TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DONNEE PAR LE SECRETAIRE GENERAL ET D'AUTRES PERSONNALITES SUR LE RAPPORT INTITULE ½UN MONDE MEILLEUR POUR TOUSE
Communiqué de Presse
SG/SM/7466
TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DONNEE PAR LE SECRETAIRE GENERAL ET D'AUTRES PERSONNALITES SUR LE RAPPORT INTITULE «UN MONDE MEILLEUR POUR TOUS»
20000628On trouvera ci-après une transcription de la Conférence de presse donnée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan et d'autres personnalités au Palais des Nations le lundi 26 juin pour présenter le rapport intitulé « Un monde meilleur pour tous » qui a été établi conjointement par l'Organisation des Nations Unies, l'Organisation de coopération et de développement économiques, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
À M. Annan s'étaient joints M. Mark Malloch-Brown, Administrateur du PNUD; M. Vito Tanzi, Directeur au FMI; M. Ian Johnson, Vice-Président de la Banque mondiale chargé du réseau du développement écologiquement et socialement durable; M. Namanga Ngongi, Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial; M. Brian Hammond, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE); Mme Nafis Sadik, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et M. Kul Gautam, Directeur général adjoint du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
Le Secrétaire général : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureux de voir que vous êtes venus nombreux assister, en ce premier jour de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée au développement social, à la présentation de cet important rapport qui vient à point nommé.
Au cours des années 90, plusieurs conférences mondiales organisées dans le cadre des Nations Unies ont fixé les grands objectifs à atteindre en matière de développement économique et social. Tous les pays, aussi bien les pays développés que les pays en développement, ont souscrit à ce programme souvent au niveau politique le plus élevé. Depuis, la question est posée de savoir s'il a été donné effet au niveau mondial à ces engagements. Qu'est-ce qui a fonctionné? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné et pourquoi? Que pouvons-nous améliorer?
Le présent rapport apporte quelques réponses. Il est le fruit d'une collaboration sans précédent entre quatre grandes organisations multilatérales et il répond à une demande précise des pays du G-8 qui en avaient réclamé l'élaboration pour aider à suivre les progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté à l'échelle mondiale et pour les guider dans leur partenariat avec les pays en développement.
Le rapport qui reflète une position commune fait le point de la situation et indique la marche à suivre pour mesurer les progrès accomplis en vue de bannir de notre monde l'extrême pauvreté et d'atteindre les objectifs fixés par les conférences mondiales de la décennie écoulée.
Nous présentons le rapport aujourd'hui - à Genève et à Paris - car les questions dont il traite sont celles-là mêmes qui vont être examinées au cours de la session extraordinaire « Copenhague plus cinq » qui débute aujourd'hui. Nous espérons que les deux événements créeront une synergie et serviront de tremplin pour l'adoption de mesures.
Le rapport contient trois principaux messages :
Premièrement, des progrès considérables sont faits actuellement pour atteindre chacun des sept objectifs de développement international énoncés dans le rapport. Ces dernières décennies, l'espérance de vie a beaucoup progressé dans la plupart des pays cependant que la mortalité infantile et maternelle reculait très nettement. De plus en plus d'enfants, en particulier de filles, ont accès à l'éducation, mais les progrès ont été inégaux. Certains pays et régions avancent à grands pas alors que d'autres n'enregistrent guère d'amélioration et que quelques-uns ne progressent pas du tout, voire régressent.
Deuxièmement, les objectifs peuvent être atteints. Il ne s'agit pas d'objectifs utopiques. Ils sont ambitieux mais réalisables. Pour les atteindre, nous devrons travailler dur. Dans chaque région du monde, il y a quelques pays qui ont fait des progrès rapides, montrant aux autres ce qui peut être fait.
Cela m'amène au troisième message du rapport, à savoir que si nous voulons réussir, les pays développés et les pays en développement doivent conjuguer leurs efforts comme, jusqu'à présent, ils ne se sont pas montrés prêts à le faire. Les pays développés, en particulier, doivent faire davantage pour ouvrir leurs marchés aux produits provenant des pays en développement et pour accorder à ces derniers un allégement de la dette plus généreux et leur fournir une aide publique au développement plus importante.
La pauvreté est un affront à toute l'humanité. Elle aggrave en outre beaucoup d'autres problèmes. Les pays pauvres courent beaucoup plus de risques de se trouver mêlés à des conflits. C'est dans les pays pauvres que se concentrent les effets les plus graves du VIH, du sida et d'autres maladies. Et ce sont les pays pauvres - en particulier les moins développés et ceux qui se trouvent en Afrique subsaharienne - qui sont le plus souvent dépourvus des capacités et des ressources nécessaires pour protéger l'environnement.
Dans un monde interdépendant, il s'agit là d'une question qui devrait nous concerner tous. C'est pourquoi l'ONU, la Banque mondiale, le FMI et l'OCDE ont uni leurs forces. Nous croyons que nous pouvons faire de notre monde un monde meilleur. Nous croyons que nous pouvons mettre le nouveau grand marché mondial à la portée des pauvres. Nous croyons que la mondialisation peut être une force positive pour tous les habitants de la planète.
Ce message est aussi au cur de mon propre rapport 'Nous, les peuples' que j'ai soumis aux États Membres pour préparer le Sommet du Millénaire en septembre. Ce rapport porte lui aussi sur la pauvreté mais également sur les conflits et l'environnement. Il vise à aider les dirigeants mondiaux à arriver à New York prêts à prendre des engagements concrets, vis-à-vis de leurs peuples et de l'Organisation des Nations Unies.
Merci beaucoup. Mes collègues seront heureux de répondre à vos questions. Ce n'est pas parce que je crains vos questions mais je serai bientôt dans l'obligation de vous quitter. Mme Nafis Sadik insiste pour que je prenne une question. Je prendrai donc une question. Vous avez un bon avocat.
