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FEM/1101

CEDAW: LES EXPERTES ENCOURAGENT LE CAMEROUN DANS LA MISE EN OEUVRE DE SON PLAN D'ACTION ôFEMMES ET DEVELOPPEMENTö

20 juin 2000


Communiqué de Presse
FEM/1101


CEDAW: LES EXPERTES ENCOURAGENT LE CAMEROUN DANS LA MISE EN OEUVRE DE SON PLAN D’ACTION “FEMMES ET DEVELOPPEMENT”

20000620

La violence, la polygamie et les pratiques coutumières restent des obstacles à la réalisation des droits des femmes en Afrique

Lors de la présentation du rapport initial du Cameroun au Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Mme Julienne Ngo Som, Ministre de la Condition féminine, a souligné l’adoption de la politique et du Plan d’action multisectoriel, intitulé “femmes et développement” qui tient compte de sept axes prioritaires tirés du Programme d’action de Beijing. Elle a également fait part de l’adoption d’un Plan national sur l’élimination des mutilations génitales féminines qui vise l’amélioration des conditions de vie des femmes et de l’élaboration d’un projet de loi sur les violences faites aux femmes. Parmi les nombreux obstacles subsistant dans l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Ministre a identifié notamment les pesanteurs socioculturelles, la coexistence conflictuelle du droit écrit et des coutumes locales, le dualisme juridique entre les systèmes français et anglo-saxon dont son pays a hérité après la colonisation, l’analphabétisme et le faible niveau d’instruction des femmes, l’insuffisance des ressources allouées aux mécanismes de promotion de la femme, les politiques d’ajustement structurel et la participation timide de la femme à l’amélioration de son statut.

Présentant leurs remarques générales, les expertes se sont toutes félicitées de la franchise et de l’honnêteté avec lesquelles le Cameroun a rédigé son rapport initial, ainsi que de sa ratification sans réserve de la Convention en 1994. Notant avec satisfaction les réformes du cadre juridique et institutionnel que le pays entend mener, les expertes ont encouragé le Gouvernement camerounais à adopter un calendrier de réforme précis. Une experte a notamment demandé à connaître les détails du Plan national d’action “femmes et développement” adopté par le Cameroun et à savoir s’il intégrait le concept “genre et développement” qui s’est dégagé lors des récentes conférences régionales. Les expertes ont également insisté sur le fait qu’il faut avoir les moyens de sa politique et ont posé des questions sur le budget du Ministère de la condition féminine. En outre, certaines ont demandé si le Ministère disposait des ressources humaines nécessaires à la mise en œuvre de ses programmes et à la mobilisation des femmes camerounaises pour qu’elles deviennent les alliées de leur propre promotion.

La violence à l’égard des femmes, la polygamie et les pratiques coutumières discriminatoires à leur encontre ont occupé une bonne part de l’examen auquel ont procédé les expertes. Ainsi, l’experte du Burkina Faso, estimant que la violence à l’égard des femmes, particulièrement au sein de la famille, est un problème répandu et souvent tabou sur le continent africain, a insisté sur la nécessité de créer des structures permettant d’aborder la question de la violence avec franchise et sans fausse pudeur de façon à pouvoir réellement lancer des actions efficaces contre ce fléau et mettre en place des structures d’accueil pour les femmes qui ne peuvent pas toujours compter sur la famille étendue dans une société africaine en pleine évolution.

Plusieurs expertes se sont inquiétées de la survivance de la polygamie qui est justifiée, par certains, par la surcharge de travail qui pèse sur les femmes rurales et le partage que cela permet. Elles ont demandé que le même travail soit fait pour lutter contre la polygamie que pour lutter contre les mutilations génitales et ont recommandé au Cameroun de collaborer avec les autres pays africains pour combattre ces pratiques. Pour sa part, l’experte de l’Allemagne, a demandé si le gouvernement camerounais entendait continuer sa lutte contre les stéréotypes comme stratégie de promotion des droits de la femme et a suggéré que la Convention soit utilisée dans les campagnes d’alphabétisation visant les femmes. Les expertes se sont également inquiétées de l’étendue du phénomène de la prostitution et ont suggéré, notamment, l’adoption de mesures pluridisciplinaires visant à protéger aussi bien les jeunes filles que les femmes plus âgées et le renforcement des dispositions pénales existantes. Une experte s’est déclaré particulièrement préoccupée par l’existence de maisons de tolérance, estimant que les femmes qui y vivent sont réduites à une condition assimilable à l’esclavage.

