En cours au Siège de l'ONU

CS/2036

LE SOMMET DU CONSEIL DE SECURITE SE DECLARE RESOLU A RENFORCER LE ROLE CENTRAL DE L'ONU EN MATIERE DE MAINTIEN DE LA PAIX

7 septembre 2000


Communiqué de Presse
CS/2036


LE SOMMET DU CONSEIL DE SECURITE SE DECLARE RESOLU A RENFORCER LE ROLE CENTRAL DE L’ONU EN MATIERE DE MAINTIEN DE LA PAIX

20000907

Il se dit résolu à accorder une égale priorité au maintien de la paix et de la sécurité internationales dans chaque région du monde

Le Conseil de sécurité, réuni en début d’après-midi, pour la première fois depuis 1992, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, à l'occasion du Sommet du Millénaire, afin d'examiner la nécessité de lui assurer un rôle effectif dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en particulier en Afrique, s'est engagé - aux termes de la résolution 1318 (2000) adoptée à l'unanimité - à faire prévaloir les buts et principes de la Charte des Nations Unies. A cet égard, il rappelle que la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales lui incombe et se déclare résolu à renforcer le rôle central de l'Organisation des Nations Unies en matière de maintien de la paix et à veiller au fonctionnement efficace du système de sécurité collective mis en place par la Charte. Il se déclare résolu à accorder une égale priorité au maintien de la paix et de la sécurité internationales dans chacune des régions du monde et, compte tenu des besoins particuliers de l'Afrique, à accorder une attention spéciale à la promotion d'une paix et d'un développement durables sur le continent ainsi qu'aux caractéristiques particulières des conflits africains.

Il se déclare résolu à renforcer les opérations de maintien de la paix des Nations Unies en adoptant des mandats incluant des mesures qui permettent d'assurer efficacement la sécurité du personnel des Nations Unies et, si possible, la protection de la population civile. Dans ce cadre, le Conseil décide d'appuyer le renforcement de la capacité de l'ONU en matière de planification, de mise en place, de déploiement et de conduite des opérations de maintien de la paix, ainsi que la mise en place d'une base plus actuelle et plus saine pour le financement de ces opérations. Il demande qu'une action internationale efficace soit menée en vue d'empêcher l'afflux illégal d'armes légères dans les zones de conflit. Il décide en outre de continuer à prendre des mesures énergiques dans les secteurs où l'exploitation illégale et le trafic de marchandises de grande valeur contribuent à l'escalade ou à la poursuite des conflits. Dans ce contexte, il souligne qu'il est déterminé à continuer de sensibiliser le personnel de maintien de la paix à la prévention et au contrôle du VIH/sida dans toutes les opérations. Le Conseil demande le renforcement de la coopération et de la communication entre l'ONU et les organisations ou accords régionaux ou sous-régionaux.

Ouvrant le débat, le Président du Mali, qui présidait aujourd'hui le Conseil de sécurité, s’est félicité de la tenue de cette réunion et a estimé que l’Afrique cristallise plus que d’autres régions les succès et les échecs du Conseil de sécurité. M. Kofi Annan a souligné que les Nations Unies et leurs soldats de la paix ne peuvent répondre à toute crise, à tout conflit ou à toute menace contre la vie humaine. De même, aucune opération de maintien de la paix ne peut se substituer à la volonté politique des parties en vue de parvenir à un règlement pacifique. Mais lorsque l'ONU doit agir -lorsque seules son universalité et sa légitimité peuvent venir en aide à des personnes qui souffrent et à des personnes abandonnées à reprendre une vie normale dans la paix et la dignité -, elle doit alors disposer des moyens nécessaires qui permettront de faire la différence entre la vie et la mort.

Les chefs d’Etat et de gouvernement ont noté que les conflits auxquels le Conseil de sécurité doit faire face sont de plus en plus complexes, prennent des formes de plus en plus variées et touchent de plus en plus les populations civiles. Ils ont apporté leur soutien au rapport du Groupe d’étude sur les opérations de maintien de la paix de l’ONU et ont souhaité que le Conseil aborde les conflits en tenant compte, notamment de leurs racines, en particulier aux sources de leur financement en empêchant l’exploitation illégale des ressources naturelles, le trafic de drogues et l’accumulation des armes légères. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont souhaité que les opérations de maintien de la paix soient accompagnées de programmes de soutien économique et social.

Outre le Secrétaire général, les Chefs d'Etat et de gouvernement suivants sont intervenus : MM. William Jefferson Clinton, Président des Etats-Unis; Fernando de la Rua, Président de l'Argentine; Jiang Zemin, Président de la Chine; Jacques Chirac, Président de la France; Sam Nujoma, Président de la Namibie; Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie; Zine El Abidine Ben Ali, Président de la Tunisie; Leonid Kouchma, Président de l'Ukraine, Mme Sheikh Hasina, Premier Ministre du Bangladesh; MM. Jean Chrétien, Premier Ministre du Canada; Percival James Patterson, Premier Ministre de la Jamaïque; Wim Kok, Premier Ministre des Pays-Bas, Tony Blair, Premier Ministre du Royaume-Uni, Dato' Seri Syed Hamid Albar, Ministre des affaires étrangères de la Malaisie, et Alpha Oummar Konaré, Président du Mali.

Le Conseil a observé une minute de silence à la mémoire des fonctionnaires de l’ONU tués hier au Timor occidental.

Le Conseil de sécurité, par une déclaration de son Président, faite au nom de ses membres sur la poursuite du conflit en République démocratique du Congo (RDC), a demandé à toutes les parties congolaises, et en particulier au Gouvernement de la RDC, d'engager pleinement le dialogue prévu par l'Accord de cessez-le-feu et d'appuyer, à cet égard, les efforts de la facilitation.

Assurer au Conseil de sécurité un rôle effectif dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en particulier en Afrique

Texte du projet de résolution (S/2000/845)

Le Conseil de sécurité,

Décide d’adopter la déclaration jointe sur la nécessité d’assurer au Conseil de sécurité un rôle effectif dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en particulier en Afrique.

