En cours au Siège de l'ONU

GA/SM/171

LA VICTOIRE NE PEUT ETRE QUE LA SEULE ISSUE DU NOBLE COMBAT POUR PROMOUVOIR L'EGALITE ENTRE LES SEXES, AFFIRME LE PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE GENERALE

7 juin 2000


Communiqué de Presse
GA/SM/171
WOM/1202


LA VICTOIRE NE PEUT ETRE QUE LA SEULE ISSUE DU NOBLE COMBAT POUR PROMOUVOIR L'EGALITE ENTRE LES SEXES, AFFIRME LE PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE GENERALE

20000607

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution que le Président de l’Assemblée générale, Théo-Ben Gurirab (Namibie), a prononcée le 5 juin, à l’occasion de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée, intitulée « Les femmes en l’an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle »:

Pendant la dernière décennie, l’Assemblée a joué un rôle très actif dans le suivi des conférences mondiales qui ont permis, au cours des années 90, de mettre en forme nos engagements et objectifs communs dans des domaines tels que l’environnement, les droits de l’homme, la population, l’habitat, le développement social, la sécurité alimentaire et les problèmes des petits États insulaires en développement. Au cours d’une session extraordinaire, elle s’est également penchée sur le problème du trafic de drogue, ses liens avec la criminalité et ses incidences sur la communauté mondiale.

Outre la présente session, l’Assemblée tiendra avant la fin du mois, à Genève, une autre session extraordinaire, qui portera sur le développement social. Dans le courant de l’année, elle tiendra aussi une session extraordinaire sur le VIH/sida et en consacrera une autre à l’examen des objectifs atteints dans le cadre du suivi du Sommet mondial pour les enfants.

L’année 1995 a été particulièrement mouvementée. L’ONU a célébré son cinquantième anniversaire. La Conférence de Beijing a rassemblé un nombre record de participants : ce sont 17 000 personnes qui y ont assisté, en tant que membres de délégations représentant des gouvernements, des organisations intergouvernementales ou des organisations non gouvernementales.

Les discussions prolongées et les négociations ardues qui se sont succédé à un rythme soutenu, avant et pendant la Conférence, ont débouché à Beijing sur l’adoption par consensus d’un programme d’action tourné vers l’avenir. La Conférence a défini 12 domaines critiques dans lesquels il convenait de formuler des politiques dont la mise en œuvre devait constituer pour les États Membres et les autres parties prenantes un objectif à atteindre dans les délais précis.

Plusieurs impératifs ont été mis en relief : réduire la pauvreté, éliminer la violence et les conflits armés, élargir l’accès à l’éducation et la formation ainsi qu’aux soins de santé, faire respecter les droits fondamentaux, mettre en place des mécanismes chargés de promouvoir les femmes, notamment dans les médias, de favoriser leur participation à la vie économique et à la prise de décisions et d’encourager le partage du pouvoir, et assurer la protection et le bien-être de la fillette.

Un grand nombre d’États Membres et, avec eux, beaucoup d’autres entités ont eu à cœur de donner suite aux conclusions et leçons qui se sont dégagées de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995 et de les faire passer dans des programmes nationaux et des textes de loi progressistes.

Si les femmes portent aujourd’hui les préoccupations qui leur sont propres à l’attention de leurs gouvernements, c’est pour qu’ils agissent. Leurs problèmes sont multiples : violences au sein de la famille, impossibilité de disposer de terres et d’autres biens fonciers, rémunération inférieure à celle des hommes pour un travail égal, persistance de préjugés sexistes quant à leur rôle dans la société et application de lois perpétuant des pratiques traditionnelles rétrogrades.

Soulignant que tout ce qui intéresse l’être humain les concerne, les femmes demandent à juste titre à participer avec les hommes à la recherche de solutions, qu’il s’agisse d’orienter le processus de mondialisation, de dessiner les contours d’un nouveau système financier international, de régler des conflits, de rétablir, de maintenir et de faire respecter la paix, ou d’établir et de maintenir la paix et la sécurité internationales. Les femmes veulent aussi participer activement aux activités centrées sur les répercussions qu’aurait tout nouvel ordre mondial et sur l’impact des technologies de l’information.

