SG/SM/7522

LES PARLEMENTAIRES SONT A LA FOIS LA CHARNIERE ENTRE LE LOCAL ET LE MONDIAL AINSI QUE LES DEFENSEURS DE L'ETAT DE DROIT, DECLARE M. ANNAN

30 août 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7522


LES PARLEMENTAIRES SONT A LA FOIS LA CHARNIERE ENTRE LE LOCAL ET LE MONDIAL AINSI QUE LES DEFENSEURS DE L’ETAT DE DROIT, DECLARE M. ANNAN

20000830

Ils sont les principaux auteurs de cette langue mondiale qu’est le droit international

On trouvera ci-après le texte intégral de l’allocution du Secrétaire général, M. Kofi Annan, prononcée aujourd’hui à l’ouverture de la Conférence des Présidents et Vice-Présidents de l’Union interparlementaire :

C’est avec grand plaisir que je vous accueille à New York en ce moment historique pour l’Organisation des Nations Unies. Cette réunion des présidents de parlement représente pour les peuples du monde entier une occasion unique de faire entendre leur voix de la manière la plus claire et la plus directe. Dans le courant de la semaine prochaine, les chefs d’État de plus de 150 pays se réuniront dans ces salles pour fixer un nouveau cap à l’Organisation et au monde. Pour réussir dans leur entreprise, ils devront chercher résolument des moyens novateurs de servir les intérêts de leurs concitoyens à l’ère de la mondialisation. Aucun groupe de dirigeants n’est mieux placé pour faire valoir ces intérêts que les présidents de parlement.

• Vous représentez les peuples du monde, au nom desquels notre Charte a été rédigée;

• Vous comprenez mieux que personne leurs besoins, leurs aspirations et leurs attentes par rapport à l’Organisation en ce nouveau millénaire;

• Vous savez comment susciter un dialogue constructif entre différentes parties – entre ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont dans l’opposition. Vous n’ignorez donc pas combien il importe de se montrer tolérant face à ses adversaires et de défendre les droits des minorités aussi bien que ceux de la majorité;

• Et vous savez aussi combien il importe de savoir parfois s’élever au- dessus des querelles de partis et de s’unir pour défendre une grande cause nationale.

Pour toutes ces raisons, si l’on veut que la démocratie triomphe dans le monde et que, faisant abstraction de leurs différends, les peuples de tous les pays s’unissent pour défendre les intérêts de l’humanité tout entière, il est indispensable que votre voix soit entendue.

De fait, nous avons plus que jamais besoin que vous nous disiez comment vous concevez les relations internationales. À l’heure de la mondialisation, il ne suffit plus que des gouvernements fassent front commun pour résoudre les sempiternels problèmes que constituent la pauvreté et les conflits. Des sociétés tout entières sont directement concernées par les relations internationales et elles ont un rôle à y jouer. Il faut qu’elles soient représentées de manières très diverses.

En votre qualité de présidents de parlement, vous occupez une place particulière. En tant que représentants du peuple, vous êtes les principaux dépositaires de la légitimité démocratique. Vos pouvoirs législatifs et votre mandat démocratique vous permettent de jouer le rôle de véritable « tribuns du peuple », par-delà les frontières traditionnelles.

Tous ensemble, vous représentez la diversité des traditions culturelles et expériences politiques qui caractérise au premier chef la démocratie envisagée à l’échelle planétaire. En tant que dirigeants nationaux véritablement à l’écoute de vos concitoyens, vous comprenez qu’à l’heure de la mondialisation, vous devez vous élever au-dessus des querelles de clocher. Il est en effet de plus en plus manifeste que bon nombre des problèmes qui se posent au niveau local trouvent leur solution au niveau mondial. D’Internet au code génétique, en passant par le commerce électronique, les nouveaux défis qui se posent dans un monde en pleine mutation ne peuvent être relevés par les seuls pays agissant individuellement. Et le nouvel élan imprimé à la démocratisation au cours des années 90 – grâce, en partie, à l’assistance électorale dispensée par l’ONU – confère aux parlements un rôle quasi universel.

Corrélativement, la gamme de vos responsabilités s'est élargie. En tant que législateurs, vous êtes les principaux auteurs de cette langue mondiale qu’est le droit international.

L’un des principaux objectifs que s’est fixés l’Organisation des Nations Unies est de faire appliquer les traités et le droit international coutumier, c’est-à-dire de promouvoir l’état de droit dans les relations internationales. À mesure que le droit international se développe et s’applique à un nombre croissant de domaines de la vie quotidienne et des affaires, il joue un rôle de plus en plus important dans le système juridique de tous les pays.

Je suis enchanté que les chefs d’État et de gouvernement de vos pays aient été nombreux à accepter, comme je le leur demandais, de promouvoir la primauté du droit dans les relations internationales avec une énergie renouvelée, à l’occasion du Sommet du millénaire, en signant les traités et conventions internationaux dont je suis dépositaire en ma qualité de Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Mais c’est à vous et à vos collègues qu’il appartiendra de ratifier ces traités et conventions. Ce faisant, vous contribuerez à asseoir l’état de droit sur des bases solides à l’échelle mondiale.