Le Comité poursuivra, cet après-midi, à 15 heures, l’examen du rapport initial du Cameroun.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ELIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES [4]

Rapport initial des Etats parties: Cameroun (CEDAW/C/CMR/1)

Le Cameroun a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes le 23 août 1994. La population est estimée à 13,65 millions d’habitants et composée de 51,1% de femmes et de 48,9% d’hommes. L’espérance de vie moyenne de la femme est de 59 ans et de 54,5 pour les hommes. L’analphabétisme touche 30% d’hommes et 50% de femmes. Le taux brut de natalité est de 38,2 pour 1000 ; le taux brut de mortalité est de 10,1 pour 1000 ; et le taux d’accroissement de la population est de 2,81 pour 1000. D’après le rapport du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), on estime à quelque 47 057 le nombre de réfugiés vivant au Cameroun, dont 6007 sont assistés par le HCR.

En 1987, avec l’adoption du plan d’ajustement structurel qui impose la réduction des dépenses publiques, le Ministère de la condition féminine et le Ministère des affaires sociales ont été fusionnés. Ce n’est qu’en décembre 1997 que le Ministère de la Condition féminine est de nouveau institué avec des capacités d’intervention renforcées. Ce Ministère est chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre des mesures relatives au respect des droits de la femme camerounaise, de la disparition de toute discrimination à l’égard de la femme et de l’accroissement des garanties d’égalité dans les domaines politique, économique, social et culturel. Auprès du Ministère de la condition féminine, le Comité consultatif pour la promotion de la femme est chargé d’étudier toute question portant sur le statut ou la condition de la femme camerounaise, d’émettre des avis sur les projets de texte dont est saisi le Ministère et de lui proposer des actions ou programmes destinés à assurer la participation de la femme à l’effort de développement.

Des efforts pour la promotion de la femme

Le principe de l’égalité des femmes et des hommes figure dans la Constitution, le Code pénal, le Code du travail, les lois électorales et le Statut de la fonction publique. Cela étant, la consécration du principe d’égalité ne suffit pas à changer les comportements ni les mentalités. En outre, l’absence d’une définition légale de la discrimination et des sanctions subséquentes expliquent en partie la survivance de discriminations au sein de la famille et de la société. Il convient toutefois de noter que la condition juridique de la femme présente tout de même des faiblesses sur le plan du droit du travail, de l’exercice du droit de propriété et dans la définition et la répression du délit d’adultère. De surcroît, de nombreuses pratiques coutumières restent défavorables à la femme. Face à cette situation, les pouvoirs publics ont mis sur pied une Commission nationale de refonte des textes législatifs et réglementaires en vue d’abroger les discriminations existantes.

Dans le domaine de l’éducation, on note une faible participation des filles et des disparités liées aux attitudes et aux pratiques socioculturelles. En général, le taux de scolarisation est en baisse : 78% en 1984 contre 61% en 1995. Les filles constituent 46% des effectifs de l’enseignement primaire et moins de 42% de ceux de l’enseignement secondaire. Elles représentent environ 23% de l’effectif total de l’enseignement supérieur. Le taux d’analphabétisme reste élevé et l’écart de scolarisation entre les filles et les garçons est de 14% contre 9% au niveau national. En outre, depuis 1992 on observe une déscolarisation des filles consécutive à la crise économique. Pour favoriser l’éducation des filles et des femmes n’ayant plus l’âge requis pour leur première inscription dans le système formel, le Gouvernement a prévu certaines alternatives pilotées par plusieurs départements ministériels. Les états généraux de l’éducation au Cameroun (1995) ont donné lieu à l’adoption d’une Déclaration de la nouvelle politique de l’éducation (1996) qui réaffirme la volonté du Gouvernement de lutter contre l’exclusion scolaire, de réduire les inégalités régionales et de lever les obstacles à l’éducation des filles.

