En cours au Siège de l'ONU

CS/1199

LE CONSEIL DE SECURITE FAIT LE POINT DE L'ACTION DE L'ADMINISTRATION INTERIMAIRE AU KOSOVO, UN AN APRES SA CREATION

9 juin 2000


Communiqué de Presse
CS/1199


LE CONSEIL DE SECURITE FAIT LE POINT DE L'ACTION DE L'ADMINISTRATION INTERIMAIRE AU KOSOVO, UN AN APRES SA CREATION

20000609

Pour la Chine et la Fédération de Russie, les nouvelles mesures administratives donnent l'impression dangereuse que l'on va vers l'indépendance

"Au bout de 12 mois, il est encore trop tôt pour dresser un bilan de la Mission au Kosovo". Tout au plus peut-on dresser un rapport d'étape, a déclaré, ce matin, au Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de l'Administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), M. Bernard Kouchner. Il a averti les membres du Conseil que les Nations Unies ne sont pas au Kosovo pour 12 ou 24 mois, mais sans doute pour un nombre important d'années. Il faudra beaucoup de temps pour établir une société fondée sur la tolérance et la démocratie. Il a fait état de progrès importants enregistrés ces 12 derniers mois dans quelques domaines, tels que la participation de la population locale à l'administration, la mise en place d'une structure macroéconomique, la démilitarisation, et le démarrage de l'enregistrement de la population pour les élections municipales prévues pour octobre prochain.

Les défis à relever sont nombreux, a reconnu le Représentant spécial. Les problèmes sont par exemple les départs des populations Serbes et Romes, les conditions de sécurité très précaires, l'incertitude quant au statut intérimaire du Kosovo et l'éventuel retour en masse des réfugiés. Sur ce dernier point, M. Kouchner a indiqué que si les Albanais et les Serbes venaient à rentrer ensemble, la population du Kosovo augmenterait d'un coup de 20%. C'est pourquoi, les retours doivent s'effectuer de manière humaine, ordonnée et coordonnée et, c'est à cette fin, qu'un Comité mixte pour les retours a été créé. Une autre préoccupation est la question des personnes disparues et détenues en Serbie, dont le règlement conditionne la réconciliation durable. Une Commission pour l'identification des victimes a été mise en place et un envoyé spécial pour les personnes disparues devrait être prochainement nommé. Le Représentant spécial a déclaré qu'il entretenait des contacts réguliers avec les autorités de la République fédérale de Yougoslavie, avec laquelle un projet de création d'un Comité consultatif mixte est à l'étude. Quant à l'avenir à plus long terme, il a estimé qu'il fallait encore lever un certain nombre d'ambiguïtés et s'attacher à désenclaver le Kosovo par rapport aux autres pays.

(à suivre 1a) - 1a - CS/1199 9 juin 2000

A l'image de la représentante de la Jamaïque, les membres du Conseil se sont montrés préoccupés par les récentes éruptions de violence et la détérioration générale de la sécurité au Kosovo. Ils se sont inquiétés du fait que la recrudescence des attaques contre les Serbes semble faire partie d'une campagne orchestrée, ce qui a notamment entraîné la décision du Conseil national serbe de ne plus participer à la Structure administrative intérimaire mixte. Ils ont salué les réalisations de la MINUK. Le représentant de la Chine a estimé que la présence internationale doit pleinement respecter l'intégrité et la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie. Or, à l'heure actuelle les mesures administratives prises portent atteinte à l'intégrité du Kosovo et donnent l'impression dangereuse que l'on va vers l'indépendance du Kosovo. Un aspect sur lequel le représentant de la Fédération de Russie a, lui aussi, exprimé sa vive préoccupation, d'autant qu'il a jugé que la démilitarisation de l'ex-Armée de libération du Kosovo n'était pas satisfaisante. Selon eux, l'isolement de Belgrade est néfaste non seulement pour l'avenir du Kosovo mais pour l'ensemble de la région et ils ont regretté qu'il n'ait pas été possible aujourd'hui d'entendre la position des représentants de la RFY. Certains intervenants ont jugé qu'il était prématuré de se préoccuper de la question du statut futur de la province. Toutefois, le représentant de l'Ukraine, a insisté pour ne pas écarter la possibilité de voir un jour un accord entre les autorités de la RFY et les Albanais du Kosovo, ce qui constitue, en réalité, la seule solution civilisée et durable.

Le représentant des Etats-Unis s'est, pour sa part, dit très préoccupé par le fait qu'un seul des principaux groupes ethniques vivant au Kosovo, n'ait été présent ce matin, dans la salle. Dans la mesure où cet état de fait l'impression que les Nations Unies ne veulent accepter qu'une seule version de l'histoire, il a qualifié cette présence unilatérale "de terrible erreur". En réponse à ces craintes, le représentant de la France, qui préside les travaux du Conseil pour ce mois de juin, a indiqué que les communautés n'avaient pu être toutes représentées pour des raisons indépendantes de leur volonté. M. Kouchner a, quant à lui, proposé de venir, dans un proche avenir, avec l'ensemble des membres de la Structure administrative intérimaire mixte.

A la suite de l'exposé du Représentant spécial du Secrétaire général, les membres suivants du Conseil ont pris la parole : Etats-Unis, Royaume-Uni, Chine, Fédération de Russie, Argentine, Malaisie, Bangladesh, Tunisie, Pays- Bas, Jamaïque, Ukraine, Canada, Namibie et France. En sa qualité de Président du Conseil, le représentant de la France a également rendu compte de l'entretien qu'il a eu hier avec une délégation de Serbes du Kosovo, conduite par Mme Rada Trajkovic.

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Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (S/2000/538)

Il y a 12 mois la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) a été déployée afin d'effectuer un long travail d'édification de la stabilité, de la paix, de la démocratie et de la prospérité dans ce pays. Lorsqu'elle est arrivée, elle a trouvé le chaos, la ruine économique, la destruction partout, l'anarchie, les représailles générales et nombre de régions vidées de leur population. En outre, les membres des groupes armés d'Albanais du Kosovo et d'autres forces autoconstituées cherchaient à combler en matière d'administration et de sécurité le vide laissé à la suite des événements que l'on sait. Il existait aussi un risque réel de conflit entre Albanais du Kosovo.

