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SG/SM/7479

L'AVENIR DE L'HUMANITE EST INDISSOCIABLE DE CELUI DES VILLES : IL REPOSE SUR UNE GESTION URBAINE AVISEE

5 juillet 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7479


L’AVENIR DE L’HUMANITE EST INDISSOCIABLE DE CELUI DES VILLES : IL REPOSE SUR UNE GESTION URBAINE AVISEE

20000705

On trouvera ci-après le texte de l’allocution que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a prononcée, le 4 juillet à Berlin, à l’ouverture de la Conférence mondiale sur l’avenir des villes :

Permettez-moi tout d’abord de vous dire à quel point je suis heureux d’être parmi vous à Berlin. Nulle ville ne paraît plus indiquée pour servir de cadre à une réflexion sur la situation des zones urbaines dans le monde.

L’histoire de Berlin en fait une ville de premier plan non seulement pour la qualité de vie mais aussi pour la qualité de ses institutions publiques. Aujourd’hui, Berlin offre au monde une image extrêmement diverse et dynamique. Le Chancelier Schroeder, et les autorités fédérales et locales qui nous accueillent et nous permettent de réfléchir sur l’avenir de nos villes, méritent toute notre gratitude.

Je tiens également à remercier tous les partenaires de l’Allemagne au sein de l’Initiative mondiale sur le développement durable – l’Afrique du Sud, le Brésil et Singapour – de même que tous ceux dont le dynamisme et la détermination ont rendu possible la tenue de cette conférence.

Hier encore, j’étais à Hanovre, autre ville allemande qui met l’avenir à l’honneur. J’ai trouvé l’Exposition universelle 2000 à la fois motivante et inquiétante. Motivante, car les avancées scientifiques et technologiques qui y sont exposées permettent d’espérer une amélioration sensible de la condition humaine. Inquiétante aussi, car certaines parties de l’exposition, par exemple le pavillon consacré à la pauvreté et aux besoins fondamentaux, montrent bien que les progrès technologiques et scientifiques sont loin d’être suffisants. Il nous faut aussi modifier en profondeur notre comportement et nos relations, et repenser la façon dont nous percevons autrui et dont nous cohabitons dans un monde interdépendant.

Nous sommes de plus en plus nombreux à vivre en ville. Déjà, près de la moitié de la population mondiale est citadine et, dans 25 ans à peine, les deux tiers d’entre nous vivrons en ville. La quasi-totalité de cette augmentation rapide se fera dans les pays en développement. Nous venons d’entrer dans le millénaire des villes.

Dans des conditions idéales, les villes sont des moteurs de croissance et des foyers de civilisation. Elles sont des carrefours d’idées et des lieux d’innovation et d’échanges intellectuels. Elles peuvent aussi être des modèles de démocratie et de coexistence multiculturelle. Beaucoup d’entre nous ont la chance d’avoir choisi de vivre en ville et de ne pas y être venus par hasard.

Toutefois, les villes peuvent aussi être synonymes d’exploitation, de maladie, de criminalité, de chômage, de sous-emploi et de pauvreté extrême. La plupart des pauvres des villes ne peuvent se loger que dans des taudis ou dans des quartiers insalubres qui n'offrent aucune condition de sécurité. Ils ne bénéficient pas des services municipaux de base, comme l’approvisionnement en eau ou l’assainissement. En général, ils vivent loin des écoles et des hôpitaux, et ne disposent d'aucun lieu de rencontre et d’aucun terrain de jeu sûr pour leurs enfants.

La ville, c’est aussi la drogue, la pollution et la peur; les tensions entre nouveaux venus et résidents de longue date; les divisions entre classes sociales, races ou groupes ethniques, voire les trois à la fois. C’est aussi la marginalisation et l’exclusion. Et comme toujours, les plus vulnérables sont les femmes et les enfants.

Le plus dramatique est que si l’âge moyen des citadins augmente, celui des habitants des bidonvilles diminue. Cela veut dire que ce sont les jeunes et les enfants qui souffrent le plus.

Si telle est la réalité des villes aujourd’hui, comment s’étonner qu’un des thèmes de prédilection de la littérature contemporaine et du cinéma soit la folle dérive de la vie citadine? D’aucuns prétendent qu’il ne s’agit que de fiction. Pour ma part, je vois dans ces livres et dans ces films une mise en garde.

Quoi qu’il en soit, face à cette réalité, le message est simple : nous devons redoubler d’efforts pour rendre nos villes plus sûres et plus vivables pour tous.

L’Organisation des Nations Unies a à coeur d’aider les plus pauvres et les plus faibles d'entre nous. C’est pourquoi, en décembre dernier, elle a lancé avec la Banque mondiale l’initiative « Villes sans taudis ». Cette initiative, parrainée par l’ancien Président Mandela, vise à améliorer d’ici à 2020 les conditions de vie de 100 millions de personnes vivant dans des bidonvilles grâce à une alliance mondiale des villes et de leurs partenaires de développement.

Sur le plan matériel, les grands ensembles surpeuplés ou les bidonvilles gigantesques sont des lieux de misère et de dénuement, mais ces villes dans la ville débordent aussi d'énergie créatrice et d'ingéniosité. Si l’on mettait à profit ce dynamisme, on pourrait non seulement améliorer la vie dans les bidonvilles mais aussi celle de l’ensemble de la société. C’est pourquoi les organisations non gouvernementales ont un rôle essentiel à jouer dans les grandes villes. Elles ne peuvent cependant se charger toutes seules d’une telle mission. En fin de compte, les problèmes des zones urbaines ne peuvent être réglés que par des autorités locales fortes et efficaces. C’est par leur intermédiaire que l’État

est amené à répondre aux besoins et aux aspirations des citadins et c’est sur leur action que l’on juge le plus souvent le rôle de l’État. C’est à elles que s’adressent les citoyens pour trouver protection, pour obtenir des services sociaux et pour se faire représenter auprès de leur gouvernement, voire du monde entier.

