ONG/372

LA SOCIETE CIVILE DOIT DEMEURER INDEPENDANTE DE L'INFLUENCE DES ETATS ET DES GROUPES LES PLUS PUISSANTS

30 août 2000


Communiqué de Presse
ONG/372


LA SOCIETE CIVILE DOIT DEMEURER INDEPENDANTE DE L’INFLUENCE DES ETATS ET DES GROUPES LES PLUS PUISSANTS

20000830

Elle doit livrer un combat quotidien contre l'injustice

La 53ème Conférence annuelle du Département de l’information des Nations Unies et des organisations non gouvernementales (DPI/ONG) s’est achevée cet après-midi par une séance de clôture au cours de laquelle ont été débattues les “nouvelles responsabilités pour la société civile”. Au cours de cette séance présidée par M. Kensaku Hogen, Secrétaire général adjoint à la communicationn et à l’information, M. Abdelaziz Bouteflika, Président de l'Algérie a pris la parole pour louer le rôle et l’influence croissants de la société civile et des ONG dans les affaires internationales. De la lutte contre la prolifération nucléaire à la dénonciation des mécanismes et des inégalités de la mondialisation de l’économie en passant par la campagne contre les mines antipersonnel, la mobilisation pour une intervention au Rwanda et au Kosovo, ou encore les manifestations contre le système financier international actuel, M. Bouteflika a noté que l’action des ONG avait fait revivre l’espoir des populations du monde et chassé leur cruel sentiment d’abandon. Cependant, a-t-il poursuivi, l’action de la société civile doit se faire de manière plus informée, notamment lorsque s’exerce dans les domaines de défense des droits de l’homme et de l’intervention humanitaire, en veillant à ne pas se faire récupérer par les ambitions de domination des Etats les plus puissants. A cet égard, il a dénoncé toutes les déviations dangereuses auxquelles peut mener le concept de droit d’ingérence, qui ne devrait pas venir perpétuer et renforcer les rapports de domination dans le monde.

Intervenant après le Président de l’Algérie, M. Ralph Nader, fondateur de l’ONG “Public Citizen", a dénoncé la concentration des pouvoirs que représentent le capital, la propriété foncière, l’exploitation des ressources naturelles, ou la définition de politiques économiques, entre les mains des grands groupes d’intérêts. Les populations autochtones et leurs modes de pensées, à travers lesquels elles avaient développé des modèles économiques et sociaux harmonieux, sont mises de côté par les grands centres de décision, a-t-il relevé. S’élevant contre les dépenses militaires des Etats-Unis et de leurs alliés, qui se montent à 650 milliards de dollars par an, M. Ralph Nader a fait remarquer que cette somme était de très loin supérieure aux 31 milliards de dollars qu’il faudrait pour assurer un approvisionnement en eau potable à la population mondiale.

Au cours de cette même séance, Mme Malia Craver, leader traditionnel du “Queen Lili’uokalani Children´s Center” de Hawaï, a parlé des valeurs spirituelles trop longtemps négligées par un monde matérialiste, et qui devraient régir la vie entre les nations, les peuples et les individus, et permettraient de bâtir un monde plus harmonieux. Avant sa séance de clôture, les participants à la Conférence avaient tenu une réflexion sur le thème : Une vision économique: un dialogue”. Animé par Mme Jacqueline Grapin, de l’Institut européen, le débat partait du constat que les principes économiques actuels n’ont pas été capables d’éliminer la pauvreté, et au contraire, ont souvent favorisé les conflits et ont détruit l’environnement en se basant sur une exigence de croissance et de développement nuisibles à l’équilibre de la planète. Une nouvelle prise de conscience et la vitalité des mouvements de la société civile au niveau mondial pourraient offrir l’occasion de trouver des solutions efficaces au cours des années, ont espéré les ONG.

Les personnalités suivantes ont pris la parole dans le cadre de ce groupe de réflexion : M. Arthur Mbanefo, Représentant permanent du Nigéria et Président du Groupe des 77 et de la Chine; Mme Khadija Haq, Présidente du Centre Mahbub ul Haq pour le développement humain, et M. Carlos Fortin, Vice-Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED).