Mais surtout, je crois que vous êtes mieux placés que quiconque pour rapprocher les institutions mondiales telles que l’Organisation des Nations Unies des peuples qu’elles ont vocation de servir. Nous avons vu, à Seattle et ailleurs, combien sont redoutables l'aliénation des populations locales et leur méfiance à l’égard des organisations internationales qui s'emploient à défendre leurs intérêts au niveau mondial. Ensemble, nous, les fonctionnaires de l’Organisation et vous, les parlementaires, nous pouvons faire beaucoup pour vaincre cette méfiance – en expliquant aux populations les changements qui se produisent dans le monde et, surtout, en veillant à ce que ces changements servent leurs intérêts. Pour réussir dans cette entreprise cruciale, nous avons besoin d’une Organisation efficace et souple. Je vous suis donc particulièrement reconnaissant d’avoir fermement appuyé sa réforme dans votre déclaration.

De même que vous pouvez faire beaucoup pour rendre les institutions internationales plus transparentes et plus équitables, vous pouvez aussi contribuer à faire en sorte que partout dans le monde, les parlements démocratiques demeurent véritablement responsables de leur action envers les citoyens, au lieu de se contenter d’avaliser les décisions d’un pouvoir exécutif tout puissant.

Je dis cela parce que, à mon avis, nous sommes réunis à un moment où l’évolution et la propagation de la démocratie depuis la fin de la guerre froide ont atteint un tournant critique. La légitimité démocratique a certes été établie ou rétablie dans de nombreux pays depuis 20 ans, mais elle est actuellement menacée par un nouveau danger, que j’appellerai la "démocratie feuille de vigne".

Nous avons pu en effet constater récemment que, dans divers pays, sous prétexte de défendre la démocratie, on la bafoue sans vergogne. Nous avons vu des gouvernements prétendre agir dans le seul intérêt de leur peuple tout en méprisant ouvertement ses choix. Nous devons percer ces comportements à jour. Et nous devons dénoncer avec la même vigilance ceux qui cherchent à faire échec à la démocratie de façon plus subtile mais tout aussi destructive. L'ordre constitutionnel n'est pas toujours renversé soudainement à la faveur d’une sombre nuit de terreur. Il l'est souvent lentement et graduellement, institution par institution, au nom de la défense de la démocratie. Mais le résultat est le même : les citoyens se voient dénier leurs droits fondamentaux, notamment celui de participer au gouvernement de leur pays grâces à des élections libres et honnêtes, qui est énoncé à l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Vous savez mieux que quiconque que ces droits ne peuvent être garantis par la simple tenue d’élections. Pour que des élections soient vraiment libres et que la population se sente véritablement représentée par son gouvernement, il faut beaucoup plus que cela : des mécanismes institutionnels garantissant l’équilibre des pouvoirs, un appareil judiciaire indépendant, des partis politiques solides, une presse libre et le respect de la liberté qu'a chacun d’exprimer ses idées sans crainte de représailles.

Les tentatives récentes visant à faire légitimer une prise de pouvoir illégale au moyen d’élections qui ne sont ni libres, ni régulières doivent être vues sous leurs véritables couleurs, c’est-à-dire comme autant d’efforts visant à faire reconnaître des régimes illégitimes par la communauté internationale en se dissimulant derrière le prétendu respect des principes démocratiques. En dénonçant ces stratagèmes et en mettant au ban de la communauté des démocraties les pays qui cherchent à s'y faire une place à peu de frais, vous pouvez aider d’autres parlements et parlementaires à rétablir la démocratie là où elle a été renversée et à la consolider là où elle est en péril.

Les problèmes que j’ai évoqués aujourd’hui montrent bien que notre travail est loin d’être terminé. Vous avez un rôle crucial à jouer en qualité de parlementaires et de dirigeants, non seulement parce que vous faites la charnière entre ce qui est local et ce qui est mondial, mais aussi parce que vous êtes les défenseurs de l’état de droit, au niveau national comme à l’échelle internationale. C’est de la stabilité et de la sécurité des parlements que dépend la bonne gouvernance. Et vous pouvez par ailleurs contribuer puissamment au développement, à l’échelon local comme sur le plan mondial, grâce à une utilisation judicieuse des ressources de vos pays.

Je m’efforce depuis trois ans de renforcer les liens de l’ONU avec l’Union interparlementaire parce que j’estime que nous devons chercher un renouveau d’inspiration auprès des peuples que nous avons pour mission de servir. Je vous suis reconnaissant de votre coopération à cet égard et j’attends avec impatience le moment où l’ONU sera plus réceptive encore à vos besoins en tant que représentants de la population mondiale. Je vous souhaite tout le succès possible pour votre conférence.

Je vous remercie.

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