Dans ce contexte, il est tout à fait opportun que nous nous réunissions aujourd’hui pour examiner les progrès accomplis depuis qu’à Beijing, en 1995, les États Membres ont débattu des mesures à prendre pour promouvoir l’égalité entre les sexes, le développement et la paix. Cette vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale est l’occasion idéale pour les États Membres de faire le point de leurs réalisations, de tenir leurs promesses, de remédier aux carences constatées, de répondre aux nouveaux défis et de réaffirmer les engagements qu’ils ont pris. À l’issue de la session, la communauté internationale pourra repartir de l’avant avec un enthousiasme et une énergie renouvelés, de façon que les femmes de tous les milieux et de tous les pays, en particulier des pays en développement, accèdent finalement à l’égalité et à l’autonomie.

La Conférence organisée à Beijing en 1995 est restée dans les esprits comme la « Conférence des engagements ». En effet, de nombreux chefs de gouvernement se sont alors expressément engagés à renforcer les mécanismes nationaux visant à améliorer la situation des femmes et à consacrer davantage de ressources humaines et financières à l’application de politiques nationales de promotion de la parité entre les sexes. Ils ont promis de réviser et d’abolir sans délai les lois et pratiques discriminatoires en vigueur dans leur pays, d’améliorer la position des femmes sur le marché du travail, de combler les écarts de salaire et de faciliter l’accès des femmes aux capitaux et aux ressources productives. Il faut ajouter à cette liste l’accès aux soins de santé, la lutte contre les violences dont les femmes sont si fréquemment victimes et, bien entendu, l’amélioration de l’éducation des filles. Nous avons devant nous le rapport de l’UNICEF – le Fonds des Nations Unies pour l’enfance – sur les violences dont les femmes et les filles sont victimes dans la famille. Ce rapport vient à point nommé et je tiens à féliciter Carol Bellamy, la Directrice générale du Fonds, qui est aussi une amie, ses collaborateurs, à qui l’on doit la publication de ce document émouvant et instructif.

Plusieurs gouvernements ont répondu au questionnaire de l’Assemblée générale relatif à l’application du Programme d’action de Beijing; les organismes des Nations Unies ont eux aussi rendu compte de leurs initiatives et des organisations non gouvernementales ont présenté le bilan des progrès accomplis. Les délégations trouveront toutes ces informations dans le rapport en date du 19 janvier 2000 que le Secrétaire général a présenté au Conseil économique et social sous la cote E/CN.6/2000/PC/2.

Depuis Beijing, un grand nombre d’États mais pas tous, loin de là, ont ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou y ont adhéré. La promesse d’élaborer un protocole facultatif à la Convention relatif au droit de présenter des plaintes au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a été tenue en octobre dernier lorsque l’Assemblée générale a adopté à l’unanimité ce protocole. Et nous attendons maintenant qu’il entre en vigueur sans délai.

Certains gouvernements ont pris des mesures pour contrebalancer les incidences de l’ajustement structurel et de la mondialisation sur les groupes vulnérables et défavorisés de la société en encourageant des activités de création d’emplois et de revenus pour les femmes. Dans un certain nombre de pays, l’alphabétisation des femmes a progressé davantage que celle des hommes et les taux de scolarisation des filles ont sensiblement augmenté. Dans d’autres pays encore, les femmes sont devenues plus nombreuses que les hommes à obtenir un diplôme universitaire. Les pays sont de plus en plus nombreux à recentrer leurs politiques de santé en abandonnant l’approche fondée sur la santé maternelle et infantile au profit d’une nouvelle démarche consistant à fournir des services de santé en matière de reproduction et des soins primaires renforcés pour aider les femmes à améliorer leur santé à la faveur de choix faits en connaissance de cause.

