En cours au Siège de l'ONU

DSG/SM/97

LA VICE-SECRETAIRE GENERALE DECLARE QUE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES NE PEUT RIEN FAIRE EN L'ABSENCE DE CONDITIONS DE SURETE ET DE SECURITE ACCEPTABLES POUR SON PERSONNEL

20 juin 2000


Communiqué de Presse
DSG/SM/97
ORG/1306


LA VICE-SECRETAIRE GENERALE DECLARE QUE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES NE PEUT RIEN FAIRE EN L'ABSENCE DE CONDITIONS DE SURETE ET DE SECURITE ACCEPTABLES POUR SON PERSONNEL

20000620

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution que la Vice-Secrétaire générale, Louise Fréchette, a prononcée devant le troisième Sommet sur la sécurité et l’indépendance de la fonction publique internationale, qui s’est tenue au siège de l’Organisation des Nations Unies le 15 juin 2000 :

Il m’est particulièrement agréable de me retrouver parmi vous aujourd’hui, à l’occasion de ce troisième Sommet sur la sûreté et la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé. Le Secrétaire général, qui souhaitait vivement participer lui-même à cette rencontre, ne peut être là dans la mesure où il doit assister aux délibérations du Conseil de sécurité sur la situation en la République démocratique du Congo.

Je voudrais tout d’abord rendre hommage au Comité permanent du Conseil du personnel sur la sécurité et l’indépendance de la fonction publique internationale et au Comité de coordination des syndicats et associations indépendants du personnel du système des Nations Unies (CCSA) pour l’intérêt soutenu qu’ils ont accordé à ce problème qui conditionne notre moral et notre capacité d’action.

Comme vous le savez – certains pour avoir été des témoins de première ligne et tous pour avoir enduré la perte de collègues chers –, l’année qui vient de s’écouler n’a vu se réduire ni le nombre ni la diversité des risques que doivent affronter, dans l’exercice de leurs fonctions, le personnel des Nations Unies et le personnel associé. De la Sierra Leone au Timor oriental, du Kosovo au Moyen- Orient, le personnel des Nations Unies et nos collègues des organisations non gouvernementales et des organismes qui se consacrent aux questions humanitaires ou au développement continuent d’affronter des risques inconnus jusque là et inacceptables.

Permettez-moi de vous donner une idée de l’ampleur du problème. En 1999, le Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les mesures de sécurité a relevé que le personnel des Nations Unies avait été victime de 292 incidents violents, dont notamment des vols avec violence, des agressions physiques et des viols. Les emprisonnements et les prises d’otages ont atteint des proportions jusque là inégalées. Pire encore, depuis 1992, 184 fonctionnaires des Nations Unies ont sacrifié leur vie au service de la paix et de la communauté internationale.

L’heure n’est cependant pas aux seules statistiques. Chaque fonctionnaire est un être distinct et spécial. Chacun d’entre vous nourrit ses espoirs et ses ambitions. Et cependant, un fil vous relie tous. En effet, en tant que fonctionnaires des Nations Unies, vous travaillez à la réalisation des objectifs qui ont présidé à la création de l’Organisation, à savoir : mettre un terme à la violence et aux affrontements qui continuent de dévaster l’humanité; veiller au respect universel des droits de l’homme; édifier un monde plus humain fondé sur la justice et la démocratie; aider les peuples à se libérer de l’étreinte de la pauvreté; en un mot, rendre ce monde plus accueillant pour tous et pas seulement pour quelques privilégiés. Pour irréalisables que ces objectifs puissent paraître parfois, ils n’en méritent pas moins toute notre attention.

Je tiens à souligner que, lorsque je parle du personnel des Nations Unies, j’entends non seulement les effectifs militaires et policiers, mais aussi les milliers de civils qui interviennent dans les missions de maintien ou de rétablissement de la paix, et dans les missions intéressant les questions humanitaires et le développement; non seulement le personnel recruté sur le plan international mais aussi les hommes et les femmes localement recrutés sans lesquels nous ne pourrions tout simplement pas nous acquitter de notre mission et qui encourent souvent des dangers encore plus grands que leurs collègues internationaux. C’est vis-à-vis de toutes ces personnes que nous assumons des responsabilités.

Pour beaucoup d’entre vous, vous acquitter de vos fonctions signifie travailler dans des conditions difficiles et dans des régions reculées, loin de vos familles et privés du confort et de la commodité de votre environnement familier. Nous devrions tous nous enorgueillir du fait que le personnel des Nations Unies ne recule jamais devant ces missions difficiles et accepte la nécessité d’affronter parfois le danger pour faire progresser les différentes causes que nous servons. De fait, ces jours derniers, le personnel de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) et les collègues des organisations non gouvernementales ont fait preuve de beaucoup de courage en demeurant à Kisangani lors des récents affrontements. Si le danger est parfois inévitable, nous ne devons pas pour autant l’accepter sans prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer au personnel la sécurité dont il a besoin pour accomplir sa mission.

