En cours au Siège de l'ONU

CS/2030

LA REFORME DE LA POLICE ET DE LA JUSTICE ENREGISTRE DES PROGRES EN BOSNIE-HERZEGOVINE

15 août 2000


Communiqué de Presse
CS/2030


LA REFORME DE LA POLICE ET DE LA JUSTICE ENREGISTRE DES PROGRES EN BOSNIE-HERZEGOVINE

20000815

Informant, ce matin, les membres du Conseil de sécurité des progrès accomplis dans la mise en oeuvre de l’Accord de Dayton, M. Bernard Miyet - Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix - a indiqué que la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) a poursuivi ses efforts pour créer une autorité de police professionnelle, non partisane et civile à l’abri des pressions politiques. Grâce à la coopération entre les entités de police et les institutions étatiques, il a été mis sur pied en juin dernier une Force de police conjointe chargée de contrôler l'immigration illégale et la criminalité organisée. M. Miyet a fait remarquer qu'un des progrès importants a été la finalisation du programme d'évaluation du système judiciaire. Par ailleurs, le retour des minorités a continué de progresser en Bosnie-Herzégovine, y compris dans les zones sensibles comme en Republika Srpska, grâce à l'appui de la communauté internationale.

Tout en reconnaissant que des progrès importants mais lents ont été réalisés en Bosnie-Herzégovine, la plupart des délégations ont souligné qu'il reste encore beaucoup à faire dans les trois domaines prioritaires exposés par M. Miyet. Il subsiste un certain nombre d'obstacles à une mise en oeuvre rapide de l’Accord de Dayton, notamment le retour des réfugiés et des personnes déplacées, la corruption et la criminalité organisée. A cet égard, certains intervenants ont estimé que les autorités de Bosnie-Herzégovine ne déploient pas d'efforts suffisants. Il leur incombe de prendre un ferme engagement en faveur de la paix et de la stabilité dans la Fédération car, comme l'ont précisé les représentants de la Chine et des Pays-Bas, l'aide étrangère ne sera pas indéfinie. Pour sa part, le représentant de la Fédération de Russie a considéré que la mise en place d'une armée unique monoethnique et pan bosniaque serait contraire au principe même de l’Accord de Dayton et que, de toute manière, il appartient aux entités en Bosnie- Herzégovine de se prononcer sur cette question.

Répondant aux observations formulées par les délégations, M. Miyet a souligné que la réalisation des objectifs de la MINUBH ne peut être considérée de manière isolée sans tenir compte des autres organisations qui oeuvrent en Bosnie- Herzégovine. Toute stratégie de "sortie" de la Mission devrait donc être examinée de concert avec des acteurs tels que la SFOR ou les organisations régionales présentes aussi sur le terrain.

Outre le Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, les membres suivants du Conseil de sécurité se sont exprimés : Etats-Unis, Bangladesh, France (au nom de l'Union européenne et des pays associés), Ukraine, Royaume-Uni, Pays-Bas, Jamaïque, Argentine, Chine, Tunisie, Canada, Fédération de Russie, Namibie et Malaisie.

LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Déclarations

M. BERNARD MIYET, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a rappelé que le Secrétaire général avait dans son dernier rapport identifié la restructuration de la police, la réforme de la police et le renforcement des institutions communes dans le secteur de la police en tant que priorités principales pour la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH). Dans le contexte de la restructuration de la police, le Commissaire du Groupe international de police civile (GIP) a réduit ses effectifs de 1000 - soit 10 600 membres - en raison de la mise en place du Service des frontières ainsi que de la diminution des besoins dans les plus petits cantons de la Fédération. Dans l'intervalle, l'enregistrement des officiers de police continue et depuis le 2 juin dernier, plus de 2 800 officiers supplémentaires ont été inscrits. La Mission est en voie de conclure le processus d'enregistrement d'ici la mi- décembre, donnant lieu à la création du premier registre transparent et global du personnel chargé de l'exécution de la loi en Bosnie-Herzégovine. En parallèle à l'enregistrement des officiers de police en cours, la MINUBH continue d'assister les autorités locales à s'acquitter de leur obligation de garantir une représentation adéquate des minorités dans les forces de police, par le biais du recrutement des élèves dans les écoles de police, le redéploiement volontaire entre les entités des officiers en exercice issus de groupes minoritaires, et l'encouragement du retour des anciens policiers déplacés ou réfugiés dans leur foyer d'origine. Au total, près de 450 officiers de police issus de minorités sont ou seront bientôt diplômés des deux écoles de police et 130 autres ont été identifiés pour leur redéploiement au-delà de la délimitation des entités.