Question : Monsieur le Secrétaire général, les organisations non gouvernementales ont donné un surnom à ce rapport. Elles ne l'appellent pas « Un monde meilleur pour tous » mais « Un Bretton Woods pour tous » et la critique qu'elles émettent est que les recettes sont trop à sens unique et que les exigences formulées visent uniquement les pays du Sud. Que répondez-vous à cette critique? Et deuxièmement, pourquoi ce rapport ne reprend-il pas l'ancien objectif de l'ONU qui était que les pays industriels consacrent au moins 0,7% de leur budget national brut à l'aide au développement?
Le Secrétaire général : Je voudrais d'abord dire que cet objectif de 0,7% tient toujours. Il est regrettable que très peu de pays l'aient atteint et c'est un point sur lequel je reviens souvent dans mes propres déclarations. Nous ne nous sommes donc pas écartés de cet objectif. Ce chiffre figure bel et bien dans le rapport, et mes collègues me disent qu'il est à la page 23. Mais permettez-moi de dire que je pense qu'il n'est pas juste d'associer ce rapport à Bretton Woods et de le surnommer 'Bretton Woods pour tous'. Hier, j'ai eu l'occasion de prendre la parole au Forum des ONG et j'ai fait observer que nous devons tous travailler ensemble. C'est ce que j'ai dit à la tribune de l'Assemblée générale le jour où j'ai pris mes fonctions. J'ai fait observer qu'en tant que Secrétaire général, je voulais travailler en collaboration avec tout le monde, et j'ai insisté sur le fait que, seule, l'Organisation des Nations Unies ne pouvait pas faire grand-chose ou ne pouvait rien faire et que nous devions nous efforcer de dialoguer et de travailler en partenariat avec les ONG, avec le secteur privé, avec la société civile en général, les fondations et les universités et d'établir des liens avec toutes les organisations internationales pour que notre action ait davantage d'impact et une plus grande portée. Les ONG constituent une composante tout à fait essentielle de ce partenariat de même que les institutions de Bretton Woods et le secteur privé et je pense que nous devrions prendre soin de ne pas toujours semer la discorde mais de trouver des moyens de mettre nos forces en commun car c'est en unissant nos efforts que nous pourrons véritablement agir sur les problèmes que nous traitons. Je ne m'attendais pas à ce que tout le monde soit d'accord avec tout ce qui est dit dans le rapport comme moi-même je ne suis pas d'accord avec tout ce qui figure dans les nombreux rapports que je lis mais je pense que l'orientation générale est la bonne. Je pense qu'il s'agit d'un slogan astucieux mais je ne crois pas qu'il constitue véritablement une bonne analyse du rapport. Merci beaucoup.
M. Mark Malloch-Brown, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement : Je voudrais simplement, avec votre permission, ajouter quelques mots, après quoi chacun de mes collègues interviendra très rapidement et l'on pourra ensuite passer aux questions. Je pense que la première bonne nouvelle concernant ce rapport c'est que maintenant vous avez tous les éléments car il est extrêmement important qu'à l'occasion de ce sommet, qui a pour but d'améliorer le développement social dans le monde avec ce que cela implique de tensions, d'arbitrages à opérer et de luttes à mener, ces questions soient posées d'une manière qui provoque le débat et permette la confrontation des points de vue. Il existe en effet des divergences d'opinions entre la société civile et les organisations internationales et entre les organisations internationales et cela fait partie du débat que l'on est fondé à avoir pour renforcer l'engagement en faveur du développement social.
Je voudrais simplement dire, cependant, qu'à l'origine de ce rapport, il y a une demande du G-8 qui avait émis le vu de disposer chaque année d'un outil pour évaluer, lors de ses réunions, les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs de développement. Notre but est de produire un rapport qui garantira que les questions touchant le développement et les échecs constatés dans ce domaine seront abordées chaque année au sommet du G-8, ce qui n'est pas rien, car toutes ces dernières années, le développement a rarement figuré à l'ordre du jour du G-7. Il s'agit de s'efforcer de préparer chaque année une analyse comparative et de la présenter tous les ans aux membres du groupe à leur demande - ce qui constitue la bonne nouvelle - et quand on voit le faible niveau de participation de chefs de gouvernement de pays développés à la présente Conférence, on comprend qu'un outil de ce type, de nature à promouvoir l'évaluation comparative, apporte forcément un plus. Deuxièmement, en ce qui concerne le contenu, peut-on dire que, d'une certaine façon, il infléchit les objectifs en privilégiant des actions par les pays du Sud? Tous ces objectifs sont ceux qui ont été approuvés par les conférences des Nations Unies et pour l'un d'entre eux, par le Secrétaire général - je veux dire que six de ces objectifs ont été approuvés par des conférences des Nations Unies et un par le Secrétaire général dans son rapport du Millénaire, à savoir l'objectif visant à réduire la pauvreté liée à la faiblesse des revenus qui, nous l'espérons, sera adopté par l'Assemblée du Millénaire. Ces objectifs sont donc adoptés aussi bien par le Sud que par le Nord et ils s'adressent à un public du Nord, à savoir les membres du G-7, et visent à les contraindre à faire davantage pour appuyer la réduction de la pauvreté dans le Sud. Je ne pense donc pas qu'il s'agisse d'un mauvais objectif et, pour terminer, je voudrais revenir sur les termes employés dans le rapport qui ont suscité le plus de préoccupations, à savoir ceux concernant l'ouverture des marchés.
Comme l'a dit le Secrétaire général, à l'Organisation des Nations Unies, nous sommes des internationalistes, nous croyons en une société mondiale ouverte, une société où les idées, les biens, etc., peuvent circuler à travers les frontières - mais nous croyons que cette société a besoin de règles. Si vous comparez la formulation qui a suscité tant de préoccupations à celle utilisée dans la Déclaration de Copenhague il y a cinq ans, vous verrez que c'est presque la même. Ce rapport est rédigé en termes équilibrés comme l'était la Déclaration de Copenhague et il y est question de protection sociale et d'investissement social et les pauvres ne sont pas oubliés. Je vous demande donc de considérer le document comme un tout. Merci.