Collaborant étroitement avec la KFOR, la MINUK a fait de grand progrès pour qui ce qui est non seulement de maintenir le conflit antérieur dans les limites du Kosovo, mais aussi de partager la responsabilité de l'administration intérimaire avec la population locale. En adoptant des mesures novatrices, la MINUK a créé un environnement dans lequel la population a été associée et en est venue à attacher une grande importance au processus de création d'institutions provisoires d'autonomie politique.

Malheureusement, certains aspects de la société kosovare n'ont pas changé. Les Serbes du Kosovo et les autres communautés minoritaires continuent d'être victimes d'assassinats, d'agressions et de menaces. Des fonctionnaires de la MINUK ont également été assassinés par des extrémistes motivés par la haine ethnique. Les dirigeants locaux et le peuple kosovar ont fait des efforts méritoires pour créer une société où toute la population puisse vivre à l'abri de la peur. Mais la compréhension et la tolérance demeurent rares au Kosovo et la réconciliation est loin d'être une réalité.

Le sort des personnes disparues et l'incarcération en Serbie de personnes venues du Kosovo restent des problèmes particulièrement préoccupants qu'il faut résoudre d'urgence. Le Secrétaire général demande donc à tous les Etats Membres de contribuer à cette cause non seulement en fournissant des ressources financières et humaines pour les exhumations en cours au Kosovo, mais aussi sur les plans politique et diplomatique. Il demande au Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie de collaborer avec l'ONU et les Etats Membres afin de régler la question de l'incarcération en Serbie de personnes venues du Kosovo. Il précise que la nomination d'un envoyé spécial chargé des personnes disparues, des détenus et des prisonniers est en cours d'examen.

Le développement et la mise en oeuvre de l'état de droit au Kosovo exigent que la MINUK s'attaque à tous les aspects du maintien de l'ordre (administration judiciaire, droit pénal et application des lois). Il ne saurait être question d'édifier un système judiciaire au coup par coup, il faut disposer d'un plan d'ensemble. C'est ce que la MINUK a entrepris dès son arrivée au Kosovo. Depuis, celle-ci a fait des progrès notables. Cependant, il convient de remédier à la partialité du système judiciaire kosovar. Le pouvoir judiciaire local ne s'est pas encore avéré capable de faire abstraction du conflit récent et, partant, le concours de juges, de procureurs et d'auxiliaires étrangers est nécessaire. Il faut également appuyer la formation et le perfectionnement professionnels des juges locaux.

L'ONU a pour la première fois envoyé une mission de police chargée de maintenir efficacement l'ordre dans les rues du Kosovo. Les problèmes à régler sont énormes. La MINUK doit disposer des ressources nécessaires et la formation des membres du Service de police du Kosovo doit être accélérée. Le Secrétaire général en appelle à tous les Etats Membres pour qu'ils fournissent de toute urgence à la MINUK le nombre de policiers et d'unités de police spéciale nécessaire pour lui permettre d'exécuter son mandat. La démilitarisation de l'ALK et la création du Corps de protection du Kosovo sont deux réalisations importantes de la MINUK. Le Corps de protection du Kosovo est entièrement financé à l'aide contributions volontaires qui seront épuisées en août. Il est essentiel de maintenir cet appui si l'on veut que le Corps reçoive une formation efficace et continue de contribuer à la reconstruction du Kosovo.

Des progrès importants ont été réalisés dans l'instauration d'un cadre macroéconomique. Il s'agit dans l'immédiat de faciliter le recouvrement des impôts afin de stabiliser le budget du Kosovo. On y parviendra en prenant des mesures renforcées de recouvrement des impôts et en améliorant le recouvrement des coûts dans le secteur des services publics de distribution. Un deuxième objectif immédiat consiste à appliquer le programme d'investissements publics obéissant à des impératifs politiques (Reconstruction 2000), ce qui permettra de drainer des crédits internationaux vers les priorités de la reconstruction. A l'heure actuelle, l'économie du Kosovo donne des signes très encourageants : 70% des entreprises privées refonctionnent et leur production et leurs effectifs sont supérieurs à ceux de 1998. Les plantations de blé d'hiver représentant 80% des plantations moyennes d'avant la guerre. Cependant, le chômage plafonne à environ 50% et il y a encore beaucoup à faire pour mettre en place le cadre institutionnel et juridique qui permettra de relever le troisième grand défi qui se pose : encourager la création d'entreprises. Le pays a besoin d'urgence d'un ensemble de règles sur le fonctionnement des entreprises. Il faudrait aussi que les entreprises existantes bénéficient d'une aide pour tirer le meilleur parti de leurs ressources, sans préjuger de savoir à qui elles appartiendront ensuite, et que soient adoptées des mesures provisoires axées sur la gestion, notamment sur les contrats, les baux et les concessions, ainsi que des mesures qui encouragent la création des facilités de crédit à accorder aux petites et moyennes entreprises. Il faudrait en outre privatiser; la privatisation étant le seul moyen de revitaliser de larges pans de l'économie, d'attirer des investissements et de créer des recettes fiscales sur le long terme.

La MINUK doit aussi s'efforcer de recréer les collectivités. L'un des meilleurs moyens d'y parvenir est le retour des réfugiés et de toutes les personnes déplacées. Tous les anciens habitants du Kosovo ont le droit d'y revenir. Le maintien de l'appui de la communauté internationale à ces retours et la prise en charge des retours forcés sont indispensables. L'un des facteurs indispensables de la stabilité à long terme au Kosovo est la participation croissante de la population à l'administration de la province. La MINUK a déjà pris d'importantes mesures à cet égard en constituant le Service de la police du Kosovo et en créant le Conseil transitoire du Kosovo et des organes consultatifs, ainsi qu'en mettant en place les structures administratives conjointes intérimaires et le Conseil administratif intérimaire. L'événement politique le plus marquant survenu depuis la parution du dernier rapport du Secrétaire général sur la question, le 3 mars 2000, a été la décision du Conseil national des Serbes de Gracanica de participer en tant qu'observateur à la Structure administrative intérimaire mixte pour une première période de 3 mois. La prochaine étape consistera à organiser des élections municipales dans tout le Kosovo. Il est indispensable que le peuple kosovar se fasse inscrire sur les listes électorales et de participer aux élections municipales. Il faut que la démocratie s'enracine. Cependant, compte tenu de l'histoire troublée du pays, institutionnaliser le partage des responsabilités administratives et politiques entre les communautés ethniques ne sera ni rapide ni aisé. Il faudrait passer avec le peuple kosovar un contrat qui incorporerait tous les principes énoncés à Rambouillet et les dispositions de la résolution 1244 (1999), garantirait la protection de tous les habitants actuels et déplacés du Kosovo et serait de nature à inspirer confiance en l'avenir.

