En cours au Siège de l'ONU

DH/G/1338

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-NEUVIEME SESSION

28 juillet 2000


Communiqué de Presse
DH/G/1338


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-NEUVIEME SESSION

20000728

Il adopte ses observations et recommandations sur

les rapports de l'Irlande, du Kirghizistan, du Koweït et de l'Australie

Genève, 28 juillet -- Le Comité des droits de l'homme a achevé, ce matin, les travaux de sa soixante-neuvième session, au cours de laquelle il a examiné les rapports de l'Irlande, du Kirghizistan, du Koweït et de l'Australie. Les observations finales et recommandations du Comité à l'intention de ces pays ont été rendues publiques ce matin.

S'agissant de l'Irlande, le Comité souligne notamment que la possibilité de saisir la justice en cas d'acte illicite de la part de la police ne supprime pas la nécessité de procéder à des enquêtes indépendantes et transparentes en cas de plaintes pour abus de pouvoir. À cet égard, il suggère à l'Irlande la création d'une charge de médiateur de la police. Le Comité recommande en outre à l'Irlande de prendre des mesures en vue de mettre fin à la compétence du tribunal pénal d'exception et de veiller à ce que toutes les procédures pénales soient conformes au Pacte. Par ailleurs, le Comité est inquiet de voir que les conditions dans lesquelles les femmes peuvent avorter légalement sont très limitées.

Pour ce qui concerne le Kirghizistan, le Comité est gravement préoccupé par les cas de torture, de traitements inhumains et d'abus de pouvoir qui sont imputables aux responsables de l'application des lois. Le Kirghizistan devrait modifier le code pénal de façon que les actes de tortures soient considérés comme des infractions majeures. Le Comité invite le Kirghizistan à proroger indéfiniment le moratoire sur la peine capitale. Il note par ailleurs qu'en dépit des dispositions constitutionnelles qui stipulent l'égalité entre les femmes et les hommes, la condition des femmes n'a cessé de se détériorer dans les secteurs publics et privés.

S'agissant du Koweït, le Comité recommande l'adoption de mesures permettant d'assurer une égalité, de droit et de fait, entre les hommes et les femmes, s'agissant notamment du droit de vote et du droit d'être élu. Le Comité invite par ailleurs le Koweït à retirer ses déclarations interprétatives visant les dispositions du Pacte relatives à la non-discrimination et à l'égalité entre hommes et femmes, contraires à l'objet du Pacte. Il lui recommande en outre de limiter l'application de la peine de mort aux crimes les plus graves.

En ce qui concerne le rapport de l'Australie, le Comité note que le droit à l'autodétermination doit signifier l'octroi aux habitants autochtones d'un plus grand pouvoir de décision en ce qui concerne leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles. Il recommande à l'Australie de prendre les mesures nécessaires pour rendre un tel droit effectif. Le Comité considère que la législation relative au système de condamnation obligatoire soulève de graves questions quant à sa conformité avec divers articles du Pacte. Aussi, le Comité prie-t-il instamment l'Australie de revoir sa législation en la matière.

La prochaine session du Comité des droits de l'homme se tiendra à Genève du 16 octobre au 3 novembre 2000. Au cours de cette session, le Comité a prévu d'examiner les rapports du Danemark, du Gabon, de la Trinité-et-Tobago, du Pérou, de l'Argentine et de l'Ouzbékistan.

Observations finales du Comité sur les rapports examinés au cours de la session

Le Comité des droits de l'homme a adopté ses observations finales et recommandations sur les rapports de l'Irlande, du Kirghizistan, du Koweït et de l'Australie, examinés au cours de la présente session.

Le Comité se félicite de la volonté du Gouvernement de l'Irlande d'intégrer les organisations non gouvernementales à son oeuvre de promotion des droits de l'homme. Il se félicite de ce que l'État d'urgence déclaré en 1976, ait été levé en 1995. Il se félicite par ailleurs des mesures prises par le Gouvernement irlandais face au problème de discrimination à l'encontre des personnes handicapées, des femmes et des gens du voyage. Le Comité se réjouit de la promulgation de nouvelles lois relatives au divorce, à la liberté de l'information et à l'assistance judiciaire. Le Comité prend note des nombreuses améliorations apportées aux conditions carcérales, mais il recommande de poursuivre ces efforts afin que toutes les prisons et tous les centres de détention répondent aux normes minimales requises pour garantir le respect de la dignité de l'homme des détenus et éviter la surpopulation.

