LE PROCUREUR DES TRIBUNAUX SPECIAUX POUR L'EX-YOUGOSLAVIE ET LE RWANDA REND COMPTE DE SES SUCCES ET DE SES DIFFICULTES
Communiqué de Presse
CS/1196
LE PROCUREUR DES TRIBUNAUX SPECIAUX POUR L'EX-YOUGOSLAVIE ET LE RWANDA REND COMPTE DE SES SUCCES ET DE SES DIFFICULTES
20000602M. Jean-David Levitte (France) a présidé le Conseil de sécurité qui a entendu, ce matin, un exposé de Mme Carla Del Ponte, Procureur du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie et du Tribunal pour le Rwanda. Le Procureur a évoqué la situation du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie en se félicitant de la coopération de la Croatie et en notant, toutefois, les améliorations à apporter en ce qui concerne l'accès "aux témoins délicats" et aux documents détenus par le Gouvernement croate. Mme Del Ponte a en revanche dénoncé l'absence de coopération continue de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) qui, a-t-elle estimé, ne risque pas de s'améliorer après la décision du Tribunal selon laquelle il n'existe aucune base permettant de lancer une enquête concernant les allégations, présentées notamment par la RFY sur les crimes qu'auraient commis l'OTAN lors des bombardements de l'année dernière. Bien que certaines erreurs aient été commises par l'OTAN, a dit Mme Del Ponte, rien ne permet d'affirmer que la population civile a été spécifiquement visée.
La Fédération de Russie a jugé cette décision prématurée en soulignant la superficialité des critères qui l'ont motivée. En ce qui concerne le fonctionnement même du Tribunal, Mme Del Ponte a mis l'accent sur le conflit qui existe parfois entre la nécessité de garantir l'équité de la justice et celle d'assurer une justice rapide. A cet égard, elle a avancé plusieurs recommandations comme l'augmentation du nombre de juges et la mise en place d'un mécanisme de liberté sous caution. Elle a mis l'accent sur les recommandations du Président du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie visant à nommer des juges suppléants et à déléguer une certaine part du travail avant-procès à des juges qui agiraient pour le compte des Chambres. Apportant leur appui aux activités du Tribunal, les intervenants se sont félicités de la coopération de la Croatie, de la nouvelle attitude des dirigeants de la Republika Srpska et condamné, la RFY pour son manque de coopération.
Le représentant de la Fédération de Russie a, au contraire, dénoncé la tendance anti-serbe du Tribunal. Pour lui, le Tribunal ne saurait contribuer à la normalisation du processus politique dans la région. Il a jugé inacceptable que les activités du Tribunal visent en fait à forcer les hommes politiques serbes à être plus obéissants. Il a appelé le Conseil à suivre de très près l'ensemble des questions intéressant les activités du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie qui est " de moins en moins perçue par la Fédération de Russie comme un organe impartial".
Mme Del Ponte a poursuivi sur la situation du Tribunal pour le Rwanda en se félicitant du retour à une franche coopération avec les autorités rwandaises. Certains des fugitifs se trouvant en République démocratique du Congo (RDC), elle a souhaité que la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) ait un mandat similaire à celui de la Force multinationale de stabilisation en Bosnie- Herzégovine (SFOR) en ce qui concerne l'arrestation de ces accusés. Elle a également fait part des initiatives prises pour accélérer les procès dont celle consistant à juger les accusés par groupes lorsqu'ils doivent répondre des mêmes crimes et des mêmes faits. Dans le même ordre d'idées, elle a cité l'initiative du Gouvernement rwandais de recourir à des "procès traditionnels" permettant de juger une partie des 8 000 détenus en attente de jugement dans les prisons rwandaises selon la loi coutumière. Cette pratique a suscité un certain nombre de questions de la part des délégations, les Etats-Unis estimant, pour leur part, qu'il faut s'abstenir de juger les pratiques judiciaires locales et que ce qui importe c'est que justice soit rendue dans les formes. Mme Del Ponte a évoqué les enquêtes financières qui sont par les deux Tribunaux, en soulignant que la question est d'une importance particulière pour le Rwanda puisque la confiscation des biens des accusés permettrait d'indemniser les victimes. Elle a donc plaidé pour une révision des règles de procédure du Tribunal qui ne prévoient pas la peine accessoire de la confiscation des biens.
