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CS/2028

LE CONSEIL LANCE LE PROCESSUS DE CREATION D'UN TRIBUNAL SPECIAL POUR CONNAITRE DES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT HUMANITAIRE COMMIS EN SIERRA LEONE

14 août 2000


Communiqué de Presse
CS/2028


LE CONSEIL LANCE LE PROCESSUS DE CREATION D’UN TRIBUNAL SPECIAL POUR CONNAITRE DES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT HUMANITAIRE COMMIS EN SIERRA LEONE

20000814

Profondément préoccupé par le climat d’impunité qui règne en Sierra Leone et conformément au souhait du Gouvernement sierra-léonais, le Conseil de sécurité prie le Secrétaire général de négocier un accord avec ce Gouvernement en vue de la création d’un tribunal spécial indépendant qui, selon le Conseil, contribuerait au processus de réconciliation nationale ainsi qu’au rétablissement et au maintien de la paix. Dans cette résolution 1315 (2000) adoptée, ce matin, à l’unanimité, le Conseil recommande que la compétence ratione materiae du tribunal spécial comprenne les crimes relevant du droit sierra-léonais commis dans le territoire ainsi que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et autres violations graves du droit humanitaire. A ce propos, le Conseil de sécurité rappelle, au préambule de la résolution, que lors de l’adoption de l’Accord de paix de Lomé du 7 juillet 1999, le Représentant spécial du Secrétaire général a assorti sa signature d’une déclaration selon laquelle il était entendu, pour l’ONU, que les dispositions de l’Accord concernant l’amnistie ne s’appliquaient pas “aux crimes internationaux de génocide, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et autres violations graves international humanitaire”. Toujours en matière de compétence ratione materiae, le Conseil recommande que cette compétence s’étende notamment aux dirigeants qui, en commettant ces crimes, ont compromis l’établissement et la mise en oeuvre du processus de paix.

Le Conseil prie donc le Secrétaire général de lui soumettre un rapport d’ici 30 jours sur ses négociations avec le Gouvernement sierra-léonais lequel doit comprendre l’examen de la question de la compétence ratione temporis du tribunal spécial, celle d’une procédure d’appel et celle du choix d’un autre Etat où le tribunal spécial pourrait siéger si, en raison des circonstances, il devrait se réunir ailleurs. Le Secrétaire général est également prié de faire des recommandations sur tous accords supplémentaires que pourrait exiger la fourniture de l’aide internationale, sur le niveau de participation de personnes qualifiées venant des Etats Membres de l’ONU notamment de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et du Commonwealth, sur le montant des contributions volontaires et sur la possibilité de faire bénéficier le tribunal spécial de l’expertise et des conseils des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex- Yougoslavie et le Rwanda.

L’adoption de la résolution intervient après celle de la résolution 1313, le 4 août dernier, dans laquelle le Conseil, en prorogeant jusqu’au 8 septembre, le mandat de la Mission de l’Onu en Sierra Leone (MINUSIL), a exprimé son intention de renforcer ce mandat pour contrecarrer les menaces que les multiples et graves violations de l’Accord de paix de Lomé du Front uni révolutionnaire (RUF) font peser depuis le début du mois de mai sur le climat de tolérance relative instauré par l’Accord.

Projet de résolution

Le Conseil de sécurité,

Profondément préoccupé par les crimes très graves commis sur le territoire de la Sierra Leone contre la population civile et des membres du personnel des Nations Unies et d'autres organisations internationales, ainsi que par le climat d'impunité qui y règne,

Saluant les efforts déployés par le Gouvernement sierra-léonais et la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest pour instaurer une paix durable en Sierra Leone,

Notant que les chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO ont décidé au vingt-troisième sommet de cette organisation, tenu à Abuja les 28 et 29 mai 2000, de dépêcher une mission régionale pour enquêter sur les raisons de la reprise des hostilités,

Notant également les mesures prises par le Gouvernement sierra-léonais pour engager un processus de vérité et de réconciliation nationales, conformément à l'article XXVI de l'Accord de paix de Lomé (S/1999/777), et contribuer par là à la promotion de l'état de droit,

Rappelant que le Représentant spécial du Secrétaire général a assorti sa signature de l'Accord de paix de Lomé d'une déclaration selon laquelle il était entendu, pour l'Organisation des Nations Unies, que les dispositions de l'Accord concernant l'amnistie ne s'appliquaient pas aux crimes internationaux de génocide, aux crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire,

Réaffirmant qu'il importe de respecter le droit international humanitaire et réaffirmant en outre que ceux qui commettent ou autorisent la commission de graves violations du droit international humanitaire en sont responsables et comptables à titre individuel et que la communauté internationale ne ménagera aucun effort pour qu'ils soient jugés conformément aux normes internationales de justice, d'équité et de respect de la légalité,