Le Comité souligne que la possibilité de saisir la justice en cas d'acte illicite de la part de la police ne supprime pas la nécessité de procéder à des enquêtes indépendantes et transparentes en cas de plaintes pour abus de pouvoir. À cet égard, il suggère à l'Irlande la création d'une charge de médiateur de la police. Le Comité recommande en outre à l'Irlande de prendre des mesures en vue de mettre fin à la compétence du tribunal pénal d'exception et de veiller à ce que toutes les procédures pénales soient conformes au Pacte. Le Comité est également préoccupé de voir que la loi sur les atteintes à la sûreté de l'État est toujours en vigueur, que la durée de la détention sans chef d'accusation en vertu de cette loi a été prolongée, que les personnes soupçonnées d'être sur le point de commettre une infraction peuvent être appréhendées, et que la majorité des personnes arrêtées ne sont jamais inculpées. Il s'inquiète de ce que, dans les circonstances visées par la loi, le fait de ne pas communiquer les renseignements demandés peut être considéré comme un délit.

Le Comité, tout en relevant les nombreux progrès réalisés en ce qui concerne la participation des femmes à tous les aspects de la vie politique, sociale et économique, invite instamment l'Irlande à tout mettre en oeuvre afin de garantir l'égalité des femmes dans tous les domaines, en particulier dans la vie publique et dans la vie politique, et dans les organes de décision. Le Comité est inquiet de voir que les conditions dans lesquelles les femmes peuvent avorter légalement sont très limitées et ne prévoient pas les cas de grossesse faisant suite à un viol. L'Irlande est instamment invitée à poursuivre ses efforts en vue de prendre des mesures positives visant à mettre fin à la discrimination et à garantir aux gens du voyage l'égalité des droits, et de faire en sorte en particulier qu'ils aient un meilleur accès aux services de santé, d'enseignement et de protection sociale, y compris au logement, et qu'ils participent davantage à la vie politique et à la vie publique. L'Irlande devrait mettre en place résolument des programmes destinés à changer les mentalités et à favoriser une meilleure compréhension entre les gens du voyage et la population sédentaire.

Pour ce qui concerne le Kirghizistan, le Comité se félicite de ce que les dispositions du Pacte soient directement applicables. Il apprécie les efforts récemment déployés pour sensibiliser la population aux normes relatives aux droits de l'homme et se réjouit du rôle croissant de la société civile. Le Comité est toutefois gravement préoccupé par les cas de torture, de traitements inhumains et d'abus de pouvoir qui sont imputables aux responsables de l'application des lois. L'État partie devrait modifier le code pénal de façon que les actes de tortures soient considérés comme des infractions majeures. Il souligne que les plaintes relatives à des actes de torture et autres abus commis par des fonctionnaires doivent pouvoir être examinés par des organes indépendants. Tout en se félicitant qu'un moratoire ait été décrété sur l'exécution de la peine capitale, le Comité invite instamment le Kirghizistan à proroger ce moratoire indéfiniment. Par ailleurs, le Kirghizistan devrait commuer les peines des personnes actuellement condamnées à mort. Le Comité se félicite de l'abolition de la peine de mort concernant les femmes et rappelle que l'État partie devrait assurer l'égalité en abolissant la peine de mort pour tous.

Le Comité note qu'en dépit des dispositions constitutionnelles qui stipulent l'égalité entre les femmes et les hommes, la condition des femmes n'a cessé de se détériorer dans les secteurs publics et privés. Aussi, le Comité invite-t-il le Kirghizistan à sensibiliser la population de façon à améliorer la condition des femmes, en éradiquant tous les comportements traditionnels et les vues stéréotypées qui font que les femmes se voient dénier l'égalité dans le domaine de l'éducation, dans le monde du travail, dans la société et dans la fonction publique. Le Comité est en outre très préoccupé par la violence dont les femmes sont l'objet et par le phénomène croissant de la traite des femmes. Le Kirghizistan devrait adopter des textes de loi interdisant et sanctionnant spécifiquement la violence à l'intérieur du foyer et la traite des femmes. Il doit faire en sorte que les lois qui interdisent la violence contre les femmes et la traite des femmes soient rigoureusement appliquées. Le Comité est en outre préoccupé par les actes d'intimidation et de harcèlement dont sont victimes, de la part des pouvoirs publics notamment, des journalistes et des militants des droits de l'homme. Il est particulièrement préoccupé par les procès en diffamation intentés contre des journalistes qui critiquent le gouvernement. Aussi, demande- t-il au Kirghizistan de libérer, réhabiliter et indemniser les journalistes et les militants soumis à des peines d'emprisonnement en violation du Pacte. Le Comité se déclare en outre préoccupé par le fait que des journaux soient interdits de publication pour fraude fiscale et pour obtenir le paiement d'amendes. La loi, souligne le Comité, devrait définir clairement les tâches et les compétences de l'Agence nationale des communications. Ses décisions devraient pouvoir faire l'objet d'appel devant une autorité judiciaire.