Le Statut de la Cour pénale internationale, adopté en 1998, inclut les crimes internationaux fondés sur le sexe et relatifs à l’intégrité physique; et les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie ont soumis des actes d’accusation relatifs à la violence sexuelle. Certains gouvernements ont également adopté des lois et engagé des ressources importantes pour formuler les stratégies de lutte contre la violence sexiste dirigée contre les femmes, en particulier la violence familiale. De plus en plus souvent ils se fixent des objectifs et élaborent des stratégies particulières pour accroître la participation des femmes à la prise de décisions, l’objectif optimal étant la parité. Ce sont certes des progrès qui méritent d’être signalés, mais ces objectifs ne sont pas encore atteints. En fait, comme le confirme le rapport de l’UNICEF, il y a beaucoup à faire et il faut se rendre compte que le temps nous est compté.

Actuellement, le monde est en proie à des guerres et des conflits armés incessants. Dans ces situations, les femmes, ainsi que les enfants, sont les principales cibles d’actions hostiles et d’abus dont se rendent coupables les États et les groupes rebelles en guerre. Cette cruauté prend différentes formes : assassinats, enlèvements de filles pour en faire des esclaves, y compris des esclaves sexuelles, l’utilisation du viol et d’autres formes de violence sexuelle comme armes de guerre; le déni total aux femmes de leurs droits fondamentaux; ou le fait d’exercer sur les femmes une vengeance inspirée par la haine ethnique. Les femmes et les filles sont devenues les véritables victimes de ces guerres et conflits armés, dont les pires se déroulent aujourd’hui sur mon continent, l’Afrique. La traite des femmes et des filles et leur exploitation aux fins de la prostitution et de la pornographie sont devenues l’un des plus graves problèmes auxquels la communauté internationale soit confrontée. Nous devons condamner ces crimes abominables et, mieux encore, nous devons y mettre un terme sans délai.

De plus, des lois discriminatoires continuent de régir le mariage, l’administration des biens du ménage ainsi que le droit de posséder de la terre et les droits successifs. De la sorte, les femmes sont privées non seulement de leur droit à un statut égal au regard de la loi, mais aussi de leurs droits économiques et de la possibilité d’améliorer leur condition. Par ailleurs, le droit des femmes à la santé reste rogné par l’inégalité de l’accès aux soins de santé; les taux de mortalité maternelle et infantile demeurent intolérablement élevés dans de nombreux pays; et il existe très peu de programmes efficaces de lutte contre la pandémie de VIH/sida parmi les femmes vivant dans de nombreuses parties du monde, en particulier en Afrique.

La santé des femmes en matière de reproduction demeure menacée par l’absence de services de planification de la famille ou les lacunes des services existants. Par ailleurs, les femmes ne disposent pas des mêmes droits que les hommes dans le domaine du travail, qu’il s’agisse de l’égalité de rémunération pour un travail égal et un travail d’égale valeur, des prestations sociales et des prestations en matière de santé et de retraite liées à l’emploi, ou de l’égalité des chances en ce qui concerne l’emploi, la promotion et la protection contre les licenciements.

Les femmes restent insuffisamment représentées dans la vie politique et économique. Elles continuent de n’occuper qu’un nombre très faible de postes dans les secteurs public et privé, ainsi que dans les syndicats. Elles sont très mal représentées aux niveaux supérieurs de la prise de décisions. En 1999, il y avait plus de 25 % de femmes au Parlement dans 14 pays seulement. Le chef d’État est une femme dans seulement sept pays et 11 pays seulement ont placé une femme à la tête de leur Mission auprès de l’Organisation des Nations Unies. Au niveau international, les femmes sont très peu nombreuses à participer au rétablissement de la paix, au maintien de la paix et à l’imposition de la paix. Il s’agirait notamment de les faire associer à la diplomatie préventive, aux négociations engagées pour régler les conflits et à la consolidation de la paix et à la reconstruction après les conflits. L’obstacle le plus insidieux à l’égalité de représentation des femmes au sein du processus décisionnel est peut-être la persistance de stéréotypes qui leur sont défavorables, et qui perpétuent la discrimination et des préjugés tenaces.