Mme Marie Heuzé, Directrice du Service d'information des Nations Unies à Genève : Je vais maintenant vous présenter toutes les personnes se trouvant à cette tribune. Tout d'abord, nous venons d'entendre Mark Malloch-Brown, Administrateur du PNUD à la droite duquel se trouvent : M. Vito Tanzi, Directeur au FMI et M. Ian Johnson, Vice-Président à la Banque mondiale en charge du Réseau pour un développement écologiquement et socialement durable; à sa droite vous voyez M. Namanga Ngongi, Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial. De l'autre côté, en regardant vers la gauche se trouvent M. Brian Hammond de l'OCDE puis Mme Nafis Sadik, Directrice exécutive du FNUAP, prochaine intervenante après M. Malloch-Brown. À mes côtés sont assis Kul Gautam, Directeur général adjoint de l'UNICEF et M. Vladimir Petrovsky, Directeur général de l'Office des Nations Unies à Genève.
Mme Sadik : Je me contenterai d'insister sur quelques points. Les objectifs récapitulés dans ce rapport « que Mark a sans doute déjà cités » ont été adoptés à l'occasion de conférences mondiales et sont donc la résultante d'un consensus international entre tous les pays, en particulier les pays en développement en faveur desquels certains de ces buts ont été convenus. À mon sens ces buts vont dans le sens des intérêts de tous les pays en développement et ce à quoi il faut nous employer c'est trouver le moyen de traduire cet engagement international dans la réalité. En ce qui concerne les questions de population, nous les percevons comme l'un des domaines où les Nations Unies ont sans conteste réalisé des progrès considérables même si bien des choses restent à accomplir.
Tout d'abord, le taux de mortalité maternelle très élevé constitue, malgré les difficultés que présentent sa mesure « signalées dans le rapport », l'une des disparités les plus frappantes entre monde développé et monde en développement. La mortalité maternelle est en effet 600 fois plus élevée dans certains pays africains que dans plusieurs des pays les plus développés et le pire s'agissant de la mortalité maternelle est que 98% des 500 000 à 600 000 décès annuels de femmes imputables à une grossesse se produisent dans les pays en développement et sont évitables. La majorité de ces décès pourrait en effet être évitée en recourant à des moyens très simples et ce qu'il nous faut faire, c'est mettre en pratique ce que nous savons. Il s'agit de mettre en uvre non pas des technologies de pointe du type astronautique mais des techniques simples et d'être attentif au sort des gens, en particulier des filles et des femmes.
Ce que nous savons également, c'est que la santé en matière de reproduction qui englobe la réduction de la mortalité maternelle, la planification familiale, l'accouchement, la prévention des maladies sexuellement transmissibles, le VIH/sida, etc., est un domaine qui a donné lieu à une entente et à un consensus à l'échelon international depuis la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire en passant par la Conférence de Beijing et la Conférence sur les droits de l'homme, mais que force est de constater qu'à chaque conférence chargée de dresser un bilan les passages des textes relatifs à ces divers sujets restent entre crochets. Nous avons également eu le droit à la mise entre crochets des passages concernant la santé et les services en matière de reproduction et de sexualité dans les textes soumis à la présente conférence. Les dispositions relatives aux besoins des adolescents en termes d'information, d'éducation et de services concernant la santé en matière de reproduction figurent entre crochets alors que nous savons que le VIH/sida sévit à l'heure actuelle en Afrique et que les adolescentes y sont six fois plus susceptibles que les adolescents d'être contaminées par ce virus. Les données indiquent non seulement que les adolescentes sont six fois plus susceptibles d'être contaminées par le VIH que les garçons mais aussi que des filles du groupe d'âges 10-12 ans figurent parmi les porteuses de ce virus.
C'est pourquoi, malgré les progrès non négligeables accomplis dans ces domaines, la poursuite d'une action de plaidoyer et de soutien me semble indispensable. Les ONG et les médias ont un rôle très important à jouer dans l'action de plaidoyer, ce en faisant connaître à la communauté mondiale certains destins individuels exemplaires dans le souci de mobiliser un soutien et de favoriser la mise en place des mécanismes voulus ainsi que de susciter une prise de conscience au niveau politique le plus élevé. Le Secrétaire général a déjà mentionné les besoins de l'Afrique. Toutes les statistiques font apparaître que l'Afrique est en retard en ce qui concerne tant les services de soins relatifs à la santé en matière de reproduction que la réduction de la mortalité maternelle. L'Afrique est également à la traîne par exemple dans le domaine de la contraception ou de l'accès à des conditions appropriées d'accouchement. Ainsi, même s'il s'agit d'un progrès énorme par rapport à quelques années où ce taux n'était encore que de 3%, en Afrique le taux de pratique de la contraception tourne ainsi autour de 10% contre une moyenne mondiale de 59%. Le progrès est indubitable mais les objectifs fixés sont loin d'avoir été atteints.