Malheureusement, la situation en matière de sécurité s'est détériorée au cours des dernières semaines. La recrudescence des attaques brutales contre les Serbes du Kosovo dans plusieurs régions à mis à mal la confiance de ces derniers en l'avenir. Ces attaques semblent faire partie d'une campagne orchestrée. La communauté internationale ne continuera à apporter un appui actif au Kosovo que si tous ses partis politiques et collectivités coopèrent pleinement : elle n'est pas intervenue pour permettre à la vengeance et à la criminalité de se donner libre cours. Les dirigeants et habitants du Kosovo doivent s'acquitter de l'obligation qui leur incombe de faire de leur pays un endroit où tous puissent vivre en sécurité.

Exposé de la situation par le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo

M. BERNARD KOUCHNER, Représentant spécial du Secrétaire général et chef de l'Administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a déclaré qu'il est encore trop tôt, au bout de 12 mois, pour dresser un bilan de la Mission au Kosovo. Tout au plus peut-on dresser un rapport d'étape. Il y a un an la famille des Nations Unies s'avançait avec une idée simple dans les Balkans, à savoir faire la paix, a-t-il rappelé. Après les bombardements de l'OTAN, 10 ans de ségrégation et de nettoyage ethnique, les Nations Unies sont arrivées dans un désert où tout avait été détruit. Il faudra à la communauté internationale beaucoup de temps, de détermination et de tolérance pour reconstruire. C'est pourquoi, il faut dissiper toute illusion : les Nations Unies ne sont pas au Kosovo pour 12 ou 24 mois, mais sans doute pour un nombre important d'années. De nombreux progrès ont été faits, ces 12 derniers mois, a ensuite expliqué M. Kouchner. Toutefois, il faudra de nombreuses années pour établir une société fondée sur la tolérance et la démocratie. Cela est vrai partout, mais tout particulièrement au Kosovo, a-t-il précisé, avant de déplorer les éruptions de violence intervenues ces dernières semaines, alors que la rumeur se propageait d'un éventuel retrait des troupes de la KFOR au 15 juin.

Il a fallu édifier des pouvoirs politiques à partir de rien et assurer une administration intérimaire tout en développant des institutions provisoires pour une prise en charge autonome et démocratique, a rappelé le Représentant spécial et Chef de Mission. Pour cela, il a d'abord fallu répondre aux défis de trois grandes phases : l'urgence humanitaire, la démilitarisation et la naissance d'une administration. La quatrième phase est désormais devant nous, il s'agit de la tenue d'élections, a indiqué M. Kouchner. Rappelant que 900 000 personnes sont retournées au Kosovo, que l'administration fait participer, le plus tôt possible, davantage la population locale, qu'une structure macroéconomique a été mise en place, que la démilitarisation a été assurée et que l'on a entamé avec succès l'enregistrement de la population pour les élections à venir en octobre, il a expliqué que tous ces succès sont aussi dus à l'engagement de tous les volontaires et de tous les fonctionnaires des Nations Unies qui travaillent au Kosovo.

Les défis à relever sont nombreux, a reconnu le Représentant spécial. Les problèmes sont, par exemple, les départs des populations Serbes et Romes et les conditions de sécurité très précaires qui demeurent. La criminalité a pourtant été divisée par 10 depuis un an. Mais les exactions sont encore trop nombreuses. Un autre point critique est l'incertitude quant au statut intérimaire du Kosovo. La sécurité est le problème majeur de la MINUK. Les effectifs de la police internationale sont largement en-deçà du niveau autorisé. La Mission a besoin non seulement d'un plus grand nombre de policiers internationaux, bien formés mais également d'experts dans les domaines de la médecine légale notamment. Dans ce domaine, un service police locale, appelé Service de police du Kosovo, a été créé, a précisé M. Kouchner. La situation à Mitrovica est calme pour le moment, grâce à l'établissement d'un "zone de confiance". La situation dans les alentours de Presevo a aussi été stabilisée grâce à la participation active des dirigeants albanais du Kosovo. La protection des populations non-albanaises est l'objectif fondamental et dans cette optique une vaste campagne de tolérance sera lancée dans les jours qui viennent. Mais pour améliorer durablement la situation, il faudrait augmenter le nombre d'officiers de police kosovars, il faudrait davantage de personnel pour assurer la sécurité dans les enclaves, et il faudrait qu'un juge et un procureur internationaux soient présents dans chacun des tribunaux de district, a indiqué M. Kouchner. Il s'est réjoui de la publication, ce matin par les dirigeants albanais les plus importants, comme MM. Rugova et Thaçi, de déclarations très fortes contre les violences ethniques.

Le retour en masse des réfugiés représente un autre défi majeur, a averti le Représentant spécial. Il pourrait même constituer un lourd fardeau, si les Albanais et les Serbes venaient à rentrer ensemble. La population du Kosovo augmenterait en effet d'un coup de 20%. C'est pourquoi, les réfugiés doivent revenir de manière humaine, ordonnée et coordonnée. Un Comité mixte pour les retours a été créé à cette fin. Tous les dossiers de retour doivent être examinés par ce Comité afin d'assurer la sécurité du retour des familles. L'objectif est que le retour des Serbes soit largement entamé d'ici à juillet. Parallèlement, des efforts particuliers sont déployés pour assurer la sécurité dans les enclaves ethniques. Toutefois, tout ce qui est fait pour les minorités ne doit pas se faire aux dépens des majorités, a souligné M. Kouchner.

Le Représentant spécial a indiqué qu'il entretenait des contacts réguliers avec les autorités de la République fédérale de Yougoslavie, avec laquelle un projet de création d'un Comité consultatif mixte est d'ailleurs à l'étude. Il a ajouté que l'une de ses préoccupations constantes était la question des personnes disparues et détenues, car tant que cette question ne sera pas réglée, le pays ne pourra pas se réconcilier avec lui-même. Toutes les personnes détenues en Serbie doivent être remises dans les maisons de la MINUK pour qu'elles soient jugées. Une enquête doit être menée sur chaque personne disparue. A cette fin, une Commission pour l'identification des victimes a été mise en place, elle a notamment pour tâche d'ouvrir plus de 559 fosses communes. Tant que l'on ne connaîtra pas, en effet, l'identité des victimes et que les familles ne sauront pas ce qui est arrivé à leur membre, les conditions de la réconciliation durable ne seront pas remplies. Sur cette question, M. Kouchner a exprimé également l'espoir de voir un envoyé spécial pou les personnes disparues prochainement nommé.