Reconnaissant que dans la situation particulière de la Sierra Leone, un système judiciaire crédible permettant de poursuivre les responsables des crimes très graves commis dans ce pays mettrait un terme au climat d'impunité et contribuerait au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix,

Prenant note à cet égard de la lettre datée du 12 juin 2000 adressée au Secrétaire général par le Président de la Sierra Leone et de la proposition de cadre qui y est annexée (S/2000/786,annexe),

Sachant que le Gouvernement sierra-léonais souhaite que l'Organisation des Nations Unies l'aide à créer un tribunal fort et crédible qui permettrait de répondre aux objectifs de justice et du rétablissement d'une paix durable,

Prenant note du rapport du Secrétaire général en date du 31 juillet 2000 (S/2000/751) et, en particulier, prenant acte avec satisfaction des mesures déjà prises par le Secrétaire général pour répondre à la demande du Gouvernement sierra-léonais de l'aider à établir un tribunal spécial,

Notant aussi que la situation en matière de sécurité compromet l'administration de la justice en Sierra Leone et qu'une coopération internationale est nécessaire d'urgence pour aider au renforcement du système judiciaire de ce pays,

Sachant la contribution importante que peuvent apporter à cet effort des personnes qualifiées venant des États d'Afrique de l'Ouest, du Commonwealth, d'autres États Membres de l'Organisation des Nations Unies et d'instances internationales, afin d'accélérer la marche vers la justice et la réconciliation en Sierra Leone et dans la région,

Réaffirmant que la situation en Sierra Leone constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales,

1. Prie le Secrétaire général de négocier un accord avec le Gouvernement sierra-léonais en vue de créer un tribunal spécial indépendant conformément à la présente résolution et se dit prêt à prendre rapidement les mesures voulues dès qu'il aura reçu et examiné le rapport du Secrétaire général visé au paragraphe 6;

2. Recommande que la compétence ratione materiae du tribunal spécial comprenne notamment les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire, ainsi que les crimes relevant du droit sierra-léonais commis dans le territoire de la Sierra Leone;

a) Recommande en outre que le tribunal spécial ait compétence ratione personae pour juger ceux qui portent la responsabilité la plus lourde des crimes visés au paragraphe 2, notamment les dirigeants qui, en commettant ces crimes, ont compromis l'établissement et la mise en oeuvre du processus de paix en Sierra Leone;

b) Insiste sur l'importance de l'impartialité, de l'indépendance et de la crédibilité du processus, en particulier s'agissant du statut des juges et des procureurs;

c) Prie à cet égard le Secrétaire général d'envoyer, le cas échéant, une équipe d'experts en Sierra Leone pour établir le rapport visé au paragraphe 6;

d) Prie le Secrétaire général de soumettre, dans un délai de 30 jours à compter de la date de la présente résolution, un rapport au Conseil de sécurité sur l'application de la présente résolution, en particulier sur ses consultations et négociations avec le Gouvernement sierra-léonais concernant la création du tribunal spécial, en y faisant figurer des recommandations;

e) Prie le Secrétaire général d'examiner dans son rapport la question de la compétence rationae temporis du tribunal spécial et celle d'une procédure d'appel appropriée, notamment l'opportunité, la faisabilité et le caractère opportun de la création d'une chambre d'appel du tribunal spécial ou du partage de la chambre d'appel des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda ou d'autres options effectives, ainsi que la question du choix d'un autre État où le tribunal spécial pourrait siéger si, en raison des circonstances, il devait se réunir ailleurs qu'en Sierra Leone;

f) Prie le Secrétaire général de faire des recommandations sur les points suivants :

1. Tous accords supplémentaires que pourrait exiger la fourniture de l'aide internationale indispensable pour assurer la création et le fonctionnement du tribunal spécial;

2. Le niveau de participation de personnes qualifiées venant des États Membres de l'Organisation des Nations Unies, notamment des États membres de la CEDEAO ou du Commonwealth, et de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone, qui sera nécessaire au fonctionnement efficace, indépendant et impartial du tribunal spécial, ainsi que le concours et l'assistance technique qu'elles devront prêter à cette initiative;

3. Le montant des contributions volontaires, s'il y a lieu, les fonds, le matériel et les services, notamment les services d'experts, que les États, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales pourront être appelés à fournir au tribunal spécial;

4. La possibilité de faire bénéficier le tribunal spécial, si cela s'avère nécessaire et possible, de l'expertise et des conseils des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda;

a) Décide de demeurer activement saisi de la question.

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