En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7491

LA MEILLEURE SOLUTION POUR LES CONFLITS A LONG TERME RESIDE DANS UN DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE HARMONIEUX ET EQUILIBRE

20 juillet 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7491


LA MEILLEURE SOLUTION POUR LES CONFLITS A LONG TERME RESIDE DANS UN DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE HARMONIEUX ET EQUILIBRE

20000720

Vous trouverez ci-joint le texte de l'allocution prononcée par le Secrétaire général au Conseil de sécurité, à l'ouverture du débat public sur le rôle du Conseil de sécurité dans la prévention des conflits, le 20 juillet 2000 :

Monsieur le Président (Ministre des affaires étrangères de la Jamaïque),

Nous vous savons gré, ainsi qu'à votre admirable Représentante permanente, d'avoir pris l'initiative d'organiser ce deuxième débat public sur la prévention des conflits au Conseil de sécurité.

Cette question suscite un intérêt croissant, et ce à juste titre. Rien qu'au cours de la dernière décennie, 5 millions de personnes ont été tuées dans des guerres - essentiellement des conflits internes - et de grandes souffrances ont infligées à un grand nombre d'autres personnes, des civils pour la plupart. Nous nous efforçons d'alléger les souffrances et de résoudre les conflits. Mais chacun conviendra qu'il vaudrait bien mieux les prévenir.

Nous pouvons faire mieux. Au demeurant, la Charte nous l'impose. Au paragraphe 1 de l'Article premier, les pères fondateurs ont indiqué que l'un des principaux buts de l'Organisation était de « prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix ». Il est grand temps de donner la primauté à la prévention dans toutes nos activités, conformément au voeu qu'ils ont ainsi exprimé.

Mais comment? On s'accorde maintenant à reconnaître que les stratégies de prévention doivent s'attaquer aux causes profondes des conflits et non pas simplement remédier à leurs symptômes violents. Il est aussi largement admis que, comme il n'y a pas deux guerres identiques, aucune stratégie de prévention ne sera efficace en tous lieux. Il n'existe pas de panacée.

La prévention est multidimensionnelle. Il ne s'agit pas seulement de mettre en place des dispositifs tels que l'alerte rapide, la négociation, le désarmement, le déploiement préventif, les sanctions ou d'autres mécanismes similaires, même s'ils peuvent s'avérer nécessaires à un moment ou à un autre. Une prévention efficace doit s'attaquer aux faiblesses structurelles qui favorisent les conflits dans une société.

Une étude récente de l'Université des Nations Unies suggère que les inégalités entre les riches et les pauvres ne suffisent pas à provoquer un conflit violent. Ce qui est explosif, c'est ce que les auteurs de l'étude appellent les inégalités "horizontales": lorsque le pouvoir et les ressources sont inégalement répartis entre des groupes qui se différencient par ailleurs par la race, la religion ou la langue. Les soi-disant conflits "ethniques" se produisent entre groupes qui se distinguent d'une ou plusieurs manières, lorsqu'un d'entre eux a le sentiment d'être discriminé, ou lorsqu'il craint de perdre les privilèges dont il jouit.

C'est pourquoi de plus en plus souvent, nous constatons que la démocratie, les droits de l'homme, la bonne gouvernance, la justice et la primauté du droit ne sont pas des récompenses que l'on peut revendiquer au terme du processus de développement mais des ingrédients essentiels du développement lui-même. Et si nous considérons que la pauvreté n'est pas en soi un facteur suffisant pour expliquer les conflits, nous pensons aussi que ce n'est pas un hasard si la plupart des guerres interviennent de nos jours entre des populations pauvres. Le désespoir est un terrain fertile pour les conflits, en particulier lorsqu'il est irrigué par un gouvernement non démocratique et des violations des droits de l'homme.

Comme je l'ai dit précédemment, la meilleure solution pour prévenir les conflits à long terme réside dans un développement économique harmonieux et équilibré. Et comme la paix et le développement constituent les deux grands volets de la mission confiée à l'Organisation des Nations Unies, cette dernière a un rôle particulier à jouer à cet égard.

Depuis mon entrée en fonctions, je me suis appliqué de diverses manières à adapter l'Organisation pour lui permettre d'assumer ce rôle :

• Le Département des affaires politiques, à qui j'ai confié le soin de coordonner les activités relatives à la prévention des conflits au sein du système des Nations Unies, a créé une équipe de prévention qui se réunit régulièrement pour déterminer dans quelles circonstances une action préventive de l'ONU pourrait être utile. D'autres départements et institutions des Nations Unies ont pris des mesures analogues pour renforcer leurs capacités en matière de prévention.

• J'ai établi un cadre de coordination afin d'améliorer les liens entre les départements et les institutions.

• Nous collaborons plus étroitement avec les organisations régionales.

• Plus de 400 fonctionnaires, sélectionnés dans l'ensemble du système, ont suivi un nouveau cours de formation sur la prévention et l'alerte rapide, organisé par l'École des cadres des Nations Unies de Turin.

• J'ai l'intention de continuer à renforcer les capacités du Secrétariat en matière de collecte et d'analyse des données, et j'attends avec impatience un échange de vues systématique avec les membres du Conseil sur la façon de procéder à cet égard.

• Et naturellement, toutes nos activités de consolidation de la paix après un conflit relèvent de la prévention puisqu'elles visent à empêcher la résurgence des conflits. Cette forme de prévention peut soulever les plus grandes difficultés car un conflit produit invariablement un héritage de torts non redressés, de doléances non satisfaites et d'ambitions non réalisées.