Des cas de discrimination à éliminer

Dans le domaine de la santé, la femme éprouve des difficultés pour accéder aux soins de santé. Il existe tout de même des mesures qui assurent la promotion de la femme en matière de santé, même s’il n’existe pas à proprement parler de sanctions à l’encontre des mutilations sexuelles, qui peuvent pourtant être assimilées aux atteintes à l’intégrité physique réprimées par le Code pénal. Des programmes d’éducation sont mis sur pied dans le cadre du programme Sida, des mutilations sexuelles et de la planification familiale. En outre, dans la mesure où la mère et l’enfant constituent le groupe le plus vulnérable de la population, tant en milieu urbain que rural, le Ministère de la santé a fixé les grands axes d’intervention en matière de santé de la mère et de l’enfant dans le but d’améliorer la prestation et la délivrance de services de qualité. Le Gouvernement marque ainsi sa volonté d’améliorer de façon significative, au cours des 10 prochaines années, les principaux indicateurs de santé des populations en général, des femmes et des enfants en particulier.

Dans le domaine de l’emploi, les femmes représentaient environ 42% de la population active en 1987. Elles sont plus nombreuses dans l’agriculture où elles constituent 50% de l’effectif total et dans les services, 25% de l’effectif total. 58% de la population féminine active se retrouvent dans le secteur informel. Les femmes sont concentrées dans le petit commerce de produits vivriers où elles représentent 81% des vendeurs de détail et 9% des grossistes. En outre, un chef de ménage sur 5 est une femme. S’il n’existe pas de discrimination légale dans ce domaine, certains employeurs refusent néanmoins de recruter des femmes du fait des maternités. Ainsi la femme, malgré l’existence de textes qui la protègent, fait encore l’objet de préjugés sociaux et de discrimination liée au sexe.

Des stratégies ont été mises en place pour atténuer les effets néfastes des discriminations issues, notamment, des stéréotypes concernant le rôle des sexes. Ces stratégies, qui figurent dans le document de la Déclaration de politique d’intégration de la femme au développement (PANIFD), visent à promouvoir et mettre en place des mécanismes assurant l’épanouissement de toutes les potentialités féminines, à sensibiliser et éduquer les populations afin d’éliminer les tabous culturels qui freinent le développement de la jeune fille, améliorer les connaissances des femmes en matière de planification familiale, aménager des points d’eau potable dans les communautés rurales, adopter des mesures destinées à favoriser l’insertion ou la réinsertion des femmes pauvres et marginalisées dans la population active.

Des mesures tantôt préventives tantôt répressives ont été prises pour lutter contre le fléau de la prostitution qui a pris une ampleur telle qu’il est devenu difficile d’identifier et de quantifier les prostitués. En ce qui concerne la prostitution par le biais des agences matrimoniales, on note que le nombre d’individus ou de groupes d’individus qui correspondent avec des agences matrimoniales étrangères se multiplie et préoccupe les pouvoirs publics.

Pour ce qui est de la participation des femmes à la vie politique et publique, on observe que malgré les bonnes intentions politiques, les femmes continuent à être insuffisamment représentées dans les sphères de prise de décision. Cette situation est essentiellement liée aux préjugés et stéréotypes, aux facteurs économiques et à la non-application effective des lois et règlements en vigueur. En 1997 on comptait 3 femmes ministres sur un total de 45, soit une représentativité de 6,6%. Les femmes éprouvent également des difficultés à accéder aux postes électifs du fait des procédures d’investiture qui leur sont défavorables. En 1996, 13,9% de femmes ont été investies et 10,68% élues. Les femmes comptent pour 30,60% des effectifs de l’administration, mais on note une grande concentration de femmes aux échelons inférieurs des corps et de la hiérarchie fonctionnelle.

En ce qui concerne la situation des femmes rurales, on observe que celles-ci jouent un rôle crucial dans la réalisation de la sécurité alimentaire du pays. Représentant quelque 52% de la population rurale, les femmes produisent environ 90% des denrées alimentaires. On note que les femmes rurales effectuent de 8 à 12 heures de travaux agricoles par jour en période de pointe et presque autant pour les travaux domestiques, soit de 1,5 à 3 fois plus que les hommes qui s’occupent uniquement des cultures d’exportation. L’insuffisance de données statistiques ventilées par sexe ne permet toutefois pas d’apprécier de manière satisfaisante la contribution des femmes rurales au développement de la société.