Annexe

Le Conseil de sécurité,

Réuni au niveau des chefs d’État et de gouvernement à l’occasion du Sommet du Millénaire afin d’examiner la nécessité d’assurer au Conseil de sécurité un rôle effectif dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en particulier en Afrique

I

S’engage à faire prévaloir les buts et principes de la Charte des Nations Unies, réaffirme son attachement aux principes de l’égalité souveraine, de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les États, et souligne la nécessité de respecter les droits de l’homme et l’État de droit;

Réaffirme qu’il importe d’adhérer aux principes du non-recours à la menace ou à l’emploi de la force dans les relations internationales d’une manière qui serait incompatible avec les objectifs des Nations Unies, et du règlement pacifique des différends internationaux;

Rappelle que la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales lui incombe et se déclare résolu à renforcer le rôle central de l’Organisation des Nations Unies en matière de maintien de la paix et à veiller au fonctionnement efficace du système de sécurité collective mis en place par la Charte;

II

S’engage à améliorer l’efficacité de l’action de l’Organisation des Nations Unies face aux conflits à toutes les étapes, de la prévention au règlement puis à la consolidation de la paix;

Se déclare résolu à accorder une égale priorité au maintien de la paix et de la sécurité internationales dans chacune des régions du monde et, compte tenu des besoins particuliers de l’Afrique, à accorder une attention spéciale à la promotion d’une paix et d’un développement durables sur le continent ainsi qu’aux caractéristiques particulières des conflits africains;

III

Encourage vivement l’élaboration, tant dans le cadre qu’en dehors du système des Nations Unies, de stratégies globales et intégrées permettant de s’attaquer aux causes profondes des conflits, notamment dans leurs dimensions économiques et sociales;

Se déclare résolu à renforcer les opérations de maintien de la paix des Nations Unies en :

Adoptant des mandats clairement définis, crédibles, réalisables et appropriés;

Incluant dans ces mandats des mesures permettant d’assurer efficacement la sécurité du personnel des Nations Unies et, si possible, la protection de la population civile;

Prenant des mesures pour aider l’Organisation des Nations Unies à s’assurer les services, pour les opérations de maintien de la paix, d’un personnel formé et bien équipé;

- Intensifiant les consultations avec les pays qui fournissent des contingents, lorsqu’une décision est prise au sujet de ces opérations;

Décide d’appuyer :

Le renforcement de la capacité de l’ONU en matière de planification, de mise en place, de déploiement et de conduite des opérations de maintien de la paix,

La mise en place d’une base plus actuelle et plus saine pour le financement des opérations de maintien de la paix;

Souligne qu’il importe de renforcer la capacité de l’ONU en matière de déploiement rapide des opérations de maintien de la paix et prie instamment les États Membres de fournir des ressources en quantité suffisante et en temps voulu;

IV

Accueille avec satisfaction le rapport du Groupe d’experts sur les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, en date du 21 août 2000 (S/2000/809), et décide d’examiner à bref délai les recommandations qui relèvent de son domaine de responsabilité;

V

Insiste sur l’importance cruciale que revêtent le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants et souligne que ces programmes devraient normalement être intégrés dans le mandat des opérations de maintien de la paix;

VI

Demande qu’une action internationale efficace soit menée en vue d’empêcher l’afflux illégal d’armes légères dans les zones de conflit;

Décide de continuer à prendre des mesures énergiques dans les secteurs où l’exploitation illégale et le trafic de marchandises de grande valeur contribuent à l’escalade ou à la poursuite des conflits;

Souligne que les auteurs de crimes contre l’humanité, de crimes de génocide, de crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international humanitaire doivent être traduits en justice;

Souligne qu’il est déterminé à continuer de sensibiliser le personnel de maintien de la paix à la prévention et au contrôle du VIH/sida dans toutes les opérations;

VII

Demande le renforcement de la coopération et de la communication entre l’ONU et les organisations ou accords régionaux ou sous-régionaux, conformément au Chapitre VIII de la Charte, et en particulier en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix;

Souligne qu’il importe que l’ONU, d’une part, et l’Organisation de l’unité africaine et les organisations sous-régionales africaines, de l’autre, continuent de coopérer au règlement des conflits en Afrique et de coordonner efficacement leur action et que soit renforcé l’appui apporté au Mécanisme de l’Organisation de l’unité africaine pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits;

VIII

Souligne qu’en fin de compte la responsabilité du règlement des différends et des conflits incombe aux parties elles-mêmes et que les opérations de maintien de la paix dont le but est d’aider à appliquer un accord de paix ne peuvent être couronnées de succès que pour autant qu’il existe un engagement authentique et durable de toutes les parties concernées en faveur de la paix;

Appelle tous les États à redoubler d’efforts pour préserver le monde du fléau de la guerre.

Déclarations

M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies: Dire que dans le monde entier tous les yeux sont tournés vers vous, c’est à la fois dire trop peu et dire trop. Trop peu, parce que les décisions de ce Sommet du Conseil de sécurité pourraient avoir un retentissement sur l’avenir des générations futures. Trop, parce que de nombreux hommes et femmes de la génération actuelle ont perdu confiance en la capacité des Nations Unies de rétablir la paix.

Cette contradiction reflète ce qui est une crise de crédibilité à laquelle le Conseil – tout comme l’Organisation elle-même – doit faire face et qui touche à sa responsabilité la plus importante : le maintien de la paix et de la sécurité. Trop de populations vulnérables dans trop de régions du monde hésitent à faire appel aux Nations Unies lorsqu’elles ont besoin d’aide. Les résolutions et les déclarations ne peuvent rien changer à cet état de choses, seule l’action le peut : une action rapide, concertée et efficace, menée avec compétence et discipline, pour faire cesser les conflits et rétablir la paix. Ce n’est qu’en agissant ainsi que l’Organisation des Nations Unies pourra rétablir sa réputation, celle d’une force crédible au service de la paix et de la justice.

Les engagements que vous allez prendre ne sont nulle part plus urgents et plus nécessaires que sur le continent africain, où des millions de personnes subissent quotidiennement les ravages de la guerre. Je suis donc heureux que vos délibérations d'aujourd'hui soient axées sur l’Afrique.

Lorsque cela est possible, il faut faire preuve de détermination pour prendre des mesures préventives, avant qu’une crise n’atteigne le point de non- retour. En cas d’échec, et lorsque le Conseil a recours à des sanctions, il doit faire preuve à la fois de volonté et de sagesse pour faire en sorte que les sanctions soient effectivement appliquées, mais aussi qu’elles atteignent la cible visée sans infliger inutilement des souffrances à des populations innocentes.

