SG/SM/7464

LE SECRETAIRE GENERAL SOULIGNE QUE LES PAYS RICHES NE PEUVENT RESTER INDIFFERENTS AUX CONDITIONS SOCIALES DES PAYS PAUVRES

26 juin 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7464


LE SECRETAIRE GENERAL SOULIGNE QUE LES PAYS RICHES NE PEUVENT RESTER INDIFFERENTS AUX CONDITIONS SOCIALES DES PAYS PAUVRES

20000626

Ci-après, le texte de la déclaration que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a faite ce matin à Genève à l'ouverture de la session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée à la mise en oeuvre des résultats du Sommet mondial pour le développement social et à l'examen de nouvelles initiatives :

"Le Sommet mondial pour le développement social, qui s'est tenu en 1995, était en avance sur son temps. Depuis lors, les événements en ont confirmé l'idée centrale, que je crois pouvoir résumer en deux points étroitement liés.

Premièrement, pour que la croissance économique soit durable et bénéficie au plus grand nombre, il faut investir dans les êtres humains B leur santé, leur éducation et leur sécurité ;

Et deuxièmement, si elle est essentielle, la croissance ne garantit pas par elle-même à la plupart des habitants d'un pays une vie de dignité et d'épanouissement. Une société saine est une société qui prend soin de tous ses membres, et qui leur donne la possibilité de participer à la prise des décisions qui influent sur leur vie.

Personne ne doit faire l'objet de discrimination. Personne ne doit être obligé de se conformer à une culture officielle, ou être privé du droit de s'associer à d'autres pour défendre une identité ou des intérêts particuliers.

En bref, le bien-être social et le bien-être économique ne sont pas des notions distinctes. Sans la prospérité économique, aucun pays ne peut satisfaire tous les besoins sociaux de ses citoyens. Mais aucun pays ne peut être considéré comme réellement prospère quand un grand nombre de ses citoyens sont abandonnés à leur sort et doivent lutter par leurs propres moyens contre l'ignorance, le dénuement et la maladie.

De même, aucun pays ne peut atteindre à la prospérité en subordonnant toutes les préoccupations sociales à la réalisation de quelques objectifs quantitatifs. Ce qui compte en dernier ressort c'est la qualité de la vie des gens B qui dépend en grande partie du sentiment qu'ils ont d'appartenir à leur société et de leur conviction que celle-ci leur appartient également.

Ces conclusions s'appliquent aussi bien aux pays riches qu'aux pays pauvres, mais elles ont une importance particulière pour le débat mondial sur le développement. Dans ce contexte, elles sont mises en avant depuis des années par l'Organisation des Nations Unies, et elles sont maintenant beaucoup plus largement acceptées par d'autres organisations multilatérales.

Cet après-midi même, je présenterai un nouveau rapport intitulé * Un monde meilleur pour tous +, cosigné par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l'Organisation de coopération et de développement économiques et l'Organisation des Nations Unies. C'est certainement un signe des temps. C'est la première fois que les quatre principaux organes internationaux s'occupant du développement examinent ensemble les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs adoptés à l'échelle internationale pour réduire l'extrême pauvreté et s'accordent sur la voie à suivre.

Nous approchons du Sommet du millénaire, qui aura lieu en septembre au Siège de l'Organisation des Nations Unies ; jamais autant de chefs d'État et de gouvernement ne se seront réunis. Si l'esprit de Copenhague peut être maintenu ici à Genève, j'ai bon espoir qu'il sera encore renforcé à New York.

Dans le rapport que j'ai établi pour le Sommet, je mets fortement l'accent sur les objectifs sociaux. J'estime que ces objectifs ne doivent pas être considérés comme secondaires, mais comme faisant partie intégrante de la lutte contre la pauvreté dans le monde entier. Si les problèmes sociaux ne sont pas surmontés, la société dans son ensemble ne pourra pas fonctionner convenablement B et la pauvreté ne pourra être vaincue.

Dans 15 ans, des dizaines de millions d'enfants seront-ils toujours exclus de l'école primaire ?

Des dizaines de millions de jeunes des deux sexes seront-ils toujours exclus de l'emploi ?

Des jeunes enfants et des femmes enceintes mourront-ils encore chaque minute du paludisme et d'autres maladies évitables ?