Il nous reste un long chemin à parcourir pour réaliser les objectifs énoncés dans le Programme d’action de Beijing. Je crois toutefois qu’il n’y a jamais eu de meilleur moment pour progresser rapidement dans ce domaine. Nous comprenons mieux maintenant qu’en causant des préjudices aux femmes, la discrimination retarde le progrès économique. Nous constatons également que lorsqu’on empêche les femmes de développer toutes leurs virtualités et de jouir de leurs droits fondamentaux, civils, économiques et politiques, les familles comme les pays en subissent les conséquences sociales.

Dans leur combat courageux pour l’égalité, les femmes ont des alliés et des partenaires. C’est ainsi qu’elles peuvent compter, en nombre de plus en plus important, sur des hommes, des jeunes et des chefs religieux intelligents. Les gouvernements, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales ainsi que le secteur privé collaborent à bien des niveaux pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Ainsi par exemple, des sociétés privées se sont rendus compte qu’en le faisant, ils servaient à la fois leur intérêt personnel bien compris et leurs intérêts commerciaux.

À cet égard, les organisations non gouvernementales n’ont pas cessé de jouer un rôle indispensable, constructif et novateur. Samedi, la Conférence des ONG m’a présenté un « Rapport global sur les solutions proposées par les ONG » que les États Membres sont invités à examiner pendant la session extraordinaire en cours – Beijing+5. Je crois que ce rapport a été distribué à toutes les délégations.

D’un autre côté, il faut souligner que les politiques nationales sur l’égalité entre les sexes et l’application du Programme d’action ne doivent pas être des mesures prises après coup ou en rester au stade de la déclaration politique ou de la stratégie électorale. Les ressources nécessaires à la réalisation des objectifs en matière d’égalité entre les sexes doivent être mobilisées et utilisées. Les ressources nécessaires à l’égalité entre les sexes doivent constituer un élément important de la coopération internationale en faveur du développement.

Un certain nombre de facteurs devraient permettre à la session extraordinaire en cours de déboucher sur des résultats positifs. Les femmes et les hommes, les gouvernements et les parlements et les organisations non gouvernementales se préparent depuis des mois en vue de cette session d’une semaine. Les réunions régionales qui ont eu lieu ont renforcé la dynamique de l’engagement et de la responsabilité. Le nouveau siècle n’a pas encore six mois que nous avons déjà tous le sentiment d’un nouveau départ. Dans le courant de l’année, au mois de septembre, les chefs d’État ou de gouvernement se réuniront dans cette même salle pour tenir l’Assemblée du millénaire. L’action collective que nous déployons ici devrait orienter les débats de ce sommet et son issue finale. Dans un rapport qui lui a valu beaucoup d’éloges, « Nous peuples des Nations Unies : le rôle des Nations Unies au XXIe siècle », le Secrétaire général a ouvert des perspectives d’avenir claires et énoncé des idées courageuses qui aideront à rendre l’avenir plus brillant, plus doux, plus pacifique et plus prospère pour tous.

La session extraordinaire en cours doit absolument répondre à l’attente des milliards de femmes du monde. Elles ne sont pas seules dans cette lutte. Nous sommes tous là pour mettre en pratique des idées, honorer des engagements et répondre à des préoccupations qui sont celles d’un grand nombre de citoyens des divers pays du monde, lesquels sont véritablement déterminés à faire triompher l’égalité entre les sexes, la paix et le développement. Le débat que nous aurons cette semaine encouragera et fortifiera le dévouement de toutes ces femmes qui se battent avec tant de courage. Nous ne pouvons pas les décevoir. La Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme sont à la fois notre source d’inspiration et notre bouclier face à toutes les incertitudes. La victoire ne fait aucun doute.

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