Le représentant du Rwanda a dénoncé la politique de deux poids deux mesures qui consiste à accorder une protection plus grande aux familles des accusés appelées à témoigner à Arusha qu'aux témoins de l'accusation abandonnés à la vindicte populaire. Dans le même contexte, il s'est étonné qu'à mesure que le temps passe, les peines semblent moins lourdes pour les mêmes faits.
Les représentants des pays suivants ont également pris la parole : Malaisie, Royaume-Uni, Argentine, Bangladesh, Pays-Bas, Canada, Chine, Jamaïque, Mali et France.
Exposé de Mme Carla Del Ponte, Procureur du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 et du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais accusés de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994
Mme CARLA DEL PONTE a évoqué la question des plaintes concernant les crimes qu'aurait commis l'OTAN, l'année dernière, pendant la campagne de bombardements contre la République fédérale de Yougoslavie. Ces allégations, a-t-elle dit, ont été présentées au Bureau du Tribunal et la République fédérale de Yougoslavie, elle-même a présenté certains documents. Etant donné que le Tribunal a compétence sur tous les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie, les allégations ont été prises en compte. A la suite d'un examen approfondi, le Procureur a annoncé au Conseil qu'il n'existe aucune base permettant de lancer une enquête concernant ces allégations. Bien que certaines erreurs aient été commises par l'OTAN, a-t-elle ajouté, il est permis de dire que les civils n'ont pas été spécifiquement visés. Le rapport et les critères suivis dans l'analyse de ces allégations seront rendus publics dans un proche avenir, a dit Mme Del Ponte, avant de préciser que ces événements ont mis à mal la coopération entre le Tribunal et la République fédérale de Yougoslavie. Depuis lors, la coopération est nulle, ce qui a gêné les enquêtes concernant les victimes serbes en particulier, celles qui résident en République fédérale de Yougoslavie. Mme Del Ponte a précisé que les enquêteurs ne reçoivent pas de visas pour se rendre sur les lieux, concluant que les allégations présentant le Tribunal comme une instance anti-serbe sont caduques étant donné le manque de coopération de la République fédérale de Yougoslavie, elle-même. En ce qui concerne la Croatie, le Procureur s'est félicitée d'une coopération "quasiment complète", en notant toutefois un domaine qui demande des améliorations, celui de l'accès aux "témoins délicats" et aux documents détenus par le Gouvernement croate. Des progrès sont déjà réalisés, a-t- elle dit, et il est permis d'espérer que la Croatie respectera pleinement ses obligations de coopérer avec le Tribunal. Elle a évoqué en outre la question de la durée des procédures, des procès et des détentions. La nécessité de garantir l'équité entre parfois en conflit avec celle d'assurer une justice rapide, a-t-il dit, en attirant l'attention sur les efforts visant à augmenter le nombre des juges et à créer des mécanismes de liberté sous caution. En ce qui concerne ces mécanismes, le Procureur a jugé important qu'ils ne s'appliquent pas aux accusés transmis par la SFOR étant donné qu'on ne peut relâcher des personnes à des endroits où le Tribunal ne peut faire suivre ses ordres sans la coopération de l'Etat concerné. Le Procureur a fait part du rapport du Président du Tribunal sur la question qui propose notamment la nomination d'un ensemble de juges suppléants et la délégation d'une certaine partie du travail avant le procès à des juges qui agiraient pour le compte des Chambres. Le Procureur a manifesté son appui à ces recommandations.