La question de l'égalité entre les sexes et de l'émancipation des femmes, qui est très liée aux droits en matière de reproduction ainsi qu'à la réduction de la mortalité maternelle et à une maternité sans danger ne peut davantage être éludée. Là aussi on constate que de grands progrès ont été accomplis mais que bien plus encore reste à faire et doit l'être. Là aussi certains signes d'effet en retour sont perceptibles mais ils sont faibles et je suis convaincue que nous les surmonterons. À mon sens, il nous faut juste tous collaborer et il est très satisfaisant de bénéficier de la coopération des grandes institutions financières. Il n'y a à mon avis guère de danger de les voir prendre notre contrôle. Je ne pense pas présomptueux de ma part d'affirmer que nous exerçons une certaine influence sur elles et j'estime que les gens importent davantage que le PNB et que le revenu par habitant importe moins que l'individu. Si les institutions financières tiennent compte des enseignements de l'expérience « pas uniquement les institutions multilatérales mais également les institutions privées, le secteur privé » nous aurons, je crois, effectué un grand pas en avant. Je pense que l'ONU est en train d'uvrer dans ce sens et continuera de le faire. Ce partenariat devrait à mon avis être à dominante ONU parce qu'il s'inspire de buts qui ont été fixés dans le cadre de conférences tenues sous ses auspices et je suis persuadée qu'uvrer de concert fera la différence. Enfin, il faut y associer la société civile dans toute la diversité de ses institutions et de ses groupements. Je vous remercie.
Question : Ma question s'adresse au panel. Selon vous, quand l'Organisation mondiale du commerce s'associera-t-elle à ce partenariat et quel sera exactement son rôle dans la réalisation de ces buts? Étant donné que plus de femmes meurent de la tuberculose qu'en couches, j'aimerais en outre demander plus particulièrement à Mme Sadik si une relation conflictuelle ne risque pas de s'instaurer entre le Fonds des Nations Unies pour la population et l'Organisation mondiale de la santé, qui est du reste absente de la tribune ' Il serait en outre utile d'avoir des précisions sur la teneur exacte du partenariat.
M. Malloch-Brown : Aucune raison à mon sens ne justifie que le groupe s'élargisse au-delà des quatre organisations le constituant actuellement à savoir l'Organisation des Nations Unies, dont relève le Groupe des Nations Unies pour le développement dans lequel l'OMS est représentée, et les trois autres (FMI, Banque mondiale et OCDE) car ce partenariat n'a pas pour finalité l'action mais la fixation de repères concernant ces questions pour l'avenir. S'il faut ajouter un objectif relatif à la santé c'est d'autant mieux et si l'OMS doit être associée à cette entreprise elle le sera. Ce partenariat ne tend pas à déboucher sur un partenariat élargi ayant pour mission de formuler des politiques à l'intention de la communauté mondiale. Nous pouvons collectivement fournir les données nécessaires à ce système de bilan annuel et le cas échéant inciter le G-7 à faire davantage face si les résultats laissent à désirer. Ce partenariat n'a pas pour objet de s'ériger en groupe appelé à formuler des prescriptions puis des politiques. Sa mission est en fait de mesurer les progrès accomplis et je pense que la tribune compte déjà suffisamment de personnes chargées d'effectuer des mesures.
Mme Sadik : Votre question porte sur les relations entre le FNUAP et l'Organisation mondiale de la santé. Comme vous le savez le FNUAP uvre dans le domaine de la population et son principal domaine d'intervention est la santé en matière de reproduction, qui englobe entre autres la planification familiale et la santé en matière de sexualité. S'agissant de la tuberculose ou du paludisme, par exemple nous nous employons à lutter contre ces maladies dans la mesure où elles frappent les femmes en âge de procréer. Ainsi, parmi les groupes de femmes bénéficiant de notre action au titre de notre programme de réduction de la mortalité maternelle figurent les femmes vulnérables à certains risques, dont la tuberculose, durant leur grossesse. En effet, si durant sa grossesse une femme atteinte de tuberculose connaît une rémission, tout de suite après la maladie entre en recrudescence et le décès peut survenir très rapidement après l'accouchement. C'est pourquoi nous travaillons sur ce point
avec les intéressées et cette collaboration est judicieuse en ce qu'elle bénéficie à un groupe ciblé alors que le programme de l'Organisation mondiale de la santé concernant la tuberculose vise toutes les femmes qu'elles soient ou non bénéficiaires de l'action en faveur de la santé en matière de reproduction et de santé maternelle.
M. Kul Gautam, Directeur général adjoint de l'UNICEF : De tous les objectifs qui ont été fixés par les conférences de l'ONU, ceux qui relèvent du domaine de la santé sont précisément les plus nombreux et les plus quantifiables. Et c'est aussi dans cette sphère que certaines des plus grandes avancées ont été accomplies. Le rapport parle de mortalité infantile, de mortalité chez les moins de 5 ans, et aussi de pauvreté, au sens non seulement de faiblesse de revenu, mais aussi de malnutrition et d'autres manifestations de ce phénomène. Ce document renferme donc de très nombreux objectifs en matière de santé. J'ajouterais aussi que ce type de conférence s'accompagne généralement d'un cynisme sous-jacent dont le message, implicite, est que l'on se fixe des objectifs que l'on n'atteindra jamais. Je pense qu'à travers ce rapport, on a voulu brosser un tableau équilibré de la situation. Certes, certains objectifs n'ont pas été atteints, et je pense en particulier au domaine des ressources. Il est regrettable que l'on n'ait pas réussi à réserver 0,7% de son PNB. Il est regrettable aussi que l'on n'ait pas satisfait à l'engagement 20/20. Il est regrettable enfin que l'allégement de la dette n'ait pas pu être réalisé.
Cependant, certaines réalisations sont loin d'être négligeables : l'éradication de la polio, objectif qui a son importance et que nous sommes sur le point d'atteindre, est pour nous source d'encouragement. Il s'agit de toucher chaque année un demi-milliard d'enfants. Nous nous y employons depuis deux ou trois ans, et nous sommes près du but. Dans ce même domaine de la santé, nous avons à traiter aussi d'une des plus grandes causes d'arriération mentale qui frappe des millions de personnes, la carence en iode et les troubles qui lui sont associés. Le programme de distribution de sel iodé qui a été lancé aux quatre coins de la planète est l'une des plus grandes réussites. Les chiffres sont ahurissants : entre 1990 et 1999, le nombre de personnes qui ont accès au sel iodé a augmenté de trois milliards. Gageons que ni Coca Cola, ni Microsoft ni aucun autre des grands géants ne peuvent prétendre toucher un aussi grand nombre. J'y vois là un message d'espoir, mais aussi d'amertume car certains des objectifs n'ont pas été atteints.