Pour promouvoir la réforme de la police, la MINUBH a poursuivi ses efforts pour instituer des Commissaires de police dans la Fédération de police, en vue de créer une autorité de police professionnelle, non partisane et civile. A Sarajevo - qui sert de projet pilote - une législation appropriée a été adoptée et des travaux préparatoires ont été engagés dans les autres cantons.

Concernant la coopération entre les entités de police et le renforcement des institutions communes, une initiative importante a été prise le 27 juin dernier pour mettre sur pied une Force de police conjointe chargée de l'immigration illégale et de la criminalité organisée. Cette coopération a été illustrée de manière remarquable lors de la commémoration du massacre de Srebrenica de 1995. Une mesure évidente et de portée considérable visant à édifier des institutions étatiques a été l'inauguration des services de police des frontières à l'aéroport de Sarajevo le 6 juin dernier ainsi que l'ouverture de trois points des services de police des frontières à Doljani-Metkovic, Izacic et Zvornik en juillet et début août. L'ouverture des services de police des frontières a permis aux autorités locales et à la MINUBH de recueillir les informations sur les mouvements par l'aéroport de Sarajevo et les services organisés de l'aéroport pour contrôler l'immigration illégale en Europe.

Par ailleurs, le programme d'évaluation du système judiciaire est en voie de finaliser ses travaux, ayant été essentiellement consacré à l'élaboration de lois de police et de procédure judiciaire pour le district de Brcko, ainsi qu’à l'adoption d'une méthodologie pour la désignation des juges et des procureurs et substituts. Ces travaux ont été accomplis avec la coordination étroite du Bureau du Haut Représentant qui devrait assumer l'essentiel des fonctions d'évaluation du système judiciaire lorsque le mandat de la MINUBH expirera à l'automne prochain.

M. Miyet a indiqué que le retour des minorités continue de progresser en Bosnie-Herzégovine, notamment dans les zones difficiles dans la Republika Srpska. Au cours des six derniers mois, le HCR a enregistré plus de 19 500 retours de personnes issues de groupes minoritaires. Les Etats-Unis et l'Allemagne ont versé des contributions supplémentaires pour encourager et appuyer les retours.

Mme NANCY SORDERBERG (Etats-Unis) a rappelé qu'il y a quelques semaines le Conseil de sécurité a lancé un appel en faveur de l'élaboration d'une stratégie claire pour que le travail de la MINUBH soit achevé en décembre 2002. Selon elle, cet objectif est réaliste et peut être atteint si la Mission se voit allouer toutes les ressources dont elle a besoin pour accomplir sa tâche. Le Gouvernement des Etats-Unis soutient les priorités de la MINUBH, à savoir le retour des réfugiés, la réforme économique et le renforcement des institutions de l'Etat. C'est pourquoi, il a notamment consacré plus de 67 millions de dollars aux activités de retour des réfugiés issus de groupes minoritaires. La représentante s'est félicitée de la décision du Bureau du Haut Représentant d'établir une Commission judiciaire indépendante chargée de surveiller le processus de confirmation des juges et des procureurs et si besoin est d'intervenir dans ce processus. Les Etats-Unis attendent avec intérêt d'obtenir davantage d'informations sur la manière dont cette nouvelle Commission aura pris ses pouvoirs. Mme Sorderberg s'est aussi réjouie de l'augmentation spectaculaire du nombre des réfugiés rentrés dans leur foyer. Elle s'est dite encouragée par la diminution des manifestations de nationalisme et de haine qui de manière lente mais constante laissent la place au respect de la démocratie et de l'Etat de droit. Elle a estimé que des développements positifs sont aussi enregistrés en provenance de la Croatie sous l'impulsion du nouveau Gouvernement démocratique de MM. Mesic et Racan.