Les jeunes continueront-ils d'être infectés par le VIH et de le propager parce qu'ils ignorent comment il se transmet ou comment s'en protéger ? Et les traitements contre le sida demeureront-ils inabordables pour les gens des pays en développement ?

Des régions entières du monde, et des groupes importants de population, y compris dans les sociétés les plus riches, resteront-ils en marge de l'économie mondiale ?

La plupart des habitants du monde en développement resteront-ils exclus du nouvel univers des téléphones mobiles et de l'internet, laissés sur la touche alors que le monde industrialisé et quelques pays du Sud avancent à une vitesse fulgurante grâce à des technologies nouvelles peut-être encore inconnues aujourd'hui ?

Et de nombreuses sociétés demeureront-elles polarisées selon des critères ethniques, raciaux ou de classe, avec tous les risques d'explosions de haine et de violence que cela comporte ?

Si la réponse à l'une de ces questions est positive, nous ne pouvons pas dire que nous sommes en train de gagner le combat contre la misère, même si B comme je l'espère vivement B nous réussissons à réduire de moitié le nombre de personnes qui subsistent avec un dollar par jour, voire moins.

Ceci m'amène à la question des ressources. Vous avez tout à fait raison, Monsieur le Président, de soulever cette question, que nous aborderons dans ses dimensions les plus larges l'année prochaine, lors d'une réunion mondiale sur le financement du développement.

Il est tout à fait naturel que les pays pauvres du monde, si dépourvus de ressources, se tournent vers les pays riches pour qu'ils les aident.

Beaucoup de ces pays riches ont eux-mêmes de graves problèmes sociaux. Mais aucun ne peut rester indifférent face aux conditions sociales dans lesquelles vivent tant d'habitants des pays pauvres. La misère fait insulte à l'humanité. Si les pauvres ne peuvent gagner leur vie, c'est nous tous qui en sommes appauvris. Et nous avons le pouvoir d'offrir cette possibilité à tous.

Je l'ai déjà dit dans mon rapport du millénaire, et je le répète ici : les pays riches ont un rôle indispensable à jouer B en ouvrant davantage leurs marchés, en accordant un allégement de la dette plus important et plus rapide, et en apportant une aide au développement accrue et mieux ciblée.

Mais il est peu probable que ces changements se produisent, ou qu'ils donnent beaucoup d'avantages réels même s'ils se produisent, si les dirigeants et les peuples des pays en développement ne sont pas vraiment déterminés à mobiliser leurs propres ressources B en particulier leurs propres ressources humaines B pour surmonter leurs propres problèmes sociaux.

Lorsqu'il est clair que les ressources seront effectivement utilisées pour fournir des services sociaux qui bénéficient aux pauvres, il est facile d'arguer que des ressources supplémentaires doivent être apportées aux pays pauvres, grâce à l'allégement de la dette et à l'accroissement de l'aide au développement. Mais il est difficile d'avancer des arguments convaincants lorsqu'il y a des raisons de penser que les ressources supplémentaires pourraient être utilisées pour acheter des armes ou pour améliorer le niveau de vie d'une élite déjà privilégiée.

De même, Monsieur le Président, l'ouverture des marchés ne peut bénéficier qu'aux pays capables de commercialiser à des prix compétitifs, des biens que d'autres veulent acheter. C'est-à-dire les pays qui, grâce à une bonne gestion des affaires publiques et à des politiques économiques saines, ont créé un climat propice à l'investissement, aussi bien intérieur qu'extérieur. Ceux qui sont ravagés par des conflits, freinés par des règlements inutiles ou pillés par des fonctionnaires qui ne doivent pas rendre de comptes, ne bénéficieront pas beaucoup de l'assistance économique, quelle qu'elle soit.

Je me félicite que cette session se tienne maintenant. Il ne pourrait pas y avoir de moment plus opportun pour se pencher sur les véritables problèmes sociaux auxquels l'humanité doit faire face, et sur les meilleurs moyens de les régler. Je vous souhaite une session sérieuse et productive. J'attends vos conclusions avec beaucoup d'intérêt. Et j'espère qu'elles influeront à leur tour sur les délibérations du Sommet du millénaire à New York en septembre prochain."

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