Question : Je me tourne à présent vers le FMI et la Banque mondiale. Le Secrétaire général a déclaré hier soir lors du forum, et Mme Sadik l'a réaffirmé ici même, que les organismes des Nations Unies sont pour vous source d'enseignements. Quel est votre sentiment à ce sujet et comment cela a-t-il modifié votre manière d'opérer dans les pays?
M. Ian Johnson, Vice-Président de la Banque mondiale : Oui, je pense que nous donnons le meilleur de nous-mêmes collectivement lorsque nous apprenons collectivement. Cela étant, la Banque mondiale est un membre de la famille des Nations Unies, elle en fait partie. Nous ne sommes pas des parents éloignés, mais des proches.
Je pense que les domaines d'intérêt sont multiples. S'agissant par exemple de l'intervention en situation postconflictuelle, nous sommes naturellement liés à de nombreux égards à l'ONU : celle-ci est effectivement habilitée à entreprendre le travail politique, dès la fin des conflits, et nous pouvons intervenir en aval en investissant dans le renforcement des capacités sociales, de l'infrastructure ou d'autres composantes. Dans ce domaine, nous n'avons pas toujours très bien collaboré. Le second domaine est celui des partenariats techniques qui nous lient à l'OMS ou l'UNICEF. Personnellement, j'entretiens des relations très étroites avec le PNUE. Là encore, nous pouvons nous prévaloir des compétences techniques dont dispose l'ONU et dont, à vrai dire, la Banque mondiale est dépourvue. La situation est inverse dans d'autres domaines. Il s'est ainsi forgé au cours des cinq années écoulées de très nombreux partenariats dont on ignore pratiquement l'existence mais qui sont très importants car nous essayons d'obtenir que l'on travaille collectivement dans divers domaines, qu'il s'agisse de la recherche, de la définition des grandes orientations, des opérations ou de l'investissement. Nous uvrons donc très souvent la main dans la main. Mais je pense que c'est en associant les fonctions délibératives de l'ONU à nos opérations plus en aval en matière économique et sociale que nous pouvons obtenir les meilleurs résultats. Il en a été, je pense, ainsi dans plusieurs interventions postconflictuelles.
M. Vito Tanzi, Directeur au Fonds monétaire international : Au Fonds, nous pensons sincèrement que nous avons beaucoup appris de l'ONU, mais nous espérons aussi que l'ONU a appris quelque chose en retour car nous entretenons une relation symbiotique. Nos contacts, déjà constants, sont devenus de plus en plus fréquents ces dernières années. S'agissant de l'évolution de notre manière d'opérer, le bilan des activités du Fonds au cours des 10 à 15 années écoulées révèle des changements considérables, notamment au niveau des attitudes et de l'intérêt porté à certains aspects. Je dirais que jusqu'au milieu des années 80, nous étions convaincus que les questions de pauvreté ou de répartition du revenu, par exemple, n'étaient pas vraiment de notre ressort. Puis les mentalités ont commencé à changer et depuis quelques années nous nous intéressons beaucoup plus à ces questions sans pour autant nous départir de notre fonction principale, qui est d'améliorer le fonctionnement des économies. Nos méthodes de travail, particulièrement la conception de nos programmes, ont évolué. Il fut un temps où nous concevions les programmes sans trop nous préoccuper des aspects liés à la redistribution ou à la pauvreté. Aussi longtemps que le programme réussissait à promouvoir la stabilité et la croissance, nous n'y trouvions rien à redire. Mais depuis quelques années, nous faisons attention aux répercussions des programmes que nous élaborons sur certains groupes, particulièrement certains groupes démunis. Nous avons changé en ce sens que nous nous soucions beaucoup de la mise en place de filets de sécurité. Là où nous ne pouvons pas modifier la conception des programmes dans de nombreux pays, nous recommandons des mesures de protection. Nous effectuons de nombreuses missions, spécialement en matière d'assistance technique, dans divers pays, et il est clair que nous nous préoccupons de questions telles que les dépenses non productives. Une masse de données a été rassemblée au fil des ans. Nous nous inquiétons des dépenses militaires, que nous suivons de près. Quelquefois, nous exhortons les pays à réduire leur budget militaire. Il nous est arrivé de nous rendre dans deux pays rivaux pour essayer de persuader l'un et l'autre de réduire leurs dépenses militaires. Une activité intense est ainsi menée dans ce domaine. Mais une bonne partie de cet effort n'est pas très visible car il s'effectue en coulisses, sans clameur. Il reste que le mandat du Fonds consiste essentiellement à promouvoir le bon fonctionnement des économies et la croissance. Il est clair que nous nous y tenons, mais nous travaillons en collaboration plus étroite avec nos collègues des autres institutions. Je vous remercie.
Question : J'aimerais rebondir sur les affirmations de la Banque et du Fonds. Chaque fois que nous entendons leurs représentants parler, il semble que les vrais problèmes appartiennent au passé. En l'espace de deux ou trois mois, un économiste en chef de la Banque a été mis à l'écart pour avoir été peut-être trop critique envers le FMI et, à l'issue d'un processus participatif et consultatif de deux ans qui a débouché sur une publication phare sur la réduction de la pauvreté, l'auteur principal du Rapport sur le développement mondial, pressé d'édulcorer ses observations au sujet des répercussions négatives de la mondialisation, démissionne. De plus, il semble que le G-7 éprouve le besoin de se cacher dans une île lointaine et que, pour mieux se rapprocher, ses membres doivent séjourner dans un hôtel à 400 dollars la nuit. Et curieusement, la grande conférence de la Banque mondiale sur les politiques en matière de développement semble entrer en conflit avec le bilan du présent Sommet social. Que se passe-t-il? Juan Somavía, de l'OIT, a déclaré que les technologies de la mondialisation sont peut-être un fait, mais que les politiques qui les accompagnent ont été conçues par les politiciens et peuvent être changées par les politiciens. Je me demande pourquoi la Banque et le Fonds craignent toujours autant les vues dissidentes.