Compte tenu de ces progrès, les tentatives d'obstruction qui continuent de se poursuivre sont d'autant plus intolérables, a insisté Mme Sorderberg, qui a pleinement appuyé l'usage plus vigoureux que le Haut Représentant du Secrétaire général et l'OSCE font des mandats que leur a confiés la communauté internationale. Mais de toute évidence, le plus grand obstacle au progrès en Bosnie demeure, comme pour le reste de la région, Belgrade. Les autorités de Belgrade continuent en effet non seulement de s'opposer au progrès en Bosnie, mais aussi de réprimer leur peuple et de menacer la démocratie au Monténégro. Les efforts de la communauté internationale d'intégrer pleinement les Balkans à l'Europe ne porteront pas pleinement leurs fruits tant que le régime de Belgrade demeurera en place, a mis en garde la représentante.

En début de son intervention, Mme Sorderberg a abordé la question du conflit en République démocratique du Congo et notamment la suite donnée à l'Accord de Lusaka. Elle s'est dite déçue par les parties non congolaises qui auraient pu prendre d'autres mesures de désengagement et activer ainsi le retrait des forces présentes sur le territoire congolais. Un consensus n'a pu être obtenu sur des

questions, a-t-elle ajouté, insistant notamment sur le rétablissement du cessez- le-feu, la mise en oeuvre du plan de désengagement et la garantie pour la MONUC de pouvoir intervenir librement et de se déployer partout où cela est nécessaire. Les Etats-Unis demandent au Gouvernement de Kinshasa d'honorer les engagements qu'il a pris et les accords qu'il a signés. Les Etats-Unis sont toujours prêts néanmoins à appuyer l'Accord de Lusaka qui est le meilleur moyen de rétablir la paix. Ils resteront donc pleinement engagés dans cette question, a insisté la représentante.

M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) s'est félicité de la mise en place des premiers services frontaliers d'Etat, à l'aéroport de Sarajevo le 6 juin dernier, et dans un certain nombre d'autres endroits. Il a estimé que ce processus serait accéléré par l'adoption de la loi sur les services frontaliers par l'Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine. Dans ce contexte, les autorités de la Bosnie-Herzégovine devraient, en coordination avec la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH), s'attacher à accélérer le déploiement de tels services, a-t-il ajouté. Il convient également que des progrès soient réalisés en matière de réforme judiciaire. A cet égard, le renforcement de la Cour constitutionnelle et la création d'une Cour d'Etat doivent être considérés comme prioritaires, et des législations permettant d'éliminer toute influence politique sur la branche judiciaire doivent être mises en œuvre. A cette fin, la MINUBH a un rôle clef à jouer pour consolider le système judiciaire et restructurer la police, a-t-il souligné. Bien que quelques progrès aient été enregistrés quant au retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays, il faudra que les autorités de Bosnie-Herzégovine s'emploient à mettre en œuvre une législation sur la propriété et à faire respecter les droits des citoyens. En ce qui concerne la reconstruction économique, et afin de réaliser l'objectif d'autosuffisance, il convient d'encourager un développement géré par le secteur privé et de créer dans le pays les conditions d'un espace économique unique. Les donateurs devraient continuer à soutenir ces objectifs, a- t-il ajouté.

