En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7445

LE SECRETAIRE GENERAL INVITE LES LAUREATS DE LA PROMOTION 2000 DE L'UNIVERSITE DE STANFORD A PRENDRE L'INITIATIVE POUR SAUVEGARDER L'ENVIRONNEMENT MONDIAL

9 juin 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7445


LE SECRETAIRE GENERAL INVITE LES LAUREATS DE LA PROMOTION 2000 DE L’UNIVERSITE DE STANFORD A PRENDRE L’INITIATIVE POUR SAUVEGARDER L’ENVIRONNEMENT MONDIAL

20000609

On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée, le 11 juin 2000, par le Secrétaire général à la cérémonie de remise des diplômes de l’Université de Stanford (Californie) :

C’est merveilleux pour moi d'être ici ce matin avec vous, la promotion de 2000, la génération du millénaire. C'est un grand jour pour vous et je vous présente mes sincères félicitations. Mes félicitations vont également à tous les proches qui vous ont aidé à franchir cette étape importante.

Pour le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, une foule aussi nombreuse [23 000 personnes] est généralement mauvais signe. J’ai tendance à penser à une marée de réfugiés, à une manifestation contre un gouvernement répressif, à une armée prête au combat – ou même à ce que j'ai récemment vécu à Seattle! Mais vous êtes réunis ici pour des festivités, et vous avez bien mérité de faire la fête.

Je ne suis ici que depuis quelques heures, mais je peux déjà affirmer que la "ferme" de Stanford a de nouveau produit une moisson abondante : des ingénieurs, des éducateurs, des chefs d’entreprise et d’autres qui marqueront bientôt le XXIe siècle de leur empreinte. Je sais que vous brûlez d’envie d’allez voir le monde. Mais avant votre départ, parlons un peu de l’endroit que vous allez quitter et de ce qu’il symbolise.

Pendant plusieurs années, ce campus a été votre habitat. Il vous a abrité et a nourri votre croissance. Il vous a arrosés d'une pluie d’idées, a rempli vos poumons de l’air frais des nouvelles expériences, et vous a aidé à prendre racine dans le sol fertile de la connaissance humaine et de l’histoire et des traditions accumulées dans le monde.

Les espèces forment ici un réseau complexe. Je n'entends pas par là les oiseaux et les écureuils, mais plutôt les types humains qui constituent votre communauté : un ensemble merveilleusement divers d’étudiants; les professeurs et les administrateurs; et, bien entendu, les habitants du lieu qui, tels les séquoias de Californie, vous regardent aller et venir. Ensemble, vous formez un écosystème bien vivant.

Quelles que soient vos expériences individuelles, vous avez partagé un destin commun. La communauté de Stanford a évolué, prospéré et souffert en tant qu’environnement unique et intégré. Et vous souhaitez certainement qu’elle continue à exister pour que les générations futures – peut-être vos propres enfants – puissent en bénéficier.

Il en va de même de la communauté humaine au sens large. C'est en tant que famille humaine unique que nous vivons et prospérons sur la planète Terre. Comme l’a dit Benjamin Franklin lors de la signature de la Déclaration d’indépendance, "nous devons tous serrer les rangs, sinon nous serons certainement pendus séparément". Ces mots résonnent encore. À l’époque de la mondialisation, notre interdépendance se fait chaque jour plus profonde. L’une de nos principales responsabilités est de léguer aux générations futures un monde vivable et viable.

C’est dans cet esprit que je vous lance - à vous et à toute votre génération - un appel tout particulier: pour sauvegarder l’environnement mondial, vous devrez prendre l'initiative.

J’ai passé une bonne partie de l’année écoulée à analyser l’état du monde et à rédiger un rapport sur les défis à relever à l’aube du nouveau millénaire.

Le rapport s’intitule "Nous, les peuples" et vous pouvez le consulter sur le site web de l’Organisation des Nations Unies. L’objectif était de prendre du recul par rapport aux pressions des crises quotidiennes et de réfléchir à la direction plus générale que nous allons emprunter à long terme. C'est une sorte de mémoire de fin d'année que j'ai présenté aux habitants de la planète. J’espère sincèrement que vous le lirez – et surtout n’hésitez pas à me donner une note et à me faire savoir ce que vous en pensez!

Le rapport constate que nous avons beaucoup de raisons de nous réjouir. La plupart des gens peuvent espérer vivre plus longtemps que leurs parents. Il sont mieux nourris, jouissent d’une meilleure santé, sont mieux éduqués, et, dans l’ensemble, ont des perspectives économiques plus favorables.