Venant à la situation du Tribunal pour le Rwanda, le Procureur a évoqué la révision du procès de Baragawisa par la Chambre d'appel qui a demandé son maintien en détention. Cette décision, a dit la Procureur, a modifié les relations de coopération avec le Gouvernement rwandais. S'étant rendu sur place, Mme Del Ponte a dit qu'elle a profité de ces occasions pour rencontrer les membres du Gouvernement et le Procureur général. Aujourd'hui, a-t-il estimé, la coopération est revenue à de meilleures conditions. Le Gouvernement rwandais a d'ailleurs décidé de lui octroyer un visa permanent d'entrée au Rwanda. La Procureur a expliqué que le Bureau de Kigali se concentre davantage sur les enquêtes, les équipes chargés des procès ayant été déplacées à Arusha. Aujourd'hui, 42 détenus sont à Arusha et il est prévu d'arrêter les 13 fugitifs qui demeurent en fuite. Certains d'entre eux se trouvent en République démocratique du Congo, il serait souhaitable, a dit le Procureur, que la MONUC ait un mandat similaire à celui de la SFOR pour obtenir l'arrestation de ces accusés. Le Procureur s'est félicitée de la coopération du Tribunal avec les Etats africains et européens qui permet la localisation des personnes recherchées. A ce jour, à Arusha, 8 personnes ont été condamnées et trois ont plaidé coupable dont le journaliste belge qui vient d'écoper d'une peine de 12 ans de prison. Actuellement, un seul procès est en cours et cela veut dire que 4 procès attendent d'être initiés. Les retards, a expliqué le Procureur, sont la conséquence des 12 appels interjetés par la défense. Ces appels font suite, a dit Mme Del Ponte, à la demande que j'ai fait de rassembler les accusés lorsqu'ils doivent répondre des mêmes crimes et des mêmes faits. Cela concerne notamment 8 anciens ministres, 4 militaires, 3 journalistes et 6 accusés et 4 autres accusés. 35 détenus sont donc en attente et les procès devraient commencer, cette année, puisque la Chambre d'appel se prononcera bientôt. Evoquant un autre problème, Mme Del Ponte a mis l'accent sur la question des fosses communes qui n'ont toujours pas été ouvertes. En coopération avec les autorités rwandaises, ces fosses devraient ouvertes prochainement parce que, a souligné Mme Del Ponte, la présence de 30 à 50 corps reposant parfois dans des latrines est une chose inacceptable du point de vue pénal et judiciaire mais aussi du point de vue de la dignité humaine. Les équipes de médecins légistes devraient d'ailleurs être dépêchées, à la fin du mois d'octobre au Rwanda, pour sortir ces corps des fosses.
Le Procureur a également évoqué ses rencontres avec les rescapés du génocide dont les conditions de vie demeurent difficiles. En ce qui concerne les conditions de détention, il a dit avoir visité deux prisons de 2000 places qui abritent aujourd'hui 8000 détenus. Le Ministre de la justice s'est montré concerné par ce problème, a dit Mme Del Ponte en annonçant la décision du Gouvernement d'introduire un système de justice consistant à renvoyer ces prisonniers dans leur village pour subir un procès "traditionnel". C'est une bonne chose, a-t-elle dit, car il existe une impossibilité objective de traduire en justice tous ces détenus.
Concluant, elle a indiqué que 90 suspects font l'objet d'enquêtes sur leur responsabilité dans des actes de génocide et d'autres violations du droit international humanitaire. La priorité est donnée aux viols, a ajouté Mme Del Ponte en indiquant qu'il est permis d'espérer que les actes d'accusation seront prêts d'ici à la fin de l'année prochaine. Des enquêtes financières ont également été entamées pour le Rwanda et l'ex- Yougoslavie pour lesquelles, a ajouté le Procureur, il faut des équipes renforcées. Il s'agit, a-t-elle insisté, d'un aspect important des activités des Tribunaux. Il faudrait envisager la possibilité de confisquer les ressources financières de ces accusés pour financer l'indemnisation des victimes. Cela est particulièrement important pour le Rwanda, a dit le Procureur, en indiquant qu'en la matière le problème vient des règles de procédure du Tribunal qui ne prévoient pas la peine accessoire de la confiscation des biens séquestrés. Il faut un changement des règles, a-t-il estimé.
M. HAGAM HASMY (Malaisie) a rappelé l'importance des deux tribunaux spéciaux qui marquent un engagement en faveur de la paix dans des régions qui ont été en proie à des violences. Il a insisté sur l'indispensable coopération des Etats Membres qui se doivent d'appuyer les tribunaux internationaux spéciaux qui ne disposent pas de la force de police nécessaire pour arrêter les prévenus, ni de l'administration nécessaire à leur fonctionnement. S'il s'est félicité des résultats obtenus par le Tribunal spécial pour le Rwanda, il a regretté le manque de coopération de la République fédérale de Yougoslavie et a estimé urgent que les criminels de guerre soient traduits en justice, afin d'attester de la fermeté de la communauté internationale et de guérir et apaiser la population locale. En conclusion, il a rappelé qu'il importe d'appuyer les tribunaux dans toutes leurs fonctions.