M. Johnson : Je ne voudrais pas spéculer sur les raisons pour lesquelles Joe Stiglet ou Ravi Kandar, l'auteur du Rapport sur le développement mondial, ont quitté la Banque. Je crois comprendre que le cas de Ravi était plutôt fâcheux. Je pense que le grand débat qu'il a suscité ' et dont j'avoue me sentir très proche ' se prolongera dans la version finale du Rapport sur le développement mondial. Parmi les questions que l'on peut se poser, l'une des plus intéressantes est peut-être la suivante : comment concilier mutation sociale et mutation économique? Il est clair qu'à elle seule, la croissance économique ne nous conduira pas sur la voie d'un développement durable, mais il est clair aussi que traiter de questions sociales sans traiter de croissance économique ne sera pas plus efficace. Il faudra donc conjuguer les deux approches et, à mon sens, un débat très ouvert et transparent a été ainsi lancé.
Je pense que le Rapport sur le développement mondial a été l'aboutissement d'un processus très ouvert illustré par les très nombreux débats qui ont eu lieu dans le monde entier au cours des 18 derniers mois. J'ai moi-même pris part à un grand nombre des travaux que nous menons sur des questions de politique générale touchant la foresterie ou l'environnement mondial. Ces échanges ont été très largement ouverts à la société civile, aux ONG, au monde universitaire et à d'autres milieux. S'il y a une dizaine d'années la Banque était une institution très fermée, elle est aujourd'hui, à mon sens, une organisation très ouverte. Cela ne veut pas dire que nous devons souscrire à tout dans le cas du Rapport sur le développement mondial. Un débat s'est réellement instauré, avec Ravi et d'autres, au sujet du bon équilibre à trouver. S'agissant de la réunion de Paris, je peux dire que la Banque mondiale compte sur place une équipe très solide, avec à sa tête un directeur général et un grand nombre de vice- présidents de la Banque. Nous sommes attachés à l'agenda social et nous sommes attachés aux travaux de l'Organisation des Nations Unies. Nous avons collaboré très étroitement et nous continuerons de le faire. La Banque mondiale est très engagée sur ce point. Nous faisons venir de nombreux collaborateurs de Paris à la présente réunion si bien que nous serons nombreux à être sur place aujourd'hui et demain.
M. Tanzi : Comme personne n'a démissionné du Fonds, je pense que cette question ne nous concerne pas vraiment. Qu'il me soit permis de dire, avant toute chose, que le Fonds est devenu une institution beaucoup plus ouverte. Si vous ne me croyez pas, rendez-vous sur le site Web du Fonds et vous y trouverez une masse de renseignements auxquels vous ne vous attendez peut-être pas. Je voudrais ajouter aussi que les échanges sont intenses au sein du Fonds. J'entends parler ici ou là de l'orthodoxie du Fonds, de solutions uniques pour tous. Cette manière de voir ne correspond vraiment pas à ma conception du Fonds. Des débats âpres et énergiques se déroulent au FMI. Nous apprenons beaucoup au sujet des nouveaux phénomènes. Certes, nous faisons à l'occasion des erreurs. Nous sommes impliqués dans de si nombreuses entreprises que cela est inévitable et nous sommes prêts à l'admettre aujourd'hui, probablement plus que par le passé. Mais là où je veux réellement en venir, c'est que le Fonds a beaucoup changé et qu'il est beaucoup plus ouvert aussi bien sur le monde extérieur qu'aux débats internes. Des personnes professant des vues différentes y travaillent et chacun est libre de s'y exprimer. Je vous remercie.
M. Brian Hammond, de l'Organisation de coopération et de développement économiques : J'aimerais en fait revenir sur ce rapport. Il s'agit d'un symbole du partenariat dans l'action entre les quatre organisations, et ce pour le long terme. Nous ne misons pas sur le court terme. La plupart des objectifs ont été fixés à l'horizon 2015, autrement dit dans 15 ans. À l'occasion de ce sommet social, force est de constater que les progrès réalisés dans les années 90 n'ont pas été aussi satisfaisants que nous l'aurions souhaité : c'est, comme l'a dit M. Mark Malloch-Brown, un appel à l'action lancé à l'intention du G-7, des ministres de la coopération pour lesquels je travaille, en vue effectivement de noter qu'on a fait fausse route et qu'il faut revenir sur la bonne voie. Cela peut être fait et il s'agit de le démontrer par des chiffres en tant que moyen de sensibilisation, notamment lors du Sommet du G-8 qui se tiendra sur l'île d'Okinawa au Japon. C'est un appel à l'action, déjà lancé par le Comité d'aide au développement de l'OCDE il y a à peine un mois, à sa réunion de haut niveau, de façon à passer de l'engagement à la réalisation des objectifs en question.
L'objectif de 0,7% n'a certes pas été atteint, si ce n'est par quatre donateurs. Cependant, l'APD a cessé de diminuer. Des hausses ont été enregistrées cette année, ramenant l'APD à 0,24% du PNB des donateurs, chiffre encore très inférieur au niveau de 0,33% qui avait pu être atteint. Mais on a pris le tournant, notamment en s'orientant vers ces objectifs à long terme, en parvenant à un résultat grâce à l'argent des contribuables des pays donateurs. Effectivement, l'objectif 20/20 n'a pas été atteint, et ce des deux côtés du partenariat : comme on peut le constater, du côté des pays en développement, la part des services sociaux de base est de l'ordre de 12 à 14%. Selon le rapport qui doit être présenté à l'Organisation des Nations Unies, environ 11% de l'aide au développement sont consacrés à ces services. Il faut accroître ce chiffre et des efforts ont été entrepris à cet effet, notamment en allégeant la dette, question qui a déjà été mentionnée. L'accent mis sur l'allégement de la dette, de façon à en faire bénéficier plus rapidement davantage de pays en associant de telles mesures à la lutte contre la pauvreté, sera un moyen de doper les dépenses sociales et d'obtenir les résultats préconisés dans le rapport en question.