Mais privations et désespoir restent le lot de trop d'être humains. Le siècle qui vient de s’achever a été déchiré, à maintes reprises, par des conflits impitoyables. La misère persiste et des inégalités choquantes demeurent au sein des pays et entre eux, alors que le monde n'a jamais été si prospère. Des maladies, anciennes et nouvelles, menacent d’anéantir des années de progrès.

Malheureusement, une grande partie de ces constatations n'avaient rien de nouveau. Mais au chapitre de l'environnement mondial sont apparus des faits véritablement effrayants.

Nous savons depuis longtemps que des pratiques nuisibles restent profondément ancrées dans notre vie quotidienne. Ce qui m'a choqué, ce n’est donc pas tant l’état de l’environnement que l’état du débat sur l’environnement. En bref, le développement durable n’apparaît pas sur les écrans radar politiques.

C’est là quelque chose qui devrait nous préoccuper tous, si ce n’est que parce que la moitié des emplois dans le monde dépendent directement de la survie des écosystèmes. Les scientifiques sont peut-être en désaccord sur certains points; c’est la nature de la recherche. Mais ils sont unanimes pour dire que nous devons faire face à des défis extraordinairement graves.

Selon eux, si notre consommation d’eau douce se maintient, d’ici à 2025, les deux tiers de la population mondiale habiteront dans des pays manquant d’eau. Selon eux, si les tendances en matière de population et d’utilisation du sol se maintiennent, la sécurité alimentaire de l'humanité sera sérieusement menacée vers le milieu du siècle. Et si les tendances en matière d’émissions polluantes et de consommation d’énergie se maintiennent, le réchauffement de la planète ne fera que s’accélérer.

Les signes d’un monde qui n’a pas pris au sérieux les changements climatiques apparaissent déjà. Avec l’accélération de la tendance au réchauffement, les conditions climatiques sont devenues plus volatiles et plus extrêmes. Les pertes économiques dues aux catastrophes naturelles en 1999 uniquement ont atteint quelque 100 milliards de dollars – plus que pour l'ensemble des catastrophes des années 80.

Nous sommes engagés dans une course contre la montre. Je ne veux pas vous décourager, ni avoir l'air de « crier au loup ». Si nous avons appris une chose au cours de ces dernières années, c’est que les scénarios apocalyptiques n'apportent pas de solutions. Toutefois, la réalité indéniable est que nous sommes en train de piller le patrimoine de nos enfants. Il y a eu quelques exceptions honorables. Des traités ayant force obligatoire ont été adoptés sur le changement climatique, la biodiversité et l’appauvrissement de la couche d’ozone. Les efforts bénévoles de particuliers et de groupes de citoyens courageux ont sensibilisé le public. Mais, dans la plupart des cas, nos réactions ont été insuffisantes. Et le débat demeure aussi peu animé.

Laissez-moi vous donner un exemple. En septembre prochain, les dirigeants des pays du monde viendront au Siège de l’ONU, à New York, pour le Sommet du Millénaire. J'imagine ce que vous pensez : que ce Sommet ne fera que produire des paroles en l’air qui aggraveront encore la pollution atmosphérique!

Mais c'est autre chose qui m'inquiète; je ne crains pas qu’il y ait trop de discours, mais que, sur ce sujet, il y en ait trop peu. Au cours des débats à l’Assemblée générale - qui ont duré près de 18 mois - sur les questions qui devaient figurer à l’ordre du jour du Sommet, l'environnement n’a pratiquement pas été mentionné.

Les décideurs, peut-être assaillis par d’autres préoccupations, peut-être évitant délibérément des choix difficiles, placent l’environnement terriblement bas sur leur liste de priorités.

Peut-être devraient-ils écouter leurs propres ministres de l'environnement. Plus d'une centaine d'entre eux viennent de se réunir en Suède, où ils ont conclu que nous disposons aujourd'hui des ressources humaines et matérielles nécessaires pour parvenir à un développement durable.

Il n'empêche que, trop souvent, les décideurs semblent aveugles aux dangers qui nous guettent. Trop souvent, la gestion de l’environnement est considérée comme un luxe, non comme une nécessité. Trop souvent, la question est présentée comme un conflit insoluble entre économie et écologie, alors qu’en fait le développement durable offre le moyen de concilier les deux. Trop souvent, on pense que pour protéger l’environnement, il faut abandonner la lutte contre la pauvreté ou écarter d’autres préoccupations vitales. Mais si nous ne trouvons pas le moyen de gérer l’environnement à long terme, la pauvreté gagnera encore du terrain, et la paix ne progressera probablement pas.