GROUPE DE RÉFLEXION SUR LE THÈME INTITULÉ "UNE VISION ÉCONOMIQUE QUI RÉUSSIT : UN DIALOGUE"

Présentant le thème, l'animatrice du Groupe Mme JACQUELINE GRAPIN, Présidente de l’Institut européen (Washington, D.C.) a déclaré que la réflexion de cet après-midi serait centrée sur les mécanismes qui régissent en ce moment l’économie mondiale. Presque la moitié de la population mondiale vit avec moins de trois dollars par jour a dit Mme Grapin, et cette situation s’aggrave de plus en plus. Le fossé entre riches et pauvres s’accroît et la malnutrition fait du chemin. Le monde en développement, qui abrite 90% des malades de la planète ne reçoit que 10% des ressources de santé. Le taux d’analphabétisme s’accroît sans arrêt et le nombre de pauvres doublera d’ici 2050 si les conditions actuelles ne sont pas modifiées. Le fameux “paradigme du développement” n’a pas pu améliorer le sort de la majorité de la planète et la consommation des ressources naturelles par une partie de la population de la planète semble mener le monde à une perte certaine. Les inégalités s’accroissent aussi à l’intérieur même des pays. Seul un dialogue réel sur le rôle de l’Etat, la bonne gouvernance, la réforme des politiques et les solutions à apporter aux crises qui frappent certaines parties du monde, pourra permettre de créer les conditions d’un redressement. La condition injuste des femmes, l’exode des cerveaux, la marginalisation d’une partie du monde, sont des questions qui se posent aujourd’hui avec acuité. Nous espérons que nos réflexions pourront susciter des propositions dignes d’intérêt.

Exposés

M. ARTHUR MBANEFO, Représentant permanent du Nigéria et Président du Groupe des 77 et de la Chine, a déclaré que la paix est fondamentale dans toutes les initiatives entreprises par la communauté internationale. Il a estimé qu’il faut créer une voie médiane reliant les riches à ceux qui sont démunis. Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, nous savons que la pauvreté et la misère ne sont pas tolérables. Les violations des droits de l’homme et la culture de l’impunité ont également été rejetées. L’objectif du bien-être universel est encore bien loin.

Le représentant a déploré que les populations pour lesquelles des mesures d’aide et de développement sont prises au niveau international ou national ne bénéficient pas de leur application. Ces populations sont trop démunies pour se sentir concernées par les mesures prises en leur faveur. Des personnes qui ne savent pas de quoi sera fait leur prochain repas n’ont pas les conditions de vie nécessaires pour pouvoir se projeter dans l’avenir et envisager les possibilités offertes par un programme de développement. Les gouvernements ne parviennent pas à établir un contact avec les récipiendaires de l’assistance au développement, qui peuvent aller jusqu’à saboter les infrastructures mises à leur disposition.

M. Mbanefo a estimé que pour remédier à cette situation, toute l’action internationale doit avoir un visage humain et veiller à ne pas considérer les populations comme une masse anonyme. Faute de quoi les objectifs d’éradication de la pauvreté, de réduction des flux de migration Sud-Nord et de fuite des cerveaux ne pourront être remplis. Il a recommandé de donner aux pays en développement la possibilité de développer toutes leurs ressources nationales, y compris les ressources humaines.

M. CARLOS FORTIN, Secrétaire général adjoint de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a déclaré que la CNUCED a bien senti que la participation des ONG était indispensable pour son travail. Au sujet de la mondialisation, il a relevé que tout semble indiquer qu’un grand nombre des maux de notre temps résultent de ce processus décrit comme inévitable et inexorable. Cependant, la mondialisation et la globalisation sont deux concepts différents. L’un est un processus lié à l’émergence des technologies de l’information qui implique une intégration accrue au-delà des frontières et une interaction entre les êtres humains, qui ira en s’amplifiant. En revanche, la libéralisation des flux financiers est une décision politique qui n’a rien d’inexorable. Ce dernier processus suit la direction que lui donnent les plus puissants de ce monde. La façon dont la libéralisation est menée et le choix des secteurs qui sont développés dans ce cadre dépendent de ce qui intéresse les pays développés et non pas les pays en développement. Ainsi, alors que tout est fait pour la liberté de circulation des capitaux, on fait intervenir les autorités policières pour tout ce qui touche à la circulation des personnes. Dans ce contexte, M. Fortin a recommandé que la communauté internationale donne une suite concrète aux clauses des accords sur les transferts de technologies et de connaissances.