Question : Ma question est d'ordre général et s'adresse à tous les participants. Elle concerne la pauvreté et la misère sociale. Avant le Sommet de Copenhague et même depuis lors, jusqu'à l'établissement de ce rapport, l'on constate que le problème des disparités et des inégalités de revenus n'a pas été réellement pris en compte dans les instances internationales. D'un point de vue statistique, ces instances ne l'étudient pas sérieusement. Quelle en est la raison?
M. Tanzi : Il me semble que, parmi ce groupe d'organisations, chacune s'efforce par des moyens différents de s'atteler à la réduction de la pauvreté de façon stratégique. Je pense que de vastes rassemblements de dirigeants mondiaux ne permettent guère de dresser un bilan détaillé des programmes de réduction de la pauvreté, tel que vous l'envisagez dans votre question. Ce qu'on peut faire dans de telles conférences, c'est susciter une volonté politique et des activités de suivi pour s'assurer que cette volonté se traduira dans la réalité. On ne peut pas vraiment examiner de près les stratégies de réduction de la pauvreté : ce n'est pas un cadre qui s'y prête, mais je vous incite à assister aux multiples ateliers où ont lieu une bonne part de ces délibérations.
Si votre question laisse entrevoir une sorte de parti pris idéologique propre à ces réunions, tendant à dissimuler les sources de la pauvreté, j'ose espérer que cela n'est pas vrai : la force de cette conférence de l'ONU tient à ce que chaque point de vue y est représenté, qu'il s'agisse de gouvernements ayant des orientations politiques différentes ou des diverses tendances de la société civile. À mon avis, plus nous prenons du retard au regard de l'objectif fixé en matière de réduction de la pauvreté, plus nous nous acheminons vers des démarches de caractère radical : Je pense donc qu'une grande partie des réflexions que vous entendrez dans les couloirs cette semaine dénoteront une approche plus radicale de la lutte contre la pauvreté qu'il y a cinq ans. En effet, nous constatons très clairement, comme Juan Somavía et d'autres l'ont fait remarquer, que la main bienveillante du marché ne parviendra pas à réduire la pauvreté et que nous avons besoin désormais d'interventions stratégiques efficaces pour y remédier.
M. Namanga Ngongi, Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial : Si j'ai bien compris la dernière question, il s'agit de savoir ce qui empêche l'ONU et la communauté internationale d'accorder un rang de priorité plus élevé aux mesures de réduction de la pauvreté. Telle est la question. Si, au niveau mondial, 10% de l'APD sont réellement affectés aux mesures de réduction, quels sont les autres aspects du développement assez importants pour absorber plus de 90% des ressources destinées aux pays en développement? D'une façon ou d'une autre, j'ai l'impression qu'en l'occurrence il nous faut collectivement admettre que nous pouvons en faire nettement plus.
Il faudrait probablement considérer cela comme un objectif quasi exclusif pour l'avenir, de façon à définir un repère ou une part de l'APD, à laquelle s'ajouteraient les ressources de l'ONU, à consacrer aux secteurs liés à la réduction de la pauvreté. Sinon, nous pouvons continuer comme cela, d'une conférence à l'autre, sans progresser réellement de manière spectaculaire. Pourquoi faut-il, en 2000, parler encore des besoins fondamentaux de la population, d'alimentation, de santé de base, de logement, de scolarisation, qui sont si évidentes ' Peut-être pouvons-nous tous accepter de fixer également un point de référence pour nos ressources, de façon à affecter plus que 10% ou 11% à ces secteurs.
M. Kul Gautem, Directeur général adjoint de l'UNICEF : Vous constaterez - je l'espère - que la question des disparités est effectivement abordée dans ce rapport. Celui-ci traite non seulement de ce qui s'est passé dans l'enseignement ou la santé en termes d'évolution moyenne, mais également des écarts entre hommes et femmes, entre zones urbaines et zones rurales : les disparités doivent assurément être prises en compte. Mais j'espère aussi que vous relèverez un autre argument dans ce rapport. D'aucuns disent parfois qu'il est trop difficile d'éliminer la pauvreté et que cela coûte trop d'argent. Je veux croire que ce rapport fait clairement apparaître que le développement et l'élimination de la pauvreté, loin d'être inabordables, constituent en fait une bonne affaire et que la satisfaction des besoins des pauvres s'avère étonnamment peu coûteuse. Ce qui revient très cher, c'est de satisfaire la convoitise des riches.
L'alimentation est peu coûteuse, alors que des produits cosmétiques sont onéreux; l'éducation est bon marché, ce sont les armements militaires qui sont dispendieux. Les médicaments essentiels, les vaccins sont également peu coûteux, le Viagra est cher. Ainsi, tout ce qui est réellement indispensable à la population s'avère en fait économiquement abordable : si nous ne réalisons pas ces objectifs, ce n'est pas parce qu'ils sont trop onéreux ou inaccessibles, c'est une question de priorité et de choix. C'est, me semble-t-il, ce que le Secrétaire général voulait démontrer en faisant valoir au club des pays les plus riches du monde qu'il s'agit, de fait, de mesures d'un coût abordable. Selon des estimations, il faudrait 80 milliards de dollars supplémentaires pour fournir tous les services de base et répondre aux besoins essentiels de la population. Cela peut paraître beaucoup, mais nous savons tous que, par rapport à une économie mondiale chiffrée à 30 000 milliards de dollars, 80 milliards ne sont pas une si grosse somme. Dans un monde où, même après la guerre froide, 700 milliards de dollars sont consacrés chaque année aux dépenses militaires, 80 milliards ne sont pas inaccessibles. J'espère donc que l'un des messages que nous en dégagerons est que lutter contre la pauvreté et ses multiples manifestations est à la fois réalisable et accessible. Tel est - me semble-t-il - le message que le Secrétaire général tente de transmettre au G-7 et à nous tous, et nous sommes ravis que la Banque mondiale, le FMI et l'OCDE adhèrent à ce constat et à cette appréciation.