M. JEREMY GREENSTOCK (Rayaume-Uni) a confirmé son appui aux tribunaux spéciaux et à Mme Del Ponte. Il s'est félicité des dernières arrestations et des jugements importants prononcés par les deux tribunaux. Il s'est également félicité de la meilleure coopération d'une part, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine avec le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie et d'autre part, de celle du Rwanda. Toutefois, il s'est inquiété du nombre élevé de criminels qui sont encore en liberté. A cet égard, il a demandé à tous les Etats d'arrêter les criminels qui se trouvent sur leur territoire et a condamné Belgrade pour son manque de coopération.
Estimant indispensable que les deux tribunaux puissent juger rapidement les criminels, M. Greenstok s'est déclaré préoccupé par les retards dans les procédures, du fait notamment, du manque de ressources. Dans le même ordre d'idées, il s'est félicité des mesures visant à accélérer les procédures avant le procès.
M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) s'est félicité de la formule choisie par le Conseil pour examiner le fonctionnement des deux tribunaux qu'il a créés. Il s'est félicité en outre du fonctionnement de ces institutions qui ont permis de réaliser de grands progrès au niveau du droit international, notamment en prévision de la création de la Cour pénale internationale. Estimant que la préoccupation principale et la plus alarmante demeure la coopération de tous les Etats Membres en vue de l'application de toutes les décisions du Tribunal, il a rappelé que le manque de coopération des gouvernements est une attitude négative qui sape les efforts de la communauté internationale. Il a vivement regretté devoir une nouvelle fois appeler les Etats à coopérer avec les Tribunaux spéciaux pour le Rwanda et l'ex- Yougoslavie. Il s'agit là d'une obligation juridique de laquelle dépend la possibilité de rendre justice puisque ces tribunaux ne disposent pas de moyens coercitifs propres, a-t-il souligné. Cette non-coopération apparaît comme une violation du statut même de ces tribunaux sur laquelle il faudra sans doute prendre une décision ultérieure.
Il importe que les tribunaux soient dotés de ressources humaines et financières suffisantes et appropriées pour assurer leur efficacité à tous les stades de leur fonctionnement. A cet égard il a demandé des précisions sur l'attribution du poste vacant l'année dernière au Bureau du procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda et sur la formation du nouveau personnel. Il a demandé de plus amples explications sur l'efficacité du système de soutien administratif, particulièrement en ce qui concerne la coordination du Tribunal pour le Rwanda avec la défense et le Bureau du procureur, les questions de traductions, de locaux.
M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a rendu hommage au travail de Mme Del Ponte et s'est félicité des arrestations et des jugements rendus ces dernières années. Il a ensuite abordé la question de la saisie des personnalités de haut niveau mises en accusation par les tribunaux. Il s'est indigné que certaines personnes n'aient pu être arrêtées après avoir été mises en accusation depuis cinq ans. En ce qui concerne la coopération des Etats avec les Tribunaux, il s'est félicité de la bonne coopération des Etats africains avec le tribunal pour le Rwanda et de la meilleure coopération de la Croatie et de la Bosnie- Herzégovine avec le tribunal pour l'ex-Yougoslavie.
Sur la question des ressources, le représentant a estimé que l'augmentation du nombre de détenus appelle d'une manière urgente à un meilleur soutien des tribunaux. Il a demandé au Secrétariat de présenter rapidement des recommandations en vue d'une décision relative au fonds d'affectation spéciale des tribunaux. Il a insisté sur l'importance du travail des tribunaux tant pour la paix que pour la recommandation.