M. Fortin a regretté que la technologie, l’esprit d’entreprise et la compétitivité ne soient pas suffisamment encouragés dans les pays en développement. Il faut insister pour que les processus de négociations sur le commerce international prennent en considération les pays en développement. Il est essentiel pour les pays africains que la communauté internationale fasse un effort pour briser le cercle de la dépendance. Pour cela, une augmentation massive du volume de l’aide est nécessaire. Sans cela, le cercle de l’insuffisance des ressources pour l’investissement s’aggravera et l’inégalité sera perpétuée. La CNUCED prône des formes de coopération régionale et sous- régionale qui ne soient pas contraires aux règles du commerce international, par exemple des formes très précises de contrôle du capital qui évitent de fortes fluctuations de la situation financière à l’intérieur des pays concernés. M. Fortin a conclu en soulignant que la Charte ne dit pas “Nous, les Etats” mais “Nous, les peuples”.

Mme KHADIJA HAQ, Présidente du Centre de développement humain Mahbub ul Haqau Pakistan,a estimé que la communauté internationale devait concevoir une nouvelle vision économique qui permettrait à tous les Etats et peuples de participer à l’économie internationale. Cette vision doit s’appuyer sur l’équité et la durabilité. Cette vision prendrait en compte les aspects humains et culturels du développement en mettant en avant la qualité et le respect de la vie. De nombreux pays souffrent aujourd’hui de l’injustice dans la répartition des richesses, et le manque de capacités humaines ne leur permet pas de s’assurer un développement plus harmonieux. La bonne gouvernance doit d’abord s’appuyer sur des facteurs humains.

La réduction de la pauvreté est un défi auquel font face les pays d’Asie du Sud et du Sud-Est. 50% de la population mondiale vit dans cette région où la pauvreté ne fait que s’aggraver. Certaines conférences des années 90 avaient fixé des dates butoir de réduction de la pauvreté, mais on s’est rapidement aperçu que ces délais ne seraient pas tenus. La faiblesse du développement humain dans les pays d’Asie du Sud et du Sud-Est rend difficile un redressement durable de de l’économie de ces pays. Les conditions d’éducation et de santé s’y sont continuellement détériorées ces dernières années, et des maladies comme le paludisme et la tuberculose, jointes à de nouvelles pandémies comme celle du VIH/sida y font des ravages. Les pays ont compris qu’il fallait mettre plus de services sociaux à la disposition de leurs populations, mais ils ont rarement les moyens de le faire. Les discriminations basées sur l’ethnicité, la classe ou le sexe se multiplient du fait de la rareté des emplois et des richesses. Or nous savons que tant que les femmes n’occuperont pas la place qui leur revient dans les différents secteurs sociaux, il sera difficile de changer l’état dans lequel vit la majorité de la population. Les injustices envers les femmes se manifestent dans tous les domaines, de l’éducation à la santé en passant par l’accès à la propriété et autres. L’invisibilité statistique des femmes, due à des facteurs traditionnels et culturels, est flagrante dans les pays d’Asie du Sud et du Sud- Est. Elles n’occupent en moyenne que 7% des sièges parlementaires et 6% des postes de décision dans les entreprises. D'autre part, un système de gestion transparent doit être promu pour mettre fin à la corruption généralisée qui mine les Etats d’Asie du Sud et du Sud-Est.

Dialogue

M. Arthur Mbanefo, a dit, en prenant la parole sur la question de la dette, que de nombreux pays avaient plusieurs fois remboursé les montants initiaux qu’ils avaient empruntés, du fait des intérêts accumulés. Les gouvernements d’aujourd’hui ne sont pas, en plus, responsables de cette dette, empruntée par des régimes autrefois de parti unique. Certains pays consacrent en ce moment les deux tiers de leurs recettes budgétaires au service de la dette. Il a rappelé que l de son pays avait suggéré que la communauté internationale annule les dettes des pays en développement qui seraient prêts à investir les sommes ainsi dégagées dans des structures sociales de santé et d’éducation.