En ce qui concerne le statut de la femme mariée, on note une restriction à sa capacité contractuelle puisque la loi autorise le mari à s’opposer à l’exercice d’une profession qui selon lui, pourrait compromettre l’intérêt de la famille. En outre, l’administration des biens de la communauté est confiée au mari que peut les vendre, les aliéner et les hypothéquer sans le concours de sa femme. Ces dispositions discriminatoires ont été identifiées et vont certainement disparaître dans le nouveau Code civil en cours d’élaboration.

Présentation de l’Etat partie

Mme JULIENNE NGO SOM, Ministre de la Condition féminine du Cameroun, a expliqué que pour donner suite aux dispositions de la Convention, le Cameroun a procédé au réexamen des systèmes législatif et judiciaire ainsi que du cadre institutionnel auquel ont participé tous les partenaires sociaux et les administrations. Elle a précisé que les discriminations que subissent les femmes au Cameroun sont plutôt de facto que de jure. La Constitution de 1972 pose le principe de l’égalité entre les sexes, ainsi que l’ordonnance fixant le régime foncier qui garantit le droit aux propriétaires terriens, sans distinction de sexe, de jouir et de disposer librement de leur propriété, le Code pénal, le Code du travail et les lois électorales. La Ministre a détaillé nombre de mesures discriminatoires qui subsistent et pèsent notamment sur la femme mariée.

Elle a présenté les mesures adoptées depuis l’entrée en vigueur de la Convention pour réduire l’écart entre la situation de droit et celle de fait. Elle a indiqué que si le cadre juridique n’a pas évolué depuis 1994, il y a lieu d’espérer que les actions en cours permettront non seulement d’assainir l’arsenal juridique existant, mais aussi de l’enrichir de dispositions favorables à la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes. Elle a fait état de l’action de la Commission de réformes législatives et juridiques, attachée au Ministère de la justice, et de la Commission de législation civile qui travaille sur l’élaboration du Code de la famille. En outre, il a été créé au Ministère de la condition féminine, au sein de la Direction de la promotion des droits de la femme, un service chargé de la prospection et de la réforme, dont la mission principale est l’initiation de textes favorisant la promotion des droits de la femme. Un projet de loi sur les violences à l’encontre des femmes est également en cours d’élaboration. Evaluant le cadre institutionnel de son pays, la Ministre a indiqué que les structures de promotion de la femme existent aussi bien au niveau central, intermédiaire que communautaire. En outre, à côté de ce cadre institutionnel mis en place par l’Etat camerounais, on trouve des réseaux d’organisations, d’associations et d’organisations non gouvernementales qui œuvrent pour la promotion de la femme, luttent contre les violences et les discriminations à son égard.

Parmi les obstacles auxquels l’application de la Convention risque de se heurter, elle a identifié notamment la multiethnicité du pays, rappelant que le Cameroun compte plus de 200 ethnies ayant chacune ses propres spécificités; les pesanteurs socioculturelles qui constituent les bases structurelles de la dévalorisation de la femme; la coexistence conflictuelle du droit écrit et des coutumes locales. La Ministre a également souligné le dualisme juridique entre les systèmes français et anglo-saxon dont son pays a hérité de la colonisation; l’absence de définition légale de la discrimination et des sanctions subséquentes; l’analphabétisme et le faible niveau d’instruction des femmes; l’insuffisance des ressources allouées aux mécanismes de promotion de la femme; l’environnement économique international, notamment les politiques d’ajustement structurel; et la participation timide de la femme à l’amélioration de son statut.

Elle a fourni des précisions sur l’évolution de la situation dans son pays depuis la soumission du rapport initial en 1998. Ainsi, elle a noté l’engagement ferme du Gouvernement dans la lutte contre les différentes formes de violences et de discriminations à l’égard des femmes qui s’est traduit par l’adoption de la politique et du Plan d’action multisectoriel, intitulé “femmes et développement” qui tient compte de sept axes prioritaires tirés du Programme d’action de Beijing. La Ministre a fait part de l’adoption d’un Plan national sur l’élimination des mutilations génitales féminines qui vise l’amélioration des conditions de vie de la femme et de l’élaboration d’un projet de loi sur les violences faites aux femmes.

