En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7558/

POUR DEVENIR UNE ORGANISATION DU XXIE SIECLE, LE SYSTEME DE L'ONU DOIT EVOLUER ET DISPOSER D'UN PERSONNEL OUVERT AU CHANGEMENT

25 septembre 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7558/


POUR DEVENIR UNE ORGANISATION DU XXIE SIECLE, LE SYSTEME DE L'ONU DOIT EVOLUER ET DISPOSER D'UN PERSONNEL OUVERT AU CHANGEMENT

20000925

On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée aujourd'hui par le Secrétaire général, m. Kofi Annan, à l'occasion de la Journée du personnel:

Cette année est exceptionnelle et cette Journée du personnel, que nous célébrons aujourd'hui, est bien davantage qu'un événement annuel. Elle vient à la suite d'une série d'événements extraordinaires qui ont marqué l'année du millénaire : le sommet des ONG, le sommet des chefs spirituels et religieux, le sommet des parlementaires et, bien sûr, le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement. Vous conviendrez avec moi que ces événements, en particulier le Sommet du millénaire, nous ont clairement indiqué la direction à suivre. Mais, il faut aussi nous réjouir que tant de dirigeants mondiaux aient réaffirmé leur foi en l'Organisation des Nations Unies, nos Nations Unies, et nous aient mis au défi de faire mieux. C'est pourquoi ce matin, je ne viens pas porteur de mauvaises nouvelles. Je voudrais plutôt vous mettre au défi, nous mettre au défi, de faire mieux et d'accepter de faire ce que les dirigeants mondiaux qui sont venus ici au début de ce mois, nous ont demandé.

Depuis 55 ans, le Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies a joué un rôle essentiel dans la lutte pour le progrès et la paix dans le monde. En collaboration étroite avec les États Membres, vous et vos prédécesseurs avez jeté des ponts entre peuples et pays, entre passé et présent, entre gouvernement et société civile. Vous avez été la source d'idées neuves qui ont contribué à façonner la manière dont le monde conçoit désormais l'environnement, le développement et le droit international.

Vous avez contribué à sauver des vies, à défendre des droits et à faire renaître des communautés de leurs cendres après un conflit. Dans ses meilleurs moments, le Secrétariat a été un instrument de changement, et la mémoire institutionnelle du monde. Le résultat en est une noble tradition de la fonction publique internationale, une tradition à prolonger, à défendre, à moderniser parfois, quand de mauvaises habitudes ont été prises ou qu'elle n'a pas répondu aux attentes.

Des vies sauvées, certes, mais hélas, des vies perdues aussi : nombre de collègues qui nous étaient chers ont donné leur vie en servant les idéaux de l'ONU. L'année passée a apporté de nouvelles tragédies, frappant brutalement, avec une sinistre régularité. La famille des Nations Unies pleure ces vies tragiquement perdues : plus de 60 soldats, policiers et membres du personnel civil ont péri depuis la dernière Journée du personnel, ce qui fait plus d'un décès par semaine.

Nous sommes de tout coeur avec les familles, les amis de ces hommes et de ces femmes dévoués que l'idéal humanitaire a placés au coeur du danger, où ils ont poursuivi la mission traditionnelle de l'Organisation, portant secours à ceux qui sont dans le besoin, réconfort à ceux qui souffrent.

Il serait manifestement impossible d'éliminer tout risque de notre travail. Mais là où nous pouvons intervenir utilement, nous le devons. Je m'apprête à présenter à l'Assemblée générale un rapport dans lequel je propose des changements importants en vue de renforcer la sécurité du personnel. Ces changements concernent tant les effectifs que la formation dispensée, les services fournis et le matériel utilisé. Tout cela coûtera de l'argent, bien entendu, et j'entends plaider énergiquement cette cause auprès de l'Assemblée générale. La sécurité n'est ni un luxe ni une option. Les États Membres doivent assumer leurs responsabilités pour ce qui est non seulement d'assurer la sécurité, mais aussi de faire traduire en justice quiconque y porte atteinte. C'est bien le moins que sont en droit d'attendre ceux qui servent la communauté internationale.

C'est la quatrième fois que je m'adresse à vous à l'occasion de la Journée du personnel en tant que Secrétaire général. Nous avons entrepris ces dernières années d'adapter l'Organisation aux exigences d'une ère nouvelle dans les affaires internationales. Nous avons emprunté la voie d'une réforme fondamentale. Les États Membres nous ont chargés d'un nombre croissant de mandats sans que les ressources et la volonté correspondantes suivent toujours. Nous avons entamé une réflexion sans précédent sur les opérations de paix des Nations Unies qui ont mal tourné. Nous nous sommes posé des questions difficiles sur nos conceptions du développement. Et ensemble, de la même façon, nous avons étudié de près la manière dont nous gérons nos ressources humaines.