Intervenant à sa suite, M. Carlos Fortin a dit, parlant de la mondialisation, qu’il était possible de redresser certaines des asymétries les plus graves qui existent dans le système commercial international. Mais, ce n’est pas à Genève qu’il faut aller manifester devant le siège de l’Organisation mondiale du commerce pour y arriver, a-t-il dit. C’est plutôt au niveau de chaque pays que les ONG et la société civile devraient faire pression sur leurs gouvernements et dirigeants. Après M. Fortin, Mme Khadija Haq, a dit que l’éducation des filles devait être encouragée en Asie du Sud, malgré les obstacles culturels. Des études ont été faites ayant permis d'identifier les mesures qui pourraient permettre de contourner les obstacles existants. Il est vrai que les gouvernements n’ont jamais démontré une volonté de promouvoir en particulier l’éducation des filles. Il faudrait que les donateurs récompensent les initiatives qui seraient prises sous cet angle. Quant à la réduction de la pauvreté, la priorité des actions devrait se faire en vue de favoriser l’insertion des pauvres dans la vie socioéconomiques. Les pauvres se trouvant surtout dans les zones rurales, il faut que l’on trouve le moyen de leur faire jouer un rôle économique performant, par exemple par le biais de réformes agraires ou d’autres mesures du même type. Concernant la question des dépenses militaires et de la course des pays d’Asie du Sud aux armes nucléaires, Mme Haq a estimé que la question était sensible du fait que ces choix politiques étaient liés à des questions de politique régionale. Mais les dépenses militaires sont un gaspillage de ressources qui auraient été plus productives si elles avaient été consacrées à

d’autres objectifs, a-t-elle dit. La situation de l’Asie du Sud par rapport au nucléaire est telle aujourd’hui qu’il revient aux sociétés civiles de se manifester pour faire comprendre aux gouvernements leur erreur. Intervenant sur le même sujet, M. Mbanefo a cité l’exemple de l’Allemagne et du Japon qui se sont reconstruits et développés après la Deuxième guerre mondiale parce qu’ils avaient alors consacré toutes leurs ressources au développement et non aux armements.

En concluant la réflexion de cet après-midi, Mme Jacqueline Grapin a dit que le développement ne pouvait s’accommoder de situations de conflits comme c’est le cas en ce moment en Afrique. D’autre part, le développement des pays pauvres ne serait pas une perte pour les nations riches, mais plutôt une source de nouvelles opportunités. Le choix à faire pourrait être celui de ces deux étudiants mis devant un cas d’étude. L’un a dit “l’Afrique est pauvre et n’a pas de chaussures. Etant pauvre, elle ne peut représenter un marché”, l’autre a répliqué “parce que l’Afrique est pauvre et sans chaussures, il faut donc y investir pour ensuite donner aux gens les moyens de s’acheter des chaussures”….

Le Président de la République algérienne démocratique et populaire, M. ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, a déclaré, paraphrasant M. Gabriel Garcia Marquez, que “Macondo et tous les Macondo des pays du Sud, sont toujours là, dans leur déchéance et leurs souffrances quotidiennes, et les mêmes espérance et solitude” Comme ces espérances, devenues si modestes aujourd’hui, en cette époque de progrès vertigineux, restent cependant obstinément inaccessibles!. Pour lui, les ONG, avocats des droits et de la dignité humaine, défenseurs d’une mondialisation orientée vers un développement mieux équilibré, à finalité humaine et respectueux de l’environnement, incarnent la dimension éthique et les valeurs de solidarité qui pourront infléchir les tendances et corriger les effets dévastateurs de la volonté de domination et du culte impitoyable du profit.

Alors que la démocratie est largement prônée comme mode d’organisation interne, elle recule de plus en plus dans l’ordre international. Les pays représentant la majorité des habitants de la planète restent totalement exclus des mécanismes de décision du système financier international et sont de plus en plus marginalisés dans les décisions politiques.

Les actions des ONG ont eu des résultats importants, a reconnu le président. Cependant, a-t-il poursuivi, je voudrais vous parler aussi de cette méfiance que, nous semble-t-il, vous semblez manifester à l’égard des Etats, et à la vision par conséquent négative et réductrice que vous en avez, notamment en ce qui concerne les pays du Tiers-Monde. Ce qui fait obstacle dans nombre de pays du Sud à leur bonne gouvernance, ce n’est pas un excès d’Etat, mais plutôt une défaillance de l’Etat, un Etat trop faible par manque d’organisation, de moyens et parfois de légitimité.