M. VALERI P. KUCHYNSKY (Ukraine) a estimé que des progrès importants pour l'application des Accords de Dayton et de paix ont eu lieu, ce qui contribue au succès d'ensemble de la communauté internationale, et notamment des Nations Unies, en Bosnie-Herzégovine. L'Ukraine estime que la MINUBH et le Groupe international de police continuent de jouer un rôle fondamental, notamment pour ce qui est du respect des lois. Le représentant a félicité la MINUBH pour la réforme de la police et la création d'un système judiciaire garantissant le respect des droits de l'homme. Mais beaucoup peut encore être fait, notamment pour le recrutement des officiers de police parmi les groupes minoritaires, et la protection des réfugiés minoritaire qui rentrent chez eux, a prévenu le représentant. Une des principales tâches est de s'assurer que le peuple et le Gouvernement de la Bosnie- Herzégovine continuent d'être pleinement engagés en faveur de la paix. A cet égard, le représentant s'est dit préoccupé par le niveau insuffisant d'engagement des autorités de la Bosnie-Herzégovine par rapport au processus de paix, ajoutant qu'il y avait donc encore beaucoup à faire pour rendre ce processus irréversible. C'est pourquoi, selon lui, le Conseil de sécurité doit continuer d'apporter son appui solide aux activités de la MINUBH. L'Ukraine, pour sa part, réitère sa volonté de participer à ces activités.

M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a fait remarquer que la Bosnie avance à grand pas vers un automne très chargé, notamment avec les élections générales prévues en septembre. Le retour des réfugiés se poursuit à un bon rythme, même si les retours spontanés font monter la tension sur le plan local et la MINUBH et le GIP doivent être félicités pour leurs efforts soutenus, a constaté le représentant. Si le programme a été remarquablement appliqué, comme en témoigne l'ouverture récente des postes de frontières d'Etat, il sera fondamental que la Mission maintienne sa pression sur les autorités de la Bosnie-Herzégovine pour faire des progrès dans la lutte contre la contrebande et l'immigration illégale notamment, a-t-il insisté. Il est aussi clair qu'une coordination très étroite entre la MINUBH et les autres organisations présentes sera fondamentale. Rappelant que lors de sa dernière rencontre avec le Conseil de sécurité, le Représentant spécial, M. Klein, avait parlé d'une stratégie de sortie de la MINUBH, le représentant a demandé davantage d'information et a souhaité qu'en temps voulu le Conseil soit saisi d'un document écrit sur ce point. De toute manière, la stratégie de sortie doit être liée à des résultats concrets, a-t-il fait observer.

M. YVES DOUTRIAUX (France, au nom de l’Union européenne et des pays associés) a reconnu que l'accélération du retour des réfugiés et des personnes déplacées, la réforme du système judiciaire ainsi que le renforcement des institutions étatiques constituent des secteurs prioritaires de la mise en oeuvre de l’Accord de paix. Si l'on souhaite établir un Etat de droit, il est essentiel de mettre en place des forces de police impartiales et efficaces. M. Doutriaux a rappelé que la France est le quatrième contributeur au Groupe international de police, avec 106 gendarmes mis à sa disposition. En outre, dans le cadre des efforts de mise en oeuvre de l’Accord de paix, l'Union européenne organise un sommet auquel participeront les pays des Balkans, qui se tiendra à l'automne prochain. Notant que le programme d'évaluation du système judiciaire finalise ses travaux, le représentant s'est interrogé sur son avenir. Concernant le retour des réfugiés, M. Doutriaux a demandé des précisions sur l'origine ethnique des personnes qui rentrent, notamment dans les zones sensibles.

M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a noté que cinq ans après les Accords de Dayton, des progrès ont été accomplis en Bosnie-Herzégovine, en dépit de leur lenteur. Il reste encore beaucoup à faire. Le retour des réfugiés a été un point marquant des efforts extraordinaires réalisés cette année. Dans la mesure où le retour des réfugiés constitue un élément essentiel de l'évaluation de la situation dans l'esprit des personnes déplacées, cette augmentation démontre les progrès réalisés en Bosnie-Herzégovine. Préoccupée par les tensions en Republika Srpska concernant le retour des réfugiés et des personnes déplacées, la délégation des Pays-Bas appelle de nouveau toutes les parties à oeuvrer en faveur de la création d'une Bosnie-Herzégovine démocratique et multiethnique. Les Pays-Bas sont également préoccupés par les relations entre la Bosnie-Herzégovine et les institutions financières, notamment la Banque mondiale. Les budgets de la Fédération et de la Republika Srpska montrent des fossés considérables, représentant près de 30% du budget total. Des mesures doivent donc être prises pour faire face à cette situation. Tout en reconnaissant qu'il existe diverses raisons qui contribuent à