Mais j'ai le plaisir de constater que le Secrétariat n'est pas seul à s'intéresser de plus près à la prévention. Le Conseil joue également son rôle. Un exemple récent et frappant à cet égard est la décision que vous avez prise d'interdire toutes les importations directes ou indirectes de diamants non homologués en provenance de la Sierra Leone. Une interdiction analogue avait déjà été imposée pour les diamants provenant de la région contrôlée par l'UNITA en Angola, à la suite de l'enquête sans précédent menée par l'Ambassadeur Fowler. Vous m'avez également demandé de créer un groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo. Ce groupe est en train d'être mis en place et j'espère qu'avec son aide, vous pourrez prendre bientôt des mesures pour limiter l'exploitation illégale des richesses de ce pays, comme vous l'avez fait en Angola et en Sierra Leone.

J'espère également que les interdictions frappant le commerce des diamants seront désormais plus scrupuleusement respectées et que les marchands réagiront en assainissant leurs activités. L'appât du gain est peut-être une des forces motrices qui sous-tendent certains conflits armés à l'heure actuelle, mais nous ne sommes pas impuissants face à ce phénomène.

Dans la déclaration que j'avais prononcée lors de la première séance publique consacrée à la prévention, j'avais suggéré un certain nombre de mesures que le Conseil pourrait prendre. J'avais notamment proposé de recourir plus fréquemment à des missions d'établissement des faits, d'encourager les États à porter les conflits potentiels à l'attention du Conseil, et de créer un groupe de travail officieux ou un organe subsidiaire qui serait chargé d'étudier les mécanismes d'alerte rapide et de prévention.

Permettez-moi de faire à présent quelques suggestions supplémentaires. Je crois que l'expérience de ces dernières années a montré que certaines des dispositions de la Charte relatives à la prévention n'ont pas été pleinement exploitées :

• Le Conseil pourrait tenir des réunions périodiques au niveau des ministres des affaires étrangères, comme il est prévu à l'Article 28, pour examiner des questions générales ou concrètes liées à la prévention.

• Il pourrait aussi collaborer plus étroitement avec les autres organes principaux de l'Organisation des Nations Unies. Par exemple, les questions relatives à la prévention pourraient être inscrites à l'ordre du jour de la réunion mensuelle des Présidents du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale. Le Conseil pourrait obtenir des informations utiles et d'autres formes d'assistance auprès du Conseil économique et social, comme il est indiqué à l'Article 65. Et en vertu de l'Article 96, le Conseil peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique. Ne pourriez-vous pas tirer davantage parti des possibilités offertes par la Cour et soumettre à un arbitrage pacifique les différends qui risquent de dégénérer en conflit armé?

• Dans le même esprit, le Conseil pourrait examiner les moyens de développer l'interaction avec les acteurs non étatiques qui ont des compétences particulières dans le domaine de la prévention ou sont susceptibles d'apporter une contribution significative à cet égard. La prévention ne saurait être assurée exclusivement par les États. La société civile, y compris le secteur des entreprises, a un rôle vital à jouer dans la neutralisation ou la prévention des conflits, comme nous l'avons constaté en Afrique du Sud dans les années 80, pour ne citer qu'un exemple.

Je crois que le moment est venu de revoir toutes ces propositions, ainsi que celles avancées par les membres du Conseil au cours de ce débat et des débats précédents. Accordons-nous sur les idées les plus réalistes et ensuite agissons. On ne manque pas d'idées pour mettre un terme aux souffrances humaines, aux massacres et aux actes de destruction aveugles comme ceux qui ont défiguré le XXe siècle. Mais il y a encore un manque de volonté politique inquiétant au niveau des gouvernements qui conservent entre leurs mains la plupart des outils de prévention mais ne sont guère disposés à affirmer leur autorité politique lorsque la situation l'exige ou à engager les ressources nécessaires.

Permettez-moi de remercier les gouvernements qui ont versé des contributions généreuses au Fonds d'affectation spéciale pour l'action préventive. Ils ne sont malheureusement que sept et leurs contributions s'élèvent au total à 7,4 millions de dollars pour une période de trois ans.

Effectivement, la prévention a un prix. Mais les interventions, les secours et la reconstruction des sociétés et des existences brisées coûtent bien davantage.

Après les déclarations d'intention, nous devons donner une véritable impulsion au niveau politique. Les dirigeants doivent reconnaître la nécessité d'une action préventive, parfois même avant l'apparition des signes d'une crise. Ils devront faire admettre à leur opinion publique qu'une politique de prévention est nécessaire, même si les coûts qu'elle entraîne doivent être supportés aujourd'hui et s'il faut attendre des mois, voire des années, pour en recueillir les fruits, de surcroît sous une forme non tangible. Car en effet, comment évaluer, ou même identifier, un conflit qui ne se produit pas?

Les dirigeants devront également reconnaître - et je crois qu'ils en sont de plus en plus conscients - que la communauté internationale peut jouer un rôle constructif dans les situations internes et que cela peut contribuer à renforcer la souveraineté au lieu de l'affaiblir. Les États devront accorder aux institutions qui oeuvrent dans le domaine de la prévention - en allant de l'Organisation des Nations Unies aux conseils chargés de gérer les relations entre les communautés à l'échelon local - le soutien dont elles ont cruellement besoin. Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Nous devons faire de la prévention des conflits la pierre angulaire de la sécurité collective au XXIe siècle. Ce n'est pas en faisant des gestes grandiloquents ou en menant une réflexion à court terme que l'on y parviendra. Cela suppose que nous modifions des attitudes profondément enracinées.

Je suis convaincu que vous aurez un débat fructueux sur cette question extrêmement urgente, car le Conseil a un rôle essentiel à jouer.

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