations qu'ils sont censés représenter. Je leur ai répondu qu'une fois les négociations achevées, les populations auraient la possibilité de se prononcer sur leur teneur et sur les textes qui en sont issus. Un autre problème est celui du retour des dirigeants burundais exilés. Il faut trouver une solution à leur dilemme. Nous nous sommes engagés envers les Burundais à une mobilisation de la communauté internationale en vue d'une aide soutenue à la reconstruction de leur pays dévasté. Le Burundi pourrait devenir une vitrine de ce que la communauté internationale peut faire en matière de paix et de reconstruction. Nous sommes d'avis que le développement du secteur privé et celui de l'éducation permettraient de résoudre les problèmes délicats de la rareté des ressources et de leur répartition, qui sont sources de tant de conflits au Burundi. Nous sommes conscients de ce qu'il appartient aux Burundais eux-mêmes de faire la paix, mais ils ont besoin de l'aide et du soutien de la communauté internationale. J'espère que je reviendrai ici, dans un an, pour vous dire que le Processus d'Arusha est arrivé à son terme et que la paix est totalement revenue au Burundi.

Déclaration du Président du Conseil

Le Conseil de sécurité exprime sa vive gratitude à l’ancien Président Nelson Mandela, en sa qualité de Facilitateur du processus de paix d’Arusha au Burundi, pour les informations qu’il lui a communiquées le 29 septembre 2000. Il le félicite des efforts inlassables qu’il consacre à la cause de la paix dans ce pays et l’encourage à poursuivre sur cette voie.

Le Conseil se félicite de la signature, le 28 août 2000, de l’Accord de paix d’Arusha, ainsi que du nouveau nom qui a été apposé au bas de ce document lors d’un sommet régional tenu à Nairobi le 20 septembre. Il félicite les parties burundaises, y compris le Gouvernement, qui ont démontré leur volonté de poursuivre les négociations.

Le Conseil souligne que c’est aux parties burundaises qu’il revient essentiellement de parvenir à un accord de paix durable au Burundi. Il est convaincu que le compromis est l’unique moyen d’arriver à cet accord et engage à cet effet toutes les parties à s’employer à résoudre les divergences qui demeurent au sujet de l’accord de paix et à mettre en œuvre celui-ci.

Le Conseil réitère l’appel qu’il a lancé dans sa résolution 1286 (2000), du 19 janvier 2000, à toutes les parties qui demeurent à l’écart du processus de paix pour qu’elles mettent fin aux hostilités et participent pleinement à ce processus. À cet égard, il appuie l’appel lancé par le Facilitateur aux groupes rebelles afin qu’ils précisent leur position d’ici au 20 octobre 2000.

Le Conseil est encouragé par l’engagement des États régionaux. Il leur demande instamment de poursuivre leurs efforts et, en particulier, d’user de leur influence pour engager fermement les groupes armés dans le processus de paix.

Le Conseil condamne toutes les attaques commises contre les populations civiles. Il demeure profondément préoccupé par le niveau persistant de la violence au Burundi, en particulier par les actes perpétrés par les groupes rebelles, malgré l’appel qui leur a été lancé en vue de négocier directement avec le Gouvernement burundais pour parvenir à un accord de cessez-le-feu durable.

Le Conseil demeure profondément préoccupé par la situation économique, humanitaire et sociale désastreuse au Burundi et demande à toutes les parties de coopérer pleinement à la mise en œuvre de l’accord avec les organisations non gouvernementales et les organisations internationales qui y sont associées. Il exhorte toutes les parties concernées à faire en sorte que les personnes qui ont été internées dans des camps soient protégées et respectées et puissent retourner chez elles de leur plein gré, en toute sécurité et dans la dignité.

Le Conseil note que les pays donateurs se sont réunis à Bruxelles le 15 septembre 2000. Il se félicite de l’appel qu’ils ont lancé pour que l’assistance au Burundi – notamment l’aide au développement – reprenne progressivement afin de remédier aux problèmes humanitaires et économiques urgents de ce pays alors qu’il avance sur la voie des négociations de paix intérieures. À cet égard, il se félicite aussi du projet des pays donateurs de tenir le moment venu une conférence à Paris.

Le Conseil est prêt pour sa part à envisager des moyens concrets lui permettant d’appuyer au mieux le processus de paix. À cet effet, il prie le Secrétaire général de lui faire connaître d’urgence les mesures spécifiques que l’Organisation des Nations Unies peut prendre pour consolider la paix et le relèvement économique au Burundi.

Le Conseil demeurera activement saisi de la question.

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