cette situation difficile, M. Van Walsum a estimé qu'il est nécessaire de procéder à une exécution des lois vigoureuse qui ne peut, toutefois, se concrétiser que lorsque les structures institutionnelles à cet effet seront mises en place. Les déficits budgétaires sont également causés par la corruption et la criminalité. On a estimé que chaque année, environ 500 millions de dollars échappent au contrôle à cause de la contrebande de cigarettes. Des activités illicites de cette importance supposent la participation de hauts fonctionnaires, a fait observer M. Van Walsum. C'est pourquoi, il est essentiel que les autorités de Bosnie-Herzégovine redoublent leurs efforts pour mettre fin à la criminalité et à la corruption. L'aide étrangère n'est pas infinie.

M. CURTIS A. WARD (Jamaïque) a noté que des efforts importants ont été accomplis notamment dans les trois domaines cruciaux, à savoir la restructuration des forces de police, la réforme judiciaire et le renforcement des institutions étatiques. Le succès de la MINUBH sera tributaire de la coopération de la population de Bosnie-Herzégovine. Concernant le retour des réfugiés et des personnes déplacées, M. Ward a demandé au Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix des précisions sur les moyens permettant de remédier à la situation.

M. HOLGER FEDERICO MARTINSEN (Argentine) a déclaré que les derniers événements en Bosnie permettent de faire preuve d'un certain optimisme, notamment concernant le rétablissement durable de la paix. Parmi les progrès les plus substantiels, le représentant a cité l'établissement des postes de police des frontières, ainsi que l'établissement d'un passeport unique. Un autre point de satisfaction est le retour des réfugiés qui jusqu'à présent s'était toujours heurté à des obstacles importants. M. Martinsen a jugé que la décision de renvoyer un Ministre qui s'opposait de manière systématique aux Accords de paix était une bonne chance et il a exprimé son soutien à la position vigoureuse adoptée par le Haut Représentant. En revanche, il a estimé que des efforts doivent être consentis pour combattre la contrebande et les trafics.

M. CHEN XU (Chine) a constaté que, depuis le dernier rapport sur la situation en Bosnie-Herzégovine présenté au Conseil de sécurité, des progrès importants ont été accomplis. Ces progrès sont toutefois beaucoup plus lents que ce que la communauté internationale souhaitait. Il reste encore beaucoup à faire. Le succès de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine est largement tributaire de la coopération de la population. Il ne faudrait pas qu'une fois que l'aide étrangère diminue que la situation se détériore. La communauté internationale et l'ONU doivent redoubler d'efforts pour qu'un Etat démocratique et multiethnique soit mis en place en Bosnie-Herzégovine.

M. OTHMAN JERANDI (Tunisie) a partagé l'avis que les progrès réalisés dans la mise en oeuvre du mandat de la MINUBH sont importants. Toutefois, la Tunisie estime aussi que ces progrès demeurent lents et méritent d'être accélérés. Il faut impérativement parvenir à installer une paix durable conformément à l'engagement pris par les membres de la Présidence collégiale dans la déclaration de New York. La participation multiethnique à tous les aspects de la société est, à cet égard, un gage de succès. C'est pourquoi l'Etat devrait réduire les champs d'activités des groupes ultranationalistes notamment par la promotion d'un projet commun dans lequel

tous les citoyens, sans exception, pourraient se reconnaître. A cet égard, l'abandon d'une force de police monoethnique devrait contribuer à la paix sociale et au bannissement des comportements fondés sur l'origine ethnique. Il faut encore par ailleurs prendre des mesures concrètes pour asseoir l'indépendance, l'impartialité et l'efficacité du système judiciaire, a estimé le représentant. Il s'est félicité du retour d'un nombre important de réfugiés et a jugé primordial de continuer les efforts pour un retour total, notamment en préparant mieux les conditions du retour des minorités.