En dernier lieu, elle a présenté au Comité les actions qui sont envisagées dans la perspective de la soumission des prochains rapports. Elle a mentionné la mise en place d’un observatoire sur la situation de la femme camerounaise, la collecte et la mise en place de données concernant, entre autres, les différentes formes de pratiques discriminatoires, la violence à l’égard des femmes selon les régions géographiques, les groupes ethniques et les milieux socioprofessionnels. Elle a également indiqué que son pays entendait mené des campagnes d’information, de sensibilisation de tous les intervenants, du public, des leaders traditionnels et religieux, des pouvoirs publics ainsi que des hommes et des femmes elles-mêmes. Il est en outre prévu de poursuivre la réforme des textes et de renforcer les capacités des associations professionnelles et des organisations non gouvernementales dans la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes.

Questions et observations des expertes

Dans leurs observations générales, à l’instar de Mme AHOUA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, les expertes du Comité se sont félicitées de la ratification sans réserves de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elles ont salué l’objectivité avec laquelle le rapport initial du Cameroun a été rédigé. Mme Ouedraogo a souligné que l’utilisation des statistiques ventilées par sexe qui se trouvent dans ce rapport faciliteront la tâche du CEDAW. Mais, de manière générale, elle a regretté l’absence de stratégie claire au Cameroun pour accélérer le changement des mentalités et mettre fin aux lourdeurs sociologiques telles que la polygamie, le mariage forcé et les mutilations génitales. Pour sa part, Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a estimé que la décentralisation politique au Cameroun est une bonne chose pour les femmes car elle leur donne la possibilité de participer activement à tous les niveaux de la société. Le Comité a insisté pour que les autorités camerounaises veillent à ce que la Convention touche toutes les régions du Cameroun, en dépit des différences ethniques. La Convention peut devenir une force d’unification au Cameroun, ont souligné les expertes. Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a suggéré à la délégation camerounaise de combiner les deuxième et troisième rapports périodiques lors de sa prochaine présentation devant le CEDAW.

Faisant ensuite part de leurs questions et observations concernant l’application de l’article 1 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING a demandé si les autorités camerounaises ont établi un calendrier pour les mesures de lutte contre les obstacles entravant l’avancement de la femme camerounaise. De même que d’autres expertes, Mme Schöpp-Schilling s’est félicitée du fait que la discrimination fasse partie de la Constitution mais elle a suggéré que les autorités adoptent une loi plus proche de la population définissant l’égalité des chances. Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a demandé des précisions sur la stratégie de la Commission nationale chargée d’examiner l’élimination des lois discriminatives à l’égard des femmes pour faire bénéficier les femmes de résultats concrets. Quant à Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, elle a regretté que le Cameroun ait conservé des lois datant de l’époque coloniale, qui représentent un fardeau et renforcent les lourdeurs du droit coutumier en consacrant le système patriarcal et la prédominance du mari sur son épouse. Mme Goonesekere a demandé à savoir si les normes de la Convention ont été incorporées dans le système juridique camerounais. Elle a voulu savoir s’il existe une procédure de plainte au plan local dans laquelle ont peut évoquer la Convention. Dans quelle mesure les femmes peuvent-elles avoir recours aux tribunaux?, a-t-elle demandé. L’Experte a demandé quel organe est chargé de la réforme des lois sur la famille et s’il se livre à des études comparatives pour mener à bien cette tâche.

Mme CUI FENG, experte de la Chine, en ce qui concerne la création du Ministère de la femme et du Comité national de la femme, elle a souhaité connaître les rapports entre ces deux organes et le mode de fonctionnement du Comité.