Lorsque les Nations Unies sont priées de déployer une opération de maintien de la paix, elles doivent veiller à ce qu’elle ait un mandat clair et réalisable, qu’elle ait les moyens de se défendre et de défendre son mandat, et qu’elle soit autorisée à le faire. Si toutes les autres tentatives ont échoué et que seule une intervention armée peut sauver des populations du génocide ou de crimes contre l’humanité, le Conseil doit, là aussi, faire preuve de volonté et de sagesse pour affronter le dilemme angoissant que les cas de ce genre posent à la conscience du monde.

Dans tous ces cas cependant, prendre la décision d’agir n’est qu’un premier pas. Il est aussi indispensable d’avoir les moyens d’agir et de le faire efficacement et de façon décisive.

En mars dernier, un groupe de personnes éminentes ayant une longue expérience des missions de maintien et de consolidation de la paix avait été chargé d’élaborer des recommandations franches et réalistes pour aider le Conseil, ainsi que tous les autres Membres à accomplir cette tâche essentielle. Vous êtes saisis de leur rapport et je me suis déjà engagé à effectuer les changements dont la responsabilité m’incombe. J’espère sincèrement que vous ferez de même.

L’ONU et ses soldats de la paix ne peuvent résoudre chaque crise ou conflit, ni intervenir chaque fois qu’une vie humaine est menacée. L’activité des Nations Unies en faveur du maintien de la paix ne peut non plus se substituer à la volonté politique des parties de parvenir à un règlement pacifique. Mais dans les cas où la solution dépend des Nations Unies, il faut disposer des moyens nécessaires pour agir de sorte que la vie l’emporte sur la mort.

Laissez-moi conclure en rappelant que la sécurité du personnel des Nations Unies, tant lors des missions de maintien de la paix que des missions humanitaires, est d’une importance capitale. Hier, une attaque meurtrière perpétrée contre le personnel des Nations Unies au Timor occidental a, une nouvelle fois, mis en lumière les dangers qui pèsent sur ces hommes et ces femmes, militaires ou civils, envoyés dans des missions créées par le Conseil de sécurité. Il est de la responsabilité du Conseil de consacrer son attention à cette question. Ensemble, nous devons faire en sorte que le personnel bénéficie de la protection et de la sécurité dont il a besoin pour remplir ses fonctions.

M. WILLIAM JEFFERSON CLINTON, Président des Etats-Unis: Il faudra désarmer et dissoudre les milices qui opèrent au Timor Occidental et prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs humanitaires dans ce pays.

En Afrique, des progrès ont été enregistrés dans le domaine du respect et de la promotion des droits, mais il existe des obstacles à ce progrès. Nous demandons aux Nations Unies d’agir dans des conditions de plus en plus complexes, comme en Sierra Leone, où on a pu sauver des vies, mais pas la paix. Il faut faire davantage pour équiper les Nations Unies pour qu’elles puissent faire ce qu’on leur demande de faire. Il faut notamment leur fournir des moyens militaires crédibles. Les Etats-Unis appuient fortement le rapport du Groupe d’experts indépendants sur les opérations de maintien de la paix dit «Rapport Brahimi».

Il sera nécessaire à l’avenir de définir la sécurité en termes plus généraux. Nous faisons aujourd’hui face à des fléaux transfrontières. Les principales causes de mortalité en Afrique sont dues à des maladies infectieuses, comme le sida, la tuberculose ou la malaria. Il faut faire plus en matière de prévention, mais aussi veiller à ce que les progrès de la science servent à tous les peuples. Les Etats-Unis ont pris des mesures en ce sens. Nous voulons que les médicaments soient plus accessibles et nous avons doublé nos crédits dans ce domaine, ces dernières années. Mais il faut travailler ensemble pour trouver les fonds nécessaires. Les États-Unis apportent leur appui à l’accès universel à l’éducation d’ici à 2015. Nous avons décidé de tripler l’allègement de la dette aux pays les plus nécessiteux. Il faut faire face au défi climatique qui, dans une génération, sera aussi un grand obstacle au développement des nations pauvres que les maladies infectieuses aujourd’hui. Nous allons promouvoir le protocole de Kyoto.

Toutes ces différentes questions concernent la sécurité et seront de plus en plus au centre des débats du Conseil de sécurité. J’espère que les Etats-Unis s’acquitteront toujours de leur part de ce travail et j’espère que le Conseil de sécurité sera en mesure de faire face à ces défis.

M. FERNANDO DE LA RUA, Président de l'Argentine: La fin de la guerre froide a présenté de nouveaux défis à la communauté internationale. La population civile devient constamment la cible de violations graves du droit international. Est-ce que les Nations Unies doivent rester passives face à des conflits internes? Le droit de non-ingérence doit être respecté mais il doit être complété par le droit à la non-indifférence. Les opérations de maintien de la paix exigent une meilleure adaptation aux nouvelles réalités. Il est essentiel d'inclure dans les accords de paix des dispositions concernant la sécurité de la population civile. Les conflits les plus récents ont démontré qu'il est nécessaire que les contingents militaires fournis par les Etats Membres soient bien formés et bien équipés. A cet égard, l'Argentine a mis en place un centre destiné à la spécialisation de soldats. Elle a fourni des contingents à de nombreuses missions de maintien de la paix ainsi que des observateurs électoraux dans différentes régions du monde. En octobre 1998, l'Argentine avait accueilli le Sommet ministériel de la zone de paix et de coopération de l'Atlantique Sud - forum qui réunit 21 pays africains et 3 pays sud-américains. Ce Sommet a adopté un plan d'action visant à renforcer la coopération et les liens qui existent entre les pays africains et les pays d'Amérique du Sud. L'engagement permanent de l'Argentine devient davantage d'actualité avec la mort tragique de soldats de la paix, hier au Timor occidental.