Concluant sa présentation sur la question de l'organisation de prochaines élections, il a insisté pour que tous les efforts soient déployés afin de convaincre l'ensemble de la population, quelle que soit son origine ethnique, de s'inscrire sur les listes électorales. Les élections municipales auront lieu quoiqu'il arrive, a affirmé M. Kouchner. Pour ce qui est de la suspension récente du journal Ditta, ordonnée par la Mission, il a expliqué qu'elle était justifiée par le fait que cet organe en question avait publié le nom et les déplacements d'un membre de la MINUK qui a été ensuite assassiné. "On ne tolèrera pas que des média que nous avons aider à établir appellent ainsi au crime", a-t-il prévenu. Malgré les améliorations, cette période ne donne guère l'envie de souffler la bougie traditionnelle d'anniversaire, a-t- il encore ajouté, avant de déclarer que la tenue en octobre des premières élections libres municipale sera une étape importante. Quant à l'avenir à plus long terme, il faut encore lever un certain nombre d'ambiguïtés. Il faut s'attacher à désenclaver le Kosovo par rapport aux pays de l'extérieur. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Pour leur part, la KFOR et la MINUK défendent toutes les communautés et travaillent à assurer un avenir meilleur, a-t-il assuré les membres du Conseil.

Intervention du Président du Conseil de sécurité

Prenant ensuite la parole, le Président du Conseil de sécurité, M. JEAN- DAVID LEVITTE (France) a rendu compte de l'entretien qu'il a eu hier avec une délégation de Serbes du Kosovo, conduite par Mme Rada Trajkovic. Cette délégation lui a fait part des difficultés rencontrées par les Serbes du Kosovo. La délégation a détaillé les actes de violence qu'avait connus cette communauté au cours des derniers mois. Selon elle, ces actes avaient un caractère systématique. Se référant au départ d'une partie de la population serbe du Kosovo, la délégation a mentionné le risque d'un Kosovo qui serait appelé à devenir monoethnique. La délégation a souhaité que les actes de violence contre les populations et les enclaves serbes soient qualifiés de terroristes et que la communauté internationale indique qu'elle ne tolérerait plus de tels actes et que les responsables soient traduits en justice. En raison de cette situation, les Serbes, qui avaient rejoint les structures de co-administration, se trouvent donc dans une situation délicate vis-à-vis de leur propre communauté. Leur participation aux structures de co- administration était devenue difficile à justifier. M. Levitte a indiqué que des demandes spécifiques ont été présentées lors de cet entretien, comme le déploiement de forces supplémentaires pour assurer la sécurité des enclaves, la mise à disposition de la communauté serbe de moyens d'information propres, le meilleur contrôle de la frontière avec l'Albanie et l'enregistrement très rigoureux des électeurs. M. Levitte a précisé qu'il avait répondu à la délégation de Mme Trajkovic que ces demandes seraient portées à la connaissance des membres du Conseil de sécurité.

Déclarations

M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) a souligné le plein appui qu'apportent les Etats-Unis au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Kouchner. Il s'est dit d'accord avec tout ce qu'a dit M. Kouchner dans son exposé au Conseil de Sécurité. Il a cependant estimé que la présence de représentants d'un seul des principaux groupes ethniques qui vivent au Kosovo pourrait laisser à penser que les Nations Unies adoptent une démarche partiale. Si cette présence laissait l'impression que nous n'acceptons qu'une seule version de l'histoire, les efforts de M. Kouchner auront été dépensés en vain, a déclaré le représentant. Puisque les Albanais n'ont pas pu participer à la présente séance, il a demandé au Président du Conseil de sécurité de souligner que ce groupe recevrait un traitement égal s'il souhaitait être présent à l'avenir.

M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a déclaré qu'on ne peut négliger l'héritage du Kosovo, qui est lourd de répressions forcenées et d'immenses destructions intérieures. Il a encouragé les Etats Membres des Nations Unies à prendre des mesures pour appuyer l'établissement de structures favorables à la démocratie au Kosovo. Il s'est réjoui de la création de 20 départements dans la structure administrative intérimaire. Il a appelé les représentants de toutes les communautés du Kosovo à participer à ces structures. Il a estimé que la voie du progrès pour la communauté serbe est de poursuivre sa coopération avec la MINUK. Il a appuyé l'organisation d'élections municipales en octobre. Le représentant a appelé à la participation des Serbes à ces élections. Il a condamné l'extrémisme et la violence, qui sont les principales menaces qui pèsent sur le Kosovo et doivent, à ce titre, être combattues par tous. La population du Kosovo, et surtout la communauté albanaise, doit comprendre que l'appui que lui apporte la communauté internationale pâtira de toute manifestation de violence, a-t-il souligné.

M. SHEN GUOFANG (Chine) a félicité la MINUK et la KFOR de leurs efforts pour mettre en oeuvre la résolution 1244, adoptée voilà 1 an. Il a rappelé que sa délégation s'était abstenue lors de l'adoption de ce texte. Les événements survenus ces 12 derniers mois montrent que ses réserves n'étaient pas injustifiées. Un an après, l'humeur ne peut pas être à la célébration. Le Conseil de sécurité a l'obligation politique et morale de faire face à la réalité. Il faut qu'il trouve une véritable solution au problème du Kosovo. La présence internationale doit pleinement respecter l'intégrité et la souveraineté de la RFY. La MINUK doit respecter les lois de la RFY et en chercher la coopération, car aucun texte ne reconnaît ni n'appuie en effet l'indépendance du Kosovo.