Dans de nombreux cas, nous savons déjà ce qu’il faut faire. Grâce au Protocole de Kyoto sur les changements climatiques, les émissions de carbone pourraient commencer à diminuer– à condition qu’il soit ratifié et appliqué, surtout par les États-Unis, le plus grand producteur mondial de gaz à effet de serre. Pour la planète toute entière, ce serait là un énorme cadeau.

Le moment est également venu d'adopter une « comptabilité verte ». Actuellement, lorsque les usines produisent des biens mais rejettent des matières polluantes dans les cours d’eau ou dans l’atmosphère, la comptabilité nationale mesure uniquement la valeur des biens, et pas les coûts de la pollution. La comptabilité verte modifierait cette pratique et contribuerait à faire appliquer le principe du "pollueur-payeur".

Nous pouvons mieux financer la recherche sur les nouvelles sources d’énergie telles que les piles à combustible. Nous pouvons éliminer les subventions nuisibles à l’environnement. Nous pouvons veiller à ce que les gouvernements eux- mêmes soient en mesure de gérer les questions environnementales.

Ce sont des choses que nous pourrions faire dès maintenant, sur la base des connaissances actuelles. Et c’est là que vous intervenez. Oui, le monde attend de vous que vous participiez à la révolution des technologies de pointe et que vous aidiez à combler le fossé numérique. Oui, le monde attend que vous apportiez votre contribution et que vous fassiez de votre mieux, quel que soit votre domaine de prédilection. Mais ce que je vous demande, moi, c'est de réfléchir à ce que vous pouvez faire pour assurer l'avenir de tous les habitants de cette planète d’ici à 50 ou à 100 ans. Stanford est connu pour son esprit d’entreprise. Certainement, il y a ici même, dans ce stade, le potentiel de réaliser des progrès décisifs qui changeront vraiment le cours des choses. Souvenez-vous que les grandes sociétés ont fait beaucoup d’argent en polluant l’environnement, mais qu’elles peuvent en faire beaucoup plus encore en réparant les dégâts. C’est là le défi que je lance aux futurs dirigeants d’entreprise qui sont parmi nous aujourd'hui.

Quant aux chimistes et aux biologistes, ils pourront fournir des informations et des analyses solides pour faire progresser nos connaissances. Ceux qui ont fait des études commerciales pourront développer dans le monde des affaires la notion "d'entreprise citoyenne mondiale". Les enseignants pourront susciter certaines prise de conscience. Et vous tous, en tant que consommateurs, pourrez aider à protéger l’environnement par vos choix individuels. Et en tant que citoyens et électeurs, vous pourrez exercer des pressions sur les gouvernements non seulement pour qu’ils concluent des accords sur l’environnement, mais également pour qu’ils les fassent appliquer.

La voie que je vous trace est-elle celle de l’activisme et de l’engagement dans les affaires publiques? Oui, tout à fait! Votre génération doit faire mieux que la mienne. C’est à vous qu’il appartiendra, en dernier ressort, d'adopter et d’appliquer une nouvelle éthique pour la gestion de notre planète. Nous en avons cruellement besoin.

Il y a 55 ans, des dirigeants se sont réunis tout près d’ici, à San Francisco, pour une Conférence d’importance cruciale à un moment charnière dans l'histoire du monde. Ils ont créé une merveilleuse machine, un instrument polyvalent au service de la paix, de la justice et du bien-être de l’humanité. Il nous incombe à tous – nous les peuples et les nations du monde – de lui permettre de tenir cette promesse.

Les fondateurs ne se sont pas penchés sur les menaces environnementales. À cette époque-là, l’écologie était une branche de la biologie. Le mot cyberespace ne se trouvait même pas dans les livres de science-fiction, et le premier ordinateur du monde venait tout juste d’être construit. Il occupait une vaste pièce, était doté de 18 000 tubes à électrons et ses circuits devaient être modifiés pour chaque nouvelle opération.

Nous savons les changements qui se sont produits depuis lors. Alors même que je vous parle, certains d’entre vous échangent peut-être des messages électroniques sur leurs ordinateurs de poche! Notre monde est un monde nouveau où les frontières disparaissent et où les gens sont interconnectés. Cela peut être déconcertant et intimidant. Certains d’entre vous ont peut-être un peu peur de se lancer dans ce nouveau monde. Mais le moment est venu de vous épanouir, de déployer vos ailes.

Le grand poète américain Robert Frost a écrit qu'apprendre, c'est persévérer jusqu’à avoir compris. Mes amis, je n’ai aucun doute que vous avez compris – aussi bien la nature de la vie dans notre village planétaire que votre propre nature. Vous avez fait des études à Stanford, et c'est un des plus grands cadeaux qu’un jeune puisse recevoir dans ce monde. Profitez-en et mettez ce don à profit pour nous tous. Merci beaucoup.

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