M. JIANG ZEMIN, Président de la République populaire de Chine: En ce moment situé à la charnière de deux millénaires, de profondes mutations se produisent au plan international, et le monde n'est pas serein. Les facteurs qui menacent la paix et la sécurité mondiales persistent toujours; les conflits régionaux, dus à des litiges ethniques, religieux et territoriaux, se multiplient; les contradictions et les problèmes entravant le développement commun des différents pays demeurent fort complexes. Les peuples élèvent chaque jour davantage leur voix en faveur de la paix, de la stabilité et du développement. A l'heure actuelle, nous faisons face à une question pressante, celle de savoir comment rendre l'ONU plus efficace dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales ainsi que dans la création d'un environnement favorable au développement des pays. Nous nous trouvons confrontés à des défis sans précédent et à des problèmes d'une complexité extrême. Pour apaiser les contradictions et régler les conflits de manière efficace en vue de l’établissement d'une paix durable et d'une sécurité collective, il faut trouver des solutions négociées aux litiges, par voie de dialogues et de consultations, en stricte conformité avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies comme l’expérience l’a montré les opérations de maintien de la paix ne peuvent réussir que si elles sont conduites conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, notamment le respect de la souveraineté des Etats, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, l’accord préalable des pays concernés, la neutralité et le non- recours à la force sauf en cas de d'autodéfense. L'ONU doit dresser le bilan de ses expériences de maintien de la paix et en tirer des leçons. Pour rendre plus efficaces les opérations des Nations Unies de maintien de la paix, il convient de ne pas se contenter de régler les problèmes au niveau superficiel, c'est-à-dire en s'attaquant à la racine du mal en éliminant les sources de conflits.

Le Conseil de sécurité doit procéder a une réforme nécessaire, afin de s'adapter aux impératifs de notre époque, d'accroître son rôle, de préserver son autorité et d'améliorer son efficacité. Son élargissement doit s'opérer dans le respect du principe de la répartition équitable et avec le souci de résoudre en premier lieu le problème de la représentation insuffisante des pays en développement. La réforme du Conseil de sécurité doit traduire amplement la volonté de la majorité des Etats Membres.

Tant que la stabilité et le développement de l'Afrique ne seront pas assurés, il ne pourra nullement être question de paix ni de prospérité pour le monde entier. La pauvreté et le sous-développement de ce continent sont dus aux actes de rivalité et de pillage auxquels se sont livrés pendant de longues années les anciens colonialistes. L'ONU et son Conseil de sécurité se doivent d'accorder une plus grande attention à la question de l'Afrique et d'y consacrer plus de moyens.

M. JACQUES CHIRAC, Président de la France: Que peut-on, que doit-on faire pour permettre au Conseil de sécurité de mieux assumer la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales que lui confie la Charte? De l'avis de la France, il faudrait tirer toutes les conséquences des changements intervenus dans la nature des conflits qui, de plus en plus, sont d'origine interne. La communauté internationale doit agir sur leurs causes. Et lorsqu'ils ont pour origine le sous-développement, l'insuffisance de démocratie, d'Etat de droit ou de respect des droits de l'homme, le Secrétaire général doit pouvoir attirer l'attention du Conseil et exercer son pouvoir de mobilisation. Il convient aussi de s'attaquer à tout ce qui finance et alimente les conflits, à savoir l'exploitation illégale des ressources naturelles, le trafic de drogue, l'accumulation de petites armes. Le renforcement de l'efficacité des embargos est devenu une nécessité. Il faut notamment créer au Secrétariat un organe permanent de contrôle des trafics de diamants. Enfin, il faut être attentif à la consolidation durable de la paix. Cela suppose que l'application des accords de paix s'appuie sur des stratégies de reconstruction de l'Etat et de l'économie, mises en œuvre par des institutions multilatérales. Veillons à la cohérence et à la complémentarité de nos actions, ici et au travers de ces institutions !

Le Conseil de sécurité devrait également améliorer les moyens d'action dont il dispose. Il doit réserver les mesures restrictives à des situations exceptionnelles, mieux définir les objectifs poursuivis, prévoir une durée limitée mais renouvelable. En outre, les sanctions doivent être proportionnées à leur objet et ne pas avoir de conséquences humanitaires inacceptables; leur application doit être rigoureuse, sans entraîner d'effets secondaires. A l'instar de M. Brahimi, la France estime que les préoccupations budgétaires ne doivent pas être a priori une contrainte paralysante. Tous les pays doivent régler leur dû et les charges doivent être équitablement réparties. Pour veiller à l'adéquation entre les objectifs poursuivis, le mandat de l'opération et les moyens qui y sont consacrés, il faut organiser très tôt une concertation entre le Conseil, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes. De plus, les Etats doivent mettre à la disposition des Nations Unies le personnel et le matériel nécessaires, en quantité et en qualité. Face au problème des chefs de guerre ou des Etats qui refusent de tenir les engagements pris lors des accords de paix, la France souligne qu'il faut des accords de paix crédibles et respectés car ils constituent la clef d'une intervention efficace de l'ONU.

Le renforcement du partenariat entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les organisations ou initiatives régionales est indispensable lorsqu'il est envisagé de faire appel aux Nations Unies pour faciliter la mise en œuvre d'un accord ou prendre le relais d'une action régionale. Enfin, pour conserver toute son autorité, le Conseil de sécurité doit mieux refléter la réalité du monde. La France est favorable à un élargissement du Conseil dans les deux catégories de membres, permanents et non permanents, ainsi qu'à une meilleure représentation des pays du Sud. En décidant aujourd'hui de la réforme des opérations de maintien de la paix, le Conseil de sécurité rend aussi hommage à tous ceux qui ont donné leur vie pour elle, en particulier aux soldats français tombés sous la bannière bleue et ceux qui sont morts en Bosnie, au Kosovo, au Liban ou ailleurs.