Je viens de soumettre à l'Assemblée générale un rapport où je présente un programme détaillé de gestion des ressources humaines.

Les mesures, initiatives et propositions contenues dans ce rapport procèdent de l'idée que pour servir une organisation du XXIe siècle, le système doit évoluer. Elles résultent d'un gros travail mené ces deux dernières années, où la concertation et les consultations avec le personnel ont eu leur place. Je sais que vous avez tous entendu de votre Président que les consultations ont été insuffisantes et insatisfaisantes. Mais ces consultations ont duré deux ans, deux ans avant que nous ne décidions finalement d'agir. Combien d'années faut-il consulter ? J'ai toujours insisté sur la nécessité de consulter le personnel - et de le faire de bonne foi - avant de prendre une décision. Mais j'ai toujours insisté aussi sur le fait qu'il ne pouvait s'agir de co-gestion. En tant que plus haut fonctionnaire de l'Organisation des Nations Unies, j'ai la responsabilité de gérer cette institution et de faire des recommandations aux Etats Membres. Ces recommandations sont précédées de consultations, mais lorsque ce processus est épuisé, je dois prendre une décision. Et j'espère que vous comprendrez qu'après de très longues consultations, nous n'attendions pas de trouver le plus petit commun dénominateur, dont une des caractéristiques se trouve être la lenteur, mais nous décidions qu'il est grand temps d'agir.

Les propositions que je soumets à l'Assemblée générale ne permettront pas de résoudre d'un seul coup des problèmes déjà anciens. Mais elles feront prendre à notre organisation - à votre Organisation - un tournant positif bien nécessaire et ouvriront la voie à d'autres changements futurs.

Personne ne contestera que l'Organisation des Nations Unies doit être capable d'agir plus rapidement qu'elle ne le fait à l'heure actuelle, surtout en matière de recrutement et d'affectations. Comme dans beaucoup d'autres grandes organisations, la procédure est lente et lourde.

C'est pourquoi nous allons introduire de nouvelles méthodes qui permettront de faire avancer les choses plus vite et d'attirer et promouvoir du personnel qualifié, surtout des jeunes, dont nous devons disputer les talents au dynamisme des start-up et aux séductions de la nouvelle économie.

L'Organisation des Nations Unies doit aussi répondre à une véritable mutation de la nature même de son travail. D'une structure centrée sur le siège, elle est en effet devenue une organisation à forte présence de terrain. Ce sont actuellement les deux tiers, je dis bien les deux tiers, de nos effectifs qui travaillent sur le terrain. Il est donc impératif que nous assouplissions les contraintes qui nous empêchent de déployer du personnel au moment et dans les lieux voulus, et qui empêchent le personnel d'acquérir tant l'expérience du travail au Siège que celle des réalités de terrain.

Nous cherchons donc à encourager et récompenser la mobilité au Secrétariat, entre fonctions, départements, groupes professionnels, lieux d'affectation et organisations. Dans le domaine de la paix et de la sécurité, cet impératif est plus crucial encore, comme le démontre abondamment le rapport Brahimi.

Je sais que certains s'inquiètent des conséquences néfastes que cette nouvelle mobilité pourrait avoir pour les familles et pour la vie privée. Cela ne signifie pas que nous devions renoncer à notre objectif, mais plutôt que nous devons trouver le moyen d'améliorer les systèmes d'appui de manière à répondre aux besoins des fonctionnaires, de leurs familles et de l'Organisation.

L'obligation de rendre des comptes est un autre domaine fondamental qui ne souffre pas le statu quo. À tous les échelons de la hiérarchie, tous les fonctionnaires, sans distinction de classe, doivent répondre de leurs actions comme de leurs omissions. Mais si chacun est tenu responsable de son travail, il faut aussi que chacun sache exactement ce qu'on attend de lui, possède les outils et la formation voulus et soit jugé équitablement.

C'est pour cette raison que nous avons adopté de nouveaux mécanismes de gestion des compétences. Notre objectif est d'avoir un système juste, équitable et transparent, un système qui mesure et récompense la compétence et les résultats.

Pour ma part, j'ai institué un « pacte » avec tous les cadres supérieurs, qui fixe pour chaque année une série d'objectifs précis à atteindre, y compris dans le domaine des ressources humaines; ce contrat nous oblige à faire également le point sur la réalisation de ces objectifs.