Dans le cas de l’Algérie par exemple, certaines ONG sont allées jusqu’à contester le droit et le devoir de l’Etat de maintenir l’ordre public et de protéger les citoyens et leurs biens. Un tel comportement a pu parfois être interprété comme un encouragement au crime et à la destruction. Nous comprenons cependant que les particularités de la situation et l’impossibilité d’une présence sur place ont conduit à dépendre de sources d’information parfois douteuses. Nous avons tenu il y a quelques mois à inviter toutes les ONG de défense des droits de l’homme qui le souhaitaient à venir en Algérie pour s’informer sans restriction. Je suis en effet convaincu qu’un regard extérieur critique, lorsqu’il est de bonne foi et le souci de contribuer à l’amélioration des choses, constituent une protection salutaire contre les dérives possibles d’un pouvoir souverain dans un contexte où restent à parfaire et roder les mécanismes de la pleine expression démocratique.

En ce qui concerne l’action humanitaire, nous pensons qu’elle doit être accompagnée d’une forte mobilisation pour l’élimination des causes profondes des situations de détresse qu’elle se propose de soulager. Faute de quoi, vos dévouements risqueraient de devenir la bonne conscience des plus puissants. Nous exprimons notre reconnaissance à Mme Mary Robinson pour son action remarquable en tant que Haut Commissaire aux droits de l’homme, et en tant que Présidente de la Conférence mondiale qu’elle prépare en vue de mobiliser les bonnes volontés contre toutes formes de discrimination. Concernant la mondialisation nous souhaitons que les actions que certaines ONG ont déployées récemment à Seattle, et lors de la dernière réunion annuelle des institutions financières internationales s’amplifient pour atteindre en intensité celles que vous développez dans la défense des droits de l’homme.

Nous voulons cependant éviter toute instrumentalisation politique de la question des droits de l’homme. A cet égard, permettez-moi de faire part de mon trouble face à certains développements, comme ce droit d’ingérence que dans le sillage de votre action, l’on prétend ici où là s’arroger. Car tout au long de l’histoire, combien de visions généreuses se sont révélées porteuses de perversions qui les ont détournées de leurs fins. Comment dès lors, ne pas s’inquiéter des déviations dangereuses auxquelles pourrait conduire le droit d’ingérence?

L’Afrique, a subi pendant longtemps les massacres collectifs, l’esclavage et la traite des noirs, et a subi une domination et une exploitation coloniales impitoyables. Et alors que des pays ont reconnu à juste titre leur responsabilité pour les atrocités infligées au peuple juif, et que l’Eglise catholique présente des excuses pour sa passivité face à cette tragédie, l’Afrique elle, ne bénéficie d’aucune sollicitude. Elle est au contraire mise au banc de l’infamie du tribunal de la démocratie et des droits de l’homme dans les analyses en Occident, et n’a eu droit qu’à des politiques d’ajustement structurel dévastatrices qui ont exacerbé les facteurs de frustration, d’instabilité et de violence. Ne peut-on estimer que les ONG, qui ont milité pour l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, qui ont défendu le devoir de mémoire, devraient peser davantage, de toute leur influence sans cesse grandissante, et de toute l’autorité morale qu’elles ont acquises, pour une reconnaissance des torts causés à l’Afrique, et plaider pour une obligation historique de réparation, si l’on veut vraiment éviter de voir ce continent pratiquement rayé de la carte d’un monde redessiné par une mondialisation inhumaine?

Mme MALIA CRAVER, Kupuna (Ancêtre) pour le Queen Lili’uokalani Children’s Center, également appelée Aunty Malia, a expliqué qu’elle est née et a grandi sur l’île d’Hawaï, où son entourage lui a transmis des valeurs spirituelles et culturelles ancestrales. Enfant, sa famille lui enseignait chaque jour que nous avons un Dieu suprême qui nous aime. On lui rappelait de se rapprocher de ce Dieu universel par la prière. La paix commence à l’intérieur de chacun, a déclaré Mme Craver.

Aunty Malia a ensuite exposé les principes qui régissent ses rapports avec Dieu. Le principe de “lokahi” décrit une relation sacrée fondée sur la croyance que nous ne sommes pas les maîtres de l’univers. Nous sommes un élément important d’une relation sacrée avec Dieu et la nature. Notre existence dépend de l’harmonie que nous nous efforçons de maintenir par le biais de l’amour, de l’honneur, du respect et de la déférence à l’égard de chacun. Le principe du pouvoir intérieur (”ka mana o loko”) peut servir à transformer sa vie à travers l’amélioration de sa propre personne et de celle des autres. Nous pouvons parvenir à la paix dès qujourd’hui en établissant une relation aimante avec nos familles, voisins, amis et ennemis. “Aloha”, amour est la base de toutes les croyances des Hawaïens et résume leur âme, a poursuivi Mme Craver. Ce principe ou sentiment permet de voir et de sentir le caractère unique d’une personne, même si elle est différente de vous.