M. SAM NUJOMA, Président de la Namibie: Compte tenu de la situation actuelle, le Conseil de sécurité doit impérativement accorder une attention particulière aux nombreux conflits et besoins de l’Afrique. Premièrement, le Conseil doit d’abord, à tout moment, demeurer fidèle aux buts et principes de la Charte des Nations Unies. Il est tout aussi important qu’il réponde rapidement aux menaces sur la paix et la sécurité, dans toutes les régions du monde, et ne fasse plus de l’Afrique un domaine de préoccupations secondaires. Deuxièmement, les récents évènements ayant montré le rôle certain des organisations sous- régionales et régionales dans le maintien et le rétablissement de la paix, le Conseil doit appuyer les efforts des organisations concernées par la coopération et la tenue de consultations régulières. Troisièmement, le succès mitigé du recours aux sanctions dans le maintien et le rétablissement de la paix, le Conseil doit examiner leur pertinence dans chaque situation particulière. Les sanctions ne sauraient être imposées pour une durée illimitée même si elles demeurent un instrument utile dans plusieurs situations où les guerres et les atrocités commises par les rebelles sont nourries par le commerce illicite de diamants et d’autres ressources naturelles. Les situations en Angola, dans la République démocratique du Congo et en Sierra Leone en font partie. De la même façon, les sanctions peuvent être utilisées pour faire cesser le trafic illicite d’armes vers l’Afrique et en Afrique. Quatrièmement, lorsqu’il autorise le déploiement d’une opération de maintien de la paix, le Conseil doit la doter d’un mandat et de ressources adéquates. Cinquièmement, le Conseil doit accorder l’attention voulue aux causes originelles des conflits que sont notamment la pauvreté ou le sous- développement. A cet égard, le Conseil doit joindre ses efforts aux autres organes des Nations Unies de façon à développer des stratégies globales et intégrées. La Namibie plaide, par ailleurs, en faveur d’une accélération de la réforme et de l’élargissement du Conseil de sécurité en ce sens qu’une décision rapide est susceptible d’accroître considérablement l’efficacité, la transparence et le caractère démocratique de cette instance.

M. VLADIMIR POUTINE, Président de la Fédération de Russie: Le Conseil de sécurité a tout fait pour éviter une catastrophe militaire mondiale et pour dissuader les dirigeants politiques d’exploiter des avantages ponctuels au profit d’objectifs indignes de l’humanité. Lorsque le Conseil est solidaire et uni, les problèmes les plus complexes peuvent être résolus. Nous pourrions utiliser plus fréquemment la formule de la rencontre au sommet, et pas seulement aux Nations Unies, mais aussi plus près des événements auxquels le Conseil est appelé à réagir.

L’important, c’est d’être uni. Les principes fondamentaux de la Charte ont prouvé leur efficacité dans le temps. Il s’agit surtout du droit international inamovible et le règlement collectif des conflits. les mesures prises en contradiction avec le droit international sont toujours préjudiciables à la stabilité régionale et mondiale. Seul le Conseil de sécurité a la possibilité d’autoriser l’usage de la force. Il formule précisément les mandats et les règles des opérations de maintien de la paix, en particulier sur la base du Chapitre VII. Il ne faut pas y incorporer Les intérêts particuliers de qui que ce soit.

Les efforts du Conseil de sécurité ont permis ces dernières années, d’apaiser quelques foyers de tension. Le plus récent exemple est celui du Tadjikistan, qui a pu revenir à une vie normale. L’abandon des approches unilatérales permettra aussi, j’en suis convaincu, de résoudre la question de l’Iraq et d’assurer la paix et la sécurité dans les Balkans. Le Conseil en a déjà fixé les conditions politiques et juridiques, qui doivent être appliquées dans leur intégralité et de bonne foi.

En Afrique, du règlement rapide des conflits dépend l’avenir du continent. L’Afrique qui, au XXe siècle, s’est débarrassée du colonialisme, doit se défaire au XXIe siècle du fléau de la guerre. Le Conseil de sécurité et les Nations Unies doivent ici coordonner étroitement leurs actions avec celles des nations africaines elles-mêmes.

Le plus important objectif consiste à améliorer le potentiel anti-crise des Nations Unies. En ce sens, le rapport Brahimi est un document utile. Il faut créer une culture de la prévention des conflits, et mieux connaître les causes de ces derniers, y compris les causes économiques et sociales profondes.

M. ZINE EL ABIDINE BEN ALI, Président de la Tunisie: Il est plus que jamais nécessaire de réaliser un changement qualitatif dans les relations internationales car, malgré tous les acquis, une large fraction de l’humanité, notamment en Afrique, endure les affres de la guerre, de la surpopulation et de la pauvreté, et souffre de la famine, de la maladie et de la marginalisation.

L’aggravation des conflits et des guerres, notamment en Afrique, requiert la conjonction des efforts de la communauté internationale afin d’éliminer les sources de tension et d’instaurer des solutions pacifiques, équitables et durables. Dans ce contexte, la Tunisie a déployé des efforts dans le cadre de l’Organisation de l’Unité africaine en vue d’améliorer les capacités du continent. Cependant, la réussite des initiatives régionales reste tributaire des efforts complémentaires de la communauté internationale, tant il est vrai que la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales incombe essentiellement au Conseil de sécurité.

Pour permettre au Conseil d’assumer ses énormes responsabilités de manière équitable et équilibrée, la Tunisie renouvelle son appel en faveur du soutien à la position adoptée par le Groupe des non-alignés et le Groupe africain concernant la promotion des tâches et des méthodes d’action du Conseil. Cette position préconise également l’élargissement de celui-ci, afin qu’il soit plus représentatif. La Tunisie, qui note avec satisfaction la raréfaction du recours au droit de veto au sein du Conseil, espère que cette tendance s’accentuera.

La Tunisie réaffirme sa détermination de continuer à assumer sa part de responsabilité au service de la paix, de la solidarité et du développement dans le monde.

M. LEONID KOUCHMA, Président de l’Ukraine: En matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, des opportunités peuvent naître d’un recours accru au potentiel inexploité d’une coopération entre le Conseil de sécurité et les autres organes et institutions des Nations Unies, en particulier l’Assemblée générale. Il faut, de manière urgente, procéder à une mise en œuvre appropriée des dispositions de l’Article 65 de la Charte relative à la coopération entre le Conseil et le Conseil économique et social. L’Ukraine juge important de multiplier les instruments de maintien de la paix et de considérer les opérations préventives comme un nouveau modèle d’activités de maintien de la paix. Les pères fondateurs des Nations Unies n’auraient pu imaginer les difficultés liées à l’application des sanctions imposées par le Conseil de sécurité. Ils n’auraient pu non plus imaginer que les sanctions se révèleraient inefficaces et même parfois dangereuses. Il est, par conséquent, indispensable d’élaborer une méthodologie claire et cohérente de leur imposition et leur levée laquelle tiendrait compte des préoccupations des populations civiles et des intérêts des Etats tiers. En ce qui concerne les conflits “gelés” de l’ancien territoire soviétique, l’Ukraine rappelle qu’elle a présenté l’initiative de tenir dans un avenir proche, à Yalta, le prochain cycle de négociations entre les parties géorgienne et abkhaze dans le but de renforcer la confiance. C’est maintenant au tour des autres membres du Conseil du sécurité d’agir. L’Ukraine est également préoccupée par le “nœud serré” des Balkans qui reste à dénouer et affirme sa détermination d’apporter sa contribution pratique à la résolution des conflits en Afrique.