Pour répondre à ces attentes, les autorités locales doivent disposer d’un réel pouvoir. Les villes ne doivent plus être gérées comme des annexes administratives du gouvernement central ni être privées de responsabilités et de ressources.

De plus en plus de pays en prennent aujourd’hui conscience : décentraliser ne veut pas dire pas renforcer les collectivités territoriales aux dépens du pouvoir central. Un État qui traite les autorités locales comme des partenaires et permet que les affaires publiques soient gérées par ceux qui sont les plus proches des citoyens n’en est que plus fort, et non l’inverse. Les villes mal gérées ralentissent inévitablement le développement national; à l’inverse, une démocratie locale vigoureuse peut être un facteur de prospérité pour le pays tout entier, au sein de la nouvelle économie mondiale.

Voilà pourquoi les Nations Unies se félicitent de l’évolution actuelle vers la décentralisation et souhaitent que les autorités locales jouent un rôle plus important à l’échelle internationale. C’est précisément le souci d’améliorer les relations avec les communautés locales qui a incité le Directeur exécutif du Centre des Nations Unies pour les établissements humains - Habitat - à mettre sur pied un comité consultatif d’autorités locales. Son rôle est de compléter l’action des parlementaires au sein du système international. Cette action est d'autant plus cruciale que ces parlementaires sont aussi des représentants locaux dans la plupart des pays.

Les questions mondiales et locales sont de plus en plus interdépendantes. À vrai dire, ce sont bien souvent les mêmes. Les villes sont aujourd’hui amenées à gérer des problèmes et des questions qui relevaient autrefois exclusivement des gouvernements nationaux. Nombre de villes ont une population supérieure à celle de beaucoup de pays, et leur économie pèse elle-même davantage. Les maires des capitales élus au suffrage direct comptent souvent parmi les hommes politiques les plus influents d’un pays. De plus en plus, les marchés, les communications, et la circulation des biens, des capitaux et des personnes prennent une dimension mondiale. Mais la politique demeure l’apanage de l’échelon local. Les autorités locales peuvent contribuer à relier ces deux sphères.

Nous devons traduire dans les faits les engagements ambitieux du Programme pour l’habitat, adopté il y a quatre ans lors du Sommet ville et cité à Istanbul – qui a été, faut-il s’en étonner, la première des grandes conférences des Nations Unies des années 90 à admettre les autorités locales, les ONG et d’autres groupes, non pas en tant qu’observateurs, mais au titre de participants de plein droit. On ne saurait toutefois envisager le Programme pour l’habitat indépendamment des travaux des conférences précédentes. Car en vérité, un des grands mérites de cette série de conférences aura été de souligner les liens entre les diverses questions dont elles ont traité.

Le message principal du Sommet social de Copenhague, en 1995, dont nous avons évalué l'impact la semaine dernière à Genève, me paraît tout à fait pertinent dans le cadre de la conférence qui s’ouvre aujourd’hui. Ce message était le suivant : le bien-être social et le bien-être économique ne sont pas des concepts distincts. Ce qui importe – dans les pays riches comme dans les pays pauvres, dans les grandes métropoles comme dans les villes moyennes et les villages –, ce ne sont pas seulement les repères quantitatifs, mais la qualité de la vie. Une société saine est une société qui prend soin de tous ses membres, investit en chacun d’eux, et leur donne voix au chapitre dans les décisions qui influent sur leur vie.

Mes amis, si nous tirons parti de l’expérience et de la sagesse acquises tout au long de ce cycle de conférences, je pense que le chemin à suivre nous apparaîtra clairement. Nous disposons des ressources nécessaires – ou plutôt ce serait le cas si elles n’étaient pas immobilisées par l'achat d'armements ou l'octroi de subventions inutiles, sacrifiées à la corruption ou dilapidées au gré d’une mauvaise gestion. Non, ce qui fait véritablement défaut, comme à l’accoutumée, c’est la volonté politique.

Dans deux mois, le Sommet du millénaire qui aura lieu à New York, offrira aux chefs d’État et de gouvernement du monde entier l’occasion de capter l’attention de l'opinion publique mondiale et de l'inspirer par une direction éclairée. Gardons-nous de réduire ce sommet aux seuls discours, surtout s’ils ne font que réitérer des positions et des griefs bien connus, car l’humanité n’y gagnerait rien. Nous devons agir ensemble. Nous devons nous mettre d’accord sur un ordre du jour commun – un programme pragmatique, réaliste, propre à faire de la mondialisation une force positive pour tous les peuples du monde; une force qui les libère de la peur et du besoin; une force qui nous permette de léguer un avenir viable à nos enfants, et aux enfants de nos enfants.

J’ai tenté d’y contribuer en esquissant, dans le Rapport du millénaire, les contours d’une vision commune pour l’humanité au XXIe siècle. Les villes y occupent une position de choix, mais la première place revient à tous ceux, hommes, femmes et enfants, que les Nations Unies, et nous tous ici, nous employons à servir.

L’avenir de l’humanité est indissociable de celui des villes. Il repose sur une gestion urbaine avisée, pour un développement urbain durable. Nous devons faire en sorte que la révolution urbaine profite aux populations, non qu’elle les desserve. Je sais que c'est aussi votre ambition. Je vous souhaite donc tout le succès possible pour vos délibérations, et je me réjouis à la perspective de collaborer avec vous à l’avenir.

Je vous remercie.

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