Or, à l'heure actuelle les mesures administratives prises portent atteinte à l'intégrité du Kosovo et donnent l'impression dangereuse que l'on va vers l'indépendance du Kosovo, a poursuivi le représentant. La MINUK ne peut pas se permettre de faire la moindre erreur sur cette question politique très importante. Le rapport fait hier au Conseil de sécurité par une délégation kosovare ne peut laisser que désespoir et déception, notamment car il y a toujours de nombreux cas d'attaques contre les Serbes. Il s'agit d'un fait que le Conseil ne peut passer sous silence. La Chine, quant à elle, s'est toujours opposée et s'oppose encore à toute tentative de nettoyage ethnique. Toutes les violations des droits de l'homme sont des crimes et ne peuvent être tolérées. Il est de plus inacceptable d'utiliser les événements du passé comme excuse aux exactions présentes. M. Shen s'est dit inquiet du fait qu'un grand nombre d'Albanais sont entrés désormais au Kosovo. Ceci va modifier l'équilibre ethnique, alors que pendant le même temps, beaucoup de Serbes ne sont toujours pas en mesure de retrouver leurs foyers. La Chine est fermement en faveur du caractère pluriethnique du Kosovo. La solution ne pourra être trouvée que dans le cadre de la RFY avec une autonomie substantielle et une politique pluriethnique. Ces questions doivent être réglées par la négociation. Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra rétablir l'harmonie nationale.

M. SERGEI LAVROV (Fédération de Russie) a rappelé que demain, un an se sera écoulé depuis l'adoption de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, qui a permis de mettre fin à l'agression de l'OTAN contre la Yougoslavie. Si l'on veut faire le bilan de cette première année, on constate que les autorités de la RFY ont accédé aux demandes du Conseil sur la cessation des actes d'agression et le plein retrait des forces yougoslaves. Cependant, s'agissant des autres participants au processus de règlement, auxquels le Conseil avait aussi confié des obligations, les choses vont mal. Il y a une tendance nette à la séparation du Kosovo du reste de la Yougoslavie. Ceci est très dangereux étant donné l'absence de coopération de toutes les parties, y compris le Conseil de sécurité, avec Belgrade. La démilitarisation de l'ALK et d'autres groupes armés s'effectue de manière non satisfaisante. Pourquoi le Corps de protection du Kosovo s'appelle-t-il en albanais "Troupe" et pourquoi a-t-il une structure militaire, proche de celle de l'ALK ? Pourquoi, enfin, dispose-t-il d'armes à feu alors qu'il est civil ? s'est interrogé M. Lavrov. La Fédération de Russie craint une civilisation des anciens effectifs militaires de l'ALK. Parmi les premières personnes acceptées au sein de ce Corps, il s'est, par exemple, avéré que certaines ont commis des crimes. Il faut absolument procéder à une identification sérieuse de toutes les personnes acceptées au sein de ce Corps. Sinon, on ne parviendra pas à enrayer les tentatives de l'ancien ALK de contrôler la région, a averti le représentant.

La poursuite des attaques contre le personnel des forces au Kosovo, et notamment le contingent russe de la KFOR, est tout à fait inacceptable. Elles sont pour bon nombre réalisées par des membres du Corps de protection du Kosovo. Il faut remettre les extrémistes à leur place et les obliger à respecter le statut de la présence internationale posé par la résolution 1244. Comment parler de démilitarisation de l'ALK lorsque les camps des forces russes ne cessent d'être attaqués à l'arme lourde et que la KFOR découvre un nombre croissant d'armes, y compris des stocks constitués récemment ? En outre, les provocations se multiplient, notamment en direction de la Serbie du Sud, pour entraîner un nouveau conflit. Les Albanais kosovars extrémistes se sentent fort parce qu'ils demeurent impunis. Ils constituent une menace pour le Kosovo et pour les parties au processus de paix présentes sur place. M. Lavrov a évoqué l'absence de liberté de mouvement qui frappe les tziganes. Il est temps de reconnaître que l'on ne peut pas lutter contre une injustice par une autre injustice. La MINUK et la KFOR ont un mandat très clair et il faut les aider par tous les moyens pour qu'elles renversent la situation présente. Pour sa part, la Fédération de Russie est fermement déterminée en faveur du processus de paix dont elle n'acceptera pas le sabordage.

Le représentant s'est aussi dit préoccupé par le projet de procéder à la privatisation totale des biens du Kosovo, sans qu'aucune consultation sur ce point n'ait eu lieu avec Belgrade. Une telle initiative, tout comme celles liées au statut futur du Kosovo, n'est pas envisageable sans la coopération et ni la participation des autorités de Belgrade. Pour ce qui est des élections municipales évoquées par M. Kouchner, de nombreuses questions quant à la participation et l'enregistrement des Serbes demeurent. La Fédération de Russie est convaincue que l'isolement de Belgrade est néfaste non seulement pour l'avenir du Kosovo mais pour l'ensemble de la région. Malheureusement, en raison de l'opposition de certains membres du Conseil de sécurité, il n'a pas été possible aujourd'hui d'entendre la position des représentants de la RFY. Celle-ci devrait pourtant être automatique lorsque le Conseil traite de la question du Kosovo. S'agissant des personnes disparues, M. Lavrov a estimé que l'idée de créer un poste de Représentant spécial chargé des personnes disparues est non seulement artificielle mais pourrait conduire à la politisation de ce problème hautement humanitaire. Le représentant a mentionné plusieurs rapports, d'Amnesty International et de Human Rights Watch, notamment, faisant état de violations des droits de l'homme par l'OTAN lors de sa phase de bombardements. Il a déploré que malgré ces données, le Procureur du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, Mme Del Ponte, refuse de poursuivre une enquête sur cette question. Madame la Procureur connaît-elle les normes relatives au droit humanitaire international ? Toutes ces questions sont étroitement liées, a conclu M. Lavrov qui a indiqué que tant qu'elles ne seront pas réglées, la KFOR et la MINUK ne pourront pas remplir le mandat qui leur a été confié.

M. ARNOLDO M. LISTRE (Argentine) a estimé que l'objectif d'un Kosovo multiethnique reste difficile à réaliser. La réalité quotidienne démontre que la société du Kosovo n'est pas encore prête à vivre un processus d'intégration. Pour l'instant, nous pouvons seulement espérer que les membres de la société coexisteront en paix.