M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) a estimé qu'il faut tirer parti de cette occasion pour réfléchir aux liens qui existent entre maintien de la paix et justice. Il a considéré qu'il faudra se poser les mêmes questions sur le conflit en Sierra Leone et sur la responsabilité de M. Foday Sankoh. Il a regretté que, par le passé, l'amnistie ait été accordée à M. Sankoh en pensant qu'il fallait alors favoriser la paix sur la justice. Il a ensuite cité l'exemple de l'Afrique du Sud qui a réussi, grâce à ses institutions et procédures judiciaires, à dépasser son passé. Se penchant sur la situation au Rwanda, M. Holbrooke s'est félicité de l'amélioration de la coopération avec le tribunal. Il est revenu sur la pratique du "Gacaca" qui a permis de juger les criminels dans les villages. Il a demandé à ce que l'on ne juge pas ce système judiciaire sans prendre en compte les spécificités locales ou la charge de travail du Tribunal international. Il a estimé que ce qui importe c'est que justice soit rendue et que les formes en soient respectées. Au sujet des retards accumulés dans les procédures du tribunal international, M. Holbrooke a espéré que le Tribunal serait à même de soumettre un calendrier plus précis. Il a lié la question du Rwanda à celle de la République démocratique du Congo. Rendant compte de son voyage à Lusaka, M. Hoolbrooke s'est félicité de la perspective de la réunion du 15 et 16 juin avec le Comité politique au Siège des Nations Unies.
Il a rappelé que pour remplir les objectifs du Tribunal pénal pour le Rwanda une complète coopération des Etats concernés est nécessaire. Il a souligné l'aspect essentiel d'un effort régional concerté pour assurer la paix dans la région. Il est donc indispensable que le tribunal puisse fonctionner plus efficacement et accélérer ses procédures. Il a estimé qu'un Tribunal international ne doit pas être mis en cause pour son fonctionnement administratif. Il faut parler plutôt des résultats obtenus, tout en se fixant comme objectif d'accélérer le travail. En conclusion, il a insisté sur le fait que les personnes mises en accusation par le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie soient traduites en justice rapidement.
M. PETER VAN WASLUM (Pays-Bas) s'est félicité de l'amélioration de la coopération entre le Tribunal pour l'ex- Yougoslavie et la Croatie. Il a salué la transparence dans laquelle le Gouvernement croate aborde désormais ces questions. Le représentant a pris note des problèmes restant à régler comme celui de l'accès aux témoins importants à tous les documents. Il a dit espérer un prompt règlement de cette question car il serait surprenant que le Gouvernement croate continue de garder des documents pour des "raisons techniques" tout en souhaitant coopérer avec le Tribunal, a-t-il dit. Au vu de la coopération croate, le représentant a condamné l'attitude de la République fédérale de Yougoslavie. Venant au Rwanda, il a salué l'amélioration de la coopération avec le pays et a accueilli avec satisfaction l'arrestation et la condamnation du journaliste belge car, a-t-il rappelé, au cours de la visite du Conseil de sécurité dans les Grands Lacs, la Mission a appris que le rôle de Radio Mille Collines pour laquelle le journaliste en question travaillait continue ses programmes. Le représentant a demandé dans quel endroit le journaliste passera sa peine de prison. Evoquant la décision du Gouvernement rwandais de procéder à des "procès traditionnels", le représentant a douté qu'il s'agisse là de la solution idéale. Il a demandé des précisions sur ce point car il s'agit d'une notion inconnue ou trop peu connue, à ses yeux. Il a conclu en répétant que les Tribunaux jouent un rôle important dans la mesure où ils sont un terrain d'essai pour la création et le fonctionnement de la Cour pénale internationale. Il a appuyé les propos des Etats-Unis en ce qui concerne la Sierra Leone en arguant que la leçon la plus importante que l'on peut tirer de la situation est que l'impunité n'est jamais la solution. Il a dit espérer que les Etats-Unis pourront surmonter leur position quant à la création de la Cour pénale internationale.
M. ROBERT R. FOWLER (Canada) est revenu sur les rôles des Tribunaux pour mettre fin au cycle de l'impunité. Il a salué le succès du Tribunal pour le Rwanda avant de s'attarder aux activités du Tribunal pour l'ex Yougoslavie et d'insister sur la nécessité d'une pleine coopération des Etats concernés. Il s'est félicité de la position récente de la Republica Sprska et de l'attitude désormais positive de la Croatie. Rappelant la contribution de son pays au fonctionnement du Tribunal pour l'ex- Yougoslavie, il a, par ailleurs, salué l'amélioration de la coopération entre le Rwanda et le Tribunal. Il a promis une aide au Procureur dans l'élaboration d'un mécanisme permettant de saisir les biens des personnes inculpées.