Le Comité salue la franchise avec laquelle le Koweït reconnaît les difficultés qu'il rencontre dans sa mise en oeuvre du Pacte. Tout en se félicitant de l'abondance des textes de lois soumis à son examen, le Comité souligne que la délégation n'a pas suffisamment expliqué comment la population koweïtienne jouit effectivement des droits consacrés par le Pacte. En dépit des informations fournies par la délégation, des incertitudes demeurent quant à la faculté des citoyens koweïtiens d'invoquer les dispositions du Pacte devant les tribunaux, souligne le Comité. Il considère par ailleurs que les déclarations interprétatives visant les articles 2 et 3 du Pacte (non-discrimination et égalité entre hommes et femmes) sont contraires aux obligations qui découlent du Pacte et

il exhorte le Koweït à les retirer. Le Comité exhorte par ailleurs le Koweït à prendre les mesures permettant d'assurer une égalité de droit et de fait, entre les femmes et les hommes et de garantir le respect du principe de non- discrimination. Le Koweït devrait en outre adopter toutes les mesures nécessaires pour accorder aux femmes, sur un pied d'égalité avec les hommes, le droit de vote et celui d'être élu.

Préoccupé par le nombre important d'infractions susceptibles de déclencher l'application de la peine capitale, le Comité recommande au Koweït de limiter l'application d'une telle peine aux crimes les plus graves. Il invite également le Koweït à se pencher sur une éventuelle abolition de la peine de mort. Le Comité ne peut pas accepter la déclaration selon laquelle il n'y aurait pas de minorités au Koweït et souligne que le prochain rapport périodique du Koweït devrait contenir des informations générales concernant les questions relatives aux droits des minorités. Le Comité est profondément préoccupé par la situation des plusieurs milliers de Bidounes résidant au Koweït, qualifiés par la délégation de "résidents illégaux", alors qu'ils sont établis au Koweït depuis des décennies et travaillent, pour certains d'entre eux, au service du Gouvernement koweïtien. Le Comité rappelle au Koweït son obligation de garantir à l'ensemble de la population vivant sur son territoire la jouissance des droits consacrés par le Pacte, sans discrimination. Le Koweït devrait accorder sa nationalité sans discrimination et s'assurer que ceux qui y ont accédé soient traités sur un pied d'égalité avec les autres citoyens koweïtiens, particulièrement s'agissant du droit de vote. Le Comité encourage enfin le Koweït à se doter d'un mécanisme de protection des droits de l'homme effectif et véritablement indépendant.

En ce qui concerne le rapport de l'Australie, le Comité se félicite de l'adoption d'une législation anti-discriminatoire dans toutes les régions placées sous sa juridiction. Il note avec satisfaction que la condition des femmes s'est considérablement améliorée en Australie, en particulier dans la fonction publique et dans le monde du travail. Le Comité note par ailleurs que le droit à l'autodétermination doit signifier l'octroi aux habitants autochtones d'un plus grand pouvoir de décision en ce qui concerne leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles. À cet égard, le Comité recommande à l'Australie de prendre les mesures nécessaires pour rendre ce droit effectif. Le Comité demeure préoccupé par le fait que, dans de nombreuses régions, les droits fonciers et les intérêts des autochtones continuent de soulever des problèmes et que la loi de 1998 portant amendement de la loi sur les titres fonciers autochtones limite, à certains égards, les droits des individus et des communautés autochtones. Le Comité reconnaît que l'Australie a pris des mesures pour faire face aux tragédies engendrées par la politique des époques précédentes qui a consisté à enlever des enfants autochtones à leurs familles. Il lui recommande d'intensifier ces mesures afin que les victimes elles-mêmes et leurs familles estiment avoir reçu une réparation adéquate. Le Comité note par ailleurs avec préoccupation que, étant donné l'absence d'une charte des droits constitutionnels ou d'une disposition de la constitution donnant effet au Pacte, la protection des droits énoncés dans le Pacte demeure lacunaire dans le système juridique australien. Soulignant l'existence de cas où la législation interne n'offre pas de recours utile aux personnes lésées dans les droits que le Pacte leur reconnaît, le Comité suggère à l'État partie de prendre des mesures pour donner effet à tous les droits et libertés énoncés par le Pacte. Le Comité reconnaît que des négociations sont engagées entre le Gouvernement central et les gouvernements des États et

territoires lorsque ces derniers adoptent des lois ou mesures susceptibles de porter atteinte aux droits énoncés dans le Pacte. Il souligne toutefois que ces négociations ne sauraient exonérer l'État partie de son obligation de faire respecter et de garantir ces droits dans toutes les parties de son territoire, sans limitation ni exception aucune. Par ailleurs, le Comité considère que la législation de l'Australie occidentale et du Territoire du Nord sur la détention obligatoire aboutit à imposer des peines sans rapport avec la gravité des délits commis, posant de graves questions quant à sa conformité avec divers articles du Pacte. Aussi, le Comité prie-t-il instamment l'Australie de revoir sa législation sur l'emprisonnement obligatoire afin de garantir que tous les droits énoncés dans le Pacte soient respectés.

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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.