Lors de l’examen des dispositions législatives adoptées par le Cameroun, Mme AHOUA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, estimant qu’il faut avoir les moyens de sa politique, a demandé des précisions sur le budget du Ministère de la condition féminine. Elle a demandé quelle était la part des ressources propres du Gouvernement allouées au Ministère par rapport à celles provenant d’institutions spécialisées comme le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ou pour l’enfance (UNICEF). Elle a voulu savoir si toutes les politiques prévues ont pu être engagées et si le Ministère disposait également des ressources humaines nécessaires à son action. Le pays dispose-t-il d’un nombre suffisant d’assistantes sociales bien formées, capables de faire passer le message aux femmes afin qu’elles puissent réellement devenir les alliées de leur émancipation? Elle a en outre estimé qu’il aurait été utile au Comité de disposer des détails du Plan national d’action adopté par le Cameroun et a voulu savoir si ce Plan d’action intégrait le concept “genre et développement” dégagé lors des récentes conférences régionales. Pour sa part, Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a posé la question de savoir si le Ministère de la condition féminine continuait à mettre en œuvre des programmes visant spécifiquement les besoins économiques des femmes. Revenant sur les programmes d’ajustement structurel et sur la mondialisation qui ont eu des impacts négatifs sur les femmes, elle a demandé quelles étaient les mesures qui avaient été adoptées pour pallier à ces conséquences négatives.

Lors de l’examen des mesures adoptées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel et pour agir sur l’éducation familiale, Mme AHOUA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, a regretté que, dans la description des obstacles socioculturels à l’application de la Convention, le Cameroun ait omis de parler de la violence à l’encontre des femmes. Estimant que ce problème est assez répandu sur le Continent, elle a demandé s’il existait des associations de “femmes battues” et a recommandé que l’information circule mieux sur ce sujet. Citant l’exemple des numéros d’urgence qui permettent, dans les villes du moins, de dénoncer les violences, elle a insisté sur la nécessité de créer des structures permettant d’aborder la question de la violence avec franchise et sans fausse pudeur de façon à pourvoir réellement lancer des actions efficaces contre ce fléau et mettre en place des structures d’accueil pour les femmes qui souffrent de violence.

Reconnaissant que les sociétés africaines évoluent, Mme Ouedraogo a néanmoins souligné la survivance de la polygamie qui est justifiée, par certains, par la surcharge de travail qui pèse sur les femmes rurales et le partage que cela permet. Elle a demandé que le même travail soit fait pour lutter contre la polygamie que pour lutter contre les mutilations génitales. A cet égard, Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a demandé si la polygamie était légale. Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a recommandé au Cameroun de collaborer avec les autres pays africains pour l’aider à lutter contre les pratiques coutumières préjudiciables aux femmes.

Soulignant que les stéréotypes survivent également dans les pays développés, Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a demandé si le Gouvernement camerounais entendait continuer sa lutte contre les stéréotypes comme stratégie de promotion des droits de la femme. Elle a également suggéré que la Convention soit utilisée dans les campagnes d’alphabétisation visant les femmes et a recommandé à la Ministre de s’efforcer d’introduire la composante promotion de la femme dans les programmes de coopération économique avec les pays du Nord. Dans le même ordre d’idées, Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a recommandé à la Ministre de la condition féminine camerounaise de s’appuyer sur la notoriété du Programme d’action de Beijing pour l’aider à mettre en œuvre la Convention et pour la faire connaître. Elle a également souligné que la Convention, ratifiée sans réserve par le Cameroun, peut servir d’instrument juridique pour contraindre le Gouvernement à mettre en œuvre le Programme d’action de Beijing.

Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, s’est demandée pourquoi aucune sanction n’était imposée à l’encontre des Ministères ou des administrations qui appliquent des discriminations à l’égard des femmes et quel type de pressions pouvaient être faites pour modifier les lois qui comportent encore des dispositions discriminatoires. Observant que le taux de fécondité reste très élevé au Cameroun, elle a voulu savoir quelle politique de planification familiale était menée pour permettre aux femmes de choisir librement le nombre d’enfants qu’elles souhaitent avoir et a encouragé le Gouvernement à mieux utiliser les organisations non gouvernementales dans sa lutte contre les discriminations à l’égard des femmes. Elle a également demandé quelles mesures avaient été prises pour modifier les manuels scolaires.