M. GENNADI GATILOV (Fédération de Russie) a estimé que les activités du Tribunal pour le Rwanda est appelé à devenir un facteur important de stabilité dans la région des Grands Lacs. Il a relevé les insuffisances du Tribunal en rappelant que depuis six ans, la poursuite des personnes accusées n'a pas produit de résultats sérieux pour la normalisation de la situation au Rwanda et la prévention d'actes similaires dans la région. La lenteur des travaux s'explique par le manque de coopération des Gouvernements et il s'agit là, a convenu le représentant, d'un facteur important. Il évoqué le rapport du Groupe d'experts sur l'efficacité du Tribunal pour le Rwanda qui parle de retards dans l'application de la justice due à une planification insuffisante et au caractère chaotique de certaines activités. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement rwandais a cessé de coopérer avec le Tribunal, a estimé le représentant en ajoutant que la création d'un Tribunal international impartial demandé par le Conseil n'est pas encore une réalité. Il a appuyé tout effort visant à renforcer l'efficacité du Tribunal comme l'augmentation du nombre de juges et la création d'une chambre supplémentaire. Il semble que le fonctionnement du Tribunal dépend du perfectionnement des procédures et des méthodes de travail, a insisté le représentant en souhaitant une application des recommandations du Groupe d'experts.
Abordant la situation du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, le représentant a réitéré la disposition de son pays à coopérer avec l'instance. Il a toutefois dénoncé la politisation du travail et les opinions préconçues en ce qui concerne la République fédérale de Yougoslavie. Le Tribunal ne contribue pas à la normalisation du processus politique et ses activités s'avèrent destructrices pour la normalisation dans les Balkans, a dit le représentant. Le Tribunal a une tendance anti-serbe comme le démontrent les statistiques et ses activités sont axées sur les dirigeants serbes, contrariant ainsi la population serbe, a dit le représentant en poursuivant sur le fait que les activités du Tribunal visent en fait à forcer les hommes politiques serbes à être plus obéissants, ce qui, a-t-il ajouté, est inacceptable. Le représentant s'est également dit préoccupé par les séances à huis clos qui sont en contradiction avec l'acte de création du Tribunal. Il s'est opposé à l'utilisation de la SFOR à des fins en contradiction flagrante de leur mandat. Ayant pris note des informations au sujet des enquêtes sur les bombardements de l'OTAN, il a estimé que la décision de cesser les enquêtes est prématurée et qu'il faut des critères plus sérieux et plus approfondis avec tout prise de décision. Chaque fait doit être examiné et les informations pertinentes doivent être portées à l'attention du Conseil. Le représentant s'est dit préoccupé par le budget du Tribunal qui est de 100 millions de dollars auxquels viennent s'ajouter d'importantes contributions volontaires. Il a rappelé les recommandations du CCQAB sur la nécessité de rationaliser les dépenses du Tribunal et appelé le Conseil à suivre de très près l'ensemble des questions intéressant les activités du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie qui est " de moins en moins perçue par la Fédération de Russie comme un organe impartial".
M. SHEN GUOFANG (Chine) a évoqué la question de la coopération des tribunaux avec les Etats concernés. Il a estimé qu'il convient effectivement que le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie procède à des enquêtes sur les activités de l'OTAN, voire de l'ONU si c'est nécessaire. En ce qui concerne le fonctionnement du tribunal international pour le Rwanda, il a reconnu la difficulté de sa tâche et a, à cet égard, insisté sur la nécessaire collaboration des Etats concernés. Il a espéré que les activités des deux tribunaux favoriseront les procédures de réconciliation nationale.
Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a exprimé son soutien aux activités des tribunaux, estimant la coopération internationale indispensable pour passer un message ferme sur le fait qu'il n'y aura pas d'impunité. Elle a estimé que le bon fonctionnement des tribunaux dépend de l'entière coopération des Etats et qu'en l'absence de coopération le Conseil se doit de prendre des mesures appropriées. Elle s'est félicitée de l'annonce faite par Mme Del Ponte de l'amélioration de la coopération avec la République fédérale de Yougoslavie.
Concernant la lenteur des procédures, Mme Durrant a reconnu la validité des recommandations du groupe d'experts visant à réduire la durée des jugements. Elle a noté que nombre de recommandations des experts relèvent de prérogatives du Conseil qui devra sans doute modifier les statuts des tribunaux de façon à augmenter le nombre de juges. La représentante a attiré l'attention sur le fait que la justice doit non seulement être rendue, mais aussi être appliquée et cela rapidement. Elle a toutefois insisté sur le fait que les procédures doivent comporter des garanties pour les accusés. Réitérant son plein appui au tribunaux internationaux, Mme Durrant s'est demandée s'il ne faudrait pas étendre leurs mandats.
M. MOCTANE OUANE (Mali) a appuyé les activités des Tribunaux qui ont été créés pour "exprimer la détermination du Conseil de sécurité de traduire en justice les personnes responsables de violations du droit international humanitaire." Il a appelé le Conseil à assumer sa responsabilité, à apporter son appui aux Tribunaux et à n'épargner aucun effort pour renforcer leur efficacité. Le représentant s'est également attardé sur l'importance de la coopération des Etats en arguant que les peines prononcées par les Tribunaux mettent en exergue la nécessité de cette coopération. Il a annoncé que son Gouvernement a signé un accord de coopération avec le Tribunal pour le Rwanda aux termes duquel les personnes condamnées pourraient purger leur peine au Mali.
M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a estimé que le Conseil se doit de soutenir l'action des Tribunaux étant à l'origine de leur création et ayant considéré que l'oeuvre de justice est inséparable du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a estimé que les informations apportées sur le Tribunal pour le Rwanda sont particulièrement précieuses en ce que le Conseil a compris depuis longtemps que justice doit toujours être faite. L'action du Tribunal est essentielle notamment à cause de la politique pénale de son Président qui a permis de poursuivre des dirigeants et des proches collaborateurs. S'agissant de l'ex-Yougoslavie, il a salué l'amélioration de la coopération entre la Croatie et le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie en soulignant, que malgré les améliorations supplémentaires à apporter, la tendance actuelle mérite d'être confortée. Ce développement, a insisté le représentant, jette une lumière sur l'absence de coopération de la part de la République fédérale de Yougoslavie. Le représentant a assuré le Procureur de l'appui constant de la France aux activités du Tribunal comme le montrent les efforts menés par la SFOR dans l'arrestation des personnes accusées.
M. JOSEPH MUTABOBA (Rwanda) a remercié les membres du Conseil pour leur travail en faveur de la justice et de la paix dans le monde. Il a également rendu hommage à Mme Del Ponte pour son travail depuis son arrivée au Rwanda. Il est ensuite revenu sur les débats antérieurs visant à forcer le Gouvernement du Rwanda pour qu'il coopère avec le Tribunal international. A cet égard, il s'est félicité de la compréhension qu'a témoignée Mme Del Ponte dès son arrivée. Reconnaissant les erreurs passées, il s'est réjoui des travaux en cours et de ce qu'il a été possible de faire plus avant afin faire plus avant qu'il ne soit trop tard. Concernant le nouveau chef enquêteur, il a demandé à ce que l'on recrute plus d'enquêteurs qualifiés. Il a exprimé le souhait que l'on recrute des enquêteurs rwandais plutôt que des réfugiés. Il a attiré l'attention sur le fait qu'un traducteur peut être un traître. A cet égard, il a cité l'exemple d'une mauvaise traduction qui a transformé "couper la gorge" en "légitime défense".