Expliquant de quelle manière la culture de marins des Hawaïens a développé leur sens de l’harmonie communautaire, la représentante a comparé le monde actuel à une île dans laquelle il faut savoir apprécier les caractéristiques de chacun. Elle a cité un proverbe disant que “si le coeur est juste, le caractère est beau. Si le caractère est beau, il y a de l’amour au foyer. S’il y a de l’amour au foyer, l’harmonie est dans la nation. Et si l’harmonie est dans la nation, la paix règne dans le monde.”

Poursuivant, Mme Craver a déclaré que l’humanité est encore confrontée au défi le plus grand de tous, qui est de diffuser l’amour et la paix durable dans le monde entier. La racine de cette grande responsabilité n’est pas dans les capitales du monde mais dans le coeur de chacun et dans la manière dont nous menons nos vies personnelles. Nous devons tous améliorer nos rapports mutuels, a-t-elle conclu.

M. RALPH NADER, Fondateur de Public Citizen, s’est élevé contre la concentration du capital, de la propriété foncière, des ressources naturelles, des nouvelles technologies et du pouvoir économique entre les mains de quelques personnes. La liberté est la participation au pouvoir, a-t-il ajouté, en faisant allusion à l’action de la société civile. Il a suggéré de déconcentrer le pouvoir afin qde mettre en place des solutions plus efficaces. M. Nader a également critiqué la concentration du pouvoir des entreprises transnationales, notamment dans le domaine pharmaceutique. Les entreprises financières géantes concentrent les bénéfices d’une manière qui n’est pas productive et ne profite pas à la population, a-t-il regretté.

M. Nader a estimé que les sociétés les plus justes sont celles qui ont le moins besoin de recourir à la charité. Il est important de prendre acte des initiatives des représentants de sociétés et de cultures du monde entier qui défendent les mêmes idées de partage. La lutte contre l’esclavage, l’émancipation des femmes, pour la protection de l’environnement et des consommateurs ont été lancées par un petit nombre de personnes qui ne se sont pas laissées décourager et ont compris que c’est la détermination qui permet de réaliser les rêves humains. Par ailleurs, M. Nader a plaidé pour la démocratie qui est un environnement adaptable et un instrument de formation à la citoyenneté. Les connaissances et le savoir-faire en matière de citoyenneté peuvent s’apprendre, a souligné M. Nader.

Le représentant a ensuite critiqué le processus de mondialisation des entreprises, car il concentre le pouvoir entre les mains des transnationales. Ces entreprises sont suffisamment puissantes pour lancer des ultimatums aux gouvernements et représentent, à l’heure actuelle, la plus grande menace, a-t-il déclaré. Leur vision à court terme est particulièrement dangereuse pour l’environnement. Il en va de même de leur usage de la technologie qui a pour objectif de transformer la nature pour en faire un produit commercial. M. Nader a condamné les entreprises transnationales qui se constituent en “oligarchies répressives” pour pouvoir utiliser de la main-d’oeuvre bon marché et polluer à bon compte.

Le représentant a également critiqué les dirigeants mondiaux qui dépensent des milliards de dollars en armes alors que des enfants meurent de maladies qui pourraient être évitées grâce à ces fonds. Il a critiqué le dirigeant du groupe Times Warner qui a déclaré que les médias sont plus importants que les gouvernements mondiaux. Le FMI et la Banque mondiale croient savoir comment relancer le développement économique en prélevant l’argent des contribuables, a-t- il poursuivi. Cependant, les sociétés autochtones ont développé des modes de développement, de construction, d’éducation et de microfinancement peu onéreux et viables. Il faut donner à ces solutions une place dans les programmes universitaires et les politiques de développement. M. Nader s’est indigné de ce que les Etats-Unis et leurs alliés dépensent 650 milliards de dollars par an au titre du budget militaire alors que, selon le PNUD, 31 milliards de dollars par an suffiraient à fournir de l’eau à l’ensemble de la population mondiale.

Il a appelé la communauté internationale à se rendre compte du niveau d’urgence dans lequel vit le monde. Il a déploré que ceux qui possèdent les solutions aux problèmes humains les plus graves ne soient pas disposés à les appliquer. En conclusion, M. Nader a lancé un appel pour que tous livrent un combat quotidien contre l’injustice.

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