Nous avons parmi nous des cadres hors pair, des hommes et des femmes qui possèdent des qualités exceptionnelles de dirigeant, font preuve d'ouverture d'esprit et inspirent en toutes occasions un véritable sens du travail d'équipe. Mais nous avons aussi des cadres qui ne répondent pas à ces idéaux. Certes les cadres doivent faire de bonnes analyses et respecter leurs échéances. Mais ils doivent aussi se préoccuper des gens qui travaillent pour eux et les aider à se perfectionner. Dans le système que nous allons bientôt introduire, les cadres seront évalués par tous leurs collègues immédiats, quelle que soit leur place dans la hiérarchie. J'ai bon espoir que ce mécanisme de retour d'information tous azimuts les aidera à assimiler cette notion fondamentale.

Je n'ignore pas que ces idées ne feront pas l'unanimité parmi vous, et je le comprends. Pour certains, trop de changements constituent peut-être une menace et pour d'autres, trop peu de changements représentent un danger. Certains même n'hésiteront pas à penser que la fonction publique internationale est mise en péril, alors qu'en fait elle gagne en pertinence et en efficacité.

Je sais, les sujets de mécontentement sont légion. Comme nombre d'autres grandes organisations multilatérales, nous présentons des faiblesses semble-t-il intrinsèques : notre taille et nos systèmes limitent bien souvent notre efficacité et ces problèmes mêmes nous empêchent d'attirer et de retenir les meilleurs éléments et d'en tirer le meilleur.

Nous n'échappons pas aux problèmes des autres organes du secteur public : obstacles au déroulement des carrières; arrangements contractuels abstrus; gestion par règlements et intimidation; bonnes performances insuffisamment récompensées et mauvaises performances insuffisamment sanctionnées. Les jeunes, surtout, idéalistes et passionnés, sont profondément découragés chaque fois qu'ils voient pareilles pratiques détourner l'Organisation de sa mission originelle.

La réforme de notre système de gestion des ressources humaines s'est révélée plus ardue que quiconque aurait pu l'imaginer. Mais ne perdons pas de vue le couronnement de ces efforts : notre objectif commun d'une Organisation des Nations Unies capable de s'adapter à un monde changeant et de répondre aux demandes de ceux qui nous ont donné notre mandat, les peuples et les nations du monde entier.

Je vous exhorte à être ouverts au changement et à rester ouverts au changement. On peut et on doit régler ce qui ne marche pas, on doit renforcer et développer ce qui est efficace, on doit combler des lacunes.

Comme je l'ai dit, il s'agit d'un processus et nous ne devons pas oublier que de nouveaux changements se profilent à l'horizon.

Nous nous rendons bien compte, par exemple, que nous devons lever certains des obstacles qui s'opposent à l'emploi des conjoints car ils rendent nos fonctionnaires moins mobiles qu'ils ne pourraient l'être.

Nous devons envisager d'assouplir les horaires de travail, par exemple en introduisant le travail à temps partiel et la semaine de quatre jours, étant donné que peu de fonctionnaires peuvent profiter de la formule des horaires décalés.

Nous devons améliorer l'administration interne de la justice. Les membres du personnel comme la direction ont fait savoir qu'ils étaient mécontents de la rigidité, du coût et des lenteurs du système en vigueur. À la dernière session du Comité de coordination entre l'Administration et le personnel, on a proposé aux représentants du personnel de créer un poste de médiateur - ou médiatrice - qui serait confié à un spécialiste éminent, indépendant de la direction et du personnel. Je suis convaincu que ce serait un grand progrès.

En suivant attentivement les travaux du Sommet du millénaire, il y a quelques jours, on pouvait déceler un nouveau message des États Membres à propos du rôle que l'Organisation des Nations Unies devrait jouer au cours du XXIe siècle. Ils ont parlé de renforcer et de réformer l'Organisation d'une nouvelle manière, non pas en termes de coupes claires et de regroupements, mais en reconnaissant de plus en plus le rôle central qu'elle peut jouer dans les affaires de la planète. Il y a là des possibilités, mais aussi des responsabilités.

J'ai demandé à l'Assemblée générale de prendre certaines décisions difficiles dans sa sphère de compétence et d'éviter tout atermoiement. Le Secrétariat doit lui aussi jouer son rôle. Nous devons discuter, nous devons consulter. Mais il arrive un moment où il faut trancher, où il faut prendre des décisions et agir.

Une Organisation des Nations Unies dotée sur le plan externe de l'appui politique et matériel dont elle a besoin et, sur le plan interne, des effectifs talentueux, loyaux et motivés dont elle a besoin peut représenter une force positive de taille dans notre monde. Je vous ai bien souvent entendus dire que lorsque le travail à l'ONU se passe bien, il n'y a pas de meilleur endroit au monde. Soyez assurés que je n'aurai pas de cesse que tous les fonctionnaires n'éprouvent ce sentiment. Je vous remercie et je vous souhaite une bonne journée.

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