Le représentant a ensuite abordé la question des accusés qui ont réussi à appeler des témoins, notamment des membres de leur familles, qui une fois sortis du Rwanda n'y sont jamais revenus. Il a signalé que des équipes de surveillance ont fait sortir du Rwanda des parents de personnes emprisonnées à Arusha pour les protéger et les ont réinstallées dans d'autres pays. Il a ensuite abordé d'autres lacunes portant sur le recrutement de réfugiés et d'observateurs des droits de l'homme expulsés du Rwanda, tout en indiquant que
Mme Del Ponte a besoin de l'aide du Conseil pour changer cette situation. Il a attiré l'attention du Conseil sur les témoins qui ont été assassinés à leur retour d'Arusha et dont les familles n'ont reçu aucune compensation et n'ont pas bénéficié des mêmes facilités de relocation que les familles des criminels. Il a souligné les dangers de la politique de deux poids deux mesures au lieu d'une compensation égale pour tous.
Il s'est ensuite étonné des jugements rendus par le tribunal international, citant l'exemple du Premier Ministre Kambanda condamné à perpétuité et de Serushago à 15 ans alors que leurs responsabilités sont les mêmes. Il s'est étonné qu'aucun des juges en poste à Arusha n'ait pris la peine de se rendre au Rwanda, ne serait-ce que pour prendre connaissance des lieux de la tragédie. Il s'est finalement demandé pourquoi le Tribunal international ne demande pas l'arrestation des prêtres et des religieuses.
Répondant aux questions des délégations, Mme DEL PONTE a, concernant les "outreach programmes", indiqué que ces programmes relèvent de la compétence du Greffe du Tribunal. Elle a souligné qu'en la matière, le développement des programmes dépend d'abord et avant tout de la situation financière. Il est important, a-t- elle dit, que des audiences et des procès puissent se tenir à Kigali et que la population puisse y assister. Des contacts ont été pris avec le Ministre de la justice et le Président de la Haute Cour qui ont assuré qu'ils aménageraient une salle avec les exigences de sécurité requises. Les mêmes efforts sont déployés en ce qui concerne l'ex-Yougoslavie, a dit Mme del Ponte avant de répondre à une question sur la vacance des postes et le recrutement au Tribunal pour le Rwanda. Elle a souligné que les conditions de travail à Arusha demandant un tel sacrifice, qu'il devient difficile de trouver des candidats. Le Secrétariat a dépêché une équipe de travail sur le terrain pour étudier la question et essayer d'identifier des candidats. Des progrès ont été réalisés et le problème en tant que tel a été résolu, a affirmé le Procureur. Venant à la peine infligée au journaliste belge en réponse aux propos du Rwanda, le Procureur s'est refusé à commenter cette peine soulignant que pour lui l'important est la confirmation de l'acte d'accusation. Quant à l'endroit où il purgera sa peine, le Procureur a indiqué que détenteur de la nationalité belge et italienne, le journaliste a demandé à être incarcéré en Italie.
S'attardant à la question des "procès traditionnels", le Procureur a souligné qu'étant donné le nombre de détenus en attente, il ne peut s'agir que de la solution idéale. C'est une forme traditionnelle de justice qui s'exerce au niveau des villages et qui peut faciliter la réconciliation parce qu'elle bénéficie de l'adhésion de l'accusateur et de l'accusé, a estimé le Procureur, annonçant qu'une loi en ce sens est pour l'instant à l'étude au Parlement, étant donné l'urgence du problème. Le Procureur a, par ailleurs, appuyé les recommandations du Groupe d'experts citées par la Fédération de Russie. Là encore, il a souligné le problème des ressources nécessaires à l'application de ces recommandations. Pour ce qui est de l'intervention de l'OTAN au Kosovo, le Procureur a appuyé la Fédération de Russie qui a demandé une analyse des critères utilisés pour décider de ne pas poursuivre la procédure. Il a toutefois indiqué que la décision motivée sera d'abord présentée à ceux qui ont porté plainte comme la République fédérale de Yougoslavie. Evoquant la question du recrutement évoquée par le Rwanda, le Procureur a fait part des efforts faits pour améliorer la situation. Il a conclu en se déclarant stupéfait par les allégations de la Fédération de Russie quant à une politisation du travail du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie. Il a rappelé que cela fait deux mois qu'il essaye d'entrer en contact avec les autorités russes pour leur expliquer le travail du Tribunal. Rien de politique n'existe dans ce travail, a insisté Mme Del Ponte. Il s'agit d'appliquer des lois et de mener des enquêtes.
* *** *