Question : Si le rapport s'inspire effectivement de conclusions concernant des objectifs fixés antérieurement par l'ONU, dois-je comprendre que le G-7 ne prêtait pas attention au message de l'ONU? Quelle garantie avons-nous qu'il se montrera plus attentif maintenant que les institutions de Bretton Woods mêlent également leur voix dans une relation symbiotique? Voilà le premier point. Le second est le suivant : quelles observations le Groupe peut-il faire - je regrette que M. Mark Malloch-Brown soit déjà parti - au sujet des nouvelles conditions actuellement envisagées - et que les institutions multilatérales, notamment celles ici présentes, adoptent de plus en plus - concernant la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l'homme sous leurs divers aspects?
M. Hammond : Puis-je tout d'abord rectifier l'observation selon laquelle 10% seulement de l'aide sont consacrés à la réduction de la pauvreté? À l'évidence, l'essentiel de l'aide et des 55 milliards de dollars qu'elle représente sert à atténuer la pauvreté. Environ 11% de cette aide sont directement alloués aux services sociaux de base, à savoir l'enseignement primaire et les soins de santé primaires. Cependant, une grande partie de l'assistance accordée est au bénéfice des pauvres : je pense que c'est là un point important. Est-il vrai que le G-7 n'ait pas prêté attention aux conférences de l'ONU? Bien au contraire. Ce sont les ministres du G-7 qui, de concert avec leurs homologues au sein du Comité d'aide au développement, ont pour la première fois présenté cet assortiment de sept objectifs pour le XXIe siècle. Cela étant, il y a tant d'objectifs qu'il semble difficile de recueillir des fonds pour l'aide au développement en tentant de tous les poursuivre et de tous les comprendre. En revanche, le fait de définir sept objectifs clefs interdépendants qui, s'ils étaient atteints, offriraient un monde bien meilleur - ce titre est intentionnel - sert la cause de la coopération pour le développement. C'est bien parce que les membres du G-7 ont tenu compte de ces conférences et en ont retiré des objectifs auxquels tous les pays avaient adhéré et auxquels tous réaffirment leur attachement ici à Genève, en ce moment même.
Pour ce qui est des conditions que vous avez évoquées concernant la démocratie et les droits de l'homme, l'on assiste à une prise de conscience ici même, ainsi qu'à la session de cette année consacrée au développement humain et partout ailleurs. On se rend compte que, pour que le développement s'avère positif et serve la population, des voix doivent se faire entendre au nom de la population. Chacun a voix au chapitre en ce qui concerne son propre avenir et il est absolument vital que les femmes aient leur mot à dire tout autant que les hommes. C'est ce qui ressort clairement de ce document et du rapport « Un monde meilleur pour tous » : l'un ne va pas sans l'autre et il faut en passer par là pour modifier le cours des choses de façon durable.
M. Tanzi : L'atténuation de la pauvreté nécessite des fonds. Or comme vous le savez, les ressources allouées à l'APD n'ont cessé de diminuer au fil des ans et nous avons à maintes reprises appelé l'attention sur ce fait. Mais il y a probablement une corrélation entre la diminution des apports d'APD et la préoccupation croissante quant à la gouvernance et au manque de transparence. Malheureusement, le manque de transparence et l'absence de bonne gouvernance servent parfois de prétexte pour réduire le montant de l'assistance. Nous souhaitons y remédier. En accordant plus d'attention à la transparence, à la corruption et à d'autres questions de ce type, nous ferons en sorte que ce prétexte ne puisse plus être invoqué, de façon que les apports d'APD puissent revenir au niveau escompté de 0,7%.
Question : Je souhaite poser une question à M. Tanzi. Ce matin, à l'occasion du point de presse, M. Lango a dit que l'Union européenne et le Canada étaient favorables à une sorte d'imposition de l'activité financière au niveau international pour recueillir des fonds et lutter contre la pauvreté. Est-ce une bonne idée? Pensez-vous que cela puisse être utile?
M. Tanzi : À long terme, je ne vois pas comment nous pourrons éluder le fait qu'il faudra recueillir des fonds publics pour financer des biens collectifs de caractère international. À l'heure actuelle, le financement des biens collectifs internationaux repose sur la volonté des pouvoirs publics de fournir des ressources à l'ONU et à d'autres organismes. À terme, un tel état de choses va probablement perdurer : il viendra un moment où nous trouverons des moyens permettant d'appliquer des taxes à la communauté mondiale et d'utiliser ces fonds pour financer les mesures qui doivent être appuyées au niveau international. Cependant, je suis également convaincu que ce moment n'est sans doute pas encore venu. Je ne pense pas vraiment que beaucoup de gouvernements souscrivent à cette idée. Cela ne signifie pas toutefois que nous ne devons pas continuer à faire campagne en faveur de cette idée et effectuer des études techniques pour déterminer si des taxes de ce type peuvent être instituées et pour envisager un mode d'administration. Comme je le laisse entendre dans certaines de mes publications il semble que le moment soit venu de créer une organisation fiscale mondiale, ce qui est un moyen non pas d'imposer des taxes, mais du moins d'examiner les questions fiscales, de rassembler des informations, etc. Toutes sortes d'organisations s'occupent actuellement de nombreuses autres activités : or il s'agit là d'une activité très importante.
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