Prenant la parole au sujet de l’application des dispositions de l’article 6 de la Convention au Cameroun sur la suppression du trafic des femmes et de l’exploitation de la prostitution, Mme IVANKA CORTI, experte de l’Italie, évoquant le passage du rapport qui décrit l’étendue du phénomène de la prostitution, a souligné savoir les actions concrètes adoptées par le Ministère de la condition de la femme pour lutter contre la prostitution et ses retombées. Si la prostitution affecte à la fois les femmes jeunes et les femmes plus âgées, il est nécessaire d’adopter des mesures pluridisciplinaires et de les appliquer de façon continue. L’éducation sexuelle doit aussi être renforcée. Mme Corti a souligné savoir si les mesures indiquées dans l’article 143 du Code pénal suffisent pour lutter contre la prostitution. Elle a voulu savoir si les clients des prostituées sont aussi passibles d’une peine. L’experte a eu l’impression que des maisons closes existent déjà et a demandé si le Gouvernement envisage de les fermer dans la mesure où les femmes “consignées” dans ces maisons sont réduites à une condition assimilable à de l’esclavage. Les ministères, les institutions sociales et les ONG doivent participer à la diffusion de messages mettant en avant les droits de la femme et le fait que la prostitution est une forme d’esclavage. Même si les résultats sont insuffisants, le Cameroun peut s’inspirer des mesures prises dans d’autres pays pour enrayer ce phénomène.

Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, experte de l’Afrique du Sud, a regretté la baisse du nombre de femmes membres du pouvoir législatif. Elle a critiqué la loi sur le mariage qui autorise un époux à obliger son épouse à mettre fin à l’activité économique qu’elle exerce. Les maris peuvent-ils aussi emplêcher la participation de leur épouse à la vie politique du pays ? Mme Myakayaka-Manzini a demandé à quel point les organisations de femmes sont actives.

Mme ZELMIRA REGAZZOLI, experte de l’Argentine, a demandé des précisions sur le code électoral qui, semble-t-il, décourage la participation des femmes à la vie politique du pays. La participation des femmes au fonctionnement des municipalités à augmenté mais elle a diminué pour ce qui est de la participation au niveau national, a noté Mme Regazzoli. Elle a demandé si une initiative législative permettant d’incorporer à la loi un système de quota régissant la participation des femmes à la vie politique est prévue.

Mme SILVIA ROSE CARTWRIGHT, experte de la Nouvelle-Zélande, a estimé que le rapport initial du Cameroun est l’un des meilleurs qu’elle ait examiné et qu’il contient des observations très pertinentes. En ce qui concerne l’article 10 de la Convention qui porte sur l’éducation, l’Experte a partagé le souci des autorités camerounaises au sujet du problème de l’analphabétisation qui donne aux femmes accès à l’information concernant la nutrition, la formation et les différents autres aspects de leur vie. Mme Cartwright a demandé si les mesures adoptées par le Gouvernement dans ce domaine ont déjà provoqué une amélioration du taux d’inscription des jeunes filles à l’école. Pour ce qui est de l’article 11 de la Convention sur le droit à l’emploi, Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, a demandé si les femmes chefs de foyer ont le bagage culturel et la formation nécessaire pour occuper un emploi. Dans un premier temps, a estimé l’Experte, il faudrait s’assurer que les jeunes filles restent à l’école pour recevoir la formation nécessaire pour mener une vie professionnelle dans des domaines tels que la science, la gestion ou les médias plutôt que dans les domaines traditionnels.

Mme ZELMIRA REGAZZOLI, experte de l’Argentine, regrettant que le Cameroun traverse une crise économique et constatant que 40% de la population vit dans la pauvreté, a suggéré que le Ministère adopte une législation nationale interdisant la discrimination à l’emploi don’t souffrent les femmes. Mme Regazzoli a suggéré que les autorités organisent des programmes de formation pour alphabétiser les femmes et les informer sur leurs droits en matière d’emploi, et notamment leurs droits syndicaux.

Pour ce qui est de l’article 12 sur le droit à la santé, Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a recommandé aux autorités camerounaises d’adopter une démarche globale en ce qui concerne les différentes questions sanitaires relatives aux femmes. Mme Abaka a reconnu qu’après les programmes d’ajustement structurels les ressources financières sont peu élevées mais la santé passe avant tout et il est nécessaire de réduire les taux de mortalité maternelle et infantile par des programmes d’informations sur les risques inhérents aux taux de fertilité très élevés. La perception des taux de fécondité élevée est préjudiciable à la santé des femmes et se répercute sur l’ensemble de la société qui ne dispose pas des structures nécessaires pour éduquer ces enfants. Mme Abaka a également demandé des précisions sur les mesures entreprises par les autorités camerounaises pour lutter contre la pandémie de VIH/sida.

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