M. DAVID R. ANGELL (Canada) a appuyé la révocation du Ministre de l’agriculture de Bosnie-Herzégovine qui entravait constamment l’application des Accords de Dayton. Par ailleurs, appuyant l'augmentation des postes de magistrats, il s'est félicité des travaux accomplis par le programme d'évaluation du système judiciaire en Bosnie-Herzégovine. Le retour des personnes déplacées et des réfugiés est une priorité et il faut donc faciliter ce retour par l'adoption de nouvelles lois. Le Canada prendra prochainement le commandement-sud en Bosnie- Herzégovine avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

M. GENNADI M. GATILOV (Fédération de Russie) a estimé fondamental d'assurer le caractère irréversible du rétablissement de la paix et de la stabilité en Bosnie et de l'établissement d'une société multiethnique. La condition d'un tel succès est bien entendu le plein respect des accords de paix, a-t-il souligné, avant d'ajouter cependant que la responsabilité de l’avenir de la Bosnie- Herzégovine est en premier lieu, entre les mains des Bosniaques eux-mêmes. De l'avis de la Fédération de Russie, il reste toutefois encore beaucoup à faire et il faut bien reconnaître que l'application de l’Accord de Dayton est lente. Les progrès sont notamment freinés par les tensions sociales et nationalistes. Le représentant a, à cet égard, regretté les actes de violence ayant eu lieu récemment à l'encontre de réfugiés retournant dans le pays. Ces tensions rendent nécessaire d'examiner de manière prioritaire la question de l'attribution de logements de remplacement à ces réfugiés.

M. Gatilov a appuyé les activités de la MINUBH, notamment pour ce qui est de la modernisation de la structure de l'Etat. Dans l'ensemble, les lois sont ainsi mieux respectées et le professionnalisme de la police, désormais multiethnique, est assuré, a-t-il constaté. La création d'un service des frontières unique et multiethnique est aussi un progrès, selon lui. Cependant, il faut encore faire beaucoup pour neutraliser les démarches trop étroitement ethniques et les actions contraires à la loi au sein du système de police et de justice. La Fédération de Russie estime que la création d'une armée monoethnique ou d'une armée unique pan bosniaque serait totalement contraire aux accords de Dayton, a insisté le représentant, avant de rappeler que ces prérogatives relèvent uniquement des entités et ne peuvent être transmises aux institutions pan bosniaques sans leur consentement. La Fédération de Russie estime également que les arrestations demandées par le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie et réalisées par la Mission sont contraires à son mandat. Le représentant s'est dit convaincu que les tentatives visant à isoler, sous quelque prétexte que ce soit, la République fédérale de Yougoslavie du processus de paix pour l'ensemble des Balkans sont contreproductives. D'ailleurs, la RFY est l'un des signataires de l’Accord de Dayton, a rappelé le représentant.

M. TJI-TJAI UANIVI (Namibie)se félicitant de l’amélioration de la situation en Bosnie-Herzégovine, a dénoncé l’obstructionnisme et le manque de volonté politique des dirigeants locaux en ce qui concerne la mise en oeuvre des lois foncières essentielles pour la question du retour des réfugiés.