En votant pour la résolution 1244, l'Argentine n'avait pas donné son assentiment à la violence, à la vengeance, à la haine, à l'intolérance et à toutes sortes de délits. Son vote n'approuvait pas non plus un Kosovo monoethnique et les campagnes orchestrées contre les Serbes du Kosovo. Le représentant a exhorté avec fermeté les dirigeants et la population du Kosovo à mettre fin à ces actes insensés et à commencer à travailler à la construction d'une société dans laquelle tous peuvent vivre en toute sécurité et dans le respect du droit. Le représentant a condamné les actes de violence commis contre les membres e la MINUK et de la KFOR. La communauté internationale peut fournir des ressources financières et humaines, des juges internationaux et aider à la reconstruction des institutions, mais elle ne peut pas s'engager sincèrement à vouloir la paix et l'harmonie à la place des Kosovars, a souligné le représentant. A cet égard, l'organisation d'élections municipale en octobre, représente une possibilité pour que la population et les dirigeants du Kosovo comprennent tous que l'avenir du Kosovo est une oeuvre commune qui relève de la responsabilité de tous, et non pas seulement de celle de la MINUK et de la KFOR. Il a espéré que les partis politiques incluront des programmes de lutte contre la violence dans leurs plates-formes électorales.

Le représentant s'est prononcé en faveur de l'élaboration d'un contrat social dans lequel seraient inclus tous les principes de Rambouillet et les dispositions de la résolution 1244. On pourrait ainsi garantir la protection de toutes les personnes qui vivent au Kosovo et des personnes déplacées. Le représentant s'est inquiété du sort des personnes disparues et des personnes détenues en Serbie. Il a déclaré qu'il s'agit de questions sensibles auxquelles il faut s'attaquer au plus vite et a suggéré la nomination d'un envoyé spécial des Nations Unies chargé de ces questions.

M. AGAM HASMY (Malaisie) a déclaré que sa délégation estime que le Conseil de sécurité ne doit pas donner l'impression d'être partial, ainsi que l'a souligné le représentant des Etats-Unis. Il a estimé que la MINUK a connu de nombreux succès, notamment dans le domaine humanitaire. Les efforts ardus de la MINUK pour faire participer la population locale à la mise sur pied de structures administratives stables ont eu des résultats positifs. Il a demandé instamment aux membres de la communauté serbe de participer au processus d'inscription sur les listes électorales pour les prochaines élections municipales. La situation de la sécurité continue d'être fragile et représente un grand défi pour la KFOR et la communauté internationale. Des efforts supplémentaires s'imposent pour contenir la violence interethnique et promouvoir la coexistence pacifique. La résolution des tensions intercommunautaires est liée à la question des détenus et des personnes disparues, a déclaré le représentant, en suggérant la nomination d'un Envoyé spécial chargé des détenus et des personnes disparues. Cette question ne doit pas être exploitée à des fins politiques, a-t-il ajouté. Si autant de succès ont pu être accomplis au cours d'une période aussi brève, la communauté internationale doit les saluer.

M. SHAMIM AHMED (Bangladesh), a salué la détermination et la rapidité dont a fait preuve la MINUK lorsque la situation l'a requis au Kosovo et a salué les travaux effectués par la Mission sous la direction de M. Kouchner. Le représentant a regretté que la MINUK n'ait pas encore pu disposer du personnel nécessaire en matière d'administration et de police civile, ainsi que l'avait requis le Secrétaire général. Tant que les structures administratives ne seront pas solidement implantées, la sécurité ne pourra pas être garantie. Le représentant s'est inquiété du sort des personnes disparues et des détenus et a déploré que leurs familles, dans l'attente d'informations à leur sujet, vivent, elles aussi, dans l'angoisse et la souffrance. La situation en matière de sécurité au Kosovo ne pourra connaître d'amélioration si des mesures décisives ne sont pas prises de toute urgence. A ce propos, le représentant du Bangladesh s'est prononcé en faveur de la nomination d'un Envoyé spécial dont le mandat portera sur les personnes disparues des communautés serbes et autres groupes ethniques du Kosovo. Il a estimé que la nomination d'un Envoyé spécial ne constituerait pas une mesure politique mais aiderait au règlement d'un problème qui dure depuis trop longtemps. Il a estimé que le retour à une situation normale au Kosovo passe par une accélération importante de l'activité économique. Relancer l'économie est non seulement indispensable pour la reconstruction et le développement de cette communauté déchirée par la guerre, mais aussi pour aider ses membres à se tourner vers l'avenir plutôt que de se concentrer sur son passé malheureux et de se lancer dans des actions et des aventures désespérées. Ramener la paix dans une région qui a longtemps connu des troubles et où un passé de violence existe dans les esprits, est une tâche immensément complexe. Mais de grands progrès ont déjà été accomplis et démontrent qu'il n'est pas impossible d'améliorer la situation.

M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) a estimé que les élections municipales constituent une étape décisive dans le processus de transition politique et ajouté que l'évolution positive de la situation générale au Kosovo ne doit pas occulter la triste réalité du vécu du citoyen du Kosovo. La fragilité de la situation sécuritaire ainsi que le cycle de violence, d,intimidation et de menace est de nature à saper tous les efforts en vue de restaurer la paix sociale, a dit le représentant en déplorant le regain de tensions dans cette région. Il a appuyé les efforts de la MUNIK et de la KFOR pour rétablir la paix au Kosovo et plaidé pour que la Mission dispose de moyens financiers et humains adéquats. Soulignant l,importance de la question des détenus et des disparus qui, selon lui, demeure centrale pour le retour á la vie normale au Kosovo, le représentant a exprimé son appui à la nomination d'un envoyé spécial du Secrétaire général sur la question.

M. ARNOLD PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a rappelé que ce fut seulement deux jours après l'adoption de la résolution 1244 que les premières troupes de la KFOR entraient au Kosovo. Le représentant a reconnu que, malgré la rapidité du déploiement, de nombreuses préoccupations demeurent. Toutefois après 10 ans de répression, le Kosovo a maintenant de nouvelles perspectives d'avenir et la primauté du droit est en cours de rétablissement. Il ne faut pas perdre de vue tous ces accomplissements. Les Pays-bas se dissocient résolument de ceux qui parlent constamment des autorités de Belgrade et ne peuvent offrir aucun encouragement à tous ceux qui s'efforcent de faire fonctionner le Kosovo aujourd'hui, y compris les Serbes du Kosovo qui font preuve d'une véritable vision politique. Le représentant a remis en question l'exactitude de l'affirmation de l'Ambassadeur Lavrov, selon lequel Belgrade n'a jamais refusé de coopérer sur la question des personnes détenues et disparues. Cela fait un an que Belgrade ne répond pas aux demandes de la communauté internationale.