M. SHEIKH HASINA, Premier Ministre du Bangladesh: Le Conseil de sécurité, le seul organe voué exclusivement au maintien de la paix et de la sécurité internationales, peut faire mieux, surtout dans un monde où les conflits civils prolifèrent. La nature des conflits a changé, comme leurs victimes. Durant la Première guerre mondiale, 5% seulement des victimes étaient des civils. En 1999, la proportion était inversée. Le Conseil doit être plus actif. Durant les derniers mois, il a montré sa résolution en envoyant des missions au Kosovo, en République démocratique du Congo et en Ethiopie. Le Conseil a également tenu ses premières auditions publiques sur le recours aux diamants comme moyen de financement de la guerre en Sierra Leone. Il est encourageant de noter que le Conseil accorde davantage d’attention aux crises humanitaires impliquant des populations civiles. Les réformes sont un autre domaine d’importance critique. Le Bangladesh est favorable depuis longtemps à davantage de transparence, d’ouverture et de participation aux travaux du Conseil. Le Conseil doit être plus représentatif des vues des Etats Membres de l’ONU. Mais un Conseil de sécurité réformé doit aussi pouvoir disposer de ressources prévisibles afin de ne pas être paralysé par des contraintes financières.

Le Conseil a accru son efficacité en travaillant avec les organisations régionales et sous-régionales, ainsi qu’avec la société civile. Il doit toutefois demeurer le principal organe de maintien de la paix et de la sécurité internationales et ne pas fuir ses responsabilités. Il doit aussi pouvoir s’attaquer aux causes profondes des conflits et, dans ce cadre, apporter son soutien à l’éradication de la pauvreté au développement durable, à la bonne gouvernance, à la démocratie et à la primauté du droit.

J’ai personnellement souffert de la guerre de 1971 et de ses suites. Les ravages de la guerre sont trop souvent décrits en nombre de victimes et en atteintes aux biens: la perte en vies humaines ne peut pas trouver son expression ans les statistiques. La paix et la sécurité internationales doivent aussi être comprises en termes de sécurité pour les êtres humains.

Le Conseil de sécurité doit se concentrer sur la prévention des conflits armés et promouvoir une culture de paix. Ces efforts doivent être collectifs. Les femmes, qui représentent la moitié de l’humanité, doivent être autorisées à apporter leur contribution. Nous refusons de voir les femmes principalement comme des victimes des guerres. Dans de nombreux pays, elles ont montré un grand engagement dans l’établissement de la paix. De même, des efforts sont nécessaires pour traiter les questions des enfants, et particulièrement des fillettes, dans la guerre.

Le Bangladesh considère la prévention des conflits armés comme un impératif politique, moral, économique et humanitaire. L’investissement dans la paix mondiale est de notre intérêt à tous. Parmi les responsabilités principales des Etats figure le respect des droits de tout citoyen, sans considération de race, de religion, d’ethnie, d’origine ou de culture.

M. JEAN CHRETIEN, Premier Ministre du Canada: Le renouveau de l’ONU est particulièrement vital pour le Conseil de sécurité, dont le mandat est de protéger la paix et la sécurité internationales. Au cours de son bref mandat au Conseil de sécurité, le Canada s’est efforcé de mieux adapter le Conseil aux problèmes de sécurité et aux impératifs politiques, et de faire du Conseil un instrument plus efficace, mais aussi plus ouvert et plus démocratique.

Le Canada a insisté sur la nécessité de faire preuve de leadership dans l’édification d’un monde de paix. A cette fin, nous devons redonner aux opérations de maintien de la paix toute leur efficacité. Le rapport Brahimi rappelle la nécessité de définir les mandats des opérations de maintien de la paix en fonction des réalités du terrain et d’y consacrer des ressources suffisantes. A Srebenica et au Rwanda, nous n’avons pas su le faire. Nous avons le devoir de faire mieux.

Au XXIe siècle, la paix ne dépend plus seulement de la sécurité des frontières, mais aussi de la sécurité des populations, qui doivent être protégées contre diverses menaces. La sécurité des Etats, certes essentielle, n’est pas une sauvegarde suffisante pour assurer le bien–être et la sécurité des personnes. En fait, comme nous l’avons constaté avec horreur au cours des dernières années, la sécurité d’un Etat a été invoquée au nom du nationalisme ethnique pour justifier les pires atrocités. Le Canada a travaillé à étendre la définition que le Conseil donne aux nouvelles menaces à la sécurité humaine. Nous avons soutenu que la nécessité d’agir pour protéger les principes humanitaires et les droits de la personne doivent peser plus lourd dans les décisions du Conseil. Nous continuerons de défendre ce point de vue. Car, si le Conseil de sécurité ne sait pas s’adapter, il compromettra gravement sa crédibilité en tant que garant de la paix. Une crédibilité dont l’ONU dans son ensemble a besoin pour conserver son autorité morale.

M. PERCIVAL JAMES PATTERSON, Premier Ministre de la Jamaïque: Pour s'acquitter de sa tâche en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité doit agir sur la vie même des gens, mettant fin à leur désespoir et les libérant des conflits. Si l'impact des missions des Nations Unies s'est fait sentir sur pratiquement chaque continent, des violations flagrantes du droit international et des droits individuels se poursuivent en de nombreux endroits du monde. L'accroissement alarmant du nombre de réfugiés et du nombre de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, ainsi que le caractère inadéquat du financement des Nations Unies pour répondre à de telles menaces, exigent de notre part, la plus grande attention. Une telle nécessité s'impose avec encore plus de force s'agissant de l'Afrique.