M. HASMY AGAM (Malaisie) s'est réjoui des progrès accomplis dans la mise en oeuvre des Accords de Dayton de 1995, notamment dans les trois domaines prioritaires suivants : la police, le système judiciaire et le renforcement des institutions étatiques. Toutefois, il subsiste des résistances de la part de certains groupes nationalistes à la création d'un Etat démocratique et multiethnique. La délégation malaisienne souligne qu'il incombe aux autorités de Bosnie-Herzégovine de s'engager fermement à redoubler d'efforts et à faire preuve de coopération avec la MINUBH. La Bosnie-Herzégovine ne peut se permettre d'avoir deux forces de défense. Concernant les réfugiés, M. Agam a regretté que le retour des minorités demeure insuffisant, en particulier dans la Republika Sprska. Lors de la commémoration du massacre de Srebrenica, le Conseil de sécurité avait rappelé les atrocités qui y avaient été commises et appelé les autorités de Bosnie-Herzégovine à redoubler d'efforts pour réduire les tensions et créer un climat propice à une meilleure entente entre les différentes communautés ethniques. A cet égard, le représentant a fait observer que Karadzic continue de bénéficier de l'impunité, tout comme d'autres responsables des atrocités commises en Bosnie-Herzégovine.

Répondant aux questions soulevées, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Bernard Miyet, est revenu notamment sur la succession du programme d'évaluation du système judiciaire. Il a précisé que ce programme continue et continuera de s'inscrire dans un programme plus large rassemblant d'autres organisations. S'agissant du mode de financement, une fois le transfert effectué, il ne s'agira plus d'une responsabilité des Nations Unies et il appartiendra au Haut Représentant en consultation avec toutes les parties concernées de définir comment le financement s'effectuera. De son côté, le Secrétariat transmettra l'ensemble des documents préparés et fera de son mieux pour que le personnel de la MINUBH puisse être transféré selon son souhait. Pour ce qui est du retour des réfugiés et des personnes déplacées, il est clair que les mouvements de retour de familles croates vers la Bosnie-Herzégovine, prévus dans l’Accord de Dayton, sont quasiment inexistants, a-t-il indiqué. M. Miyet a fait remarquer que les retours ont connu un regain de dynamisme depuis qu'ils s'effectuent de manière plus spontanée et plus souple. Concernant la question de l'occupation illégale de certains logements, évoquée par le représentant de la Jamaïque, il a expliqué qu'environ 50 évictions ont lieu chaque semaine. Toutefois, ces évictions dépendent aussi de la possibilité d'offrir un logement de substitution aux familles évincées.

Le redéploiement des agents de police vers leur localité d'origine est aussi encouragé après enregistrement et formation de ces agents au bon respect du droit. On s'efforce également de créer les conditions permettant l'exercice du droit par les policiers locaux eux-mêmes. Revenant sur la question de l'achèvement de la Mission, soulevée par le représentant du Royaume-Uni, il a estimé qu'il s'agit plus, selon lui, d'une stratégie de mise en oeuvre que d’une stratégie de sortie. Il a également expliqué qu'il s'agissait pour l'heure d'une approche non officielle, par laquelle on essaie d'envisager une date pour le retrait et l'achèvement du mandat de la Mission. On essaie aussi d'établir les objectifs et les critères de cette fin du mandat. Un de ces critères est très certainement l'enregistrement des agents de police et le professionnalisme complet de cette force, ainsi que la mise en place d'un mécanisme permettant d'assurer le recrutement des minorités, a-t-il reconnu.

Toutefois la réalisation des objectifs de la MINUBH ne peut pas être considérée de manière isolée par rapport aux autres organisations qui oeuvrent en Bosnie-Herzégovine. Une étroite coopération avec la composante militaire, la SFOR, sera donc nécessaire ainsi qu'avec les différentes organisations régionales concernées, comme le Conseil de l'Europe et l'OSCE. A partir de là, on pourra véritablement juger de ce qui a été accompli, a-t-il ajouté. Le Secrétaire général adjoint a aussi précisé que manifestement ce qui doit être fait en Bosnie- Herzégovine ne peut être considéré indépendamment de tout ce qui se passe dans l'ensemble de la région des Balkans. Les événements en République fédérale de Yougoslavie ont donc un impact réel sur la réforme et la constitution de l'Etat en Bosnie, a-t-il déclaré en conclusion.

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