M. Van Walsum s'est dit préoccupé par la montée de la violence à motivation ethnique à laquelle on assiste ces derniers temps. Ces actes sont d'autant plus préoccupants qu'ils semblent être orchestrés. Il a déploré la décision du Conseil national serbe de ne plus participer à la Structure administrative intérimaire mixte et a invité le Conseil national serbe à y revenir, en tant que participant et non plus seulement comme observateur. Il faut encourager le retour des Serbes et améliorer les conditions de vie dans les enclaves serbes modérées. Les Pays-Bas se félicitent de la décision de M. Kouchner de fermer temporairement le journal Ditta pour cause d'incitation à la violence ethnique. La pleine application de la résolution 1244 doit se poursuivre sur la base du respect de tous les droits de l'homme et de la pluriethnicité. La question du statut final du Kosovo devra être discutée plus tard. Les Pays-Bas se félicitent en outre de la nomination d'un envoyé spécial pour les personnes disparues. Cet envoyé devrait coopérer étroitement avec le Comité international de la Croix-Rouge, a conclu le représentant.

Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a déclaré que la tolérance se fait rare au Kosovo et que la reconstruction n'est pas encore une réalité. Elle a jugé troublant de lire au paragraphe 133 du rapport du Secrétaire général sur la Mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) que la situation de la sécurité s'est détériorée au cours des dernières semaines, et que la recrudescence des attaques contre les Serbes du Kosovo semble faire partie d'une campagne orchestrée. Elle a encouragé les membres de la communauté serbe à reprendre leur participation à la structure administrative intérimaire. La représentante a estimé que la question des personnes disparues est un facteur essentiel dans le processus de réconciliation. Elle a accueilli favorablement la proposition de nommer un Envoyé spécial chargé des détenus et des personnes disparues. La représentante, s'inquiétant de la situation économique au Kosovo et du haut niveau de chômage qui y prévaut, a appelé les investisseurs à s'intéresser à ce marché. En conclusion, elle a rendu hommage aux hommes et aux femmes de la MINUK et de la KFOR et leur a exprimé tout son appui.

M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a appelé les Membres du Conseil à ne pas s'engager, une nouvelle fois, dans une rhétorique sur l'interprétation à donner à l'évolution de la situation au Kosovo qui, a-t-il admis, demeure une grande source de préoccupation pour l'Ukraine. Le représentant a, au contraire, encouragé le Conseil à contribuera de façon concrète à une réelle amélioration de la situation sur le terrain et ce faisant, à répondre aux questions de savoir si les résultats de la MONUC et de la KFOR sont satisfaisants. Il faut aussi se demander, a ajouté le représentant, ce qu'il faut faire, dans le futur immédiat, pour améliorer la situation et que doit être le but ultime de la mise en oeuvre de la résolution 1244 (1999). L'ambiance dominante de violence ethnique et d'intimidations quotidiennes contre les non-Albanais, en particulier les Serbes du Kosovo est susceptible de compromettre les efforts de la communauté internationale qu'il s'agisse de la participation des minorités aux structures municipales, à l'enregistrement civil et au processus électoral ou à la création d'un système judiciaire et de la règle de droit. Il ne fait aucun doute que la sécurité des minorités et la protection efficace de leurs droits de l'homme fondamentaux sont les conditions préalables au progrès du processus à long terme du règlement des problèmes du Kosovo.

Le représentant a encouragé le Conseil à répondre "au cri désespéré des représentants les plus coopératifs" des Serbes du Kosovo, à savoir le Conseil national serbe qui entend demander au Conseil des garanties supplémentaires de sécurité et des droits de l'homme. Le représentant a, à cet égard, souhaité que la MINUK et la KFOR crée dans l'ensemble de la province des "zones sûres", comme cela été fait à Mitrovica. Il a appelé ces deux présences à faire preuve de l'impartialité la plus absolue dans leurs activités. Le représentant a fait part de l'intention de son pays d'envoyer, en juillet, 115 officiers des unités de police spécialisées qui viendront s'ajouter aux

30 officiers ukrainiens sur place. Soulignant l'importance du retour des 200 000 non-Albanais, dispersés dans la région, le représentant a estimé que l'abstention des Serbes du Kosovo dans les élections municipales ferait surgir des questions inutiles sur les résultats comme elle compromettrait sérieusement la crédibilité des Nations Unies.

Revenant sur les propos de M. Kouchner qui a exprimé son intention de donner une définition claire de "l'autonomie et de l'autodétermination substantielles du Kosovo" prévues par la résolution 1244, le représentant a indiqué que, pour son pays, ces concepts signifient que le peuple du Kosovo doit jouir d'une autonomie au sein de la RFY dont la souveraineté et l'intégrité territoriale doivent être pleinement respectées. Le représentant a souligné que la question de cette autonomie doit être décidée par le Conseil de sécurité seul auquel incombe au premier chef la responsabilité de l'avenir du Kosovo. Le représentant a terminé sur la question de la promotion d'un processus politique visant à déterminer le statut futur comme le prévoit également la résolution pertinente. Il a estimé qu'aussi irréaliste que puisse paraître l'idée aujourd'hui, il ne faut pas écarter la perspective de voir, un jour, un accord entre les autorités de la RFY et les Albanais du Kosovo. C'est la seule façon de régler la question de manière civilisée, a insisté le représentant arguant que les autres scénarios ne pourraient que compromettre la paix fragile dans la région et également le rôle des Nations Unies.

M. MICHEL DUVAL (Canada) a affirmé que la résolution 1244 du Conseil reste le fondement de l'action de la communauté internationale au Kosovo. La KFOR et la MINUK ont réalisé des efforts importants pour parvenir au rétablissement d'une vie normale sur place. Le représentant s'est félicité de la décision du Secrétaire général d'accepter le recrutement de personnel local, ce qui permet d'améliorer encore la participation de la population. M. Duval a reconnu que tous les éléments n'existent pas encore au Kosovo pour assurer la cohabitation pacifique de toutes les communardes présentes. Il faut impérativement lutter contre la culture de la revanche et faire en sorte que les coupables soient traduits en justice. Au sein des communautés, tous les dirigeants doivent assurer la tolérance et le respect. La MINUK doit se concentrer sur les obstacles à la réconciliation que sont les questions cruciales des personnes disparues et détenues. Il est important de respecter le droit international humanitaire. Il est aussi important de faire en sorte que la liberté de la presse ne conduise pas au laxisme devant les appels à la haine et au meurtre.