Le Conseil de sécurité doit à présent faire la preuve de sa capacité à protéger les plus vulnérables. Nous devons endiguer le flux de réfugiés et de personnes déplacées. Les violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme ne doivent pas rester impunies. Il importe de doter les Nations Unies de ressources nécessaires pour que des actions soient entreprises en temps opportun. Si légitimes soient-elles, les préoccupations relatives à la souveraineté ne sauraient nous rendre aveugles. Ceci étant, le déclenchement d'actions collectives rapides ne saurait être uniquement guidé par des considérations de stratégies géopolitiques.

La prévention des conflits est d'une importance fondamentale pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Au mois de juillet dernier, le Conseil de sécurité, sous la présidence de mon pays, a réaffirmé que le système des Nations Unies doit définir une stratégie permettant de s'attaquer aux causes des conflits. L'installation d'une paix durable suppose la création de mécanismes qui encouragent le rétablissement de la confiance entre les parties et créent un environnement favorable au développement social, politique et économique. Les institutions régionales, telles que l'Organisation de l'Unité africaine et les institutions sous-régionales, travaillant de concert avec le Conseil de sécurité, ont un rôle essentiel à jouer dans cet effort commun pour installer une paix durable et permettre aux peuples de développer leur plein potentiel.

Nous ne parviendrons pas à renforcer l'efficacité du Conseil de sécurité dans son œuvre de maintien de la paix et de la sécurité sans le réformer. A cet égard, l'existence du droit de veto est anachronique et antidémocratique. Le Conseil doit devenir plus représentatif de la réalité mondiale. Il est grand temps de progresser dans la voie de ces réformes.

M. WIM KOK, Premier Ministre des Pays-Bas: Le Sommet du Millénaire marque la réaffirmation de nos efforts en faveur de la prospérité, la justice sociale et le plein respect des droits de l'homme pour tous les citoyens dans le monde. Il montre également que nous restons déterminés à libérer ce monde des fléaux causés par les conflits et la destruction. C'est pourquoi, les Etats Membres des Nations Unies ont décidé, il y a plus d'un demi-siècle que cette responsabilité incombe principalement au Conseil de sécurité. Des changements importants sont intervenus; nous sommes passés de la confrontation entre les grandes puissances à des conflits internes, souvent fondés sur des différences ethniques et religieuses, en particulier en Afrique.

Cela exige une modification des méthodes de travail du Conseil de sécurité dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales. Les Pays-Bas saluent les recommandations contenues dans le rapport Brahimi sur la manière dont le Conseil de sécurité devrait améliorer son rôle face aux conflits actuels. Que le Conseil de sécurité tire les leçons des expériences du passé et prenne de nouvelles initiatives pour mieux agir. Le renforcement de l'efficacité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies exige un courage politique. Lorsqu'il devient nécessaire de déployer une opération de maintien de la paix, les Etats Membres devraient autoriser les Nations Unies à le faire rapidement, en vertu d'un mandat solide. Les Etats Membres devraient être en mesure de mettre à la disposition de l'ONU des ressources suffisantes. Ils devraient fournir un appui adéquat à la mise en œuvre de stratégies appropriées de restauration de la paix et veiller au respect du principe de l'impartialité à l'égard des parties locales au conflit. Assumons notre obligation morale à l'égard des générations futures en éliminant les causes du conflit et en leur épargnant les calamités humanitaires qui empoisonnent le monde d'aujourd'hui. L'amélioration de la qualité des opérations de maintien de la paix contribuera incontestablement à réaliser ces ambitions.

A l'instar du Président du Conseil de sécurité, le Premier Ministre des Pays-Bas a appelé l'Indonésie à s'acquitter de ses obligations et à exercer son autorité au Timor comme dans les Moluques où la situation l'exige pour empêcher la reprise de la violence.

M. TONY BLAIR, Premier Ministre du Royaume-Uni: Il faut tout d'abord rendre un vibrant hommage au personnel civil et militaire britannique servant dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Les opérations de maintien de la paix ont lieu aujourd'hui dans des conditions plus difficiles. La sécurité du personnel des Nations Unies est de plus en plus bafouée, mais il faut reconnaître que l'intervention des Nations Unies est également indispensable car elle a permis de mettre fin à des situations tragiques dans plusieurs régions du monde. Il faut s'attaquer à la racine des conflits car on ne peut les isoler de leurs causes profondes. Il existe une différence fondamentale entre les débats que nous tenons aujourd'hui et ceux du passé. Aujourd'hui, on a pour objectif de maintenir l'ordre pour que les changements n'interviennent pas dans le chaos. Il y a quelques années, nous n'aurions pas pu déterminer les priorités que nous nous fixons aujourd'hui. Ce que nous devons faire est que notre réponse soit à la mesure de notre ambition : non seulement faire du Conseil de sécurité un instrument moderne, mais qu’il soit en outre en mesure de faire face aux nouvelles réalités. Nous devons changer notre façon de voir et notre façon d'agir face aux nouvelles situations.

M. DATO’ SERI SYED HAMID ALBAR, Ministre des affaires étrangères de la Malaisie: Pour que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités de manière efficace, il lui faut avant tout être animé de cet ingrédient fondamental qu’est la volonté politique de prendre les mesures nécessaires pour résoudre les conflits. Cette volonté doit être manifestée quel que soit le lieu où le problème éclate; chaque situation devant être traitée de manière égale. La paralysie doit être évitée à tout prix et les membres du Conseil, en particulier les membres permanents, doivent mettre de côté leurs intérêts politiques étroits pour se joindre au consensus en faveur de l’intérêt général de la communauté internationale.

Pour être plus efficace, le Conseil doit bénéficier également de l’appui plein et entier de tous les membres de la communauté internationale. Ceci est particulièrement vrai pour toutes ses décisions relatives aux opérations de maintien de la paix, dont le succès dépend de la disposition des Etats Membres à contribuer en troupes et autres personnels ainsi qu’en équipement. En vérité, les opérations de maintien de la paix ne devraient être lancées que lorsque l’on a l’assurance d’obtenir un personnel entraîné et équipé de manière appropriée. En outre, il va de soi que tous les Etats Membres doivent honorer sans condition leurs obligations financières et matérielles envers les Nations Unies.

Pour que le Conseil de sécurité soit plus efficace, la question du manque de pouvoir institutionnel du Secrétariat des Nations Unies, tant du point de vue de la planification que de la gestion des opérations de maintien de la paix, doit également être abordée. La collecte d’informations et leur analyse ainsi que la planification des opérations à venir et le soutien opérationnel de celles en cours sont parmi les domaines qui exigent une attention immédiate. Les informations devraient, par exemple, être présentées au Conseil de manière objective et sans ambages afin que ce dernier prenne des décisions judicieuses.