Le problème de la sécurité du personnel impose aux gouvernements et aux responsables de l’Organisation que nous sommes une lourde responsabilité. Le Conseil de sécurité a jugé profondément préoccupante la poursuite des agressions. Les chefs de secrétariat des organismes, programmes et fonds des Nations Unies ont également examiné la question de manière approfondie. Vous êtes en droit de vous demander ce qui est fait en ce moment pour améliorer la sécurité du personnel demain. Somme toute, dans une organisation mondiale comme la nôtre, qui œuvre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, la prochaine victime, le prochain deuil ne sont peut-être qu’au détour du chemin. Comme vous le savez aussi, des dizaines de cas de séquestration de personnel des Nations Unies ne sont pas encore résolus. Ainsi, loin du confort dans lequel nous vivons, certains de nos collègues continuent peut-être de souffrir ou de se morfondre loin des regards.

Avec les moyens limités dont il dispose, le Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les mesures de sécurité a pris des dispositions visant à assurer la formation de tous les fonctionnaires affectés sur le terrain et la désignation d’un nombre suffisant de fonctionnaires de la sécurité auprès des responsables de la sécurité. Le Bureau s’emploie à améliorer les normes de sécurité afin que tous les lieux d’affectation puissent satisfaire à des conditions minima. Il met également l’accent sur le soutien psychologique pour les cas de stress, de même que sur la logistique et l’équipement, en veillant ainsi à la disponibilité d’éléments essentiels tels que radios, téléphones par satellite ou gilets pare-éclats. Compte tenu de ces impératifs et d’autres obligations importantes, la nécessité se fait sentir de créer un poste à temps plein de coordonnateur de la sécurité. C’est notamment par cette voie que le Secrétaire général envisage de renforcer le Bureau dans les meilleurs délais possibles.

Il faut préciser que les fonds et les programmes, dont le personnel se trouve souvent en première ligne, ont également pris des mesures visant à améliorer la sécurité. L’une des exigences qui s’imposent à nous consiste à harmoniser nos efforts afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles pour tous les membres du système des Nations Unies.

Si toutes ces initiatives ont leur importance, elles ne sont pas suffisantes. C’est la raison pour laquelle le Secrétaire général, en sa qualité de Président du Comité administration de coordination, a engagé une étude interne des dispositifs de sécurité actuellement en vigueur au sein du système des Nations Unies. Cette étude devrait permettre d’arrêter les modalités de réorganisation de la coordination et de la gestion des dispositifs de sécurité, notamment sur le terrain, et d’en renforcer notablement les aspects stratégiques, juridiques et opérationnels. Le Secrétaire général envisage de soumettre des propositions détaillées à l’Assemblée générale en automne.

La mise en œuvre de l’ensemble des mesures nécessaires exige des ressources. J’invite les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à contribuer diligemment et généreusement au Fonds d’affectation spéciale pour la sécurité du personnel des Nations Unies. Il est regrettable de relever qu’à cette date cinq États Membres seulement ont contribué à ce Fonds. Ces cinq États – la Finlande, le Japon, Monaco, la Norvège et le Sénégal – méritent tous nos éloges. Les fonds qu’ils ont versés, soit 1,2 million de dollars, nous ont permis de réaliser des opérations urgentes de formation en sécurité dans un certain nombre de lieux d’affectation à haut risque. Si je ne m’abuse, ce sont les mêmes pays et le même montant que j’ai mentionnés lors de ma dernière intervention sur la sécurité du personnel. Nous recommanderons à l’Assemblée générale de nous départir de la démarche ponctuelle que nous avons adoptée jusque là pour financer la sécurité du personnel; le problème relève en effet d’une des responsabilités premières de l’Organisation, qui devrait, en conséquence adopter les dispositions budgétaires nécessaires.

Les États Membres peuvent également démontrer leur attachement à la sécurité du personnel en ratifiant la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, qui est entrée en vigueur l’année dernière. Le présent sommet accueille les États qui ont récemment adhéré à la Convention, à savoir le Bangladesh, le Botswana, la Croatie, la France, la Hongrie, la Pologne, le Sénégal et l’Uruguay. Le Secrétariat de l’ONU a entrepris une étude du champ de la protection juridique que garantit la Convention, en vue de faire des recommandations sur les moyens d’étendre sa couverture à d’autres catégories du personnel qui en sont actuellement exclues.

Il nous faut d’autre part accélérer la ratification du Statut de la Cour pénale internationale, qui qualifie les agressions contre le personnel de maintien de la paix et le personnel humanitaire de crimes de guerre. Les États Membres devraient aussi se montrer plus résolus à mener des enquêtes et à traduire en justice les personnes qui ont blessé ou tué des employés de l’Organisation. Seuls deux auteurs de tels actes ont été traduits en justice et condamnés. Il règne un sentiment d’impunité. Comme pour tout régime juridique, l’adoption de lois ne constitue qu’une première étape; la pierre de touche se situe au niveau de leur application effective.

Les gouvernements et les peuples du monde continuent de nous faire confiance. Ils reconnaissent l’importance du travail dont vous vous acquittez. Ce qu’ils n’apprécient pas pleinement, ce sont les épreuves que vous devez surmonter pour accomplir votre tâche. Je tiens à vous assurer que le Secrétaire général est conscient de la gravité du problème et qu’il s’emploie de toutes ses forces à faire évoluer cette situation inacceptable. Il ne s’agit pas de placer en queue de liste des priorités la sécurité du personnel qui est un élément essentiel de la réussite de votre action. Nous ne pouvons rien faire si vous, hommes et femmes des Nations Unies qui donnez vie à la Charte ne bénéficiez pas de la protection et de la sécurité nécessaires. Merci d’être là aujourd’hui. Je demeure convaincue que cette réunion contribuera considérablement à la réalisation de notre mission.

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