Le représentant a espéré que le Conseil national serbe reprendra sa participation à la Structure administrative intérimaire mixte. Il s'est félicité de la présence aujourd'hui dans la salle d'une délégation serbe et lui a demandé d'oeuvrer pour la participation de sa communauté aux prochaines élections municipales. Les personnes qui ont quitté le territoire doivent pouvoir revenir en toute sécurité et doivent pouvoir participer à toutes les administrations publiques. M. Duval a engagé la MINUK à passer désormais à une nouvelle phase, à savoir celle de la question du statut du Kosovo. Belgrade a un rôle important à jouer pour toutes ces questions, a-t-il estimé. Toutefois, le niveau de coopération du régime actuel témoigne d'un manque réel de volonté, comme le prouve les récents appels de Belgrade au départ de la MINUK. La mauvaise foi de Belgrade reste un grand obstacle à la réalisation de la résolution 1244.

M. TJI-TJAI UANIVI (Namibie) s'est félicité de ce que la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) ait commencé à prendre des mesures de consolidation de l'administration centrale et municipale et que la nouvelle vie politique reflète la diversité de la population du Kosovo. Il a salué les progrès effectués dans la création des 20 départements de la Structure administrative intérimaire mixte et des autres structures législatives. Toutefois, le représentant a regretté que la participation des communautés minoritaires dans les initiatives économiques soit limitée. Se ralliant à l'opinion exprimée par le Représentant spécial, le représentant a jugé inadmissibles les mesures vexatoires et les manoeuvres d'intimidation de la part de la majorité albanaise visant à chasser les membres de minorités hors du Kosovo. Tous les Kosovars doivent avoir la possibilité de participer aux activités sociales, économiques et politiques sans s'exposer à des manoeuvres d'intimidation ni à des actes de violence. En outre, le retour à leur foyer des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays, dans la dignité, revêt une importance primordiale.

Le représentant s'est dit conscient de la complexité de la situation au Kosovo et du fait que la MINUK ne peut pas faire des miracles au-delà des moyens qui lui sont accordés dans la province. Dans ce contexte, il a salué les différents aspects de l'action que mènent la KFOR et la MINUK en vue de créer une structure administrative stable au Kosovo, mais aussi de promouvoir la coexistence pacifique, la tolérance et le développement économique.

M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a rappelé que c'est un territoire et une société marqués par la violence et les destructions que les Nations Unies, il y a un an, ont reçu la lourde tâche d'administrer au Kosovo. Aujourd'hui, les réfugiés et les déplacés sont rentrés pour la plupart et la vie a repris son cours, mais il ne faut jamais oublier que les choses les plus simples de la vie quotidienne sont, chaque fois, des victoires arrachées par la MINUK sur le passé.

Evoquant les violences qui ont visées ces derniers jours, des membres de la communauté serbe, dont des enfants, et qu'il a jugées inacceptables, le représentant a appelé les responsables kosovars à prendre leurs responsabilités et à tout mettre en oeuvre pour empêcher que de tels actes se reproduisent. Il a soutenu les efforts de la MINUK et de la KFOR pour améliorer la sécurité de toutes les communautés et a souhaité que la coopération entre tous les Kosovars et les organisations internationales reprenne au plus tôt.

M. Levitte a estimé qu'il faut poursuivre les efforts menés pour garantir la protection effective des minorités. Il faut aussi apporter des solutions concrètes pour permettre aux membres des minorités d'avoir accès aux services publics, aux soins médicaux et pour leur permettre de développer une activité économique au niveau local et de prendre leur place dans l'économie et dans la société du Kosovo.

Le représentant a estimé qu'après un an d'existence, la MINUK ne doit pas être jugée uniquement sur les violences qui continuent de s'exercer contre les minorités. Il a été d'avis qu'il faudrait encore plusieurs années pour qu'une existence en bonne entente des communautés du Kosovo soit envisageable. Une réconciliation durable exige également que la question des prisonniers et des personnes disparues reçoive une réponse appropriée. Le représentant a approuvé l'idée de nommer un envoyé spécial pour cette question et dont le mandat devra concerner les disparus et les détenus de toutes les communautés. M. Levitte a insisté sur le fait que les projets menés à bien par la Mission et le Représentant spécial, malgré les difficultés, ont créé des fondements durables pour l'avenir du Kosovo. Il a cependant estimé que des chantiers restent ouverts, notamment l'organisation des élections locales. Il est essentiel d'être très précis et très rigoureux pour la préparation du scrutin et pour les conditions de sa tenue. Il est également essentiel d'encourager la participation des Kosovars serbes. En empêchant les Serbes du Kosovo de prendre part au processus d'enregistrement, et donc aux élections, M. Milosevic les prive de la possibilité de prendre en main leur avenir au Kosovo et démontre ainsi qu'il n'est pas le défenseur de leurs intérêts au Kosovo. Le représentant a également jugé indispensables la création d'un véritable Etat de droit et la tenue de discussions sur le contenu de l'autonomie.

Reprenant la parole pour répondre aux questions posées par les membres du Conseil, M. KOUCHNER a remercié les Etats Membres pour le soutien qu'ils ont témoigné à la Mission ce matin. Il a rappelé qu'il y a un an certains d'entre eux jugeaient tout à fait impossible la mission de la MINUK. Aujourd'hui, ils la critiquent comme si elle était non seulement réaliste mais réalisable. Politiquement et économiquement des progrès importants ont été enregistrés, c'est humainement, en revanche, qu'il n'a guère été possible d'avancer. Il faudra pour cela de l'obstination et de l'acharnement, a-t-il prévenu. Pour ce qui est de la présence de la délégation serbe, évoquée par M. Holbrooke, il a indiqué qu'il ne s'agit en aucun cas d'un témoignage de la partialité de la MINUK. Simplement, cette délégation a des revendications justifiées à exprimer. Il faut que tous continuent de participer au travail commun, a ensuite insisté M. Kouchner. Toute cessation d'une telle participation ferait le jeu de ceux qui ne veulent pas de la paix au Kosovo. Il a proposé, dans un proche avenir, de venir avec l'ensemble des membres de la Structure administrative intérimaire mixte.

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