Des séances d’information sur les aspects militaires des opérations de maintien de la paix, données dans la mesure du possible par le Commandant des forces, seraient à cet égard du plus grand intérêt des membres du Conseil comme des pays contributeurs de troupes.

Au-delà du déploiement de missions de maintien de la paix dans les situations de conflit actuelles, le Conseil et les Nations Unies doivent développer des stratégie pour le rétablissement et la consolidation de la paix. Plus important encore, ils doivent élaborer des stratégies de prévention des conflits. A cet égard, les recommandations du Secrétaire général contenues notamment dans son rapport du Millénaire sont des plus pertinentes et méritent qu’on y prête sérieusement attention. Ma délégation salue également les recommandations sans fioritures du groupe d’experts conduit par M. Brahimi sur les opérations de maintien de la paix. La meilleure manière de servir cette réunion historique d’aujourd’hui serait de prendre rapidement des mesures de suivi afin que le Conseil apporte lui aussi une contribution positive et tangible au Sommet du millénaire.

M. ALPHA OUMMAR KONARE, Président du Mali, en qualité de Président du Conseil: Le Conseil de sécurité s’est acquitté bien des fois de sa responsabilité de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais des échecs, par leurs coûts humains, politiques et économiques, nous interpellent. L’Afrique cristallise plus que d’autres régions ces succès et ces échecs. Les difficultés qu’y rencontrent les opérations de maintien de la paix, la nécessité de protéger les communautés contre les violences, de même que celle des personnels des Nations Unies et les organisations d’aide fondent aujourd’hui notre Conseil à adapter et rendre plus efficace sa capacité de réponse.

Je voudrais saluer la démarche du rapport Brahimi, qui fait date dans le processus qui transformera les Nations Unies véritablement en une force crédible de paix. Alors que l’homme doit être plus que jamais au cœur du nouveau millénaire, le Conseil de sécurité se doit de rendre visible et lisible une capacité d’agir qui dissuade et rassure. N’ayons pas peur du changement. Osons enfin donner aux Nations Unies les moyens de la paix.

Pour préserver les générations futures de la guerre, nous devons mettre fin au triste spectacle des enfants soldats en condamnant sans nuances ceux qui utilisent ainsi les enfants et en prenant des mesures énergiques contre eux. Les efforts en matière de désarmement, singulièrement ceux concernant les armes de destruction massive, doivent être poursuivis. Cependant, dans des régions comme l’Afrique, les armes des destruction massive sont les armes légères. Dans ce domaine, les efforts sont encore insuffisants et il faut vite endiguer leur prolifération. Il faut donc travailler à l’élaboration d’un dispositif normatif international. Enfin, nous lançons un appel à tous pour ratifier la convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel.

Nous devons être vigilants sur la question de l’impunité et des sanctions. Pour prévenir les hommes et les communautés contre toutes les violences, l’entrée en vigueur du traité de Rome sur la Cour pénale internationale est indispensable. Les sanctions ont, elles, besoin d’être adaptées aux objectifs recherchés, en raison des conséquences humanitaires dramatiques et déplorables qu’elles ont parfois eues. Le ciblage des sanctions a montré son efficacité. La coopération avec les organisations régionales devrait être renforcée. Je me félicite du partenariat tissé entre le Conseil et la CEDEAO. La communauté internationale et le Conseil doivent conduire une stratégie cohérente pour renforcer les capacités de l’OUA et des organisations régionales africaines.

Les opérations de maintien de la paix doivent être renforcées par l’adoption de mandats appropriés, et ces opérations doivent être suivies par des mesures socioéconomiques en vue de la consolidation de la paix.

La situation en République démocratique du Congo

Déclaration du Président du Conseil

Le Conseil de sécurité est profondément préoccupé par la poursuite des hostilités en République démocratique du Congo, par les conséquences néfastes du conflit sur la situation humanitaire et par les informations faisant état de graves violations de droits de l’homme ainsi que de l’exploitation illégale des ressources naturelles de ce pays.

Le Conseil réaffirme la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de la République démocratique du Congo et de tous les États de la région.

Le Conseil demande que toutes les parties au conflit mettent fin aux hostilités et qu’elles s’acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka (S/1999/815) et de ses résolutions pertinentes.

Le Conseil prend note dans ce contexte des déclarations faites par l’Ouganda et le Rwanda concernant des mesures en vue du désengagement et du retrait de leurs troupes présentes en République démocratique du Congo. Il demande le retrait accéléré des forces ougandaises et rwandaises, ainsi que de toutes les autres forces étrangères hors du territoire de la République démocratique du Congo, en pleine conformité avec sa résolution 1304 (2000) du 16 juin 2000.

Le Conseil demande que toutes les parties respectent les droits de l’homme et le droit international humanitaire et assurent l’accès du personnel chargé des secours humanitaires.

Le Conseil demande à toutes les parties congolaises, et en particulier au Gouvernement de la République démocratique du Congo, d’engager pleinement le dialogue national prévu dans l’Accord de cessez-le-feu et d’appuyer à cet égard les efforts de la facilitation.

Le Conseil demande aux parties à l’Accord de cessez-le-feu d’engager un dialogue sincère en vue de mettre en œuvre cet accord et de s’entendre sur les moyens de donner une nouvelle impulsion au processus de paix. Il appuie l’action que S. E. M. Frederick J. T. Chiluba, Président de la Zambie, et les autres dirigeants de la région mènent en ce sens.

Le Conseil est disposé à concourir au processus de paix, dans le cadre notamment de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), conformément à sa résolution 1291 (2000) du 24 février 2000. Il regrette que la poursuite des hostilités et l’absence de coopération des parties aient empêché de mener à bien le déploiement de la MONUC. Il note que le Gouvernement de la République démocratique du Congo s’est engagé à appuyer le déploiement de la MONUC et il lui enjoint de s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en tant que pays hôte de la mission. Il demande aux parties de démontrer leur volonté de faire progresser le processus de paix et de coopérer effectivement avec la MONUC afin de permettre ce déploiement.

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